CP septembre MAQ.ok 31/10/01 09:20 Page 90 D o s s i e r t h é m a t i q u e Bilan écho-endoscopique préthérapeutique des polypes malins du rectum ● A. Aubert* Points forts Points Points forts forts " L’écho-endoscopie (EE) oriente la décision thérapeutique devant un polype malin du rectum, surtout si la lésion est sessile ou plane. " Le bilan doit être réalisé avant tout acte potentiellement thérapeutique, afin que la précision diagnostique de l’écho-endoscopie soit maximale. " Si l’écho-endoscopie montre un enva- hissement de la musculeuse ou la présence es polypes adénomateux du rectum ont un risque de transformation L maligne qui croît avec la taille, le caractère sessile, le degré de dysplasie et le type histologique villeux. Certains polypes sont manifestement malins, car indurés ou ulcérés. Les caractères cliniques du polype ne permettent pas le plus souvent de prédire la présence d’un foyer d’adénocarcinome. Les biopsies endoscopiques peuvent méconnaître un foyer de transformation maligne car elles sont trop superficielles. Seule l’étude anatomopathologique complète de la pièce opératoire montre parfois le caractère malin des polypes. L’exérèse complète est donc indispensable, mais la grande diversité des méthodes thérapeutiques accroît la difficulté de la stratégie thérapeutique. Le but du traitement est de donner au malade le maximum de chances *Institut mutualiste Montsouris, Paris et hôpital Beaujon, Clichy. d’adénopathies métastatiques, une exérèse locale est de principe contre-indiquée. " En cas de lésion respectant la musculeuse en écho-endoscopie, l’utilisation d’une mini-sonde précise l’importance de l’envahissement de la sous-muqueuse. Les lésions qui envahissent moins d’un tiers de la sous-muqueuse pourraient être traitées par une résection locale avec un risque quasi nul de méconnaître des métastases ganglionnaires. de traitement pour la moindre morbidité (1). La résection rectale est le traitement de référence des polypes malins avec envahissement de la musculeuse. L’exérèse locale des polypes malins avec respect de la musculeuse est possible par voie chirurgicale transanale, par voie endoscopique par électrocoagulation ou par mucosectomie (2). Le pronostic des adénocarcinomes du rectum dépend de l’envahissement pariétal et de l’envahissement ganglionnaire. Le risque de métastases ganglionnaires est d’environ 12 % en cas de tumeur ne dépassant pas la sous-muqueuse et de 35 % en cas de franchissement de la sous-muqueuse avec envahissement de la musculeuse (3). Le risque de métastases ganglionnaires augmente avec la profondeur de l’envahissement de la sous-muqueuse (4) L’exclusion de toute lésion envahissant la musculeuse ou associée à des adénopathies métastatiques est un prérequis à l’exérèse 90 locale de première intention d’un polype malin. L’écho-endoscopie (EE) a montré son intérêt pour l’évaluation préopératoire de l’extension pariétale et de l’envahissement ganglionnaire des adénocarcinomes du rectum (5). L’EE constitue donc un élément essentiel du bilan préthérapeutique d’un polype malin lorsqu’une exérèse locale est envisagée. EXTENSION EN PROFONDEUR L’EE est réalisée avec des sondes échographiques d’une fréquence de 5 à 12 MHz utilisant une technologie mécanique radiale rotative ou électronique sectorielle sagittale. Elle permet de reconnaître cinq couches échographiques dans la paroi du rectum normal. De l’intérieur vers l’extérieur, la première couche hyperéchogène correspond à l’interface entre le ballonnet et la muqueuse, la deuxième couche hypoéchogène à la muqueuse, la troisième couche hyperéchogène à la sousmuqueuse et à l’interface avec la musculeuse, la quatrième couche hypoéchogène à la musculeuse et la dernière couche Figure 1. Adénocarcinome rectal au stade T1 (respect de la musculeuse). Le Courrier de colo-proctologie (II) - n° 3 - septembre 2001 CP septembre MAQ.ok 31/10/01 09:20 Page 91 D o s s i e r hyperéchogène à l’interface entre la musculeuse et la graisse. La lésion se traduit par un épaississement pariétal hypoéchogène de la paroi. L’extension en profondeur est évaluée sur la rupture ou la destruction des couches hyperéchogènes de la paroi normale. La précision diagnostique moyenne de l’EE comparée à l’étude histopathologique est de 85 % (extrêmes : 67 à 93) pour l’extension pariétale (5). L’EE permet de distinguer les lésions limitées à la sousmuqueuse (T1) (figure 1) des lésions envahissant la musculeuse et plus (T2) avec une précision diagnostique de 92 % (6). Les valeurs prédictives positive et négative de la différenciation entre les tumeurs T1 et T2/T3 sont de 93 % (6). L’EE n’identifie pas la musculaire muqueuse et ne permet donc pas de distinguer les carcinomes intramuqueux des carcinomes sous-muqueux. Elle n’identifie pas le carcinome intramuqueux au sein d’un adénome (7, 8, 9). Les erreurs diagnostiques les plus fréquentes sont une surestimation des tumeurs T2 en raison de l’importance des phénomènes inflammatoires. L’EE est moins performante en cas de localisation rectale basse sus-anale, en raison de la difficulté à maintenir le transducteur perpendiculaire à la paroi rectale (10). L’aspect polypoïde ou exophytique de la tumeur peut gêner l’interprétation des images échographiques, en raison de coupes tangentielles. La présence de structures vasculaires peut donner de fausses images d’interruption de couches. La sensibilité de l’EE est moins bonne en cas de lésions villeuses (8, 11, 12), ou si des remaniements inflammatoires et une fibrose secondaires à un traitement antérieur altèrent la définition échographique des couches. L’étude écho-endoscopique sera donc préalable à tout traitement. ATTEINTE GANGLIONNAIRE Les adénopathies se traduisent en EE par la forme de petits nodules hypoéchogènes dans la graisse péridigestive, détectables à partir d’une taille de 2 mm. La précision diagnostique moyenne de l’EE est de t h é m a t i q u e Figure 2. Ganglion métastatique. 75 % (extrêmes : 62-83) (5) pour le diagnostic des adénopathies métastatiques. La taille de l’adénopathie constitue un critère diagnostique essentiel à l’échographie. L’interprétation doit également tenir compte de l’échogénécité et du caractère hétérogène ou non (13). Les adénopathies métastatiques sont typiquement arrondies, bien limitées, hypoéchogènes et homogènes (figure 2). La sensibilité diagnostique de l’EE comparée à l’étude histopathologique est la plus élevée pour le diagnostic des adénopathies d’une taille supérieure à 5 mm (14), 50 à 70 % des adénopathies de cette taille sont métastatiques (5). La prédiction de la nature des adénopathies plus petites est difficile. Seules 20 % des adénopathies de moins de 4 mm sont métastatiques (5). Les erreurs diagnostiques sont une surestimation de la nature métastatique d’adénopathies inflammatoires dans la moitié des cas ou proviennent de la méconnaissance d’adénopathies tumorales de petite taille ou de siège trop éloigné par rapport au transducteur. Une biopsie guidée sous échoendoscopie peut aider au diagnostic de la nature métastatique de certaines adénopathies. MINI-SONDES ET EXTENSION DE L’ATTEINTE SOUS-MUQUEUSE Parmi les facteurs histopathologiques de risque de ganglions métastatiques, l’EE n’évalue que l’invasion en profondeur. Les Le Courrier de colo-proctologie (II) - n° 3 - septembre 2001 91 autres facteurs – embols veineux ou lymphatiques et caractère peu différencié de la tumeur – ne sont évalués que par l’étude histopathologique de la pièce de résection. Le principal facteur de risque de métastases ganglionnaires est l’envahissement en profondeur (15,16). Dans les tumeurs limitées à la sousmuqueuse, la profondeur de l’envahissement est corrélée au risque de métastases ganglionnaires. Le risque est proche de 0 % pour les lésions envahissant superficiellement la sous-muqueuse (moins d’un tiers de son épaisseur). Le risque est élevé pouvant atteindre 22 % en cas d’envahissement massif de la sous-muqueuse (13). Avant d’envisager l’exérèse locale d’une lésion envahissant la sous-muqueuse, il est important de déterminer précisément si l’invasion sous-muqueuse est superficielle ou profonde. Les mini-sondes répondent à cet objectif. Ces sondes d’un diamètre de 2 à 3 mm sont introduites par le canal opérateur et utilisées sous contrôle endoscopique. Le transducteur miniaturisé utilise une technologie mécanique rotative radiale. La haute fréquence des minisondes (20 ou 30 MHz) est plus élevée que celle des écho-endoscopes conventionnels (7,5 ou 12 MHz), ce qui augmente la résolution mais réduit le champ de pénétration. L’analyse échographique de la paroi digestive a été établie par comparaison avec les données anatomiques. Les mini-sondes d’une fréquence de 30 MHz montrent que la paroi digestive est une structure échographique à neuf couches (figure 3, p. suivante) : la première couche hyperéchogène répond à l’interface entre le ballonnet et la muqueuse ; la deuxième couche, hypoéchogène, et la troisième, hyperéchogène, à la muqueuse ; la quatrième, fine, hypoéchogène à la musculaire muqueuse ; la cinquième, hyperéchogène, à la sousmuqueuse ; la sixième, hypoéchogène, à la couche circulaire interne de la musculeuse ; la septième, hyperéchogène, à l’interface entre les deux couches de la musculeuse ; la huitième à la couche longitudinale externe de la musculeuse ; la neuvième à la séreuse. Cette structure échographique de la paroi rectale est iden- CP septembre MAQ.ok 31/10/01 09:21 Page 92 D o s s i e r Figure 3. Paroi rectale normale, identification de neuf couches à l’examen par une mini-sonde de 30 MHz. tifiée dans 76 % des cas (17). La musculaire muqueuse est visible dans 75 % des cas avec une sonde de 20 MHz, et dans 85 % des cas avec une sonde de 30 MHz. La précision diagnostique est de 78 à 84 % pour différencier les atteintes de la muqueuse et de la sous-muqueuse. Une classification écho-endoscopique a été proposée, ordonnant les lésions envahissant la sous-muqueuse (T1) en deux sousgroupes (17) selon la profondeur de l’envahissement : superficiel (sm1), ne dépassant pas le tiers de l’épaisseur ; ou massif au-delà du tiers (sm2 ou sm3) (figures 4 et 5). Cette distinction, superposable à la classification histologique (18), se fait avec une précision diagnostique de 85 à 88 % (17, 19, 20). Ces études préliminaires ont montré que les performances diagnostiques seraient meilleures dans l’étude des lésions sessiles ou planes (20). Les erreurs diagnostiques sont le plus souvent une surestimation qu’une sousestimation dans les lésions planes. La valeur prédictive positive de l’écho-endoscopie est de 90 % dans le diagnostic d’une lésion plane T1 au plus sm1. Les lésions pédiculées et polypoïdes sont parfois sousestimées à l’étude par mini-sondes. Cette sous-estimation serait liée à une atténuation du faisceau ultrasonore par l’épaisseur t h é m a t i q u e Figure 4. Adénocarcinome rectal au stade T1 avec envahissement du tiers de la sousmuqueuse (sm1). tumorale (20, 21). L’étude des ganglions par les mini-sondes est rarement envisagée. Une précision diagnostique de 87 % a été rapportée (20). CONCLUSION Le but du traitement des polypes malins du rectum est de donner au malade le maximum de chances de traitement pour la moindre morbidité. L’écho-endoscopie apporte des informations complémentaires indispensables aux choix thérapeutiques devant un polype rectal malin ou suspect. Si l’écho-endoscopie montre que la lésion envahit la musculeuse ou est associée à des adénopathies, une résection rectale sera envisagée de principe. Si la lésion respecte la musculeuse, un examen par mini-sondes à haute fréquence permet de préciser l’extension en profondeur à la sous-muqueuse et de sélectionner les candidats à une résection locale avec un risque quasi nul de métastases ganglionnaires. Figure 5. Adénocarcinome rectal au stade T1 avec envahissement de plus d’un tiers de la sous-muqueuse (sm2 ou sm3). R É F É R E N C E S 1. Penna C. Quelle place pour l’exérèse locale dans le traitement à visée curative des petits cancers du bas rectum ? Gastroenterol Clin Biol 2000 ; 24 : 421-2. 2. Gérard JP, Chapet O, Romestaing P et al. Exérèse locale et radiothérapie adjuvante des adénocarcinomes rectaux T1-2N0. Gastroenterol Clin Biol 2000 ; 24 : 430-5. 3. Billingham RP. Conservative treatment of rectal cancer. Extending the indications. Cancer 1992 ; 70 : 1355-63. 4. Park JP, Kim WH, Paeng SS, Park JG. Histoclinical analysis of early colorectal cancer. World J Surg 2000 ; 24 : 1029-35. 5. Heriot AG, Grundy A, Kumar D. Preoperative staging of rectal carcinoma. Br J Surg 1999 ; 86 :17-28. 6. Detry R, Kartheuser A, Kestens P. Endorectal ultrasonography for staging small rectal tumors : technique and contribution to treatment. World J Surg 1993 ; 17 : 271-6. 7. Hulsmans FJ, Tio TL, Mathus-Vliegen E et al. Colorectal villous adenoma : transrectal US in screening for invasive malignancy. Radiology 1992 ; 185 : 193-6. 8. Remerciements : nous adressons nos remerciements au Dr Laurent Palazzo pour ses conseils et sa contribution à l’iconographie de cet article. Mots clés. Polype malin – Petit cancer du rectum – Écho-endoscopie – Mini-sonde. 92 Mosnier H, Guivarc’h M, Meduri B et al. Endorectal sonography in the management of rectal villous tumors. Int J Colorectal Dis 1990 ; 5 : 90-3. 9. Roseau G, Palazzo L, Rahme T, Paolaggi JA. 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