COUP D’ŒIL Médecine & enfance EXAMEN MARINE Marine, sept ans et demi, est amenée en consultation pour une tuméfaction de l’œil droit. Un mois auparavant, à la suite du traitement d’une otite moyenne aiguë droite par amoxicilline-acide clavulanique, est apparu un œdème de la paupière supérieure droite, associé à un épaississement de la conjonctive supérieure droite. Un traitement par corticoïdes et antihistaminique a été sans effet. Marine ne présente pas d’antécédent personnel ou familial particulier en dehors d’infections ORL à répétition. L’examen retrouve un ptosis droit modéré associé à une masse rosée sous-conjonctivale du quadrant nasal supérieur droit (photos ci-dessous). L’oculomotricité intrinsèque et extrinsèque est normale. Il n’y a pas de fièvre, les tympans sont normaux et la gorge est propre. On ne retrouve pas d’adénopathies satellites. Quel est votre diagnostic ? EXAMEN LÉO Léo, quatre ans, est amené aux urgences par sa maman, un dimanche de mai, pour gonflement de l’œil gauche apparu soudainement en fin d’après-midi. Il se plaint d’un prurit oculaire modéré et d’une gêne lorsqu’il ferme l’œil. Léo est apyrétique, présente un œdème conjonctival important sans rougeur ni douleur (photo ci-dessous). L’autre œil est sain. Le reste de l’examen clinique est sans particularité. Quel est votre diagnostic ? C. Guillaumat, A. Mosca, service de pédiatrie, centre hospitalier Sud francilien, Evry Rubrique dirigée par A. Mosca, alexis.mosca@ ch-sud-francilien.fr Voir les diagnostics page suivante ➝ septembre 2008 page 295 Médecine & enfance DIAGNOSTIC MARINE L’IRM orbitaire confirme la présence d’une masse orbitaire sus-oculaire droite localisée. L’analyse histologique permet de poser le diagnostic de rhabdomyosarcome botryoïde. Les rhabdomyosarcomes (RMS) sont des tumeurs dérivées des cellules musculaires striées. Ils représentent 5 % de l’ensemble des tumeurs solides de l’enfant. Ils se rencontrent préférentiellement dans la région de la tête et du cou ainsi que dans la sphère génito-urinaire. La localisation orbitaire représente 8 % de l’ensemble des RMS embryonnaires. Par ailleurs, les RMS représentent la majorité des tumeurs orbitaires de l’enfant. Les RMS orbitaires surviennent généralement dans la première décennie, et l’âge moyen au moment du diagnostic est de huit ans. Ils sont localisés à l’orbite (76 %), à la conjonctive et à la région sous-conjonctivale (12 %), à l’uvée (9 %) ou à la paupière (3 %). Parmi les trois formes histologiques, la forme botryoïde (c’est-à-dire en « grappe de raisin »), considérée comme un sous-type de la forme embryonnaire, a l’aspect d’une masse rose charnue, molle et gélatineuse, et siège préférentiellement au niveau du quadrant nasal supérieur. Le diagnostic de RMS orbitaire est à évoquer devant une tuméfaction de la paupière avec ptosis et exophtalmie unilatérale rapidement progressive. Le diagnostic différentiel se pose moins avec un chalazion qu’avec les autres causes d’exophtalmie de l’enfant, en particulier les maladies inflammatoires, les tumeurs vasculaires, les leucémies, le lymphome de Burkitt, l’aspergillose allergique sino-orbitaire, les pseudotumeurs orbitaires, la cellulite orbitaire, l’histiocytose et les métastases de neuroblastome. Pour en savoir plus sur le rhabdomyosarcome botryoïde : KARCIOGLU Z.A., HADJISTILIANOU D., ROZANS M., DEFRANCESCO S. : «Orbital rhabdomyosarcoma», Cancer Control, 2004; 11: 328-33 OBERLIN O., TERRIER-LACOMBE M.J., MARTELLI H., HAIE-MEDER C. : «Tumeurs mésenchymateuses malignes», in KHALIFA Le scanner et l’IRM orbitaires sont indispensables pour définir la taille et l’extension de la tumeur (en particulier par rapport à l’os), mais seule l’analyse histologique après biopsie permet de poser le diagnostic avec certitude. La scintigraphie osseuse et le myélogramme sont indispensables pour réaliser le bilan d’extension à distance. Actuellement, une résection complète de la tumeur n’est envisagée que si elle peut être carcinologiquement satisfaisante et sans conséquence fonctionnelle ou cosmétique. Sinon, on privilégie une simple biopsie pour analyse histologique. Le traitement comporte une chimiothérapie initiale, qui est secondairement complétée par une radiothérapie externe en fonction de l’extension initiale et de la réponse à la chimiothérapie. L’évolution est favorable, avec une survie de 95 % à cinq ans pour les formes botryoïdes localisées. La morbidité est essentiellement liée aux séquelles de la radiothérapie : hypoplasie osseuse de l’orbite, asymétrie faciale, cataracte, pathologie rétinienne et cornéenne. Il s’agit d’un chémosis dans le cadre d’une conjonctivite allergique saisonnière. Le chémosis est un œdème de la conjonctive formant un bourrelet péri-cornéen plus ou moins circulaire. C’est un signe spectaculaire, mais qui peut être parfois très fugace lorsqu’il est d’origine allergique. Il inquiète souvent les mères et les conduit à amener en urgence leur enfant qui a « l’œil qui gonfle »… mais, dans la plupart des cas, le temps d’arriver, tout s’est déjà normalisé. Le chémosis est un signe d’inflamma- tion de la conjonctive, quelle qu’en soit l’origine. Il n’oriente pas vers une étiologie particulière et n’a aucune signification pronostique péjorative. Il peut s’associer à un prurit, une hyperhémie conjonctivale, un larmoiement et des sécrétions dans le cadre d’une conjonctivite. Il faut alors rechercher des signes de gravité tels qu’une photophobie, des troubles de la vision, un blépharospasme et la présence de papilles plus ou moins importantes confinant parfois en pavé au niveau de la conjonctive tarsale (retourner la paupière supérieure). La présence de ces signes nécessite un avis ophtalmologique spécialisé et oriente vers une kératoconjonctivite, notamment une conjonctivite vernale. Cette pathologie oculaire allergique chronique, invalidante et évoluant par « poussées printanières » touche les enfants de quatre à douze ans, principalement les garçons, chez qui on note souvent un retentissement scolaire et social. Un avis ophtalmologique est également indispensable en cas de chémosis post-traumatique ou post-chirurgical et/ou associé à des douleurs oculaires et des troubles visuels. Le traitement des conjonctivites allergiques repose sur l’éviction de l’allergène (si possible), ainsi que sur l’utilisation de collyres à base de molécules empêchant la dégranulation mastocytaire (Opticron®, Naabak®, Naaxia®, etc.) ou de collyres antihistaminiques H1 (Lévophta ® , Allergodil ® , etc.). Les antihistaminiques H1 par voie générale peuvent être utiles dans les formes étendues de la sphère ORL. Il faut en revanche se méfier de l’utilisation de collyres à base de corticoïdes, qui sont très efficaces mais responsables d’effets secondaires graves (cataracte, glaucome, herpès…) en cas de mauvaise utilisation. C., OBERLIN O. : Cancers de l’enfant, Médecine-Sciences Flammarion, 2008, Paris ; p. 220. SHIELDS C.L., SHIELDS J.A., HONAVAR S.G., DEMIRCI H. : «Clinical spectrum of primary ophthalmic rhabdomyosarcoma», Ophthalmology, 2001; 108 : 2284-92. sur le chémosis : BIELORY L., FRIEDLAENDER M.H. : «Allergic conjunctivitis», Immunol. Allergy Clin. North Am., 2008 ; 28 : 43-58. DALENS H., FAUQUERT J.L., CHATRON P., BEAUJON G. : «Kératoconjonctivites vernales de l’enfant. Etude clinique et complémentaire à propos de 22 cas», J. Fr. Ophtalmol., 1998; 7: 471-8. HANNOUCHE D., HOANG-XUAN T. : «Les conjonctivites allergiques», Rapport des Sociétés d'ophtalmologie de France 1998, p. :93-123. LEONARDI A. : «Vernal keratoconjunctivitis: pathogenesis and treatment», Prog. Retin. Eye Res., 2002 ; 21 : 319-39. DIAGNOSTIC LÉO septembre 2008 page 296