Radiothérapie métabolique S. Nahon* L a radiothérapie métabolique (ou radiothérapie interne pour les Anglo-Saxons) consiste en l'administration d'un radioélément dont le rayonnement des électrons va détruire les cellules qui l’ont accumulé sélectivement. Ce traitement, relativement spécifique pour un tissu donné, est le plus souvent palliatif. La radiothérapie métabolique (RM) est utilisée depuis longtemps dans le traitement de certaines maladies de la thyroïde, qu'elles soient cancéreuses ou bénignes comme les hyperthyroïdies. Le radioélément utilisé dans cette pathologie est l'iode 131, qui est particulièrement efficace. Récemment, cette technique s’est développée dans le traitement des tumeurs neuro-endocrines (TNE). Bases physiopathologiques de la radiothérapie métabolique dans le traitement des TNE Les TNE expriment des récepteurs à la somatostatine, ce qui a permis la détection scintigraphique des TNE par l'octréotide (analogue de la somatostatine) marqué au 111 inpentétréotide (111 In) par l'intermé- * Centre hospitalier intercommunal, Le Raincy-Montfermeil. diaire d'un chélateur, le DTPA – il s’agit de l’Octréoscan®. Cette technique permet de visualiser les TNE et leurs métastases dans 80 à 90 % des cas. Récemment, le marquage de l’octréotide par des émetteurs β de haute énergie a permis leur utilisation en radiothérapie métabolique. Krenning et al. ont proposé l'utilisation en RM du 111 In comme alternative thérapeutique à des patients ayant des TNE avec métastases multiples. Cet isotope émet des électrons de faibles énergies, qui ont un parcours d'action très court d’environ 10 µm. Cependant, l’efficacité de ces électrons de faibles énergies est limitée aux cellules exprimant fortement le récepteur de type 2 de la somatostatine. Le radioélément émetteur b90 yttrium (90 Y) est actuellement le radio-isotope le plus utilisé, il émet des électrons de très hautes énergies. Le couplage du 90 Y-octréotide est maîtrisé, notamment grâce au DOTA, chélateur plus puissant que le DTPA et plus stable ([90 ]DOTA-D-Phe 1-Tyr 3-octréotide ou [90 Y]DOTATOC). Ce composé possède une meilleure affinité que le pentétréotide pour les récepteurs de type 2 à la somatostatine. Des essais cliniques de phase II utilisant le [90 Y]DOTATOC sont actuellement en cours. Plus récemment, le 177 lutétium (177 Lu) a été proposé dans un essai clinique de Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 3, avril 2003 phase I, il est couplé à l’octréotate qui a l'avantage de se fixer encore plus fortement à la tumeur. Les résultats préliminaires des essais cliniques de ces nouveaux radiopharmaceutiques sont très encourageants, aboutissant à des réponses objectives de l’ordre de 25 à 50 %. La réponse tumorale semble être dépendante de la taille des tumeurs : le 177 Lu apparaît plus efficace sur les tumeurs de petite taille alors que l' 90 Y est plus efficace sur les tumeurs plus volumineuses. L'utilisation combinée de ces deux radiopharmaceutiques a été proposée et elle est en cours d’évaluation. Sur le plan clinique, plus des deux tiers des patients décrivaient des effets bénéfiques avec une disparition des flushs liés au syndrome carcinoïde, une disparition des douleurs et une amélioration de la qualité de vie. Aucune complication majeure n'a été signalée. On notait essentiellement des effets secondaires hématologiques (thrombopénie et lymphopénie). Ces troubles étaient toujours modérés et transitoires. Aucune complication rénale, hépatique, surrénalienne ou hypophysaire n'a été observée. Des nausées et vomissements, une recrudescence des flushs (liée à la libération de sérotonine par la lyse tumorale), ou des douleurs ont été signalés 85 Mot du mois Mot du mois pendant l’injection ou quelques jours après, cédant sous traitement symptomatique. L'évaluation complète de l'efficacité est en cours ; elle sera peut-être difficile en raison de l'hétérogénéité de la population des patients (nombre de métastases et grade de fixation tumorale du 111 In) et des protocoles d'administration (nombre de cures). Ces résultats prometteurs permettent d'envisager le traitement palliatif des TNE dans un avenir proche. Cepen- dant, ces techniques nécessitent encore d’être évaluées et, probablement, elles ne seront réservées dans un premier temps qu’à des centres spécialisées. Pour en savoir plus 1. De Jong M, Valkema R, Jamar F et al. Somatostatin receptor-targeted radionuclide therapy of tumors: preclinical and clinical findings. Semin Nucl Med 2002 ; 32 : 133-40. 2. Khayat E, Andrès E, Brunot B et al. Place de la scintigraphie des récepteurs à la somatostatine dans la prise en charge des tumeurs neuro-endocrines digestives. Médecine thérapeutique/Endocrinologies 2001 ; 3 (3). 3. Krenning EP, Valkema R, Kooij PP et al. The role of radioactive somatostatin and its analogues in the control of tumor growth. Recent Results Cancer Res 2000 ; 153: 1-13. 4. Nguyen C, de Labriolle-Vaylet C, Sobhani I et al. Radiothérapie interne des tumeurs neuro-endocrines avec métastases hépatiques. Médecine thérapeutique Endocrinologies 2001 ; 3 (3) : 212-6. 5. Smith MC, Liu J, Chen T et al. OctreoTher : ongoing early clinical development of a somatostatin-receptor-targeted radionuclide antineoplastic therapy. Digestion 2000 ; 62 (suppl 1) : 69-72. ALJAC SA - Locataire-gérant de Medica-Press International SA - Tous droits réservés - © décembre 2001 Dépôt légal : à parution Imprimé en France - POINT 44 IMPRIMEUR - 94500 CHAMPIGNY-SUR-MARNE [un flyer (4 p.) Astra Zeneca est jeté sous la couverture de son numéro de ce numéro] Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 3, avril 2003 86 Mot du mois Mot du mois