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D I T O R I A L
Place et intérêt des antagonistes de
l’angiotensine II chez l’insuffisant rénal diabétique
Role and importance of angiotensin II antagonists in people with renal diabetic insufficiency
● D. Simon*
Mots-clés
Diabète de type 2 Néphropathie diabétique Système rénine-angiotensine Antagonistes de l’angiotensine II.
L
e diabète, et tout particulièrement le diabète de type 2,
est devenu la cause principale de l’insuffisance rénale
terminale aux États-Unis (1) comme en France
métropolitaine et d’outre-mer (2). Aujourd’hui, 40 % des patients
commençant une dialyse ont une néphropathie diabétique et, chez
les dialysés diabétiques, la mortalité est plus élevée de 22 % à un
an et de 15 % à 5 ans par rapport aux dialysés non diabétiques
(3). Par ailleurs, le diabète de type 2 est en expansion, parfois
qualifiée d’épidémique, du fait de la fréquence croissante de
l’obésité, elle-même conséquence des modifications du mode de
vie (4). Tout cela laisse prévoir que, dans les prochaines années,
de plus en plus de patients seront atteints d’insuffisance rénale
terminale d’origine diabétique. Cette perspective inquiétante renforce l’importance des données publiées récemment qui démontrent l’efficacité des antagonistes de l’angiotensine II (antiangio II) pour freiner l’évolution de la néphropathie diabétique
dans le diabète de type 2 (5, 6). Jusqu’à ces deux publications,
l’intérêt de bloquer le système rénine-angiotensine dans la
néphropathie diabétique n’avait été prouvé que dans le diabète
de type 1 (7), mais aucune donnée similaire n’avait été obtenue
chez des diabétiques de type 2 atteints de néphropathie.
DESCRIPTION DES ÉTUDES
Il s’agit de deux essais thérapeutiques internationaux, randomisés, en double aveugle, IDNT (Irbesartan Diabetic Nephropathy
Trial) (5) et RENAAL (Reduction of Endpoints in NIDDM with
the Angiotensin II Antagonist Losartan) (6), qui présentent beaucoup de points communs. En effet, ces deux essais ont évalué
l’efficacité d’un anti-angio II chez des diabétiques de type 2
* Service de diabétologie, hôpital de la Pitié, 75013 Paris, et INSERM U-258,
94807 Villejuif Cedex.
La Lettre du Cardiologue - n° 362 - février 2003
hypertendus, âgés de 30 à 70 ans, ayant une néphropathie avérée
avec une créatininémie < 30 mg/l, pour freiner à moyen terme
l’évolution de cette néphropathie. Dans les deux essais, le critère
principal de jugement était composite, fait du doublement du taux
de créatininémie à l’entrée dans l’essai, ou du passage à l’insuffisance rénale terminale (dialyse ou transplantation rénale), ou
du décès quelle qu’en soit la cause ; le critère de jugement secondaire, lui aussi composite, était fait des événements cardiovasculaires majeurs, mortels ou non. Les caractéristiques des patients
inclus dans ces deux essais sont présentées dans le tableau I.
Tableau I. Caractéristiques à l’inclusion des patients de l’étude IDNT
et de l’étude RENAAL.
IDNT
RENAAL
Effectif total
1 715
1 519
Définition de la protéinurie (mg/24 h)
900
500
Âge* (ans)
59 ± 8
60 ± 7
Hommes (%)
66
63
Origine ethnique (%)
✔ Blancs non hispaniques
73
49
✔ Hispaniques
5
18
✔ Noirs
13
15
✔ Asiatiques
5
17
Indice de corpulence* (kg/m2)
30,8 ± 5,8 29,5 ± 6,0
Pression artérielle (mmHg)
✔ systolique*
159 ± 19 152 ± 19
✔ diastolique*
87 ± 11
82 ± 11
Antécédents de maladies cardiovasculaires (%)
29
20
Rétinopathie (%)
67
64
Créatininémie* (mg/l)
17 ± 6
19 ± 5
HbA1c* (% d’Hb totale)
8,2 ± 1,7 8,5 ± 1,7
* m ± sd
IDNT a comparé l’irbésartan à la dose de 300 mg/j à l’amlodipine à la dose de 10 mg/j ou à un placebo, et RENAAL a comparé le losartan à la dose de 50 à 100 mg/j (71 % des patients de
ce groupe ont reçu 100 mg/j) à un placebo. Dans chacun des deux
essais, le tirage au sort initial a permis de constituer des groupes
comparables. L’objectif tensionnel était fixé à 135/85 pour
IDNT et < 140/90 pour RENAAL. Dans les deux études, pour
atteindre l’objectif tensionnel, tous les antihypertenseurs pouvaient être utilisés en dehors des inhibiteurs de l’enzyme de
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conversion (IEC) et des anti-angio II ; de plus, les inhibiteurs calciques ne pouvaient être ajoutés dans IDNT. Durant le suivi,
l’adaptation soigneuse du traitement antihypertenseur a permis
d’obtenir des chiffres tensionnels très voisins dans les différents
groupes de chaque étude, avec, dans les groupes placebo, une utilisation un peu accrue des antihypertenseurs ne faisant pas l’objet de l’évaluation. Cependant, dans IDNT, la pression artérielle
moyenne a été légèrement, mais significativement, plus élevée
(de 3,3 mmHg) dans le groupe placebo par rapport à chacun des
deux groupes recevant un traitement actif (p = 0,001 pour les deux
comparaisons), entre lesquels il n’y avait pas de différence. Dans
RENAAL, les chiffres tensionnels n’ont été significativement différents entre les deux groupes qu’à un an (plus élevés dans le
groupe placebo, de 4 mmHg pour la systolique et de 2 mmHg
pour la diastolique). Cependant, dans les deux études, la prise en
compte de ces minimes différences tensionnelles ne modifiait pas
les résultats observés sur l’évolution de la néphropathie. Par
ailleurs, il n’y a pas eu de différence entre les groupes pour l’évolution du contrôle glycémique durant le suivi.
RÉSULTATS DES ÉTUDES
COMMENTAIRES
Les données obtenues dans IDNT et dans RENAAL sont remarquablement similaires, comme l’indique le tableau II, qui présente les réductions du risque relatif pour les critères de jugement. L’efficacité de l’irbésartan et du losartan pour ralentir
l’évolution de la néphropathie chez le diabétique de type 2 apparaît indiscutable d’après ces résultats. Il convient d’ajouter que,
pour 100 patients-années, le critère composite principal a été
observé chez 12,5 sujets sous irbésartan, 16,2 sujets sous amlodipine et 15,5 sujets sous placebo dans IDNT, alors que, dans
RENAAL, les chiffres sont de 15,9 sujets sous losartan et
18,1 sujets sous placebo. L’effet des anti-angio II sur la fonction
rénale a également été mis en évidence dans les deux études par
une réduction de la protéinurie et par un ralentissement de la
baisse du taux de filtration glomérulaire. Si les événements cardiovasculaires ont semblé peu influencés par les anti-angio II, il
Tableau II. Résultats de l’étude IDNT et de l’étude RENAAL.
IDNT
faut cependant signaler que l’insuffisance cardiaque nécessitant
une hospitalisation a été réduite de 23 % sous irbésartan par rapport au placebo (p non publié !) et de 32 % sous losartan versus
placebo (p = 0,005). Il est aussi à noter que le risque d’infarctus
du myocarde non fatal a été réduit de 41 % sous amlodipine par
rapport au placebo (p ?). Enfin, il faut souligner la rareté des effets
indésirables graves observés attribuables aux anti-angio II : dans
IDNT, une seule élévation précoce de la créatininémie a amené
à interrompre le traitement en suspectant une sténose de l’artère
rénale, et une hyperkaliémie a entraîné l’arrêt de l’étude chez
1,9 % des sujets du groupe irbésartan contre 0,5 % pour le groupe
amlodipine et 0,4 % pour le groupe placebo (p = 0,01 pour les
deux comparaisons) ; en revanche, les patients du groupe irbésartan ont présenté significativement moins d’effets indésirables
que ceux des deux autres groupes (p = 0,002). Dans RENAAL,
des effets indésirables ont également moins souvent entraîné la
sortie d’étude sous losartan (17,2 % contre 21,7 % sous placebo),
et l’élévation de la créatininémie ou de la kaliémie a été à l’origine de la sortie d’étude pour respectivement 1,5 % et 1,1 % des
sujets sous losartan et 1,2 % et 0,5 % des sujets sous placebo.
RENAAL
2,6
3,4
I vs P : – 20 % (p = 0,02) L vs P : – 16 % (p = 0,02)
I vs A : – 23 % (p = 0,006)
✔ doublement de créatininémie* I vs P : – 33 % (p = 0,003) L vs P : – 25 % (p = 0,006)
I vs A : – 37 % (p < 0,001)
✔ insuffisance rénale terminale* I vs P : – 23 % (p = 0,07) L vs P : – 28 % (p = 0,002)
I vs A : – 23 % (p = 0,07)
✔ décès toutes causes*
I vs P : – 8 % (p = 0,57) L vs P : + 2 % (p = 0,88)
I vs A : + 4 % (p = 0,80)
Ces deux études construites selon une méthodologie irréprochable
et menées avec une grande rigueur démontrent l’intérêt de l’irbésartan et du losartan à fortes doses pour freiner l’évolution de
la néphropathie diabétique dans le diabète de type 2, en dehors
de tout effet tensionnel, et indiquent l’excellente tolérance de ces
traitements. Dans IDNT, la comparaison avec l’amlodipine, inhibiteur calcique de la famille des dihydropyridines, est à l’avantage de l’irbésartan, mais la large utilisation de dihydropyridines
comme traitement associé dans RENAAL (78 % des patients dans
le groupe losartan et 81 % dans le groupe placebo) montre que
les dihydropyridines n’annulent pas les effets bénéfiques du losartan. En revanche, les deux essais ne permettent pas d’expliquer
le mécanisme de la néphroprotection induite par les anti-angio II,
ni de savoir si ces molécules doivent supplanter les IEC ou s’ajouter à eux chez les diabétiques de type 2 hypertendus atteints de
néphropathie. La seule étude ayant évalué comparativement, à
court terme, un IEC (lisinopril) et un anti-angio II (candésartan)
suggère un effet synergique des deux types de molécule, sans
apporter de démonstration convaincante (8).
Durée du suivi (ans)
Critère composite principal*
Événements cardiovasculaires
majeurs*
I vs P : – 9 % (p = 0,40) L vs P : – 10 % (p = 0,26)
I vs A : + 3 % (p = 0,79)
* Réduction du risque relatif en comparant l’irbésartan (I) avec un placebo (P) et I avec l’amlodipine (A)
pour IDNT et le losartan (L) avec P pour RENAAL.
4
CONCLUSION
Les anti-angio II doivent incontestablement occuper une place
majeure dans l’arsenal thérapeutique chez les diabétiques de
type 2 hypertendus, et sans doute pas seulement à un stade de
néphropathie avancée. En effet, à côté de ces deux études s’adressant à des patients atteints de néphropathie évoluée, un essai de
prévention de la protéinurie chez des diabétiques de type 2 ayant
une microalbuminurie a été mené en utilisant l’irbésartan et a
donné des résultats très probants (9). L’enthousiasme né de ces
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publications récentes concernant l’effet des anti-angio II sur
l’évolution de la néphropathie chez les diabétiques de type 2
hypertendus ne doit pas, malgré tout, faire oublier l’importance
des modifications du mode de vie (régime hypocalorique, réduction des apports d’alcool et de sel, exercice physique), de l’arrêt
du tabac et du contrôle strict de la glycémie et des chiffres tensionnels et lipidiques pour prévenir la néphropathie et les complications cardiovasculaires chez les diabétiques de type 2 (3). ■
Bibliographie
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