Cas clinique C as clinique Métastase gastrique isolée de cancer du sein Gastric metastasis from breast carcinoma IP H. Salloum*, C. Locher**, R. Jeandel***, M. Glikmanas*, C. Locher* U ne femme âgée de 71 ans consultait pour des épigastralgies d’apparition récente avec amaigrissement de 5 kg et asthénie. Elle était suivie pour une hypertension artérielle pulmonaire. La malade avait comme seul antécédent chirurgical un carcinome lobulaire du sein gauche opéré 5 ans plus tôt (tumorectomie mammaire gauche avec curage ganglionnaire axillaire). La tumeur avait été classée pT2N1M0, RE+RP- et la patiente avait reçu une chimiothérapie adjuvante par six cures de FEC, une radiothérapie locorégionale de 50 Gy et une hormonothérapie par antiestrogène, arrêtée à son initiative après 4 ans de traitement. Elle était suivie régulièrement, sans arguments en faveur d’une récidive de la maladie. L’endoscopie mettait en évidence un épaississement important des plis de la petite courbure fundique (cliché 1). L’examen histologique permettait de porter le diagnostic : la sous-muqueuse fundique était massivement infiltrée par une prolifération carcinomateuse constituée de cellules indépendantes avec des cytoplasmes mucosécrétants (cliché 2). L’immunohistochimie des cellules tumorales était positive pour la cytokératine 7, négative à la cytokératine 20, positive pour les estrogènes et négative pour la E-cadhérine. Le reste de l’examen était normal. Cliché 1. Fibroscopie œsogastroduodénale : épaississement des plis fundiques de la petite courbure gastrique (astérisque). Le bilan d’extension comprenant une tomodensitométrie thoraco-abdominale et une scintigraphie osseuse ne retrouvait pas de lésion à distance. Le CA15.3 était à 2N. On conclut donc à une métastase gastrique isolée d’un carcinome lobulaire du sein. Une chimiothérapie par taxanes a été instaurée. Le cancer du sein donne le plus souvent des métastases pulmonaires, osseuses, hépatiques ; les métastases gastriques sont plus rares et rapportées de façon occasionnelle. Dans une étude sur 15 983 patientes ayant eu un cancer du sein de 1973 à 1993, il a été rapporté 51 cas de métastases gastriques (0,3 %), le plus souvent chez des patientes plurimétastatiques (1). Dans cette série, le délai d’apparition des métastases après le diagnostic du cancer primitif était de [1] © La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - vol. IX - n° 5 - octobre 2006 * Service des maladies de l’appareil digestif, ** service de pneumologie, *** service d’anatomie et cytologie pathologiques, centre hospitalier de Meaux. 270 Cliché 2. Biopsies gastriques : infiltration de cellules indépendantes (grande flèche) dans la sous-muqueuse (petite flèche) (hématoxyline-éosine, x 400). .../... La Lettre du Cancérologue - Vol. XV - n° 5 - octobre 2006 .../... 5 ans (extrêmes : 4 mois-17 ans). Dans seulement trois cas, l’estomac était l’unique localisation métastatique, comme chez notre patiente. Dans les séries autopsiques, les métastases gastriques sont trouvées dans 8 % à 18 % des cancers du sein, souvent dans le cadre d’une maladie disséminée (2). La symptomatologie digestive est pauvre et non spécifique. Sur le plan histologique, les carcinomes lobulaires du sein sont plus fréquemment à l’origine des localisations gastriques que les carcinomes canalaires (1, 3). L’atteinte gastrique des cancers du sein se présente, comme dans le cas que nous décrivons, sous forme d’un aspect “linitique” avec infiltration étendue de la sous-muqueuse et de la muscularis propria. Les autres aspects endoscopiques sont des nodules sous-muqueux parfois ulcérés, des sténoses par compression extrinsèque ou un aspect gastritique (1). Le diagnostic de métastase gastrique et son origine mammaire prêtent à discussion, car il s’agit d’une entité rare pour laquelle aucun élément paraclinique n’apporte de certitude diagnostique. Les données immunohistochimiques peuvent orienter le diagnostic avec l’expression des anticorps anticytokératine 7 et des anti-estrogènes et une négativité d’expression pour la cytokératine 20 (4). Le pronostic des métastases gastriques est sombre en raison du La Lettre du Cancérologue - Vol. XV - n° 5 - octobre 2006 caractère disséminé de la maladie, avec une survie à 2 ans de 23 %. Des modalités thérapeutiques combinées (traitement hormonal, chimiothérapie, voire radiothérapie) peuvent permettre d’obtenir une survie moyenne de 10 mois (1, 3). Les indications chirurgicales sont réservées aux situations d’urgence : hémorragie massive, obstruction persistante ou perforation. ■ Cas clinique C as clinique Références bibliographiques 1. Taal BG, Peterse H, Boot H. Clinical presentation, endoscopic features, and treatment of gastric metastases from breast carcinoma. Cancer 2000;89:221421. 2. Cifuentes N, Pickren JW. Metastases from carcinoma of mammary gland: an autopsy study. J Surg Oncol 1979;11:193-205. 3. Mc Lemore EC, Pockaj BA, Reynolds C et al. Breast cancer: presentation and intervention in women with gastrointestinal metastasis and carcinomatosis. Ann Surg Oncol 2005;12:886-94. 4. O’Connell FP, Wang HH, Odze RD. Utility of immunohistochemistry in distinguishing primary adenocarcinomas from metastatic breast carcinomas in the gastrointestinal tract. Arch Pathol Lab Med 2005;129:338-47. 273