R uptures partielles de la coiffe des rotateurs Ruptures partielles de la coiffe des rotateurs Pa r t i a l te a r s o f t h e rota tor cuff Traitement arthroscopique des lésions partielles non transfixiantes de la coiffe des rotateurs Arthroscopic treatment of partial tears of the rotator cuff IP L. Lafosse* Points forts Les ruptures partielles de la coiffe concernent le plus souvent le sus-épineux ; cependant, le sous-épineux et le sousscapulaire peuvent être concernés. Il existe fréquemment une souffrance du biceps associée. Le diagnostic est affirmé par une imagerie complémentaire (arthroscanner, IRM ou arthro-IRM). En cas d’échec du traitement médical, un geste chirurgical sous arthroscopie doit être discuté au cas par cas. Les ruptures partielles superficielles du sus-épineux doivent être réparées si elles font plus de 20 % de l’épaisseur du tendon. Les lésions de la face profonde (sus-épineux et sous-scapulaire) ne sont réinsérées que si elles mettent en jeu la stabilité du biceps, qui peut être ténodésé s’il souffre. Mots-clés : Arthroscopie – Coiffe des rotateurs – Rupture partielle – Acromioplastie. Keywords: Arthroscopy – Rotator cuff – Partial tear – Acromioplasty. L es lésions partielles de la coiffe des rotateurs sont définies par l’absence de passage de liquide de contraste à l’arthrographie dans la bourse sous-acromio-deltoïdienne. À cette définition correspondant aux lésions du supra- et de l’infraépineux doivent être associées les lésions partielles du subscapulaire diagnostiquées préférentiellement en préopératoire, à l’arthroscanner. Si les lésions partielles de la face profonde de la coiffe postérosupérieure peuvent être de diagnostic arthroscanographique, les lésions intratendineuses et celles de la face superficielle ne sont visibles que sur l’IRM et l’arthro-IRM. Les indications thérapeutiques dans les lésions partielles de la coiffe des rotateurs sont fonction des lésions et de la demande des patients. L’arthroscopie devient un élément de plus en plus important à visée diagnostique et thérapeutique au niveau de l’ensemble de la coiffe. Si, initialement, l’arthroscopie ne permettait que l’acromioplastie (1-3), les progrès techniques permettent actuellement d’étendre les indications, avec une réparation tendineuse de morbidité inférieure. Cependant, la maîtrise des techniques arthroscopiques demande une connaissance approfondie, un apprentissage long et difficile, et une pratique assidue. * Chirurgie orthopédique et traumatologie, clinique générale d’Annecy. 16 LR-NSup-329-0207.indd 16 INDICATION OPéRATOIRE La décision opératoire repose sur un faisceau d’arguments cliniques et radiographiques afin d’évaluer la lésion, son retentissement, ses possibilités de réparation et les possibilités de récupération fonctionnelle sans ou après traitement arthroscopique (4). La décision opératoire appartient au patient après exposition des tenants et aboutissants de cette chirurgie de réparation tendineuse, sans lui masquer la longueur des suites opératoires et les aléas de la cicatrisation tendineuse et de sa récupération fonctionnelle. D’un autre côté, les risques de l’aggravation lésionnelle tendineuse en cas de non-réparation doivent être évoqués. Le terrain (activités professionnelles et sportives, âge, taille, pathologies associées…), l’ancienneté, l’évolution et le traitement effectué de la lésion ainsi que la compréhension par le patient sont essentiels pour poser l’indication. éVALUATION LéSIONNELLE Évaluation clinique L’évaluation lésionnelle est très souvent difficile cliniquement, car certaines formes de lésions partielles sont très douloureuses alors que d’autres, plus étendues ou de localisation différente, paraissent mieux tolérées. Il semble que, dans les lésions de la face profonde du supra-épineux et dans celles du tiers supérieur du subscapulaire, l’atteinte de la stabilité et de la trophicité du tendon du biceps soit essentielle, mais de diagnostic difficile (5, 6). Évaluation radiographique L’examen radiographique standard apprécie l’arthrose, la hauteur de l’espace sous-acromial, la forme de l’acromion et l’état acromioclaviculaire. À l’issue de ces simples examens, l’indication du traitement doit être posée dans la plupart des cas. L’arthroscanner ou l’arthro-IRM ne sont demandés que pour confirmer l’existence de la lésion et en préciser les caractéristiques, pour apprécier la trophicité musculaire et pour différencier les formes douloureuses de conflit sous-acromial, avec ou sans ruptures partielles, des ruptures perforantes de la coiffe. L’IRM simple ne permet pas toujours de différencier les souffrances tendineuses avec ou sans déchirure, mais elle permet de détecter certaines lésions partielles. Évaluation électromyographique Dans quelques formes d’épaules douloureuses avec conflit sousacromial comportant ou non une rupture partielle de coiffe supérieure, un léger déficit de force musculaire en rotation externe doit faire évoquer une compression du nerf suprascapulaire au niveau de l’échancrure coracoïdienne et faire pratiquer un électromyogramme. La Lettre du Rhumatologue - Supplément au n° 329 - février 2007 19/02/07 12:24:15 L’exploration doit être complète, rigoureuse, et menée en appréciant chacun des éléments articulaires et sous-acromiaux. Dans les ruptures partielles, l’exploration se fait en intra-articulaire, par la voie postérieure, puis en sous-acromial, par la même incision cutanée. La visualisation aidée d’un nettoyage articulaire permet l’évaluation statique et dynamique du biceps. Lésions anatomiques I Les lésions de la coiffe postérosupérieure Elles sont le plus souvent limitées au supra-épineux et réparties en : – lésions de la face superficielle, pour lesquelles l’aspect intraarticulaire est normal ; seule la bursoscopie permet d’individualiser la lésion. Habituellement, le feuillet superficiel est épais et rétracté en se retroussant sur lui-même, constituant un aspect de “houpette” ; – variables selon l’atteinte ou non du pied antérieur du supraépineux et de ses conséquences sur la stabilité et l’état du biceps. Dans les formes où la gouttière postérieure du biceps est ouverte du fait de la désinsertion du supra-épineux, le biceps est instable en arrière, en rotation interne. I Les lésions partielles du subscapulaire : elles sont limitées au tiers supérieur mais s’accompagnent parfois d’une lésion de la sangle antérieure du biceps, dont l’instabilité peut aller de la subluxation à la luxation complète (5). I Les lésions du biceps : il est important de déterminer l’état du biceps : a. Normal ; b. Subluxé ; c. Luxé ; d. Rompu. Acromioplastie et résection acromioclaviculaire L’acromioplastie est systématique, avant la réparation tendineuse, car elle est nécessaire à une bonne exposition de la coiffe. Si l’articulation acromioclaviculaire doit être réséquée, ce geste doit être complet. Réparation tendineuse deux brins de chacun des fils de l’ancre. Après avoir récupéré par la voie C les deux brins du même fil, on pratique un nœud coulissant sur le brin antérieur du fil allant vers le tendon, qui coulisse habituellement sans difficulté. Lorsque le nœud arrive sur le tendon, un mouvement de traction externe du poussenœud complète la traction et assure un plaquage de la coiffe sur le trochiter grâce aux deux fils répartis d’avant en arrière. I Désinsertion de la face profonde : réinsertion en parachute Dans cette forme, le plaquage est latéro-cartilagineux. Une aiguille en D servant de guide passe au niveau de la gouttière du biceps, permettant de sectionner le ligament coraco-huméral dans le sens longitudinal de ses fibres, juste au-dessus du tendon du biceps. L’ancrage est enfoui au ras du cartilage, juste en dehors du biceps, qui ne doit pas être strangulé quand il est conservé. Les quatre brins tressés sont récupérés successivement à travers la coiffe par le “crochet malin”. Une fois que les quatre brins ont été successivement passés, l’optique est placée de nouveau dans l’étage sous-acromial et les fils sont récupérés puis noués deux à deux par des demi-clés à travers la voie latérale C. I Lésions du subscapulaire : elles sont surtout symptomatiques du fait de l’instabilité antérieure du biceps associée, mais elles peuvent être le point de départ de ruptures plus étendues. La réinsertion est assurée par un ancrage introduit par la voie D à la partie antérieure de la gouttière du biceps alors que le passage des fils à travers le tendon est effectué par la voie E. I Lésions du biceps : lorsque le biceps est érodé et/ou instable et que sa symptomatologie est vraisemblable, il est “ténodésé” dans sa gouttière après avoir été sectionné à son insertion en utilisant un des fils de l’ancre servant à refixer le supra-épineux ou le subscapulaire en fonction des cas. I Ruptures intratendineuses : dans ces formes, une simple acromioplastie est souvent suffisante. I Compression du nerf suprascapulaire : son traitement est arthroscopique, avec une neurolyse en début d’intervention. conclusion I Position opératoire et voies d’abord : le patient est installé après anesthésie locorégionale ou générale en position assise. Les voies d’abord sont, d’arrière en avant : A. Postérieure ; B. Postéro-latérale près de l’angle postérieur de l’acromion ; C. Latérale ; D. Antéro-latérale près de l’angle antérieur de l’acromion ; E. Juste en dehors de la coracoïde. Dans les ruptures superficielles du sus-épineux, la réinsertion est systématique si plus de 20 % du tendon sont atteints. Pour les lésions de la face profonde du supra-épineux ou du subscapulaire, seules les lésions qui mettent en cause la stabilité du biceps sont systématiquement réinsérées, avec ou sans ténodèse du biceps en fonction de l’état de celui-ci. ■ I Déchirures de la face superficielle : technique du haubanage Après l’abord intra-articulaire en A, qui permet de vérifier l’état de la face profonde de la coiffe, l’optique est placée en sousacromial, puis, après bursectomie et acromioplastie, on vérifie la réductibilité tendineuse par la voie latérale C, qui se fait de dedans en dehors dans cette forme. Après avivement de la corticale du trochiter, une ancre munie d’un double fil solide est introduite par voie d’abord latérale C, puis la voie d’abord instrumentale antérieure E est repérée à l’aiguille et permet le passage d’un crochet courbe à 45° dit “crochet malin”, qui perfore la coiffe depuis sa face superficielle vers sa face profonde, puis récupère successivement un des références bibliographiques La Lettre du Rhumatologue - Supplément au n° 329 - février 2007 LR-NSup-329-0207.indd 17 Ruptures partielles de la coiffe des rotateurs TRAITEMENT ARTHROSCOPIQUE Principes du diagnostic arthroscopique 1. Altcheck DW, Warren RF, Wickiewicz TL, Skyhar MJ, Ortiz G, Schwartz E. Arthro­ scopic acromioplasty. Technique and results. J Bone Joint Surg 1990;72A:1198-203. 2. Cordasco FA, Backer M, Craig EV, Klein D, Warren RF. The partial thickness rotator cuff tear: is acromioplasty without repair sufficient? Am J Sports Med 2002;30:179-93. 3. Esch JC, Ozerkis LR, Helgager JA, Kande N, Lilliott N. Arthroscopic subacromial decompression: results according to the degree of rotator cuff tear. Arthroscopy 1988;4:241-9. 4. Ellman H, Hanker G, Bayer M. Repair of the rotator cuff; end result study of factors influencing reconstruction. J Bone Joint Surg 1986;68A:1136-44. 5. Gerber C, Krushell RJ. Isolated rupture of the tendon of the subscapularis muscle: clinical features in 16 cases. J Bone Joint Surg 1991;73B:389-94. 6. Walch G, Nove Josserand L, Boileau P, Levigne C. Subluxations and dislocations of the tendon of the long head of the biceps. J Shoulder Elbow Surg 1998;72:100-8. 17 19/02/07 12:24:16