Traitement chirurgical du cancer de la vésicule biliaire Surgical management of gallbladder cholangiocarcinoma 쐌쎲 François Paye* 왘 POINTS FORTS 왘 Le risque d’essaimage ganglionnaire est nul pour les lésions purement muqueuses mais existe dès l’envahissement de la musculeuse. 왘 L’examen anatomopathologique d’une vésicule lithiasique symptomatique après cholécystectomie cœlioscopique doit faire envisager, si l’atteinte de la musculeuse vésiculaire est affirmée ou non déterminable, une réintervention à visée carcinologique. 왘 L’objectif du traitement chirurgical du cancer de la vésicule biliaire est d’obtenir une résection complète R0, la seule à être potentiellement bénéfique. 왘 Le traitement chirurgical réglé comporte systématiquement l’association d’une hépatectomie partielle emportant le lit vésiculaire et ses veinules de drainage et d’un curage ganglionnaire du pédicule hépatique emportant les premiers relais ganglionnaires. Mots-clés : Imagerie préopératoire – Traitement chirurgical. Keywords: Preoperative imaging techniques – Surgical management. L e cancer de la vésicule biliaire est le plus fréquent des cancers des voies biliaires, mais il compte pour moins de 5 % des cancers digestifs en Europe et en Amérique du Nord. Ses facteurs favorisants sont la lithiase biliaire, les anomalies de jonction biliopancréatique favorisant le reflux endobiliaire, et les lésions muqueuses prénéoplasiques telles que les polypes vésiculaires, la papillomatose des voies biliaires et les calcifications de la paroi vésiculaire. L’extension de cet adénocarcinome naissant de l’épithélium vésiculaire se fait de la muqueuse (T1a) vers la musculeuse (T1b) et la séreuse (T2) [la vésicule est dépourvue de musculaire muqueuse et de sous-muqueuse] ainsi que les viscères adjacents (lit vésiculaire et foie pour la face hépatique de la vésicule, péritoine, côlon, duodénum et pédicule hépatique pour la face libre). Le risque d’essaimage ganglionnaire est nul pour les lésions purement muqueuses et existe dès * Service de chirurgie générale et digestive, hôpital Saint-Antoine, Paris. l’envahissement de la musculeuse, vers les ganglions du pédicule hépatique, puis vers les ganglions rétroduodénaux périportaux, cœliaques et interaortico-caves. L’extension intraluminale est fréquente dans les formes papillaires. Une extension veineuse est possible par le réseau veineux du fond vésiculaire vers les veines hépatiques. La dissémination péritonéale, fréquente en cas d’atteinte de la séreuse vésiculaire, est responsable des lésions de carcinose et des greffes tumorales observées chez 10 à 15 % des patients sur les orifices de trocards après exérèse cœlioscopique d’un cancer vésiculaire méconnu (1). Les modes de découverte du cancer de la vésicule, qui conditionnent les possibilités thérapeutiques, sont les suivants : 왘 l’apparition de symptômes tumoraux (altération de l’état général, douleurs chroniques de l’hypocondre droit, ictère, masse tumorale englobant la région vésiculaire, ascite), qui traduisent le plus souvent une lésion déjà non résécable ne justifiant qu’un traitement palliatif associant chimiothérapie et endoprothèse biliaire ; 왘 la découverte fortuite d’une tumeur vésiculaire sur des examens morphologiques demandés pour des symptômes causés par la lithiase vésiculaire associée : cette tumeur est encore accessible à une chirurgie étendue à visée curative en l’absence de diffusion métastatique hépatique, pleuropulmonaire, ganglionnaire distale ou péritonéale décelable sur les examens radiologiques, éventuellement complétés d’une cœlioscopie exploratrice ; 왘 l’examen anatomopathologique d’une vésicule lithiasique symptomatique après cholécystectomie cœlioscopique, qui doit faire envisager, si l’atteinte de la musculeuse vésiculaire est affirmée ou non déterminable, une réintervention carcinologique ; 왘 l’examen extemporané peropératoire des zones muqueuses macroscopiquement suspectes à l’ouverture de la vésicule par le chirurgien. Mais cet examen chirurgical macroscopique (qui doit faire partie du geste chirurgical de cholécystectomie) est en pratique soit trop souvent omis, soit non suivi, pour des raisons logistiques, d’un examen extemporané… L’objectif du traitement chirurgical du cancer de la vésicule biliaire est d’obtenir une résection complète R0, seule à être potentiellement bénéfique. La place de la chirurgie palliative reste limitée aux très rares indications de dérivation biliodigestive sur le canal biliaire du segment III, quand la tumeur atteignant la voie biliaire principale est responsable d’un ictère et qu’une contreindication à l’exérèse prévue est découverte en peropératoire. Le délai de la réintervention doit tenir compte des difficultés techniques d’une réintervention précoce (adhérences des deux premiers mois postopératoires) et du risque d’évolution d’une La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - n° 8 - septembre-octobre 2007 Dossier thématique D ossier thématique 193 Dossier thématique D ossier thématique maladie tumorale résiduelle en place. En pratique, la réintervention est souvent proposée après transfert dans un centre spécialisé en chirurgie hépatobiliaire dès le diagnostic. Le traitement chirurgical réglé comporte systématiquement l’association d’une hépatectomie partielle emportant le lit vésiculaire et ses veinules de drainage et d’un curage ganglionnaire du pédicule hépatique emportant les premiers relais ganglionnaires. Si le cancer a été découvert sur pièce de cholécystectomie cœlioscopique, il faut y associer l’exérèse transpariétale de cylindres de paroi abdominale (de la peau au péritoine) emportant chaque site des trocards cœlioscopiques précédemment utilisés, pour traiter d’éventuelles greffes tumorales pariétales. Si la seule exérèse du lit vésiculaire emportant 2 à 3 cm de profondeur du parenchyme hépatique adjacent est parfois réalisée en cas d’atteinte limitée à la musculeuse (T2) sur la pièce de cholécystectomie, la majorité des équipes recommande une exérèse hépatique réglée emportant les segments IVb et V et parfois plus étendue en cas de tumeur intrahépatique envahissant les segments adjacents. L’extension du curage ganglionnaire aux seconds relais rétroduodénaux pancréatiques et cœliaques et para-aortiques est discutée. La résection du moignon cystique avec examen extemporané est souhaitable et peut justifier en cas d’atteinte tumorale une résection associée de la voie biliaire principale, suivie d’une anastomose biliodigestive sur anse en Y montée sur la convergence biliaire, parfois également nécessaire si la voie biliaire principale est envahie ou dévascularisée par l’étendue du curage du pédicule hépatique. Les Japonais rapportent des chirurgies régionales plus extensives associant une duodénopancréatectomie et l’exérèse des organes adjacents envahis (2). Mais ces résections majeures sont responsables d’une morbidité postopératoire qui dépasse 40 % et restent exceptionnellement réalisées en Occident, où leur utilité est discutée. La transplantation hépatique n’a pas ici d’indication. Après résection R0, la survie à 5 ans est de 30 à 40 % (3). Supérieure à 95 % pour les stades T1 (après seule cholécystectomie), elle est de 50 % à 70 % pour les stades T2 et inférieure à 15 % pour les stades T3 et T4 malgré une chirurgie extensive (4). La présence d’un envahissement ganglionnaire est associée à une survie à 5 ans qui varie de 0 à 30 % (4). Le caractère incomplet d’une chirurgie initiale ayant méconnu le cancer et le délai écoulé avant la reprise chirurgicale réglée ne semblent pas influencer de façon majeure la survie obtenue par une chirurgie réglée, qui améliore significativement le pronostic (3). Les traitements adjuvants n’ont jusqu’ici pas fait la preuve de leur utilité. ■ RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Susuki K, Kimura T, Ogawa H. Is laparoscopic cholecystectomy hazardous for gallbladder cancer? Surgery 1998;123:311-4. 2. Nimura Y. Extended surgery in bilio-pancreatic cancer: the Japanese experience. Semin Oncol 2002;29:17-22. 3. Fong Y, Jarnagin V, Blumgart LH. Gallbladder cancer: comparison of patients presenting initially for definitive operation with those presenting after prior noncurative intervention. Ann Surg 2000;232:557-69. 4. Toyonaga T, Chijiiwa K, Nakano K et al. Completion radical surgery after cholecystectomy for accidentally undiagnosed gallbladder carcinoma. World J Surg 2003;27:266-71. 194 La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - n° 8 - septembre-octobre 2007