ÉDITORIAL Intérêt de la mise en place de revues de mortalité-morbidité dans les services de neurologie The role of the morbidity and mortality in departments of neurology E. Seringe*, S. Taillibert** C es dernières années ont été marquées par une évolution importante des mentalités dans le domaine médical, évolution caractérisée par la prise de conscience de l’exigence de la sécurité et de l’amélioration de la qualité des soins. Les revues de mortalité-morbidité (RMM) s’inscrivent dans cette optique d’amélioration continue de la sécurité des soins. Initialement apparues aux États-Unis au sein des services de chirurgie et d’anesthésie, les RMM se sont progressivement développées dans d’autres pays (1, 2) et étendues à l’ensemble des spécialités médicales (3-6). Bien que l’installation des RMM en France soit plus lente et moins ancrée dans les pratiques courantes, elle est en pleine expansion depuis 2001 et devient une préoccupation essentielle (7-9). Outil pédagogique, les RMM sont définies comme un moment d’analyse collective des cas dont la prise en charge a été marquée par un “événement indésirable grave”, un décès ou la survenue d’une complication morbide chez un patient. La RMM vise à porter un regard critique sur la façon dont le patient a été pris en charge, à s’interroger sur le caractère évitable ou non de l’événement, à rechercher collectivement les causes des défaillances survenues lors de la prise en charge et à identifier les actions préventives. Les RMM obligent à rompre radicalement avec les perceptions de culpabilité individuelle et introduisent l’idée que toute erreur ou dysfonctionnement peut être utile à la communauté des soignants s’ils sont identifiés et répertoriés en dehors de tout esprit de délation, et analysés régulièrement afin de corriger ou d’améliorer certaines procédures de soins. “La médecine est complexe, les erreurs sont inévitables, mais elles nous donnent une occasion de progresser en tant que praticiens ; le but des RMM n’est pas de critiquer mais de profiter du partage de nos expériences” (10). Les événements analysés lors des RMM sont multiples : décès, accidents, événements indésirables (entraînant une surmorbidité), événements n’ayant * Chef de clinique assistant, département de santé publique, information médicale, biostatistiques, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris ; université Pierre-et-Marie-Curie, Paris-VI. ** Service de neurologie Mazarin, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. pas forcément de conséquences importantes pour la santé (near miss ou échappées belles) et réussites ou événements non compris. Les facteurs de succès des RMM reposent sur une organisation adaptée à chaque structure de soins : fréquence, durée et régularité des réunions, participation active de l’ensemble des praticiens seniors et juniors, équipe paramédicale et intervenants extérieurs, climat d’apprentissage et de confidentialité et, enfin, orientation des débats vers l’amélioration et la prévention. Afin d’illustrer l’apport des RMM en neurologie, nous proposons ici un aperçu des thèmes abordés dans le service de neurologie Mazarin à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, dont l’activité repose essentiellement sur la prise en charge des patients atteints de tumeur cérébrale primitive. Ainsi, sur la période allant de 2006 à 2010, différents types de problèmes survenus dans notre service nous ont amené à aborder, en vue de l’élaboration de recommandations thérapeutiques plus systématiques, des sujets aussi divers que le ciblage des patients relevant d’une prévention systématique de la pneumocystose ; les modalités de prévention de la survenue de tassements vertébraux d’origine ostéoporotique cortico-induits ; une actualisation des modalités de prescription des facteurs de croissance érythrocytaires et granulocytaires sous chimiothérapie, relatives aux nouvelles règles européennes et américaines ; une systématisation de la prise en charge des complications infectieuses sur site implantable ainsi que de la prise en charge en hôpital de jour des patients chez lesquels on suspecte un événement thromboembolique ; l’établissement d’une démarche systématisée s’appliquant aux patients qui sont à un stade palliatif et qui sont susceptibles de relever de la loi Léonetti, c’est-à-dire d’une décision d’interruption de soins disproportionnés. Le choix des thèmes abordés repose sur l’observation d’événements individuels inattendus chez certains patients ou sur l’observation d’une disparité des attitudes médicales au sein de l’équipe. La mise en application de la loi Léonetti nous a La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - n° 8 - septembre 2010 | 233 ÉDITORIAL semblé nécessiter d’emblée une mise au point au sein du service sur les étapes à respecter et sur l’encadrement des décisions. À l’issue de chacune de ces réunions, un compte-rendu écrit est établi et diffusé à l’ensemble des médecins du service et, dans certains cas, des ordonnances de “bilan biologique type” ou de “prescriptions types” sont produites et mises à la disposition des prescripteurs afin de faciliter l’application des nouvelles recommandations. En conclusion, les RMM permettent d’optimiser la prise en charge des patients et sont applicables dans les services de neurologie dont l’activité est plus générale ou de spécificité autre, puisque la démarche d’identification d’un problème posé est universelle. ■ Références bibliographiques 1. Gore DC. National survey of surgical morbidity and mortality conferences. Am J Surg 2006;191:708-14. 2. Guévart E, Noeske J, Mouangue A et al. Amélioration de la qualité par l’analyse des décès au cours de l’épidémie de choléra de 2004 à Douala. Cahiers santé 2006;16(3):149-54. 3. Newland MD, Hurlbert B, Ellis S et al. The role of the anesthesia morbidity and mortality conference at teaching hospital. J Clin Anesth 2005; 17:664-5. 4. Carrabin N, Huissoud C, Dupont C et al. Impact des revues de morbiditémortalité. Expérience du réseau Aurore de 2005 à 2007. Gynécol Obstet Biol Reprod 2009;38(4):328-34. 5. Devictor D, Floret D et al. Sécurisation des procédures à risque en réanimation : spécificités pédiatriques. Annales françaises d’anesthésie et de réanimation 2008;27:111-5. 6. Friedman JN, Pinard MS, Laxer RM et al. The morbidity and mortality conference in university-affiliated pediatric departments in Canada. J Pediatr 2005; 146:1-2. 7. Bertrand D, François P, Bordenet M et al. Les réunions de mortalité et morbidité à l’hôpital : initiatives d’un hôpital universitaire et revues de la littérature. J Economie Med 2000; 18:75-84. 8. Papiernik E, Pibarot ML, Vidal-Trecan G et al. Amélioration de la sécurité des patients : réduction des événements indésirables liés aux soins. Presse Med 2007;36:1255-61. 9. Moty C, Michel P et al. Organisation et méthodes de travail des comités d’analyse des décès : revue d’expériences. Presse Med 2001;30:259-63. 10. Orlander JD, Barber TW, Fincke BG et al. The morbidity and mortality conference: the delicate nature of learning from error. Acad Med 2002;77:1001-6. Agenda Journées internationales de la Société française de neurologie Le neurone et ses anticorps Date : 18 novembre 2010 Lieu : Saint-Étienne, hôpital Nord, amphi bâtiment A Informations : [email protected] 15es Journées de la Société française neuro-vasculaire Date : 25 et 26 novembre 2010 Lieu : Maison internationale, Paris XIVe Informations : www.sfnv-france.com BRAIN : Brève réunion angevine interdisciplinaire de neuro-ophtalmologie Une journée dédiée aux diagnostics courants et difficiles en neuro-ophtalmologie Date : 4 décembre 2010 Lieu : Galerie David d’Angers 33 bis, rue Toussaint 49100 Angers Organisation : Dan Milea (ophtalmologie) et Christophe Vernis (neurologie), CHU d’Angers Informations : Sylvie Joreau [email protected] 234 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - n° 8 - septembre 2010 Enseignement DIU de myologie (Paris-Marseille) Formation théorique et pratique destinée à une meilleure évaluation et prise en charge des personnes atteintes d’une pathologie neuromusculaire. Ouverte aux médecins hospitaliers et libéraux, aux étudiants en médecine, internes ayant validé leur 2e cycle, tout autre candidat intéressé pourra contacter les enseignants. Informations : http://www.institutmyologie.org/enseignement Marie-Luce Boisseau : 01 42 16 58 61 ou [email protected]