Libérale Scorbut L’affection oubliée serait-elle de retour ? Le scorbut concernait surtout les marins au long cours. Devenu rare, ce déficit vitaminique referait-il son apparition ? Au cours des dernières années, onze cas ont été détectés, notamment à l’hôpital Jean-Verdier, à Bondy (93). M adame L., 72 ans, est hospitalisée depuis quelques jours. Malgré tous ses efforts et les médicaments, son médecin de famille n’a pu lui redonner force et tonus ; “elle se laisse glisser”, en a-t-il conclu. Tout a commencé plusieurs mois auparavant, la fatigue s’est installée subrepticement : d’abord à l’effort, elle s’amplifie au point de ne plus permettre d’activité. L’appétit baissant, les muscles fondent, ce qui se traduit sur la balance par une perte sensible de poids. Tous les examens pratiqués (cliniques, radiologiques ou biologiques) sont pourtant normaux. La crainte d’une maladie pernicieuse est écartée. La malade continue de se plaindre de cette fatigue qui augmente avec, depuis peu, l’apparition de signes nouveaux : ses gencives sont désormais gonflées, douloureuses et saignantes. De manière diffuse, mal systématisée, ses muscles et ses articulations sont douloureux, ce qui n’engage guère la patiente à sortir de chez elle. Désormais, celle-ci ne peut plus beaucoup bouger, d’autant que ses jambes enflent et que le phénomène s’amplifie rapidement. Une nouvelle batterie d’examens est alors demandée pour diagnostiquer une affection Fonction de la vitamine C Vitamine hydrosoluble, la vitamine C est indispensable chez l’homme : son taux sanguin normal est de 45 à 90 µl (soit 8/16 mg/l). • Son absorption intestinale est rapide et sa distribution se fait dans tout le corps. • En couple, sous forme hydratée ou oxydée, elle agit dans la synthèse des catécholamines, du collagène. • En neutralisant les radicaux libres, elle a une action anti-oxydante. • Elle sert à mobiliser le fer en transformant les ions ferriques en ions ferreux capables d’être absorbés. • Elle stimule les défenses immunitaires et son action anti-inflammatoire dépend des prostaglandines. • Enfin, elle diminue la sensibilité du corps à l’histamine. regroupant des atteintes articulaires, musculaires, vasculaires et muqueuses. Ayant éliminé les maladies auto-immunes, tels la polyarthrite rhumatoïde, le lupus ou la sclérose en plaques, seul un déficit – mais lequel ? – peut réunir tous ces symptômes. Un élément nouveau, une anémie, cependant peu spécifique, est détectée ; elle est sans carence martiale. A l’apparition des taches hémorragiques sur la peau, mais aussi sur les yeux (niveau conjonctival) et sur les ongles, l’hôpital affirme le diagnostic. Le dosage sanguin du taux d’acide ascorbique (vitamine C) au niveau des globules blancs est très faible, quasi inexistant ; le test de fragilité capillaire est positif. Ces deux tests suffisent à poser le diagnostic de déficit en vitamine C ou scorbut. Étiologie, facteurs de risque et traitement Autrefois, le scorbut touchait les marins embarqués pour longtemps car on ne pouvait stocker les produits frais. Aujourd’hui, la maladie est devenue plus sournoise. Elle est donc principalement due à un défaut d’apport en vitamine C ou à une incapacité à l’absorber au niveau intestinal. Elle peut toucher (principalement) les personnes âgées, mais aussi celles suivant un régime alimentaire trop restrictif ou carentiel. Elle peut atteindre les personnes présentant une dénutrition ou une malabsorption digestive (intestinale), conséquences de cancers, du sida, d’une cirrhose hépatique, d’une dialyse rénale, ou encore les personnes souffrant de la maladie d’Addison. A un degré moindre, l’abus de laxatifs n’est pas anodin. Pas plus que ne le sont certaines diarrhées chroniques. Historiquement, on traitait le scorbut par l’absorption d’eau de Cologne riche en agrumes dans sa composition. Aujourd’hui, le traitement est très simple : 100 mg par jour de vitamine C suffisent à prévenir la maladie chez les personnes à risque. Si le scorbut est installé, la prise est de 1 à 2 g par jour. Encore faut-il penser qu’il existe ! J.B. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 40 - octobre 2002 43