Intoxication éthylique aiguë J.-M. Philippe, C. Sureau, D. Ruiz, S. Teil

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¶ 25-150-A-30
Intoxication éthylique aiguë
J.-M. Philippe, C. Sureau, D. Ruiz, S. Teil
L’intoxication éthylique aiguë (IEA) est fréquente en France et touche principalement les hommes mais
aussi les femmes, les préadolescents et les adolescents. Les méthodes d’évaluation de l’alcoolémie les plus
couramment utilisées sont le dosage dans le sang et la mesure de l’éthanol dans l’air expiré. Les
manifestations cliniques de l’IEA sont dépendantes de nombreux facteurs. Trois formes cliniques sont
habituellement définies : l’IEA isolée, l’IEA avec agitation psychomotrice, et l’IEA avec troubles de la
vigilance. En médecine d’urgence, l’IEA est répartie en deux catégories : l’IEA non compliquée et l’IEA
compliquée. Celle-ci se définit par l’ingestion d’alcool en quantité excessive associée à une autre
pathologie neurologique, pulmonaire, un trouble de la thermorégulation, un trouble métabolique, une
anomalie cardiaque, une agitation, un traumatisme ou à une autre intoxication. Chez l’enfant et
l’adolescent, l’IEA est une conduite à risque dangereuse qui peut être considérée comme un équivalent
suicidaire et nécessiter une prise en charge spécialisée. La stratégie de prise en charge d’une IEA repose sur
la recherche des éléments de gravité, le recueil de l’anamnèse et des antécédents. L’examen clinique doit
être complet et minutieux. La mesure de température, de la glycémie capillaire et de la SpO2 doit être
systématique. L’électrocardiogramme, les examens biologiques et l’imagerie permettent de rechercher les
éventuelles complications. L’affirmation de l’IEA se fait par le dosage de l’alcoolémie. Le recours à la
tomodensitométrie cérébrale doit être large devant tout signe neurologique, stigmate de traumatisme
crânien ou trouble de la conscience non corrélé avec l’alcoolémie mesurée. La prise en charge de l’IEA non
compliquée repose sur la surveillance clinique. Celle de l’IEA compliquée se fait en fonction de chaque
tableau clinique. La prise en charge de l’IEA de l’enfant et de l’adolescent repose sur une hospitalisation
systématique de 72 heures avec évaluation pédopsychiatrique. Tout patient présentant une IEA non
compliquée doit être surveillé au mieux dans une unité d’hospitalisation de courte durée jusqu’à ce qu’il
retrouve une fonction relationnelle normale et qu’il ne présente pas de troubles du comportement ou de la
vigilance. Un patient en IEA n’est pas en état d’exprimer un consentement légalement recevable, la sortie
contre avis médical n’a donc aucune valeur. L’IEA dans un service d’urgences ne doit pas être banalisée
car elle témoigne d’un mésusage, voire d’une alcoolodépendance. Après la phase aiguë, une évaluation
alcoologique doit être réalisée. L’objectif est de proposer au patient une démarche thérapeutique. La
rédaction d’un certificat de non-hospitalisation dans le cadre d’une ivresse publique manifeste constitue
un acte médical à haut risque.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Intoxication aiguë par l’éthanol ; Intoxication aiguë par l’alcool ; Alcoolisation massive
Plan
¶ Introduction
2
¶ Épidémiologie
Type de consommation
Pathologies associées
Modification des comportements
2
2
2
2
¶ Toxicologie
Toxicocinétique et métabolisme
Méthodes d’évaluation de l’alcoolémie
3
3
4
¶ Formes cliniques
Intoxication éthylique aiguë non compliquée
Intoxication éthylique aiguë compliquée
Cas particulier de l’intoxication éthylique aiguë de l’enfant
et de l’adolescent
4
4
4
Médecine d’urgence
5
¶ Stratégie de prise en charge
Recherche des éléments de gravité immédiats
Abord du patient alcoolisé
Recueil de l’anamnèse et recherche des antécédents
Examen clinique
Affirmer le diagnostic
Examens complémentaires
Rechercher les complications
Diagnostic différentiel
5
5
5
5
5
5
5
6
6
¶ Prise en charge de l’IEA non compliquée
6
¶ Prise en charge de l’IEA compliquée
Complications neurologiques
Complications cardiaques et hémodynamiques
Complications pulmonaires
Complications métaboliques et hydroélectrolytiques
6
6
9
9
9
1
25-150-A-30 ¶ Intoxication éthylique aiguë
Complications thermiques
Complications digestives
Complications musculaires
Complications infectieuses
Complications allergiques
Complications et associations traumatiques
Associations toxiques
9
10
10
10
10
10
10
¶ Prise en charge de l’IEA de l’enfant et de l’adolescent
10
¶ Problématique du sevrage
Diagnostic et étiologie
Traitement
11
11
11
¶ Orientation et organisation du suivi des patients
Critères d’hospitalisation
Prise en charge à l’issue de la phase aiguë
Cas particulier de l’ivresse publique manifeste
11
11
12
12
¶ Conclusion
15
■ Introduction
L’intoxication éthylique aiguë (IEA) est l’intoxication la plus
fréquente en France. Les services d’accueil des urgences sont
souvent confrontés aux problèmes de mésusage ou de dépendance vis-à-vis de l’alcool. Toutefois, l’alcoolémie n’est positive
que chez 85 % des patients admis aux urgences pour une IEA
supposée [1] . L’IEA est une intoxication banalisée car trop
souvent ce diagnostic est porté par excès, en particulier chez des
patients en situation de précarité. L’IEA est rarement isolée et
peut être associée à des pathologies sévères somatiques et
psychiatriques. Par ailleurs, de nombreuses pathologies graves
peuvent simuler une IEA. Le patient qui présente des signes
d’IEA doit bénéficier d’une approche diagnostique rigoureuse et
d’une prise en charge adaptée. L’IEA non compliquée doit rester
un diagnostic d’élimination. La mission du médecin urgentiste
est avant toute chose la prise en charge de l’intoxication et de
ses éléments de gravité mais le service d’accueil des urgences
doit être également un lieu de dépistage et de prise en charge
du mésusage et de ses conséquences. L’objectif de cet article est
de donner les éléments du diagnostic, de préciser la prise en
charge de l’IEA, d’indiquer ses complications et de proposer les
éléments de la prise en charge à l’issue de la phase aiguë.
■ Épidémiologie
Type de consommation
L’alcool est la substance psychoactive la plus utilisée en
France [2]. Plus de 97 % des personnes âgées de 15 à 75 ans ont
consommé de l’alcool et seulement 2,8 % affirment n’avoir
jamais bu aucune boisson alcoolisée [3]. En France, en 2000, le
nombre de séjours hospitaliers pour IEA était estimé à
54 233 [4]. Aux États-Unis, plus de 75 000 décès par an sont liés
à une consommation excessive d’alcool [5]. Une étude anglaise
a montré que 29 % des entrées dans les services d’urgences (SU)
concernaient un problème d’alcool [6]. Depuis plusieurs années,
le mésusage de l’alcool se développe dans la population féminine. La proportion de femmes présentant un problème de
consommation d’alcool est passée de 5,5 % en 1977 à 12,2 %
en 2002 [7]. Si la prise en charge somatique de l’IEA est bien
codifiée dans les SU, la prise en charge alcoologique est encore
très peu développée. Seuls 2 % des sujets arrivant aux urgences
pour IEA avec une consommation pathologique d’alcool ont
une proposition de prise en charge spécialisée en alcoologie [8].
Pathologies associées
Dans les SU, l’IEA est souvent associée à d’autres pathologies :
des traumatismes dans 5 % à 50 % des cas, des pathologies
médicales dans 4 % à 7 % des cas, des affections psychiatriques
dans 30 % des cas, des tentatives de suicide dans 10 % à 75 %
des cas et des violences dans 15 % à 25 % des cas [9, 10]. La
consommation d’alcool est aussi un facteur aggravant pour la
2
fréquence des traumatismes, pour leur violence et leur gravité [11]. Le risque de traumatisme augmente dès la première
consommation d’alcool. Ce risque s’accroît nettement lorsque le
sujet consomme au moins six verres par jour [12]. Pour ces
personnes, le risque de traumatisme intentionnel est plus grand
que celui de traumatisme involontaire. Le risque traumatique lié
à la prise d’alcool se retrouve dans toutes les tranches d’âge.
Dans une étude finlandaise, l’alcoolémie était positive chez
19 % des patients et chez 16 % des patientes consultant pour
une fracture de hanche. Les patients âgés de 65 à 74 ans étaient
plus nombreux à avoir consommé de l’alcool que les plus de
75 ans (p < 0,001) [13]. L’IEA favorise aussi les comportements
sexuels à risques : partenaires multiples, absence de dispositif de
protection et de contraception [14-16]. L’IEA est également un
facteur de risque d’agressions sexuelles. Ainsi, aux États-Unis,
une consommation d’alcool est rapportée dans près de la moitié
des cas d’agressions sexuelles, que ce soit pour l’agresseur, la
victime ou les deux [17]. Pendant les deux dernières décennies,
la typologie de la consommation aiguë d’alcool a évolué.
L’intoxication de type binge drinking qui peut être traduit par
« alcoolisation massive » est devenue de plus en plus fréquente
dans toutes les tranches d’âge. Elle se définit comme la prise,
lors d’une même occasion, d’au moins cinq verres d’alcool chez
l’homme adulte et d’au moins quatre chez la femme. Le binge
drinking est clairement une conduite addictive à haut risque,
notamment sur le plan traumatologique (accident de la voie
publique, rixe, etc.) et sur le plan social (désinhibition avec
majoration de l’agressivité et des comportements violents) [16,
18] . Depuis longtemps, la prise d’alcool est connue comme
modifiant les capacités de jugement et le comportement des
conducteurs. Une étude prospective italienne portant sur des
patients de plus de 14 ans consultant après un accident de la
voie publique rappelle qu’une alcoolémie supérieure ou égale à
0,5 g/l est un facteur de risque de traumatisme, mais également
de gravité du traumatisme. L’IEA peut aussi perturber le
diagnostic clinique de certains traumatismes lors de l’examen
initial contribuant ainsi à leur méconnaissance [19]. Une étude
slovène a retrouvé une alcoolémie positive dans 69 % des
suicides par armes à feu et dans 56 % des suicides par
intoxication [18].
Modification des comportements
Chez les adolescents, l’alcool est, avec le tabac, la substance
la plus fréquemment expérimentée entre 12 et 18 ans. Le
comportement des adolescents vis-à-vis de l’alcool devient de
plus en plus comparable à celui des adultes. L’alcool n’est plus
un produit seulement « festif » car son usage régulier est en
hausse [20, 21] . Plus de 50 % des alcoolisations chroniques
débutent avant l’âge de 20 ans [20]. L’alcoolisation aiguë massive
s’inscrit désormais clairement comme un problème de santé
publique pour les mineurs de plus de 12 ans. Dans une étude
américaine, 44,9 % des lycéens rapportaient avoir consommé de
l’alcool dans le mois écoulé. Ils étaient 28,8 % à déclarer avoir
bu au moins cinq verres d’alcool lors d’une même occasion [22].
L’alcoolisation massive a des conséquences sociales et médicales
maintenant bien connues. Elle est plus facilement associée à
l’échec scolaire, à des conduites sexuelles à risque, à des
agressions sexuelles, à des tentatives de suicide, à des addictions
associées, à des comportements à risques sur la route et à des
comportements violents [16, 23]. Une étude prospective multicentrique française a porté sur l’IEA identifiée comme motif de
consultation aux urgences avec une alcoolémie positive chez des
patients mineurs de plus de 12 ans. Une conduite à risque était
retrouvée chez 65 % des patients toutes causes confondues :
tentative de suicide pour 9,5 % ; fugue pour 17,5 % et accident
de la voie publique pour 12,7 %. Le but de l’ingestion d’alcool
était suicidaire dans 8 % des cas. L’IEA était associée à la prise
de cannabis chez 11 % des patients ou à une intoxication
médicamenteuse chez 4,8 % d’entre eux [24].
Médecine d’urgence
Intoxication éthylique aiguë ¶ 25-150-A-30
■ Toxicologie
Toxicocinétique et métabolisme
L’éthanol, connu également sous le nom d’alcool éthylique
ou simplement alcool, est un toxique d’usage courant en France
(Fig. 1). La consommation annuelle par habitant en France était
en 2005 de 3,4 litres d’alcool pur [25]. Les boissons alcoolisées
sont caractérisées au regard de la législation par le terme de
degré alcoolique (d °) qui indique le volume d’alcool pur
contenu dans 100 volumes de boisson. Ainsi, les spiritueux
obtenus par distillation (whisky, gin, vodka, cognac) contiennent de 40 % à 50 % d’éthanol. Les vins renferment de 11 % à
13 % d’éthanol. Quant aux bières, la quantité d’éthanol
s’échelonne de 2 % à 6 %. Cette notion de degré d’éthanol est
parfois trompeuse. Il est donc important d’introduire la notion
d’unité d’alcool. La taille et la forme traditionnelles des verres
sont adaptées au volume d’alcool contenu dans les différentes
boissons alcoolisées et contiennent pratiquement la même
quantité d’alcool soit environ 10 g d’éthanol pur et correspondent à ce que l’on appelle une unité d’alcool (Fig. 2). Rappelons
que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit comme
acceptable une consommation d’éthanol n’excédant pas
21 unités d’alcool par semaine chez l’homme sans dépasser
quatre unités par occasion de boire. Chez la femme, le maximum toléré est de 14 unités sans dépasser deux unités par
occasion de boire.
L’éthanol est une petite molécule pourvue d’un radical OH de
formule chimique : CH3CH2OH et d’un poids moléculaire de
46,07 daltons. Ce liquide incolore, volatil, inflammable, d’odeur
caractéristique et de saveur brûlante, est soluble dans l’eau et
dans les graisses.
L’absorption de l’éthanol est quasi immédiate par diffusion
passive à travers la muqueuse gastrique (20 %) mais surtout du
Figure 1. Molécule d’éthanol.
=
=
=
Verre de porto Coupe de champagne
Ballon de vin
1 unité
d’alcool
=
Demi de bière
=
Verre de whisky
=
Verre de pastis
Figure 2. Équivalence des verres.
Médecine d’urgence
duodénum et du jéjunum proximal (80 %). À jeun, la concentration maximale sanguine est atteinte en 30 minutes [26]. La
distribution de l’éthanol est très rapide pour tous les organes
très vascularisés (cerveau, poumon, foie) avec une demi-vie de
distribution de 7 à 8 minutes [27].
L’éthanol est éliminé pour près de 90 % à 95 % par voie
métabolique. Le reste est excrété sous forme inchangée par les
poumons. La clairance pulmonaire est estimée, pour un sujet
d’un poids de 70 kg, à 0,16 l/h [28]. L’éthylométrie (mesure de
l’alcool expiré) est un bon reflet de l’éthanolémie car le rapport
de la concentration de l’éthanol entre le sang et l’air alvéolaire
est fixe (1/2 100). Les reins excrètent l’éthanol à raison de
0,06 l/h et la sueur à raison de 0,02 l/h pour un sujet d’un
poids de 70 kg [28]. L’éthanol est également éliminé dans la
salive et le lait maternel [29].
Le métabolisme de l’éthanol comprend deux étapes :
• L’oxydation en acétaldéhyde sous l’action de l’alcooldéshydrogénase (ADH) principalement au niveau des hépatocytes :
CH3CH2OH + NAD+ ↔ NADH + H+ + CH3CHO
L’action de l’ADH est complétée par deux autres systèmes
oxydatifs : Le système microsomal ethanol oxydizing system
(MEOS) et la voie de la catalase ;
• l’oxydation de l’acétaldéhyde en acétate est dépendante de
l’acétaldéhyde déshydrogénase (ALDH) en présence de NAD+ :
CH3CHO + NAD+ ↔ CH3COOH + NADH + H+
La capacité de métabolisation de l’éthanol est plus importante chez l’éthylique chronique : 175 mg/kg/h contre 100 à
125 mg/kg/h chez le buveur occasionnel. La dose létale estimée
pour un adulte serait de 300 ml à 400 ml d’éthanol ingéré en
moins de 1 heure, mais il existe des variabilités interindividuelles considérables [30].
La toxicité fonctionnelle de l’éthanol sur le système nerveux
central (SNC) est liée à son action sur la membrane cellulaire
des neurones. Cette petite molécule est très diffusible et peu
spécifique et modifie directement la structure des membranes
neuronales en la désorganisant, en particulier en fluidifiant la
structure phospholipidique. Cet effet est dose-dépendant. De
cette désorganisation structurelle va procéder l’altération de
certaines enzymes comme l’adénosine triphosphatase (ATPase)
Na+/K+ dépendante et des récepteurs des neurotransmetteurs au
niveau des synapses. La modification de cette enzyme contribue
à modifier le potentiel d’action des neurones en freinant les flux
membranaires de ces ions. Quant à l’altération des neurotransmetteurs, elle va perturber l’ensemble des mécanismes cellulaires
en relation directe avec ces récepteurs. Les transports ioniques
membranaires, en particulier le transport calcique, dont le rôle
est important dans le fonctionnement cellulaire, et la neurotransmission seront perturbés [31]. Par ailleurs, certaines manifestations toxiques aiguës sont directement liées aux métabolites
de l’éthanol, en particulier les radicaux libres produits par le
métabolisme oxydatif de l’acétaldéhyde.
L’éthanol a une activité bipolaire sur le SNC qui est dosedépendante. À faible concentration plasmatique, elle est
psychostimulante et désinhibitrice. À forte dose, elle déprime le
SNC, entraînant sédation, troubles de la vigilance et parfois
coma. L’éthanol altère le fonctionnement du lobe frontal qui
intervient en tant que modulateur des conduites instinctuelles
(appétit, soif, faim et sexualité). Cette action entraîne des
troubles de la coordination motrice, du jugement et des
capacités d’abstraction et du langage mais aussi des fonctions
cognitives [32]. Les troubles cognitifs sont importants même à
des taux d’alcoolémie faibles (< 0,50 g/l) ce qui n’est pas sans
poser le problème du taux légal d’alcoolémie pour conduire un
véhicule [33]. Le syndrome cérébelleux est constant provoquant
des troubles de l’équilibre et de la parole.
Le risque principal de l’éthanol à ces taux faibles réside dans
l’effet désinhibiteur responsable d’un grand nombre d’accidents
en modifiant les comportements de prises de risques [34]. La
diminution du champ visuel [35] et l’allongement du temps de
réaction [36] ont été mis en évidence et concourent aux mêmes
risques. Enfin, l’éthanol génère des comportements agressifs qui
sont responsables de la gravité médicosociale de cette intoxication [37, 38]. Les intoxications éthyliques qui se manifestent par
3
25-150-A-30 ¶ Intoxication éthylique aiguë
des troubles graves du comportement sont qualifiées d’ivresses
pathologiques.
Il faut toutefois nuancer l’approche basée sur la corrélation de
l’éthanolémie avec les défaillances du SNC car il existe des
variations individuelles, en particulier chez l’éthylique chronique. Il existe, en effet, des phénomènes de tolérance qui
permettent de supporter des éthanolémies élevées avec une
faible expression clinique. De même, pour une éthanolémie
équivalente, les manifestations neurosensorielles sont plus
importantes en phase ascendante de l’intoxication que pendant
la décroissance.
La toxicité lésionnelle de l’éthanol est liée à la consommation
chronique. Elle va entraîner des atteintes organiques qui
peuvent persister, même après un sevrage, pendant des mois et
même des années. Les origines de ces complications neurologiques sont liées aux effets directs et prolongés sur les neurones,
en particulier sur les membranes et les récepteurs comme nous
l’avons précédemment évoqué en phase aiguë, mais aussi aux
lésions anatomiques sur le SNC mises en évidence sous la forme
de pertes neuronales dans le cortex préfrontal, l’hypothalamus
et le cervelet [36, 39]. Enfin, les carences nutritionnelles, en
particulier en thiamine, jouent certainement un rôle aggravant.
Méthodes d’évaluation de l’alcoolémie
La mesure directe de l’éthanol dans les liquides biologiques
permet d’objectiver une consommation récente du toxique. Le
gold standard est la mesure directe de l’éthanol dans le sang car
elle reflète au mieux l’index d’imprégnation éthylique au niveau
cérébral chez un patient vivant [40]. L’air expiré contient de
l’éthanol dont la concentration est en lien direct avec celle du
sang. Dans le cadre de la toxicologie d’urgence, le dosage de
l’éthanol est actuellement réalisé par deux méthodes que sont
l’éthanolémie ou mesure de l’éthanol dans le sang et l’éthylométrie ou mesure de l’éthanol dans l’air expiré.
Différentes méthodes peuvent être utilisées pour mesurer la
concentration d’éthanol dans le sang. Les méthodes chimiques
nécessitent une séparation physique ou chimique de l’éthanol
du sang. Les méthodes enzymatiques sont basées sur la capacité
d’enzymes à oxyder l’éthanol en acétaldéhyde [40]. La détermination de l’éthanolémie en milieu hospitalier est réalisée la
plupart du temps par des méthodes enzymatiques automatisées [41]. En revanche, en médecine légale, les méthodes chimiques par distillation sont privilégiées car elles sont spécifiques
de l’éthanol, ce que ne sont pas les méthodes enzymatiques.
La mesure de l’éthanol dans l’air expiré s’appuie sur la
corrélation entre l’éthanol présent dans le sang et celui de l’air
expiré. Il est admis que 1 ml de sang contient la même quantité
d’alcool que 2 100 ml d’air. Ainsi, l’éthylométrie s’exprime
habituellement en g/210 l. Pour obtenir ce point d’équilibre, la
mesure doit être réalisée après une inspiration profonde et une
expiration rapide et profonde. Il existe deux grandes catégories
d’appareils de mesure de l’air expiré. Les éthylotests sont des
dispositifs mobiles procurant des résultats rapides qui nécessitent une participation active du sujet. L’intérêt de ces appareils
réside dans leur facilité d’utilisation et leur maniabilité. En
revanche, les résultats obtenus sont en général peu fiables. Les
éthylomètres donnent des données fiables et peuvent être
mobiles. Leurs résultats sont opposables devant les tribunaux.
■ Formes cliniques
Les manifestations cliniques de l’IEA sont dépendantes de
nombreux facteurs. En premier lieu, elles sont principalement
liées aux caractéristiques de la prise d’alcool (type d’alcool, dose
d’alcool ingérée, rapidité d’ingestion, température de la boisson,
ingestion simultanée de nourriture). Par ailleurs, d’autres
facteurs entrent en jeu comme l’âge, le sexe, le poids, le ratio
entre la masse maigre et la masse grasse mais aussi la susceptibilité de l’individu à l’éthanol. Enfin, l’existence de pathologies
associées, d’une consommation chronique d’alcool, de la prise
concomitante d’autres substances psychoactives va modifier
l’expression clinique de l’intoxication. Il n’existe pas de
corrélation fiable entre les signes cliniques observés et
l’alcoolémie.
4
La conférence de consensus de 1992 proposait une classification clinique de l’IEA en trois formes cliniques [42] :
• IEA isolée, non compliquée caractérisée par une logorrhée,
une incoordination motrice, des conjonctives injectées et une
odeur caractéristique de l’haleine ;
• IEA avec agitation psychomotrice ;
• IEA avec troubles de la vigilance.
En 2003, l’actualisation de la conférence de consensus
introduit de nouvelles notions qui enrichissent le cadre clinique
et complètent la précédente définition [43]. L’IEA simple est
scindée en trois phases distinctes : l’excitation psychomotrice
avec désinhibition et euphorie, l’incoordination avec trouble de
la vigilance et le coma. L’IEA pathologique, quant à elle, est
caractérisée par un tableau clinique marqué par une dangerosité
potentiellement majeure.
La différenciation entre IEA simple et pathologique est
toujours utilisée mais certains auteurs ont apporté des précisions. L’ivresse comateuse est définie par un état léthargique
plus ou moins profond avec une hyporéflexie tendineuse, une
hypoesthésie et une incontinence urinaire [44]. Pour les ivresses
pathologiques, le cadre nosologique s’enrichit de cinq tableaux
cliniques [45] :
• les ivresses excitomotrices sont des ivresses agitées, associant
impulsions verbales et motrices avec décharges clastiques
fréquentes. L’alcool devient alors un facteur criminogène
facilitant le passage à l’acte antisocial ;
• les ivresses d’allure maniaque sont marquées par l’euphorie,
la familiarité du discours, les idées de grandeur, de toute
puissance ;
• les ivresses dépressives : parmi les causes de décès chez les
patients alcooliques, le suicide est retrouvé dans 5 % à 25 %
des cas ;
• les ivresses délirantes avec des thèmes de persécution, de
jalousie et d’autodépréciation ;
• l’ivresse hallucinatoire est essentiellement visuelle, avec
principalement des hallucinations visuelles terrifiantes, allant
de distorsions cauchemardesques de la réalité à un véritable
état hallucinatoire. Le diagnostic différentiel est le delirium
tremens.
Dans la pratique de la médecine d’urgence, il nous paraît plus
intéressant de définir l’IEA en deux catégories constituées par les
IEA non compliquées et les IEA compliquées. La première se
définit par une intoxication éthylique pure et isolée. La seconde
s’oppose à la première, en associant à l’IEA, des complications
et des comorbidités.
Intoxication éthylique aiguë
non compliquée
L’IEA non compliquée se définit par l’ingestion d’alcool en
quantité excessive sans autre intoxication associée, sans anomalie des paramètres vitaux avec un examen clinique ne révélant
pas d’anomalie organique, ni de lésion traumatique et dont les
signes régressent dans les 3 à 6 heures. Classiquement, les
premiers signes cliniques d’intoxication sont caractérisés par
une euphorie avec désinhibition et excitation. Des troubles de
l’attention et une augmentation du temps de réaction sont en
général associés. À des doses plus élevées, il existe une incohérence dans le discours à laquelle s’associent une dysarthrie et
des troubles de la marche avec incoordination et titubation. Des
troubles de l’équilibre et des vertiges avec troubles végétatifs
sont possibles. Lors d’une consommation importante, des
troubles de la vigilance apparaissent pouvant aller jusqu’au
coma, sans signe de localisation neurologique, avec une bradycardie et une hypotension modérées.
Intoxication éthylique aiguë compliquée
L’IEA compliquée est définie par l’ingestion d’alcool en
quantité excessive survenant chez un patient associé à au moins
un des éléments du Tableau 1. Aux mêmes éléments d’expression clinique que dans l’IEA non compliquée vont se rajouter
les signes cliniques propres aux complications.
Médecine d’urgence
Intoxication éthylique aiguë ¶ 25-150-A-30
Tableau 1.
Principales complications de l’intoxication éthylique aiguë (d’après
Neurologiques
[46]).
Convulsions
Troubles de la conscience et coma
Encéphalopathies
Agitation aiguë
Cardiologiques
Troubles du rythme supraventriculaire
Pulmonaires
Pneumopathie d’inhalation
Métaboliques
et hydroélectrolytiques
Hypoglycémie
Thermiques
Hypothermie
Digestives
Gastrite aiguë
Acidocétose alcoolique
Dysnatrémie
Syndrome de Mallory-Weiss
Hépatite alcoolique aiguë
Musculaires
Rhabdomyolyse
Infectieuses
Pneumopathies
Allergiques
Œdème de Quincke
Traumatiques
Traumatisme crânien
Polytraumatisme
Associations toxiques
Médicaments
Cannabis
Cas particulier de l’intoxication éthylique
aiguë de l’enfant et de l’adolescent
Chez l’enfant, l’IEA se manifeste habituellement par un
tableau d’euphorie avec incoordination motrice et désinhibition. L’évolution se fait vers l’hypotonie avec des troubles de la
conscience pouvant aller jusqu’au coma. L’hypoglycémie est
fréquente chez l’enfant. L’IEA, chez l’adolescent, est une
conduite à risque dangereuse car elle est souvent le reflet d’une
détresse sociofamiliale, scolaire et psychique. Même si la plupart
des adolescents consomment de l’alcool sur un mode festif, il
existe tout de même une notion de consommation excessive
d’alcool fort, équivalent suicidaire dans un contexte social
difficile, associée à des troubles neurologiques et des traumatismes, voire des agressions sexuelles chez les jeunes filles ivres [24].
■ Stratégie de prise en charge
Recherche des éléments de gravité
immédiats
Devant une IEA, il convient de détecter d’emblée des signes
de gravité. Dans une démarche logique, les fonctions vitales
doivent être systématiquement analysées :
• l’état de conscience ;
• la fréquence respiratoire et une éventuelle altération de cette
fonction (cyanose, sueurs, polypnée, etc.) ;
• le pouls, la pression artérielle (PA), une instabilité hémodynamique, des signes de choc (extrémités froides, marbrures,
pression artérielle systolique inférieure à 100 mmHg, tachycardie supérieure à 110 battements par minute, désaturation
en oxygène en air ambiant et oligoanurie).
Devant la présence d’un signe de gravité, le patient est
directement admis en salle d’accueil des urgences vitales pour
une prise en charge qui a pour objectif de stabiliser les fonctions
vitales pour permettre, après stabilisation, une démarche
diagnostique étiologique.
Abord du patient alcoolisé
L’alcool lève les inhibitions, ce qui induit souvent des
troubles du comportement. Cet état provoque fréquemment
chez les personnels soignants des réactions négatives. Les
comportements de rejet comme les attitudes permissives ou de
banalisation, voire de complaisance ne sont pas adaptés. Le
patient alcoolisé peut être brutal, voire violent, rendant toute
Médecine d’urgence
discussion illusoire. Toutefois, tout doit être mis en œuvre pour
réussir à le calmer. Pour cela, il faut éviter de répondre aux
attaques verbales ou physiques du patient et rester impassible.
Il faut faire preuve de bienveillance et limiter au maximum les
interlocuteurs, en ne gardant si possible qu’une seule personne
« référente ». Il convient toutefois de rester vigilant car un
patient alcoolisé peut être dangereux pour lui-même et le
personnel.
Recueil de l’anamnèse et recherche
des antécédents
Il est important de connaître les circonstances de l’IEA. Il
peut être utile de faire appel aux témoignages de l’entourage,
des secouristes ou des forces de l’ordre pour obtenir des
informations sur l’anamnèse, en particulier les signes évocateurs
de convulsions, l’existence de vomissements, d’un déficit
moteur ou la notion d’un traumatisme. Il est indispensable de
noter les antécédents du patient et son traitement habituel.
Enfin, on doit rechercher une éventuelle toxicomanie associée.
Examen clinique
L’examen clinique doit être systématique et minutieux et les
données recueillies doivent être consignées dans le dossier
médical [47]. En cas d’agitation aiguë, il doit être réalisé après
sédation et contention du patient. L’examen comprend surtout
le recueil des paramètres vitaux (pouls, PA, saturation en
oxygène [SpO2]), la prise de la température et la mesure de la
glycémie capillaire. Une attention particulière est portée sur la
présence de sueurs, de cyanose, l’appréciation de l’état d’hydratation, l’odeur de l’haleine (alcoolique ou acidocétosique).
L’examen de l’extrémité céphalique, à la recherche d’une
déformation, d’un hématome ou d’une plaie doit être impérativement réalisé. Il en est de même pour la recherche de points
de ponction veineux, potentiellement évocateurs d’une
toxicomanie.
L’examen neurologique doit être complet, caractériser l’état
de conscience et rechercher les signes neurologiques périphériques ou centraux, focaux ou diffus. Un syndrome méningé, une
otorragie, un hématome mastoïdien ou orbitaire, évocateur
d’une fracture de la base du crâne sont systématiquement
recherchés.
L’examen cardiovasculaire doit rechercher une anomalie du
rythme cardiaque et tout signe d’insuffisance cardiaque.
L’examen digestif s’attache à regarder s’il existe des signes
d’insuffisance hépatocellulaire.
Affirmer le diagnostic
Le diagnostic d’IEA est le plus souvent le résultat d’un
faisceau d’arguments anamnestiques et cliniques, qui permettent aussi d’en apprécier la gravité. Toutefois, la sensibilité de
l’examen clinique n’est que de 78 % et la spécificité de 98 %,
ce qui implique que 2 % des IEA présumées ne sont pas des IEA
et que le tableau clinique est imputable à une autre pathologie
potentiellement grave.
Examens complémentaires
L’alcoolémie permet de confirmer l’intoxication et de la
quantifier mais la corrélation entre l’alcoolémie, les signes
cliniques et la gravité est médiocre. Elle permet aussi, en cas de
négativité, d’éliminer un diagnostic d’IEA cliniquement présumé. Elle présente un intérêt certain s’il existe une discordance
entre la quantité absorbée d’alcool et l’état clinique ou si
l’évolution ne coïncide pas avec une évolution normale en
quelques heures. L’alcoolémie peut être remplacée par l’éthylométrie à condition de bien en respecter les règles. La mesure de
la glycémie capillaire doit être systématique pour rechercher une
hypoglycémie. D’autres examens biologiques peuvent présenter
un intérêt. L’hémogramme permet d’apprécier le volume
globulaire moyen et d’orienter vers une pathologie chronique
alcoolique. Le ionogramme sanguin objective l’état d’hydratation du patient et d’éventuels troubles ioniques. Il permet aussi
5
25-150-A-30 ¶ Intoxication éthylique aiguë
Tableau 2.
Indications de tomodensitométrie cérébrale en urgence dans un contexte
d’intoxication éthylique aiguë (d’après [46]).
une fièvre ou une hypothermie. Il faut toujours chercher une
autre cause en gardant à l’esprit que l’IEA ne doit être qu’un
diagnostic d’élimination. Le Tableau 4 résume les principaux
diagnostics différentiels.
La stratégie de prise en charge est schématisée dans la
Figure 3.
Absence d’amélioration spontanée de l’état de conscience
Détérioration rapide de l’état de conscience
Signes de localisation neurologiques
Convulsions récentes avec doute ou notion d’un traumatisme crânien
■ Prise en charge de l’IEA
non compliquée
Crises convulsives focales
Comportement non expliqué par l’alcoolémie
À l’issue de la prise en charge initiale en salle d’urgence, la
surveillance doit se faire au mieux en unité d’hospitalisation de
courte durée. La surveillance d’un patient alcoolisé doit être
attentive, réalisée toutes les 30 à 60 minutes. Les paramètres de
la surveillance doivent être consignés par écrit dans le dossier
du patient. La durée de la surveillance est déterminée par le
retour à une relation possible du patient alcoolisé avec l’entourage, qui peut avoir lieu, en général, entre 3 et 6 heures. La
décroissance de l’alcoolémie est de 0,15 à 0,45 g/l/h. Dans le
cadre d’une IEA non compliquée et en l’absence d’hypoglycémie, la pose d’une voie veineuse périphérique n’est pas nécessaire
et
aucune
thérapeutique
particulière
n’est
recommandée [49]. En revanche, en cas d’hypoglycémie qui doit
être immédiatement corrigée par l’administration de soluté
glucosé ou dans un contexte d’alcoolisme chronique, une
surveillance de la glycémie capillaire toutes les 2 heures paraît
utile, d’autant plus que le patient est dénutri ou diabétique.
Dans ce contexte, la prescription de thiamine (vitamine B1), per
os ou intraveineuse à raison de 300 à 500 mg/j est conseillée en
association avec du soluté glucosé, en prévention de
l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke [43].
de calculer le trou osmotique qui est corrélé à l’imprégnation
alcoolique, même s’il peut avoir d’autres origines, en particulier
toxique (méthanol, éthylèneglycol, etc.). Il peut retrouver
également une hyponatrémie fréquente chez les grands
consommateurs de bière. Le taux de prothrombine permet de
détecter une éventuelle insuffisance hépatocellulaire et le bilan
hépatique, une hépatite alcoolique. L’urée et la créatinine
permettent de repérer un syndrome hépatorénal. Les créatines
phosphokinases (CPK) permettent d’éliminer une éventuelle
rhabdomyolyse, en particulier si le patient est resté allongé
plusieurs heures. La recherche de toxiques, en particulier le
monoxyde de carbone (CO), doit être large même en l’absence
de contexte évident.
L’électrocardiogramme (ECG) est indispensable pour éliminer
une pathologie cardiaque, en particulier les troubles de la
conduction ou du rythme cardiaque. Les examens d’imagerie
sont orientés par l’examen clinique. L’examen tomodensitométrique (TDM) cérébral doit avoir des indications larges devant
une anomalie focalisée de l’examen neurologique, des stigmates
de traumatisme crânien ou des troubles de la conscience non
corrélés avec l’alcoolémie mesurée. La ponction lombaire peut
compléter la TDM, en particulier dans un contexte fébrile. Le
Tableau 2 précise les principales indications de TDM cérébrale
et le Tableau 3 résume les principaux examens paracliniques
nécessaires à l’évaluation de l’IEA en SU [48].
■ Prise en charge de l’IEA
compliquée
Rechercher les complications
Complications neurologiques
En présence d’une IEA, il est impératif de rechercher les
complications et d’en estimer le danger immédiat ou potentiel [46]. Les principales complications sont résumées dans le
Tableau 1.
Confusion et troubles de la conscience
Diagnostic différentiel
De nombreuses pathologies sont susceptibles de simuler une
IEA ou de lui être fréquemment associées [48] . L’IEA seule
n’explique pas toujours une hypotension artérielle, une polypnée, une bradypnée, une anomalie de la fréquence cardiaque,
.
Les troubles de la conscience nécessitent une surveillance
attentive. L’examen neurologique doit être complet à la recherche de signes de focalisation et doit être renouvelé très régulièrement. L’état de conscience doit être quantifié à chaque
examen clinique par le calcul du score de Glasgow qui, bien que
non validé dans ce cadre, constitue néanmoins un élément
quantitatif intéressant. Tout élément clinique anormal doit
donner lieu à la réalisation d’une TDM cérébrale en urgence.
Tableau 3.
Principaux examens paracliniques utiles dans l’évaluation de l’intoxication éthylique aiguë (d’après
[48]).
Alcoolémie
Confirmation et sévérité de l’intoxication éthylique
Glycémie
Recherche d’une hypoglycémie à l’origine de l’état clinique ou compliquant l’ivresse
Ionogramme
Recherche d’une déshydratation, d’une dysnatrémie et de troubles acidobasiques
Le calcul du trou osmolaire permet la recherche aspécifique d’une intoxication alternative ou conjointe par
un autre alcool (méthanol ou éthylèneglycol)
Urée et créatinémie
Recherche d’un syndrome hépatorénal
Créatine phosphokinase (CPK)
Recherche d’une rhadbomyolyse
Gaz du sang
Recherche d’une anomalie acidobasique (acidocétose alcoolique, acidose métabolique de l’intoxication au
méthanol ou à l’éthylèneglycol, alcalose métabolique de l’encéphalopathie hépatique)
Hémogramme (VGM)
Recherche de stigmates d’intoxication éthylique chronique
Protéine C réactive (CRP)
Recherche d’une infection bactérienne
TP et ASAT/ALAT
Recherche d’une insuffisance hépatocellulaire
Ponction lombaire
Recherche d’une encéphalite ou d’une méningite
Examens toxicologiques sanguins et urinaires Recherche de toxiques spécifiques
Tomodensitométrie crânienne et cérébrale
Recherche d’une pathologie traumatique, hémorragique ou ischémique cérébrale
Électrocardiogramme
Recherche d’une complication cardiaque rythmique ou ischémique
Électroencéphalogramme
Recherche d’une pathologie épileptique en particulier un état de mal non convulsif
VGM : volume globulaire moyen ; TP : taux de prothrombine ; ASAT/ALAT : aspartate aminotransférase/alanine aminotransférase.
6
Médecine d’urgence
Intoxication éthylique aiguë ¶ 25-150-A-30
Tableau 4.
Principaux diagnostics différentiels de l’intoxication éthylique aiguë (d’après
Hypoglycémie
[48]).
Troubles de la vigilance, sueurs, parfois des troubles neurologiques latéralisés, atteintes des nerfs crâniens,
convulsions
État de mal épileptique
Parfois infraclinique, compliquant un syndrome de sevrage survenu dans les heures précédant l’admission
Encéphalopathie aiguë de Gayet-Wernicke
Liée à un état carentiel en thiamine. Classiquement composée d’une confabulation (avec amnésie antérograde), d’un nystagmus avec oculoparésie et d’une ataxie cérébelleuse
Hypercapnie
Antécédents, sueurs, céphalées, ± hypertension artérielle
Acidocétose alcoolique
Douleurs abdominales et vomissements, respiration de Kussmaul
Encéphalopathie hépatique
Astérixis, foetor hépatique
Hématome sous-dural
Anisocorie, hémisyndrome moteur et/ou sensitif
Hémorragie intracrânienne
Hémisyndrome moteur et/ou sensitif, signes d’atteinte du tronc cérébral
Hémorragie méningée
Céphalées, syndrome méningé
Traumatisme craniocérébral
Troubles neurologiques, otorrhée, rhinorrhée, hypertension intracrânienne
Encéphalites et méningites
Contexte fébrile et syndrome méningé
Intoxications
Méthanol
Douleurs abdominales et vomissements, troubles visuels, respiration de Kussmaul
Ethylèneglycol
Douleurs abdominales et vomissements, nystagmus, convulsions, respiration de Kussmaul
Monoxyde de carbone (CO)
Contexte
Médicaments hypnotiques
Contexte
Il en est de même en cas de stigmates de traumatisme
céphalique. Par ailleurs, il faut être très vigilant devant un coma
dont l’importance n’est pas corrélée à l’alcoolémie mesurée. À
titre d’exemple, un patient alcoolique chronique est habituellement stimulable pour une alcoolémie à 3 g/l, voire plus. La
prise en charge est d’abord symptomatique, en particulier pour
assurer une oxygénation et une hydratation adéquates. Le
patient est installé dans une position destinée à prévenir
l’inhalation bronchique en cas de vomissement. L’administration de thiamine en intraveineux est recommandée.
Convulsions
Une crise convulsive généralisée peut survenir lors d’une
absorption massive d’alcool, en particulier chez le consommateur épisodique, par abaissement du seuil épileptogène. Toutefois, les convulsions dans un contexte d’IEA ne doivent pas être
banalisées car elles sont dans 20 % des cas en relation avec les
conséquences d’un traumatisme crânien. Par ailleurs, des crises
focalisées sont très évocatrices d’une lésion cérébrale. Il est donc
indispensable de rechercher systématiquement une autre
étiologie, en particulier une hypoglycémie, un processus
expansif intracrânien ou une intoxication associée. Le recours à
la TDM cérébrale doit être large. Le Tableau 5 précise les signes
de gravité devant une crise convulsive survenant dans un
contexte d’IEA. La prise en charge de la crise convulsive n’est
pas modifiée dans le contexte de l’IEA.
Accidents vasculaires cérébraux
L’accident vasculaire cérébral ischémique est une complication potentielle de l’IEA qui pourrait être liée, en particulier
chez le sujet jeune, à des troubles du rythme cardiaque d’origine
toxique [50]. Quant au rôle de l’alcool dans la survenue d’évènements hémorragiques intracrâniens, il est admis que la rupture
d’anévrisme serait favorisée par le traumatisme crânien et par
les manœuvres de Valsalva au cours des vomissements. Devant
une IEA avec des troubles neurologiques, le recours en urgence
à la TDM cérébrale est indispensable (Tableau 2).
Agitation psychomotrice
Présente dans environ 20 % des cas d’IEA, l’agitation est
permanente ou intermittente, associée ou non à des violences
verbales et/ou physiques [49]. Il faut évoquer et rechercher une
hypoglycémie, une intoxication associée ou tout autre étiologie
susceptible de déclencher une agitation [51] . Une attention
particulière doit être portée sur l’intoxication au monoxyde de
carbone, même en l’absence de contexte évident. Un examen
neurologique anormal ou la notion d’un traumatisme crânien
imposent un examen tomodensitométrique cérébral en urgence.
L’existence d’une fièvre associée à une agitation ou à une
Médecine d’urgence
confusion doit conduire à poser l’indication d’une ponction
lombaire. La prise en charge de l’agitation repose avant tout sur
la sédation verbale et environnementale. En cas d’échec, la
sédation pharmacologique doit être utilisée. La sédation d’un
patient intoxiqué est toujours dangereuse en raison du risque de
potentialisation des effets des molécules utilisées avec l’alcool.
Elle peut être réalisée seulement quand l’indication en est
formellement posée et lorsque les conditions de sécurité sont
réunies : locaux, matériels et compétences adaptés. Les benzodiazépines sont à prescrire en première intention car elles
possèdent le meilleur rapport bénéfice/risque. Les molécules à
privilégier sont le diazépam ou le clorazépate. La voie per os
peut être utilisée en associant la prise médicamenteuse à un jus
de fruit ou à un café (clorazépate 50 mg à 100 mg per os). La
voie intraveineuse assure la meilleure disponibilité pour un effet
rapide et permet la titration mais elle est difficilement praticable
en cas de grande agitation (diazépam en titration 10 mg à
20 mg en intraveineux ou clorazépate en titration 10 mg toutes
les minutes). La voie intramusculaire est à éviter compte tenu
d’une résorption variable [20]. L’administration intranasale de
midazolam (5 mg IN) a été décrite et peut constituer une
alternative intéressante [52]. Les neuroleptiques sédatifs d’action
rapide peuvent être utilisés dans les formes incoercibles d’agitation. L’halopéridol par voie intramusculaire (5 mg à 10 mg)
constitue un choix consensuel mais, compte tenu de ses
fréquents effets indésirables, une surveillance clinique (tension
artérielle, fréquence cardiaque, vigilance) est indispensable. Il
peut être associé aux benzodiazépines. La loxapine a peu
d’intérêt dans ce contexte en raison de son pic sérique obtenu
en 1 heure. Ce délai est trop long dans ce contexte et impose
une contention physique prolongée, donc à risque. Toutefois,
l’association du clonazépam à la loxapine semble intéressante,
associant la rapidité d’action de la benzodiazépine à la sédation
neuroleptique. Des études doivent être menées pour valider
cette association. Les autres neuroleptiques ne sont plus
recommandés [20]. La contention physique peut être utilisée
pour protéger le malade, son entourage et les soignants. Elle
doit être coordonnée, réalisée à plusieurs (un pour chaque
membre) avec du matériel adéquat et faire l’objet d’une prescription médicale écrite précisant ses modalités et sa durée. Elle
doit bénéficier d’une surveillance clinique régulière et attentive.
La contention doit être limitée dans le temps et obligatoirement
être expliquée sur ses raisons et modalités au patient et à ses
proches.
Encéphalopathies
Les encéphalopathies sont des pathologies relativement
fréquentes chez l’alcoolique chronique qui peuvent se révéler au
décours d’une IEA. Elles peuvent être à l’origine de tableaux
7
25-150-A-30 ¶ Intoxication éthylique aiguë
Intoxication éthylique aigüe
Éléments de gravité immédiats ?
Oui
Non
SAUV
Stabilisation ?
Examen clinique complet
Oui
Affirmation de l'IEA
- Alcoolémie
- Élimination des diagnostics différentiels
Non
Réanimation
Examens complémentaires
Existence de complications ?
Oui
Non
Surveillance en UHCD
- État de conscience
- Paramètres vitaux
- Glycémie
Neurologiques
Cardiaques
Pulmonaires
Traitement
- Correction de l'hypoglycémie
- Thiamine (OH chronique +++)
Métaboliques
et
électrolytiques
Thermiques
Prise en charge
spécifique
des complications
Digestives
Musculaires
Prise en charge au décours de l'IEA
(une fois disparus les signes cliniques
de l’IEA ou les troubles
cognitifs du sevrage)
Infectieuses
Allergiques
Traumatiques
Toxiques
Figure 3. Arbre décisionnel. Prise en charge de l’intoxication éthylique aiguë (IEA). SAUV : salle d’accueil des urgences vitales ; UHCD : unité d’hospitalisation
de courte durée.
Tableau 5.
Signes de gravité devant une crise convulsive dans un contexte
d’intoxication éthylique aiguë (d’après [46]).
Intoxication alcoolique modérée
Durée des crises au-delà de 6 heures
Nombre de crises > 6
État de mal convulsif
Existence de signes neurologiques focaux
Notion de traumatisme crânien
État confusionnel post-critique prolongé (soit > 30 minutes)
cliniques interférant celui de l’IEA. L’encéphalopathie de GayetWernicke est due à une carence en thiamine. Elle associe des
8
troubles de la conscience avec amnésie, agitation et parfois
délire, des paralysies oculomotrices avec parfois un nystagmus
et une ataxie cérébelleuse [44]. Le traitement repose sur l’administration parentérale de thiamine. En absence de traitement,
l’évolution se fait inexorablement vers un syndrome de Korsakoff. Ce syndrome associe une amnésie antérograde avec
amnésie rétrograde souvent étendue avec des fausses reconnaissances et des fabulations. Les conséquences sociales sont
importantes. Le traitement repose sur l’administration de
thiamine.
L’encéphalopathie hépatique est secondaire à l’insuffisance
hépatique, en particulier lors d’une cirrhose hépatique. Cette
encéphalopathie est habituellement déclenchée par un trouble
métabolique, une infection intercurrente ou la prise de sédatif.
Le tableau clinique associe un trouble de la conscience pouvant
Médecine d’urgence
Intoxication éthylique aiguë ¶ 25-150-A-30
Figure 4. Trouble du rythme supraventriculaire. Fibrillation auriculaire
avec bloc de branche incomplet droit et hémibloc antérieur gauche.
aller jusqu’au coma à un astérixis, à des signes extrapyramidaux
et parfois à des crises convulsives. L’évolution dépend du stade
de la maladie, du traitement des causes intercurrentes. Le
traitement repose sur l’administration de lactulose par sonde
nasogastrique ou lavement, la prévention des causes déclenchantes et la réduction de l’apport protidique.
D’autres tableaux neurologiques d’origine carentielle peuvent
être retrouvés comme la maladie de Marchiafava-Bignami qui
est due à la nécrose des corps calleux. Elle associe une akinésie,
un syndrome extrapyramidal et un coma hypertonique. La
myélinolyse centropontine associe quant à elle une tétraplégie
pyramidale à des troubles de la conscience. Le dosage de la
phosphorémie est important car l’hypophosphorémie est
fréquente chez les alcooliques chroniques dénutris. Elle peut
favoriser une rhabdomyolyse et être responsable d’encéphalopathies.
Complications cardiaques
et hémodynamiques
La consommation aiguë d’éthanol provoque une diminution
de la contractilité du myocarde et engendre une vasodilatation
périphérique responsable d’une baisse modérée de la pression
sanguine, compensée par une augmentation de la fréquence et
du débit cardiaque. Ces effets ont classiquement peu de répercussions cliniques mais les patients qui présentent des pathologies cardiaques préexistantes peuvent être symptomatiques.
Toutefois, l’IEA peut être à l’origine d’un collapsus cardiovasculaire [53]. Des allongements des espaces PR et QT à l’ECG sont
également possibles. Ces troubles conductifs peuvent se compliquer d’arythmie auriculaire ou ventriculaire. Une tachycardie
paroxystique peut survenir, même chez des patients indemnes
de toute pathologie cardiaque, ce syndrome est appelé holiday
heart (Fig. 4). Ces troubles régressent spontanément en 24 heures dans 90 % des cas mais doivent être surveillés. Ceux qui ne
régressent pas spontanément et qui ont un retentissement
systémique doivent bénéficier d’une prise en charge cardiologique adaptée.
L’IEA peut être à l’origine d’un collapsus cardiovasculaire [53].
Le shoshin béribéri constitue un tableau clinique associant un
état de choc, une cyanose des extrémités caractéristique, des
pouls périphériques présents mais non symétriques, une polypnée et une agitation. Son mécanisme physiopathologique est
consécutif à une carence en thiamine liée à la mauvaise qualité
des apports nutritionnels et à la malabsorption digestive qui
entraîne l’accumulation d’acide lactique responsable de
l’atteinte cérébrale et myocardique, à la vasodilatation artérielle
musculaire et splanchnique expliquant la baisse des résistances
vasculaires périphériques et à l’ouverture des shunts artérioveineux. Enfin, il existe une hypercatécholaminémie majeure
responsable de la vasoconstriction des extrémités. Il s’agit d’une
complication exceptionnelle mais grave. Le traitement repose
Médecine d’urgence
Figure 5. Pneumopathie d’inhalation.
sur l’administration en urgence de thiamine par voie parentérale
associée aux mesures de réanimation symptomatiques [53].
Complications pulmonaires
L’inhalation bronchique constitue une complication fréquente des IEA avec trouble de la conscience (Fig. 5). Une
dyspnée, un encombrement bronchique, des râles diffus ou en
foyer à l’auscultation doivent donc être systématiquement
recherchés. Dans ce cadre, le bilan biologique comporte une
mesure des gaz du sang artériel et une radiographie pulmonaire
(RP). Une antibiothérapie probabiliste adaptée doit être initiée.
Complications métaboliques
et hydroélectrolytiques
Une hypernatrémie modérée est retrouvée dans 41 % des cas,
en relation avec une déshydratation hyperosmolaire et une
hyperchlorémie dans 21 % des cas [49].
Une hyponatrémie peut être observée lors d’une absorption
importante de bière qui provoque une polyurie osmotique et
donc des pertes rénales de sodium. Elle peut entraîner des
troubles de la vigilance ou des crises comitiales. Le traitement
repose sur l’apport de sodium et la restriction hydrique.
L’hypoglycémie est fréquemment rencontrée chez les enfants
lors d’une intoxication accidentelle. Elle n’est pas corrélée avec
la dose d’éthanol ingérée. Elle est due à la défaillance de la
fonction glycogénique hépatique en raison de l’inhibition de la
néoglucogenèse. L’hypoglycémie doit être évoquée devant tout
sujet alcoolisé présentant une confusion ou des troubles de la
vigilance. Elle peut également survenir en « post-ivresse » et
justifie sa recherche systématique dans tous les cas d’IEA [54]. La
réalisation de la mesure de la glycémie capillaire est indispensable devant toute suspicion d’IEA. Le traitement consiste en
l’apport de soluté glucosé et de thiamine.
L’acidocétose alcoolique touche essentiellement les alcooliques chroniques dénutris et se développe après quelques jours
de jeûne et d’alcoolisation renforcée. Le tableau clinique associe
douleurs abdominales et vomissements. L’examen objective des
signes de déshydratation avec une odeur fruitée de l’haleine
caractéristique. La biologie montre une acidose métabolique
modérée avec élévation du trou anionique. La glycémie est
normale, voire abaissée. Des corps cétoniques sont retrouvés
dans les urines. Le traitement repose sur la perfusion de soluté
glucosé [54].
Complications thermiques
L’hypothermie est une complication relativement fréquente.
Dans ce cadre, il est important de chercher à savoir si l’hypothermie est la conséquence directe de l’IEA ou s’il existe une
9
25-150-A-30 ¶ Intoxication éthylique aiguë
autre cause. L’IEA peut être à l’origine d’anomalie de la thermorégulation. Par ailleurs, l’alcool augmente la thermolyse par la
vasodilatation qu’il induit. Des troubles de la conduction
cardiaque peuvent être favorisés par une exposition prolongée
au froid. La prise en charge de l’hypothermie n’est pas modifiée
dans le contexte de l’IEA [55].
Complications digestives
La gastrite aiguë, le syndrome de Mallory-Weiss et l’hépatite
alcoolique aiguë sont les principales complications digestives de
l’IEA. Pour les deux premiers, la prise en charge repose sur
l’endoscopie digestive haute. La gastrite aiguë se traite par
inhibiteurs de la pompe à protons, le syndrome de MalloryWeiss peut nécessiter des mesures de réanimation en cas
d’hématémèse importante.
L’hépatite aiguë est une lésion inflammatoire du foie dont la
sévérité est très variable, pouvant aller de formes mineures
asymptomatiques aux formes majeures responsables d’une
insuffisance hépatique fatale. Le tableau clinique associe anorexie,
vomissements, douleurs abdominales. La fièvre est présente dans
la moitié des cas. L’examen clinique objective une hépatomégalie
douloureuse plus ou moins associée à une splénomégalie dans
30 % des cas. La biologie montre une cytolyse prédominant sur
les ASAT souvent associée à une cholestase et à l’élévation de la
bilirubine. La diminution du taux de prothrombine est proportionnelle à la gravité de l’hépatite. La biopsie hépatique permet
de confirmer le diagnostic mais elle n’est en général pas indispensable devant les signes cliniques et biologiques. Toutefois, le
tableau clinique ne doit pas être confondu avec une urgence
chirurgicale (cholécystite, angiocholite aiguë). La gravité s’évalue
sur les signes d’encéphalopathie hépatique, l’hyperbilirubinémie
supérieure à 100 µmol/l et un taux de prothrombine ou de
facteur V inférieur à 50 %. Le score de Maddrey peut être utilisé
pour évaluer la gravité de l’hépatite alcoolique aiguë :
4,6 × TP malade – témoin + bilirubine/17
Un score supérieur ou égal à 32 témoigne d’une forme grave.
Le traitement repose sur l’abstinence totale de consommation
d’alcool et pour les formes graves sur la corticothérapie, la
prévention du delirium tremens et l’administration de
thiamine [56].
Complications musculaires
La rhabdomyolyse doit être évoquée pour tout sujet alcoolisé,
s’il y a une notion de chute et d’immobilisation prolongée, de
crise convulsive ou une intoxication associée [49] . Elle est
souvent associée à une hypothermie qui doit être toujours
recherchée. Le diagnostic repose sur le dosage des enzymes
musculaires (CPK) dont l’élévation est proportionnelle à la lyse
musculaire mais n’est pas prédictive de l’insuffisance rénale. La
recherche d’une hyperkaliémie, d’une acidose associée et la
réalisation d’un ECG doivent être systématiques. La prise en
charge thérapeutique repose sur la restauration de la volémie, le
maintien de la diurèse à 150/200 ml/h et la surveillance de la
fonction rénale.
Complications allergiques
Une urticaire, un bronchospasme, un œdème de Quincke,
voire un choc anaphylactique sont possibles en raison du
caractère histaminolibérateur de l’acétaldéhyde ou de la présence d’autres substances « allergisantes » (métabisulfites,
tartrazine, tyramine, etc.) dans les boissons alcoolisées. Le
traitement de ces complications allergiques n’est pas modifié
dans ce contexte.
Complications et associations traumatiques
Le traumatisme crânien est fréquent chez les patients présentant une IEA, principalement en raison des troubles de la
marche. L’indication d’un examen tomodensitométrique
cérébral doit être large devant toute notion de traumatisme
crânien, de plaie et d’hématome du cuir chevelu ou de la face.
Il en est de même devant l’apparition d’une anomalie pupillaire,
d’un déficit moteur, d’une anomalie de la conscience nouvelle,
persistante ou majorée et d’une crise convulsive. La prise en
charge doit être adaptée à chaque type de lésion mise en
évidence [57].
Une paralysie tronculaire ou plexique sensitivomotrice peut
être retrouvée. Elle touche en général les nerfs sciatique, crural,
poplité externe, radial ou cubital. Le mécanisme est lié à la
toxicité directe de l’alcool sur les nerfs associée à un phénomène de compression prolongée en rapport avec des postures
compressives. Il est toutefois nécessaire d’éliminer un hématome
ou une fracture à proximité du nerf [58].
Le polytraumatisme dans un contexte d’IEA est fréquent.
Dans ce cadre il est impératif de rechercher par l’examen
clinique, une altération des paramètres vitaux, des lésions
céphaliques, rachidiennes, thoraciques, abdominales et pelviennes. Le recours à la TDM « corps entier » est indispensable après
stabilisation des paramètres vitaux. La stratégie de prise en
charge n’est pas modifiée par le contexte d’IEA.
Associations toxiques
L’IEA peut être associée à la prise conjointe d’un ou plusieurs
autres toxiques. Une intoxication associée doit donc être
systématiquement recherchée. L’alcoolémie est positive dans
30 % à 70 % des intoxications médicamenteuses [59]. Le cannabis est souvent retrouvé lors des IEA des jeunes adultes. La
recherche doit s’appuyer sur le contexte et l’interrogatoire de
l’entourage, la recherche de toxiques dans le sang et les urines.
L’ECG est indispensable dans ce contexte à la recherche d’une
intoxication associée à toxicité cardiaque. L’adjonction
d’hydrocarbures (essence, white spirit, etc.) à des boissons
alcoolisées pour obtenir une majoration des effets enivrants
semble se répandre lors de rassemblements festifs. Ces produits
pouvant être responsables de lésions pulmonaires, une RP doit
être réalisée dans ce contexte.
Complications infectieuses
■ Prise en charge de l’IEA
de l’enfant et de l’adolescent
L’IEA accroît le risque d’infection sévère en altérant certains
mécanismes de défense immunitaire, en raison notamment
d’une toxicité médullaire. Par ailleurs, les troubles de la
conscience favorisent l’inhalation de sécrétions oropharyngées
ou gastriques. Les pneumopathies sont les infections les plus
fréquentes et les germes retrouvés sont le plus souvent le
pneumocoque, les bacilles à Gram négatif (Klebsiella pneumoniae)
et les germes anaérobies. L’évolution vers un choc infectieux est
possible [54] . Une antibiothérapie adaptée aux germes cités
ci-dessus doit être rapidement mise en œuvre dans l’attente des
résultats des prélèvements bactériologiques.
Des septicémies spontanées à germes d’origine digestive
peuvent survenir sur des terrains cirrhotiques. Il en est de même
pour les infections du liquide d’ascite qui peuvent se compliquer de péritonite. La prise en charge repose sur une antibiothérapie probabiliste dans l’attente des prélèvements
bactériologiques.
L’incidence de l’IEA chez l’adolescent aux urgences est
relativement faible mais elle est associée à une morbidité
élevée [20]. Le diagnostic et les risques somatiques de l’IEA chez
l’adolescent sont identiques à ceux de l’adulte mais une attention doit être portée sur les risques d’hypoglycémie plus fréquents et plus sévères chez l’enfant. Pour Woolfenden, les
enfants et adolescents qui se présentent aux urgences pour IEA
ne sont que la « partie visible de l’iceberg », schématisant la
consommation d’alcool chez les jeunes [60] . Autrement dit,
nombreux sont les adolescents qui consomment l’alcool de
façon festive et « initiatique » mais ceux qui sont admis aux
urgences le sont le plus souvent dans le cadre des complications
de l’IEA. Dans leur étude, lors du triage, 6 % des adolescents
étaient jugés en urgence absolue, 16 % étaient à examiner dans
les 15 minutes et 43 % dans la demi-heure suivant l’arrivée,
13 % des patients avaient subi une agression verbale ou physique [60]. Chez les enfants et adolescents se présentant avec une
10
Médecine d’urgence
Intoxication éthylique aiguë ¶ 25-150-A-30
Tableau 6.
Index de Cushman
[62].
Constantes pour une T < 38 °C
0
1
2
3
Pouls
< 80
81-100
101-120
> 120
< 30 ans
< 125
< 135
< 145
> 145
≥ 31 et ≤ 50 ans
< 135
< 145
< 155
> 155
> 50 ans
< 145
< 155
< 165
> 165
Fréquence respiratoire
< 16
< 25
< 35
> 35
Tremblements
0
Mains
Membres supérieurs
Généralisés
Sueurs
0
Paumes
Paumes + front
Généralisées
Agitation
0
Discrète
Généralisée mais contrôlée
Généralisée mais incontrôlée
Bruit et lumière
Hallucinations critiquées
Hallucinations non critiquées
PAS
Troubles sensoriels
Interprétation : un index > 7 témoigne d’un syndrome de sevrage ; un index entre 8 et 15 autorise un traitement per os ; s’il est supérieur à 15, il est nécessaire de recourir au
traitement parentéral sous surveillance continue. PAS : pression artérielle systolique ; T : température.
IEA, les facteurs de risque de consommation pathologique
d’alcool (abus ou dépendance) et de suicide doivent être recherchés : tentative de suicide, maltraitance et abus sexuel, antécédents familiaux de troubles psychiatriques [24]. L’association IEA
et intoxication par d’autres substances psychoactives doit être
systématiquement identifiée. La venue au SU d’un adolescent
pour IEA est à elle seule un facteur de gravité qui doit inciter à
proposer une prise en charge systématique comparable à celle
des tentatives de suicide de l’adolescent [20, 61].
Tableau 7.
Facteurs de risque d’un syndrome de sevrage alcoolique sévère
(d’après [48]).
Passé de syndromes de sevrage sévères (type delirium tremens)
Passé de convulsions de sevrage
Passé de désintoxications alcooliques multiples
Comorbidité médicale ou psychiatrique aiguë concomitante
Grossesse
Consommation alcoolique récente importante
■ Problématique du sevrage
Diagnostic et étiologie
L’IEA peut être associée à un éthylisme chronique, ce qui
impose l’anticipation préventive éventuelle d’un syndrome de
sevrage. Le pré-delirium tremens associe un tremblement distal,
fin, souvent associé à une hypertonie oppositionnelle dans un
contexte anxieux. Un délire hallucinatoire de type onirique et
une agitation apparaissent souvent dans un second temps.
L’index de Cushman permet d’évaluer la sévérité du sevrage
(Tableau 6) [62]. Un index entre 8 et 15 autorise un traitement
per os. S’il est supérieur à 15, il est nécessaire de recourir au
traitement parentéral sous surveillance continue. Les médicaments réducteurs de l’appétence alcoolique (naltrexone ou
acamprosate) peuvent être introduits au cours ou au décours
immédiat du sevrage [63, 64].
Les crises comitiales surviennent habituellement au cours du
sevrage chez les alcooliques chroniques. Elles sont caractérisées
par leur début précoce, majoritairement dans les 48 heures
suivant la diminution ou l’arrêt de l’absorption d’alcool, par
leur type tonicoclonique et leur récidive rapprochée et par
l’absence d’anomalie encéphalographique. L’alcoolémie n’est
pas forcément nulle mais ces convulsions peuvent effectivement
être générées par une baisse d’une alcoolémie « basale ». Il faut
être particulièrement attentif à ces crises comitiales car d’autres
causes doivent être éliminées avant de rattacher une crise
convulsive au sevrage. D’autres étiologies sont les troubles
métaboliques : hypoglycémie, hyponatrémie, hypoxie, une
pathologie secondaire à un traumatisme crânien, un hématome
sous-dural, extradural et/ou intracérébral, une infection cérébroméningée, un accident vasculaire cérébral ischémique ou
hémorragique, une intoxication médicamenteuse, ou une
épilepsie alcoolique.
Traitement
Le traitement repose sur la réhydratation et l’administration
de benzodiazépines à demi-vie longue comme le diazépam. Le
delirium tremens associe un tremblement intense, une hypertonie oppositionnelle, un délire confuso-onirique, des sueurs, de
Médecine d’urgence
la fièvre ainsi qu’une déshydratation globale. Le Tableau 7
résume les facteurs de risques associés à un syndrome de sevrage
sévère qui doivent poser la surveillance hospitalière mais aussi
une prescription préventive de médicaments sédatifs. Les
benzodiazépines constituent les molécules de référence en
raison de leur efficacité sur le syndrome de sevrage, le risque de
convulsions mais aussi en raison de leur relative innocuité [65].
Il est plutôt recommandé d’utiliser des molécules éliminées sans
métabolisme hépatique, donc sans risque d’accumulation. Le
choix se porte, à titre préventif, préférentiellement sur l’oxazépam à la posologie de 50 mg à 100 mg, 3 à 4 fois par jour, ou
sur le lorazépam à la posologie de 1 mg à 2 mg, 3 à 4 fois par
jour. La posologie est à adapter au cas par cas en fonction du
poids du patient, de l’importance de sa consommation alcoolique, et de la sévérité de la dépendance, de sa durée. L’administration par voie parentérale des benzodiazépines est possible en
cas de nécessité. Dans ce cadre, les molécules utilisées sont le
diazépam ou le midazolam [48].
■ Orientation et organisation
du suivi des patients
Critères d’hospitalisation
Tout patient présentant une IEA non compliquée adressé dans
un service d’urgence doit être hospitalisé au mieux dans une
unité d’hospitalisation de courte durée et surveillé, jusqu’à ce
qu’il retrouve une fonction relationnelle normale et qu’il ne
présente plus de troubles du comportement ou de troubles de
la vigilance.
L’alcoolémie, à la sortie, doit être prise en compte mais reste
à l’appréciation de chaque praticien. Il reste cependant difficile
d’envisager la sortie d’un patient fortement alcoolisé. De plus,
il serait inconcevable de laisser un patient conduire un véhicule
à la sortie de l’hôpital avec une alcoolémie supérieure au taux
légal de 0,5 g/l. Toutefois, si la personne est capable de « marcher droit », d’avoir une « conversation normale » et ne présente
pas de risque de complication, la sortie peut être envisagée si et
11
25-150-A-30 ¶ Intoxication éthylique aiguë
seulement si elle est accompagnée d’une personne fiable
pouvant assurer une surveillance rapprochée. Si le domicile est
trop éloigné du centre hospitalier, le patient est gardé en
surveillance [46, 48].
Il existe de grands écarts entre les recommandations « idéales »
de la Haute Autorité de Santé (HAS) et la pratique mise en
évidence par l’enquête réalisée lors de l’actualisation de la
conférence de consensus de la Société française de médecine
d’urgence (SFMU) [43]. Pour les intoxications alcooliques avec des
complications, l’hospitalisation dans un service adapté à la
pathologie doit être envisagée. L’hospitalisation doit être systématique quel que soit le taux d’alcoolémie pour une IEA pathologique ou qui survient chez un sujet pour qui il existe une
pathologie psychiatrique associée. Toutefois, le recours au psychiatre n’est pas justifié pour une IEA à la phase d’ivresse. En
revanche, à l’issue de cette phase, l’observation de troubles
névrotiques ou psychotiques impose le recours à une prise en
charge psychiatrique. Cette attitude mériterait d’être élargie aux
patients qui ont présenté une crise d’agitation aiguë lors de l’IEA
ou qui ont dû bénéficier d’une contrainte pour assurer leur
surveillance.
Un patient en IEA n’est pas en état d’exprimer un consentement légalement recevable. Ainsi, si le patient refuse l’hospitalisation et que le médecin urgentiste la juge nécessaire, dans
l’intérêt du patient il est licite de proposer une hospitalisation
imposée qui peut nécessiter une contention chimique et
physique. Le cas se présente majoritairement pour des patients
violents. Dans ce cadre, il y a obligation thérapeutique en
référence à l’article 16-3 du Code civil, car l’état du patient rend
nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas
à même de consentir. L’hospitalisation aux urgences peut être
envisagée dans le cadre des modalités de la recommandation
pour la pratique clinique (RPC) de l’HAS [61].
Prise en charge à l’issue de la phase aiguë
L’IEA prise en charge dans un service d’urgences ne doit pas
être banalisée car elle témoigne d’un mésusage, voire d’une
alcoolodépendance. Après la phase aiguë, une évaluation de la
consommation d’alcool est réalisée. L’équipe soignante doit
avoir reçu, au préalable, une formation afin de repérer un
mésusage, de rechercher d’éventuelles complications ainsi
qu’une alcoolodépendance. Cette évaluation est essentielle et
s’effectue au mieux à l’unité d’hospitalisation de courte durée
(UHCD) par l’équipe d’addictologie de liaison, le médecin
urgentiste ou par tout personnel soignant formé [61].
Outre la détection du mésusage de l’alcool ou de l’alcoolodépendance, l’évaluation permet d’éclairer le patient sur sa
consommation, de l’informer sur les risques éventuels et enfin
de l’orienter. Une attention particulière est portée sur l’existence
de troubles psychiatriques sous-jacents qui doivent conduire à
une prise en charge spécialisée. Une évaluation sociale est
également proposée au patient avec comme objectif l’appréciation et la prise en charge de ses besoins sociaux. La recommandation de 2003 concernant les orientations diagnostiques et la
prise en charge au décours d’une IEA des patients admis aux
urgences des établissements de soins a permis de synthétiser ces
différentes étapes [61] . La détection et le diagnostic d’un
mésusage doivent être réalisés par l’appréciation, selon les
critères définis par l’OMS, de la consommation d’alcool et
d’éventuelles substances associées. Seul le questionnaire DETA
(Diminuer Entourage Trop Alcool) a été validé aux urgences
pour détecter un mésusage. Il s’agit d’un questionnaire de
dépistage en quatre questions portant sur la vie entière du sujet.
Deux réponses positives ou plus sont en faveur d’un mésusage
d’alcool. La quatrième question introduit la notion d’alcoolodépendance. Il peut être utilisé comme autoquestionnaire ou être
posé lors de l’entretien. Le questionnaire AUDIT (alcohol use
disorders identification test) (Tableau 8), quant à lui, explore les
12 derniers mois et permet de repérer l’alcoolodépendance. Il
peut également être utilisé par les équipes soignantes [65]. En cas
de mésusage, un entretien par l’équipe soignante des urgences
est réalisé sur le mode intervention ultrabrève de l’OMS [20, 65].
Cette intervention de 5 minutes se décompose en cinq étapes :
• feedback donné au patient sur sa consommation d’alcool ;
12
• explication au patient de la notion de « verre d’alcool » ;
• explication sur les limites d’une consommation modérée
d’alcool ;
• encouragement du patient à rester en dessous de ces limites ;
• remise au patient d’un livret d’aide ou « livret ressource ».
“
Point important
Questionnaire DETA :
1. Avez-vous déjà ressenti le besoin de Diminuer votre
consommation de boissons alcoolisées ?
2. Votre Entourage vous a-t-il déjà fait des remarques au
sujet de votre consommation ?
3. Avez-vous déjà eu l’impression que vous buviez Trop ?
4. Avez-vous déjà eu besoin d’Alcool dès le matin pour
vous sentir en forme ?
Interprétation :
• 2 réponses positives : mésusage de l’alcool
• Oui à la question n° 4 : possible dépendance
L’information du médecin traitant doit être systématique (en
respectant toutefois la volonté du patient) sous la forme d’un
courrier avec rappel des structures de proximité.
En cas de facteurs aggravants ou de comorbidité, une intervention spécialisée doit être réalisée par les équipes d’addictologie, d’alcoologie, psychiatrique ou des urgences formées en
addictologie. Cette intervention se fait sous forme d’entretiens
brefs selon des recommandations synthétisées par l’acronyme
FRAMES (feedback, responsibility, advice, menu of strategies,
empathy, self-efficacy). En cas d’usage nocif, un suivi doit être
proposé au patient soit dans un centre d’alcoologie, soit par le
médecin traitant avec prise d’un premier rendez-vous [61]. Des
troubles psychiatriques doivent conduire à une évaluation et
une prise en charge par le psychiatre. Les recommandations de
l’HAS concernant l’orientation diagnostique au décours d’une
IEA sont résumées dans la Figure 6.
Cas particulier de l’ivresse publique
manifeste
Les forces de l’ordre peuvent demander un certificat de nonhospitalisation ou requérir l’urgentiste pour une alcoolémie. Les
circulaires du 16 juillet 1973 et du 9 octobre 1975 du ministère
de la Santé publique et de la Sécurité sociale stipulent que « Tout
individu en état d’ivresse sur la voie publique ou dans un lieu
public doit être conduit dans les locaux de la police ou des
brigades de gendarmerie (Code des débits de boisson et des
mesures contre l’alcoolisme – article L. 76), mais après avoir
bénéficié d’un examen médical à l’hôpital ». Le médecin doit
remettre un bulletin ou certificat de non-admission. Ce certificat
ne délie pas du secret médical. Il ne doit comporter aucune
information d’ordre médical. Ces circulaires s’opposent à l’article
L.1111-4 de la loi du 4 mars 2002 qui stipule que : « Aucun acte
médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le
consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement
peut être retiré à tout moment ». Par ailleurs, « Lorsque la
personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou
impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à
l’article L.1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches
ait été consulté ». Enfin, « Le consentement du mineur ou du
majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s’il est
apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le
cas où le refus d’un traitement par la personne titulaire de
l’autorité parentale ou par le tuteur risque d’entraîner des
conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous
tutelle, le médecin délivre les soins indispensables ». L’examen
médical d’une personne présumée en état d’ivresse doit donc se
faire sur réquisition, car il est pratiqué à la demande des forces
Médecine d’urgence
Médecine d’urgence
1 ou 2
Jamais
Jamais
Jamais
Jamais
Jamais
Jamais
Non
Non
2. Combien de verres contenant de l’alcool
consommez-vous un jour typique où vous buvez ?
3. Avec quelle fréquence buvez-vous 6 verres ou
plus lors d’une occasion particulière ?
4. Au cours de l’année écoulée, combien de fois
avez-vous constaté que vous n’étiez plus capable
de vous arrêter de boire une fois que vous aviez
commencé ?
5. Au cours de l’année écoulée, combien de fois
votre consommation d’alcool vous a-t-elle
empêché de faire ce qui était normalement
attendu de vous ?
6. Au cours de l’année écoulée, combien de fois
avez-vous eu besoin d’un premier verre pour
pouvoir démarrer après avoir beaucoup bu la
veille ?
7. Au cours de l’année écoulée, combien de fois
avez-vous eu un sentiment de culpabilité ou des
remords après avoir bu ?
8. Au cours de l’année écoulée, combien de fois
avez-vous été incapable de vous rappeler ce qui
s’était passé la soirée précédente parce que vous
aviez bu ?
9. Avez-vous été blessé par quelqu’un d’autre, ou
quelqu’un d’autre a-t-il été blessé parce que vous
aviez bu ?
10. Un parent, un ami, un médecin ou un autre
soignant s’est-il inquiété de votre consommation
d’alcool ou a-t-il suggéré que vous la réduisiez ?
1
Moins d’une fois par mois
Moins d’une fois par mois
Moins d’une fois par mois
Moins d’une fois par mois
Moins d’une fois par mois
Moins d’une fois par mois
3 ou 4
Une fois par mois ou moins
2
Oui mais pas au cours de l’année écoulée
Oui mais pas au cours de l’année écoulée
Une fois par mois
Une fois par mois
Une fois par mois
Une fois par mois
Une fois par mois
Une fois par mois
5 ou 6
2 à 4 fois par mois
Interprétation : un total supérieur à 9 évoque une consommation nocive d’alcool ; un total supérieur à 13 évoque une dépendance à l’alcool.
Total
Jamais
0
1. Quelle est la fréquence de votre consommation
d’alcool ?
Tableau 8.
Questionnaire AUDIT.
3
Une fois par semaine
Une fois par semaine
Une fois par semaine
Une fois par semaine
Une fois par semaine
Une fois par semaine
7 ou 8
2 à 3 fois par semaine
4
Oui au cours de l’année
Oui au cours de l’année
Tous les jours ou presque
Tous les jours ou presque
Tous les jours ou presque
Tous les jours ou presque
Tous les jours ou presque
Tous les jours ou presque
10 ou plus
Au moins 4 fois par semaine
Intoxication éthylique aiguë ¶ 25-150-A-30
13
25-150-A-30 ¶ Intoxication éthylique aiguë
Identifier le problème
- Alcoolémie
- Questionnaire DETA
Évaluer les facteurs aggravants
- Conduites addictives associées
- Pathologies psychiatriques aiguës nécessitant une prise en charge
- Comorbidités somatiques nécessitant un traitement propre
- Détresse sociale
- Événements de vie
Évaluer le type de consommation : patient dépendant ou non
dépendant ?
- Entretien personnalisé
- Questionnaire AUDIT
- Classifications internationales
Usage nocif d’alcool
sans facteur aggravant
Comorbidités
psychiatriques aiguës
Urgentiste
UAL
Psychiatre
Addictologue
Prise en charge
psychiatrique
Organiser la prise en charge alcoologique
Réaliser une
intervention ultrabrève
Informer le médecin
traitant
Addictions
associées
Assistante sociale
En cas de difficultés
structurelles ou de
fugue :
- envoyer au patient
une lettre de rappel
avec un livret
d'information
- informer le médecin
traitant
Pour le patient
réticent : intervention
brève + donner un
livret d’aide +
proposer des
consultations
ultérieures +
informer le médecin
traitant
Comorbidités
somatiques
- Orienter vers une
structure spécialisée
(CCAA) ou vers un
médecin généraliste formé
(réseau de soin spécialisé)
- Prendre le rendez-vous
avec le patient
- Prescrire (si nécessaire)
des examens
complémentaires
- Transmettre avec le
consentement du patient
des informations à la
structure de la prise de
charge d’aval
Alcoolodépendance
Proposer et préparer
le sevrage selon les
recommandations de
la conférence de
consensus de Paris
en 1999
Figure 6. Arbre décisionnel. Orientations diagnostiques et de prise en charge au décours d’une intoxication éthylique aiguë (IEA) [61]. UAL : unité
d’addictologie de liaison ; DETA : Diminuer Entourage Trop Alcool ; AUDIT : alcohol use disorders identification test ; CCAA : centre de cure ambulatoire en
alcoologie.
de l’ordre et non de l’intéressé. Cet examen se fait selon les
dispositions des articles 60 et 64 du Code de procédure pénale :
« S’il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens
techniques ou scientifiques, l’officier de police judiciaire a
recours à toute personne qualifiée ». Le recours systématique à
une réquisition pour l’examen des personnes en état d’ivresse
publique manifeste est conforté par un arrêt du Conseil d’État
dans sa séance du 2 octobre 2002 [66]. Cet arrêt précise que :
« Considérant qu’aux termes de l’article L.76 dudit code : une
personne trouvée en état d’ivresse dans les rues, chemins, places,
cafés, cabarets ou autres lieux publics, est, par mesure de sûreté,
conduite à ses frais au poste le plus voisin ou dans une chambre
de sûreté, pour y être retenue jusqu’à ce qu’elle y ait recouvré
raison ; que lorsque l’autorité administrative décide, à l’occasion
de l’application de ces dispositions, de requérir un médecin aux
14
“
Point important
Intervention brève
F : Feedback on risk (risque accidentel, problème de santé)
R : Responsibility (responsabilité du choix de changement
appartenant au patient)
A : Advice to change (conseil de modération)
M : Menu of strategies (options relatives à la quantité,
délai, rythme de la consommation d’alcool)
E : Empathy
S : Self-efficacy (stratégies motivationnelles)
Médecine d’urgence
Intoxication éthylique aiguë ¶ 25-150-A-30
.
fins d’examiner l’intéressé, l’intervention du praticien se rattache
à la mission de préservation de l’ordre public en vue de laquelle
elles ont été prises ; que, par suite, le règlement des honoraires
du médecin ainsi appelé incombe à l’administration ».
Il est important de bien évaluer les risques liés à la remise aux
forces de l’ordre d’un patient présentant un tableau clinique
d’IEA. Il faut être parfaitement sûr qu’il s’agit vraiment d’une
IEA et qu’elle n’est pas compliquée. Le moindre doute doit
conduire à la surveillance hospitalière. Le certificat de nonhospitalisation de l’ivresse publique manifeste doit être parfaitement libellé.
Il est impératif de rédiger une observation médicale détaillée
consignant l’examen clinique, en particulier les lésions traumatiques et les éventuels examens complémentaires réalisés.
■ Conclusion
.
L’IEA est extrêmement fréquente dans les services d’urgence
et constitue un véritable problème de santé publique. L’IEA
n’est jamais banale a priori dans les structures d’urgence. Elle
doit faire l’objet d’un examen clinique attentif, complété
d’examens paracliniques aptes à identifier ses complications et
les comorbidités à risque qui lui sont souvent associées. L’IEA
nécessite la recherche systématique d’un diagnostic différentiel
en raison des autres pathologies qui peuvent la simuler, la
compliquer ou lui être adjointes. Souvent associée à l’intoxication éthylique chronique, elle nécessite également l’identification des facteurs de risque d’un syndrome de sevrage sévère
qu’il faut savoir anticiper et prévenir. L’IEA de l’enfant et de
l’adolescent nécessite une hospitalisation pour permettre
l’évaluation des risques et des comorbidités et la prise en charge
par des équipes spécialisées. L’IEA aux urgences devrait aussi
permettre de systématiquement proposer au patient alcoolique
un parcours de soin avec un projet d’abstinence ainsi qu’une
prise en charge médicale, psychiatrique et sociale pour l’élaboration d’un véritable projet de soin.
Remerciements : Georges Brousse, Laurent Caumon, Xavier Charmes, Marc
Courtial, Philippe Evrard, Manuel Font, Mahmoud Muheish, Anne-Marie
Regnoux.
.
■ Références
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Pour en savoir plus
http://www.sfmu.org/fr/kiosque.
www.toxicologie-clinique.org.
www.sfalcoologie.asso.fr.
www.alcoologie.org.
J.-M. Philippe ([email protected]).
C. Sureau.
D. Ruiz.
S. Teil.
Pôle de médecine d’urgence, Centre hospitalier Henri Mondor, BP 229, 15002 Aurillac cedex, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Philippe J.-M., Sureau C., Ruiz D., Teil S. Intoxication éthylique aiguë. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Médecine d’urgence, 25-150-A-30, 2011.
Disponibles sur www.em-consulte.com
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