R uptures massives de la coiffe des rotateurs Ruptures massives de la coiffe des rotateurs M a s s i ve te a r s o f t h e rota tor cuff Traitement chirurgical palliatif des ruptures de coiffe Palliative surgical treatment of tears of the rotator cuff IP G. Walch, E. Noël, J.P. Liotard, L. Nové-Josserand, A. Godeneche* Points forts Le traitement palliatif, qui s’oppose au traitement curatif (réparation tendineuse), est indiqué en cas d’échec du traitement médical et face à une rupture non réparable, définie par l’une des trois situations suivantes : patient trop âgé ou pas assez motivé pour mener à bien une rééducation correcte ; taille de la rupture trop importante ; présence d’une infiltration graisseuse musculaire supérieure au stade II de Goutallier. Les traitements palliatifs comprennent le nettoyage arti­ culaire sous arthroscopie, les transferts tendineux, les plasties musculaires et les prothèses inversées. Le nettoyage articulaire comporte l’acromioplastie et la ténotomie-ténodèse de la longue portion du biceps ; celleci est un traitement palliatif efficace sur la douleur, proposé en cas d’échec du traitement médical pour une rupture non réparable, et associé à une acromioplastie lorsque l’espace sous-acromial préopératoire est supérieur à 6 mm. Mots-clés : Traitement chirurgical palliatif – Rupture de la coiffe des rotateurs – Ténotomie de la longue portion du biceps. Keywords: Palliative surgical treatment – Rotator cuff tear – Tenotomy of the long head of the biceps. L e traitement palliatif s’oppose par définition au traitement curatif, qui correspond à la réparation tendineuse. Il est indiqué en cas d’échec du traitement médical et face à une rupture non réparable, définie par l’une au moins des trois situations suivantes : Le patient est trop âgé ou pas assez motivé pour mener une rééducation correcte. Il n’y a pas de limite d’âge pour réparer une coiffe, c’est pourquoi il faut toujours l’associer à la motivation ; néanmoins, au-delà de 75 ans, les indications sont rares. La taille de la rupture est trop importante, notamment lorsque le moignon tendineux est rétracté au niveau de la glène. Une infiltration graisseuse musculaire supérieure au stade II (autant de graisse que de muscle) d’après Goutallier (1) ne peut * Centre orthopédique Santy, Lyon. 24 LR-NSup-329-0207.indd 24 que s’aggraver malgré la réparation tendineuse et s’accompagne d’un taux de re-rupture très élevé. Les traitements palliatifs comprennent le nettoyage articulaire sous arthroscopie, les transferts tendineux, les plasties musculaires et les prothèses inversées. Nous insisterons sur les indications et les résultats du nettoyage articulaire, qui comporte l’acromioplastie et la ténotomie-ténodèse de la longue portion du biceps (figure 1). L’expérience clinique démontre en effet que la rupture de ce tendon dans les ruptures anciennes de la coiffe est souvent “salvatrice”, s’accompagnant de la disparition d’une grande partie des douleurs ; elle est bien acceptée sur le plan esthétique après 60 ans et n’a pas de conséquence fonctionnelle. Nous proposons la ténotomie-ténodèse aux ruptures de coiffe non réparables, douloureuses en particulier la nuit, et avec des mobilités passives et actives symétriques. L’objectif est de supprimer les phénomènes douloureux, mais la ténotomie ne peut redonner ni la mobilité passive (rééducation), ni la mobilité active lorsqu’elle est perdue (épaule pseudo-paralytique). Entre 1988 et 1999, nous avons traité 1 469 ruptures de la coiffe des rotateurs (2) ; 1 079 ont eu une réparation à ciel ouvert et 390 (26,5 %) ont eu un traitement palliatif avec ténotomie de la longue portion du biceps sous arthroscopie plus ou moins associée à une acromioplastie ; 307 patients ont été revus, avec un recul moyen de 57 mois (24-168). L’âge moyen était de 64,3 ans, les femmes étaient majoritaires (56,7 %). Un tiers (110) ont eu une acromioplastie associée. Le bilan préopératoire comportait un score de Constant (3), le recueil des mobilités actives et passives, des radiographies simples dans les trois rotations, et 74 % ont eu un arthroscanner ou une IRM pour évaluer l’infiltration graisseuse musculaire. Lors de la révision, le même bilan (à l’exception du scanner et de l’IRM) était pratiqué. Figure 1. Nettoyage articulaire. A/ Acromioplastie. B/ Ténotomie de la longue portion du biceps. La Lettre du Rhumatologue - Supplément au n° 329 - février 2007 19/02/07 12:24:25 67,6 Préopératoire 48,4 Postopératoire 35,3 Stade I Stade II Stade III 18 % perdent 1 stade 5 % perdent 2 stades 54 % 40 % 37 % 39 % Stade IV a Stade IV b 7 % 12 % Stade V 1,3 % perdent 3 stades 0,7 % perdent 4 stades 2% 7% 0% 2% Pas d'évolution dans 75 % des cas Figure 3. Arthrose selon la classification de Hamada : ­préopératoire → postopératoire. les scores douleurs (p = 0,009), activité de la vie quotidienne (p = 0,001), mobilité (p = 0,003), force (p < 0,0001) étaient meilleurs en cas d’acromioplastie ; lorsque l’espace sous-acromial préopératoire était inférieur à 6 mm, l’acromioplastie avait un effet néfaste sur la mobilité (p = 0,04), en particulier sur l’élévation antérieure active (p = 0,003). La ténotomie arthroscopique du biceps permet d’obtenir des résultats cliniques très favorables en cas de rupture non réparable de la coiffe des rotateurs. Le taux de complication et d’arthrose secondaire est faible (2 %), avec un recul moyen de 5 ans. Les résultats cliniques se maintiennent au-delà de 10 ans, même si cette opération ne stoppe pas l’évolution arthrosique propre aux ruptures anciennes de la coiffe des rotateurs. La déformation du biceps en boule, observée chez 50 % des patients, n’a jamais été une plainte chez ces malades d’âge opératoire moyen de 64 ans. La facilité de réalisation des ténodèses arthroscopiques permet de réaliser une ténodèse chez les gens de moins de 60 ans pour éviter cet inconvénient esthétique. En conclusion, la ténotomie-ténodèse arthroscopique de la longue portion du biceps constitue un traitement palliatif efficace en cas de ruptures douloureuses de la coiffe (2) qui sera proposé en cas d’échec du traitement médical pour une rupture jugée non réparable, et associé à une acromioplastie lorsque l’espace sous-acromial préopératoire sera supérieur à 6 mm. ■ Ruptures massives de la coiffe des rotateurs Avec un recul moyen de 57 mois, 9 cas (2,9 %) ont été réopérés, 3 pour une réparation de la coiffe, 6 pour une arthrose gléno­ humérale douloureuse justifiant la mise en place d’une prothèse inversée : il s’agissait de 6 femmes d’âge moyen 75,6 ans au moment de la ténotomie et réopérées en moyenne 4,5 ans après celle-ci. Pour les malades non réopérés, le score de Constant est passé de 48,4 à 67,6 (p < 0,0001) [figure 2]. Le score douleur (15 points) est passé de 3,4 à 11 et le score activité de la vie quotidienne (20 points) de 7,3 à 15 (statistiquement significatif ). En revanche, les scores pré- et postopératoires de mobilité et force n’étaient pas statistiquement différents. Sur le plan subjectif, 86,5 % des patients se déclaraient “très contents” et “contents”, 9,5 % étaient déçus et 3,9 % (incluant les réopérations) se disaient “mécontents”. L’espace sous-acromial est passé en moyenne de 6,6 mm en préopératoire à 5,3 mm en postopératoire (p < 0,0001), diminution directement corrélée au recul : 6,1 mm en moyenne pour un recul de 2 à 4 ans ; 5,2 mm pour un recul de 4 à 6 ans et 3,9 mm au-delà de 6 ans de recul (p < 0,0001) ; il n’y a jamais eu d’ascension rapide de la tête humérale, le score de Constant et le résultat subjectif restaient stables. Pour l’arthrose glénohumérale, analysée selon la classification de Hamada (4), il n’y a pas eu d’évolution dans 75 % des cas ; 18 % ont perdu un stade, 5 % en ont perdu 2, 1,3 % 3 et 0,7 % 4 (figure 3). Les résultats cliniques et radiologiques étaient fortement corrélés à l’infiltration graisseuse musculaire préopératoire des muscles de la coiffe. En particulier, l’infra-épineux apparaît comme étant le dépresseur essentiel de la tête humérale (5) : l’espace sousacromial moyen passait de 10,5 mm en l’absence d’infiltration graisseuse à 3,5 mm lorsqu’elle était de stade 4 (plus de graisse que de muscle). Concernant l’acromioplastie associée, lorsque l’espace sous-acromial préopératoire était supérieur à 6 mm, Références bibliographiques 31,5 1. Goutallier D, Postel JM, Bernageau J, Lavau L, Voisin MC. Fatty muscle dege15 11 7,3 6 6,4 3,4 Douleur 15 points Activité 20 points Mobilité 40 points Force 25 points Total 100 points Figure 2. Score de Constant. La Lettre du Rhumatologue - Supplément au n° 329 - février 2007 LR-NSup-329-0207.indd 25 neration in cuff ruptures: pre and postoperative evaluation by CT-scan. Clin Orthop 1994;304:78-83. 2. Walch G, Edwards TB, Boulahia A et al. Arthroscopic tenotomy of the long head of the biceps in the treatment of rotator cuff tears. Clinical and radiological results about 307 cases. J Shoulder Elbow Surg 2005;14(3):238-46. 3. Constant CR, Murley AHG. A clinical method of functional assessment of the shoulder. Clin Orthop 1987;214:160-4. 4. Hamada K, Fukuda H, Mikasa M, Kobayashi Y. Roentgenographic findings in massive rotator cuff tears: a long term observation. Clin Orthop 1990;254:92-6. 5. Nové-Josserand L, Lévigne C, Noël E, Walch G. L’espace sous-acromial : étude des facteurs influençant sa hauteur. Rev Chir Orthop 1996;82:379-85. 25 19/02/07 12:24:27