Traitement par ARA2 dans la prise en charge de la néphropathie du

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Éditorial
Éditorial
Traitement par
ARA2 dans la
prise en charge
de la néphropathie du
diabète de
type 2
L
Thierry Hannedouche*
* Service de néphrologie, CHU de
Strasbourg.
Act. Méd. Int. - Hypertension (13), n° 6, juin 2001
e diabète de type 2 représente actuellement la première cause d’insuffisance rénale
terminale à travers le monde (50 % aux États-Unis) et celle ayant la plus forte progression (+ 15 % par an). Sans atteindre les valeurs absolues américaines, les données épidémiologiques en France et en Europe montrent une tendance similaire. Il
n’y a actuellement pas de traitement validé pour prévenir ou retarder la progression de la néphropathie du diabète de type 2 vers l’insuffisance rénale terminale.
La dernière session de l’American Society of Hypertension a été marquée par la présentation de deux grandes études randomisées contrôlées évaluant l’effet des antagonistes des
récepteurs de l’angiotensine II (ARA2) sur la progression de la néphropathie du diabète
de type 2. Les résultats détaillés de ces deux études sont soumis à embargo jusqu’à leur
publication prochaine dans un journal médical prestigieux. Ainsi, seules quelques grandes
lignes seront discutées ici.
L’étude RENAAL (Reduction of End Points in NIDDM with the Angiotensin II Antagonist
Losartan) a inclus 1 513 patients, âgés de 31 à 70 ans, tous diabétiques de type 2 avec une
néphropathie (protéinurie et souvent hypertension artérielle), qui ont été randomisés pour
recevoir, en plus du traitement antihypertenseur conventionnel, soit du losartan (50 à
100 mg/j), soit un placebo pendant une durée moyenne de deux ans. Le critère principal
de jugement était un critère combiné : doublement de la créatinine plasmatique, survenue
d’une insuffisance rénale terminale et décès. Pour un niveau tensionnel strictement comparable, le losartan réduit significativement le risque combiné d’aggravation de l’insuffisance rénale et de décès de 20 %, le risque d’insuffisance rénale terminale de 28 % et le
risque de doublement de la créatinine plasmatique de 25 %.
L’étude IDNT (Irbesartan in Diabetic Nephropathy Trial) a inclus 1 715 patients diabétiques de type 2 avec néphropathie (protéinurie et hypertension artérielle), qui ont été randomisés en trois groupes pour recevoir, en plus du traitement antihypertenseur conventionnel, soit de l’irbesartan (300 mg/j), soit de l’amlodipine (10 mg/j), soit un placebo
pendant une durée moyenne de 2,6 ans. Le critère principal de jugement était le délai de
survenue d’un événement combiné : doublement de la créatinine plasmatique, insuffisance rénale terminale et décès de toute cause. Pour un contrôle tensionnel légèrement plus
bas avec l’irbesartan et l’amlodipine par rapport au placebo, l’irbesartan réduit significativement le délai de survenue d’un événement combiné de 20 % par rapport au placebo
et de 23 % par rapport à l’amlodipine ; le délai de doublement de la créatinine plasmatique de 33 % par rapport au placebo et 37 % par rapport à l’amlodipine ; et enfin, le délai
d’insuffisance rénale terminale de 23 % par rapport au placebo et à l’amlodipine.
Ces études représentent une avancée importante dans la prise en charge de la néphropathie du diabète de type 2. Elles démontrent pour la première fois une réduction de l’évolution vers l’insuffisance rénale terminale. Dans RENAAL, le bénéfice est démontré sur un
critère de jugement “dur”, indiscutable : la mort rénale.
Dans ces deux études, l’amplitude de la réduction de la progression vers l’insuffisance
rénale terminale est comparable, ce qui sera probablement interprété comme un effet de
classe bénéfique des ARA2.
Dans RENAAL, et dans une moindre mesure, dans IDNT, la progression est ralentie pour
des valeurs tensionnelles identiques à celles des groupes placebo, ce qui démontre pour la
première fois dans ce type d’étude un effet spécifique néphroprotecteur des ARA2.
Dans IDNT, la branche amlodipine tend à avoir une évolution moins favorable que le placebo pour un niveau tensionnel plus bas. Cela confirme que l’effet rénal des différentes
classes de médicaments antihypertenseurs n’est pas identique et confirme les résultats préliminaires de AASK. On peut noter en revanche que dans RENAAL, plus de 50 % des
malades de deux groupes recevaient une dihydropyridine et que l’effet bénéfique du losartan était retrouvé malgré ce traitement.
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Ces études ne permettent pas de déterminer le mécanisme de l’effet néphroprotecteur. Il
est difficile d’apprécier l’impact direct de la baisse tensionnelle : les cibles choisies
étaient basses, en accord avec les recommandations actuelles, mais ces cibles ont été
difficiles à obtenir. Les doses maximales d’ARA2 ont été nécessaires chez plus de 80 %
des patients, la polythérapie était fréquente avec une dose moyenne de 3,5 médicaments
antihypertenseurs par patient. L’effet antiprotéinurique de ces médicaments est significatif mais semble assez modeste dans son amplitude.
La tolérance de ces produits a été excellente : peu d’insuffisance rénale aiguë fonctionnelle et d’hyperkaliémie. Cette bonne tolérance ne doit pas faire occulter la réalité : ces
patients ont bénéficié d’une surveillance optimale en milieu néphrologique spécialisé
par des équipes aguerries aux essais thérapeutiques ; les contrôles biologiques étaient
rapprochés, avec transmission immédiate des résultats par fax lorsque les valeurs sortaient de fourchettes prédéfinies ; la dose d’ARA2 était titrée progressivement avec
contrôle de la fonction rénale afin de prévenir l’insuffisance rénale aiguë fonctionnelle ;
enfin, l’hyperkaliémie était traitée systématiquement selon un protocole rigoureux et
prédéfini. Les indispensables contraintes d’une surveillance rigoureuse seront probablement “oubliées” lors de la promotion des ces médicaments. Cependant, il serait
imprudent d’extrapoler les résultats bénéfiques de ces études à des pratiques de suivi
non spécialisé et moins rigoureuses.
Il n’y a pas eu de réduction significative de la mortalité, globale ou cardiovasculaire,
dans ces deux études. La réduction de la mortalité de – 15 % a une amplitude comparable à celle observée dans HOPE mais n’atteint pas la significativité statistique, probablement en raison d’effectifs insuffisants. Sur ce point, la méta-analyse de ces deux
études permettra peut-être d’apporter une réponse positive, car les populations étudiées
sont très comparables.
Notons enfin que deux tiers des événements sont des “morts rénales” : dans la plupart
des pays du monde (à l’exception de quelques pays occidentaux où les structures de dialyse sont suffisantes), l’insuffisance rénale terminale est synonyme de mort du malade.
Dans RENAAL, on observe une diminution significative de 30 % des hospitalisations
pour insuffisance cardiaque congestive. Ce résultat est intéressant, car c’est la première fois qu’on démontre une réduction de cet événement sous ARA2 chez des patients avec
une fonction rénale altérée. En effet, toutes les études antérieures avaient exclu les
patients insuffisants rénaux avec une créatinine plasmatique supérieure à 200 µmol/l.
Chez ces patients avec une insuffisance rénale, diabétiques ou non, l’insuffisance cardiaque est caractérisée par une dysfonction diastolique et par la rétention hydrosodée
étroitement corrélée au degré d’insuffisance rénale. Le ralentissement de la progression
de l’insuffisance rénale par les ARA2 pourrait avoir indirectement réduit la survenue
des événements cardiaques en réduisant la progression de l’hypertrophie ventriculaire
gauche et de la rétention hydrosodée.
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