L Introduction D o s s i e r

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D ossier
Introduction
Introduction
IP E. Fondrinier*
L
e concept de chimiothérapie néoadjuvante a été développé pour les tumeurs non opérables d’emblée. Après
avoir montré son efficacité dans ces situations, elle a été
ensuite appliquée à des tumeurs opérables. Elle montre alors
qu’elle augmente les chances de conservation mammaire. Différentes études randomisées ont confirmé que cela est obtenu
sans modification de la survie globale.
En 2008, il s’agit donc clairement d’une arme thérapeutique
dont le chirurgien dispose en alternative à la mastectomie.
Mais s’il est souvent en première ligne, puisque c’est lui qui
juge des possibilités de conservation, et donc évoque la pos-
sibilité d’une chimiothérapie néoadjuvante, l’évaluation des
chances de succès, c’est-à-dire de conservation mammaire
est réellement multidisciplinaire. Elle implique le chirurgien,
l’anatomopathologiste, le radiologue et l’oncologue.
Et cette belle coopération ne s’arrête pas là : la surveillance
en cours de traitement et la prise de décision chirurgicale les
impliqueront encore ensemble.
Dans ce dossier, chacun des spécialistes impliqués décrira sa
place dans ce type de traitement. En conclusion, nous ferons
la synthèse, étape par étape. n
Chimiothérapie néoadjuvante et cancer du sein :
le point de vue de l’oncologue médical
Neoadjuvant chemotherapy and breast cancer: the point of view of the oncologist
IP O. Capitain*
L
e cancer du sein n’est en fait pas une mais deux maladies
dont les thérapies diffèrent dans leurs types et leurs objectifs : une maladie locorégionale dont le traitement est
constitué par la chirurgie et la radiothérapie visant respectivement l’éradication du foyer tumoral primitif et la limitation du
risque de récidive locale, et une maladie générale – ce qui fait
toute sa gravité –, dont les traitements sont représentés par la
chimiothérapie et l’hormonothérapie.
Il est clair que lorsque la maladie est découverte à un stade
localement avancé, les thérapeutiques locorégionales seules
restent largement insuffisantes. L’étude de Haagensen et Stout
l’a bien montré dès 1943 : parmi les 1 153 patientes de stade
III traitées exclusivement par chirurgie, 53 % ont présenté une
récidive locale et aucune patiente n’était vivante à 5 ans (1).
Le concept de traitement systémique dit “adjuvant”, c’est-àdire complémentaire d’un traitement locorégional ayant permis l’obtention d’une exérèse macroscopiquement complète,
découle de ce constat : en éradiquant les éventuelles micrométastases, l’objectif est alors d’éviter l’évolution à distance de la
maladie et donc d’augmenter les survies sans récidive et globa* Centre régional de lutte contre le cancer Paul-Papin, 3, rue Moll, 49100 Angers.
le des patientes. Les métaanalyses de Peto ont clairement validé
cette hypothèse en démontrant de façon évidente l’efficacité de
la chimiothérapie comme de l’hormonothérapie adjuvantes sur
l’amélioration de ces paramètres de survie (2, 3).
Fort de ces résultats en situation métastatique puis adjuvante,
le développement d’un traitement systémique par chimiothérapie dans les cancers du sein localement évolués (T3 ; T4 ;
N2 ou N3) apparaissait, à compter des années 1970, logique,
bientôt auréolé de premiers succès avec des taux de survies
supérieurs à 50 % à 3 puis 4 ans dans ces situations pourtant
d’emblée de mauvais pronostic (4, 5). Bien que promue initialement dans cet objectif d’amélioration de la survie, il fut bientôt évident, au vu des réductions tumorales observées, qu’une
telle stratégie offrait l’opportunité d’envisager des traitements
conservateurs à un nombre croissant de malades, pour lesquelles la seule alternative était jusqu’alors la chirurgie radicale (5, 6).
L’hormonothérapie néoadjuvante, dont nous parlerons dans
le chapitre suivant, a suivi le même processus historique. Une
fois la démonstration faite de son efficacité en situation adjuvante (7), celle-ci est progressivement devenue une possibilité
à envisager dans l’arsenal thérapeutique offert au praticien,
La Lettre du Sénologue - n ° 39 - janvier-février-mars 2008
notamment dans le cas des sujets âgés souvent porteurs de
néoplasies aux récepteurs hormonaux fortement surexprimés
(8). Bien que répandu, ce type d’option reste néanmoins, à
l’heure actuelle, hors AMM et devrait inciter à la participation
active aux essais thérapeutiques d’évaluation.
Définition et rationnel
de la thérapie néoadjuvante
La thérapie néoadjuvante est également appelée thérapie d’induction, préopératoire ou encore initiale. Il s’agit de réaliser
une chimiothérapie (classique ou ciblée), ou une hormonothérapie, avant une chirurgie de cytoréduction tumorale.
Les objectifs sont au moins triples :
 En théorie, traiter la maladie micrométastatique – probablement présente dans 30 à 90 % des cas y compris en intramédullaire – comme le ferait un traitement adjuvant classique
et donc augmenter la survie globale. Il n’existe pas a priori de
surmorbidité puisque les patientes concernées étaient candidates au vu de l’extension initiale de la tumeur, à un traitement
adjuvant.
 Obtenir une réduction tumorale permettant d’offrir un traitement conservateur, ce qui n’était pas envisageable d’emblée
dans un cadre d’exérèse tumorale assurant des marges in sano.
 Sélectionner les tumeurs qui résistent à un protocole initial
de traitement pouvant alors être remplacé par une autre association thérapeutique. Cette objectivation “en direct” et in
vivo de l’efficacité, ou non, du traitement offre un réel avantage de la thérapie néoadjuvante sur le traitement adjuvant dont
l’échec n’est signé que par la récidive tumorale.
Finalement, le seul inconvénient théorique (et soulevé par
ses détracteurs) d’une telle stratégie, serait l’impossibilité de
bénéficier de l’analyse de l’exérèse complète de la tumeur et
notamment du statut ganglionnaire dont on sait qu’il offre une
valeur prédictive sur le risque de récurrence dans le cancer
du sein. Ce statut ganglionnaire est systématiquement pris en
compte avant décision d’un traitement adjuvant de chimiothérapie, et peut conditionner ce type de traitement selon des recommandations nationales issues de conférences de consensus reconnues (telles que Saint-Paul-de-Vence) : 6 FEC 100
(fluorouracil + épirubicine + endoxan) s’il n’y a pas d’atteinte
ganglionnaire ou 3 FEC 100 + 3 docétaxel s’il y en a une, en
France et au vu des résultats de l’étude française PACS 01 (9).
Cette critique est à modérer : d’une part, les analyses anatomopathologiques des ganglions peuvent retrouver des signes
de stérilisation (classé NA dans la classification de Sataloff, cf
page 25), d’autre part, l’indication du traitement adjuvant est,
dans l’immense majorité des cas, imposée par le statut tumoral initial ayant même fait envisager la thérapie néoadjuvante.
Le statut ganglionnaire est donc, dans ce cas, un argument de
potentiel métastatique supplémentaire, mais non indispensable. Enfin, les autres facteurs histopronostiques tels que le
grade SBR, les récepteurs hormonaux, ou les prélèvements
congelés (pour études génomiques de facteurs prédictifs de
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réponse) sont de toute façon étudiés par l’analyse anatomopathologique de la pièce de biopsie préalablement réalisée. Les
techniques d’imagerie modernes (IRM ou échographie, voire
PET scan) peuvent aussi donner des informations sur l’atteinte
ganglionnaire. Enfin, les protocoles de chimiothérapie utilisés
comportent le plus souvent des taxanes tels que le docétaxel,
et ceux-ci tendent à se généraliser en situation adjuvante quel
que soit le statut ganglionnaire (adriamycine + cyclophosphamide x 4 cycles) équivalent à docétaxel + cyclophosphamide
x 4 cycles [10].
Outre l’application, en situation préopératoire, des avancées
en termes de contrôle de la maladie objectivée dans les situations adjuvantes, le concept de traitement néoadjuvant repose
sur un rationnel à la fois théorique et sur des données précliniques bien documentées.
Bases théoriques
Le modèle expérimental de Skipper sur la cinétique tumorale décrit dans les années 1960 prévaut encore aujourd’hui
comme l’une des théories principales sous-tendant les grands
principes de la chimiothérapie, même s’il a été bâti sur un
modèle de leucémie murine (L1210). De son modèle, Skipper
déduit qu’une cytoréduction chirurgicale tumorale première
pourrait favoriser la croissance de micrométastases éventuelles (11). Bâtie sur des modèles animaux, cette théorie a été
par la suite objectivée, notamment par la découverte récente
des mécanismes sous-tendant l’angiogenèse et les facteurs
de croissance tumorale. Ainsi, “paradoxalement”, le taux de
prolifération métastatique augmente avec l’exérèse ou l’irradiation du foyer initial. Cette observation serait liée à la perte
de sécrétion de facteurs antiangiogéniques libérés par la tumeur primitive elle-même (12-15). En théorie, l’initiation d’un
traitement systémique premier pourrait donc maintenir en
partie cet effet “régulateur” du primitif tout en éradiquant les
métastases.
De même, la théorie mathématique de Goldie et Coldman
(16) pose l’hypothèse de l’existence, au sein de la population
tumorale, de sous-clones cellulaires spontanément résistants
aux cytotoxiques. La probabilité d’existence d’un tel sous-clone
est proportionnelle à la taille de la tumeur et, par déduction, un
traitement précoce pourrait prévenir l’apparition de mutation
spontanée avec acquisition d’un caractère de chimiorésistance.
Les bases théoriques, nombreuses, justifient donc l’engouement sur les traitements d’induction qui a prévalu au cours des
vingt dernières années. Qu’en est-il des résultats cliniques ?
Études cliniques
Les premières études cliniques, de petites tailles et non randomisées, ont conforté la théorie d’un traitement néoadjuvant
efficace à la fois sur la taille tumorale de la tumeur primitive,
mais également, sur l’envahissement ganglionnaire, “modèle”
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visible des métastases infracliniques. Les différents régimes de
chimiothérapie (fondé ou non sur les anthracyclines à l’époque) permettaient l’obtention de taux de réponse clinique important de 70 à 85 % en moyenne, mais associée à de faible
taux de réponse complète sur le plan histologique (0-4 %) [17,
18].
Ces études ont été suivies par la réalisation de deux études
randomisées, multicentriques, de grande ampleur et internationales : NSABP B-18 (19) et EORTC 10902 (20) réalisées
selon le même principe : comparaison d’une chimiothérapie
préopératoire au même traitement réalisé en postopératoire
dans le cadre de cancers du sein opérables d’emblée, avec
évaluation de la survie et du taux d’obtention des chirurgies
conservatrices.
Pour l’étude NSABP B-18, le régime utilisé était quatre cycles
de doxorubicine et endoxan (AC) suivi de tamoxifène en adjuvant en cas de récepteurs hormonaux positifs. Dans le bras
néoadjuvant, 36 % des patientes ont présenté une réponse clinique complète dont 25 % (9 % au total) associée à une réponse
anatomopathologique complète. Dans ce bras, il était également observé une réduction significative des métastases ganglionnaires. En dépit de ces résultats encourageants, la survie
globale n’était pas modifiée entre les deux bras de traitements.
Cependant, l’obtention d’une rémission histologique complète
était corrélée à une augmentation significative de survie à 9 ans
(75 %) comparée aux patientes avec réponse clinique complète
mais persistance sur la pièce opératoire d’un reliquat tumoral (58 %). La confirmation d’une réponse histologique apparaissait donc comme un marqueur de substitution (surrogate
marker) pour la survie globale et un objectif à atteindre pour
évaluer l’efficacité des futures études. Cela a été par la suite
plusieurs fois confirmé, dans des études plus récentes, avec
la mise en évidence d’autres facteurs probablement prédictifs
d’obtention de réponse complète histologique tels que l’index
mitotique et le grade nucléaire élevés, ou encore l’absence de
récepteurs hormonaux de surface (21).
Pour l’étude de l’EORTC, le schéma de traitement utilisé était
un “standard” européen : 4 FEC 100 (fluorouracil + épirubicine + endoxan). Les résultats étaient globalement similaires
avec une réponse clinique objective de 49 % (dont 7 % de réponse complète). Les taux de réponse complète histologique
étaient de 2 % et, de même que dans la NSABP B-18, il n’était
pas mis en évidence de différence significative en termes de
survies sans rechute, ni de survie globale entre les deux bras
avec un suivi de 56 mois. Enfin, dans l’étude EORTC, aucune
différence dans les taux de récidive locale n’a été observée.
Puisque le taux de réponse histologique complète est corrélé
aux survies sans récidive et globale, l’utilisation, ces dix dernières années, de nouvelles molécules comme les taxanes,
dont le profil d’efficacité a été largement démontré dans les
situations métastatique et adjuvante (étude PACS 01 [9]), paraissait évident, afin d’optimiser les réponses.
Ainsi, dans l’étude NSABP B-27 (2 411 patientes incluses),
l’adjonction d’un taxane (quatre cures supplémentaires de
docétaxel) à la chimiothérapie “standard” américaine adiamy
cine + cyclophosphamide (quatre cures) a permis l’obtention
d’un haut taux de réponse clinique objective (64 % versus 40 %,
p < 0,001), et le doublement du taux de réponse histologique
complète (26 % versus 14 %, p = 0,001) [22] sans retentissement
néanmoins sur les taux de conservation mammaire. Certains
ont plutôt attribué ces bons résultats à l’augmentation du
nombre de cycles de chimiothérapie (8 versus 4).
Plusieurs autres études ont de même permis de privilégier les
taxanes dans les schémas thérapeutiques néoadjuvants, notamment l’étude multicentrique dite “Aberdeen” (endoxan +
vincristine + adriamycine x 8 versus idem x 4 + docétaxel x
4) avec l’obtention, dans cet essai de 162 patientes, de 94 % de
réponse clinique (p = 0,001), 34 % de réponse complète (p =
0,04) et, finalement, 67 % de conservation mammaire chez les
patientes randomisées pour recevoir quatre cycles de docétaxel (23) ! L’argument de l’augmentation du nombre de cycles
dans l’explication de ces résultats n’est bien sûr ici plus valable
(8 versus 8)… De plus, cette étude démontre encore une fois
que le bénéfice obtenu en termes de réponse complète histologique est associé à une augmentation significative de la survie
sans rechute et globale par rapport au bras témoin.
Deux métaanalyses récentes ont essayé de conforter l’ensemble de ces résultats et de “théoriser” le traitement néoadjuvant
optimal : une publication de Mauri et al. en février 2005 (24),
et une seconde en août 2007 de Meiog et al. (25).
La métaanalyse de Mauri et al. n’a inclus que 9 études randomisées de phase III sur les 12 potentiellement revues, excluant
les publications sans relecture indépendante (peer-review). Au
total, le nombre des patientes est de 3 496 dont 50 % sont représentées par les deux études NSABP B-18 et EORTC, 10902
à elles seules. Des études plus récentes incluant les taxanes,
telles que NSABP B-27, n’ont pas été prises en compte. Cette
métaanalyse conclut finalement que la chimiothérapie néoadjuvante n’apporte aucun bénéfice (mais pas non plus d’effet délétère) en termes de survie sans récidive à distance, ou
de survie globale, contrairement aux espoirs théoriques. Elle
serait de plus associée à une augmentation significative (RR :
1,22) de risque de rechute locale, en particulier si absence de
chirurgie au décours du traitement et radiothérapie exclusive.
Enfin, les taux de conservation mammaire était difficile à évaluer tant les données selon les études étaient hétérogènes. Plusieurs critiques méthodologiques ont été apportées à ce travail. Outre l’exclusion de certaines publications, l’évaluation
en termes de risque relatif (RR) dans ce type d’analyse paraît
nettement moins pertinente d’un point de vue statistique que
l’utilisation des hazard ratios (HR), bien plus adaptés, surtout
lorsque les données personnelles de chaque patiente ne sont
pas directement disponibles. En outre, les effets secondaires
n’étaient pas rapportés, alors qu’ils pouvaient pourtant influer
au final sur le choix des séquences thérapeutiques.
La deuxième métaanalyse, de Meiog et al., est plus récente,
incluant plus de publications (n = 14) dont des études avec
utilisation de taxanes (NSABP B-27 notamment), et suit le
protocole méthodologique statistique de la “Cochrane Collaboration”. Elle montre que les résultats en termes de survie
La Lettre du Sénologue - n ° 39 - janvier-février-mars 2008
globale sont identiques selon les deux types de traitement,
néoadjuvant et adjuvant, tout en offrant un meilleur taux de
conservation mammaire. De plus, la thérapie néoadjuvante
n’affecte pas le contrôle local de la maladie sauf en cas d’absence complète de chirurgie, confirmant la notion du caractère
indispensable de celle-ci dans la stratégie de traitement. Elle
seule peut assurer l’exérèse complète macroscopique (et histologiquement prouvée) de la tumeur et ne peut pour l’heure
être remplacée par des techniques d’imagerie (IRM ou PET
scan), insuffisamment sensibles et à risque de sous-estimation
de la maladie résiduelle. Enfin, la chimiothérapie néoadjuvante est associée dans cette analyse à une diminution des effets
toxiques (notamment infectieux) rapportés sous chimiothérapie. Une des hypothèses possibles serait une baisse du système
immunitaire au décours de la chirurgie, rendant les patientes
plus “vulnérables” aux cytotoxiques. En revanche, la diminution du risque de toxicité cardiaque aux anthracyclines et aux
taxanes, également rapportée en cas de traitement néoadjuvant, ne trouve pas d’explication satisfaisante.
surexprimé de cerbB2 au niveau du tissu tumoral résiduel (en
immunohistochimie comme en FISH)… Artefact de la technique après nécrose tumorale ? Éradication des clones avec
surexpression de cerbB2 dans une population tumorale de
toute façon hétérogène, down-regulation avec internalisation
des récepteurs (phénomène décrit avec un autre anticorps – le
panitumumab, Vectibix® – en développement dans le côlon)
qui peut représenter un mécanisme d’échappement tumoral
au traitement… Autant de questions ouvertes. Mais ce constat
pourrait remettre en cause la poursuite en situation adjuvante
du trastuzumab chez ces patientes.
D’autres voies d’espoir sont également ouvertes avec les inhibiteurs de thyrosine kinase et bien sûr les antiangiogéniques
dont le rationnel d’utilisation est évident dans une situation
néoadjuvante où le “switch angiogénique” des micrométastases n’a pas encore eu lieu, switch qui définira par la suite leur
potentiel de croissance et d’invasivité.
Thérapie ciblée et traitement néoadjuvant
En situation néoadjuvante, l’arsenal thérapeutique du clinicien
oncologue s’est enrichi ces dernières années de nouvelles molécules comme les taxanes, offrant de nouveaux espoirs mais
imposant pour le choix adéquat du traitement un ciblage plus
rigoureux des patientes selon l’âge de celles-ci, l’agressivité de
la maladie tumorale, les facteurs histopronostiques habituels
et ceux que nous apportent(eront) la génomique.
Concernant la chimiothérapie néoadjuvante dans le cas de tumeurs opérables, il apparaît :
– qu’elle est plus efficace en cas d’utilisation de taxanes (séquentiel ou concomitant, toutes les trois semaines ou en
“dose-densité” hebdomadaire ?) qui semble pouvoir offrir de
meilleurs taux de réponse histologiques (29), et avec un minimum de six cures ;
– qu’elle offre des survies sans rechute ou globale équivalentes
aux traitements adjuvants classiques, mais pourrait (enfin) apporter un bénéfice en termes de survie si adjonction des thérapies ciblées telles que le trastuzumab en cas de surexpression
des récepteurs cerbB2 ;
– qu’elle augmente le taux de conservation mammaire ; la mastectomie reste néanmoins toujours indiquée (même en cas de
réponse complète clinique) pour les tumeurs inflammatoires,
multifocales… ;
– qu’elle augmente le risque de rechute locale si, et seulement
si, aucune chirurgie n’est effectuée ;
– que la réponse histologique complète semble être le marqueur
de substitution (surrogate marker) pour la survie globale le plus
pertinent, avec peut-être la nécessité d’un choix parmi les différentes classifications existant (cf. chapitre “anapath”) ;
– qu’elle permet d’évaluer in vivo l’efficacité du traitement,
mais aussi de sélectionner les patientes répondeuses ou, au
contraire, d’adapter le traitement en cas de résistance ;
– qu’elle offre, enfin, l’opportunité de réaliser des études translationnelles de génomique permettant d’évaluer des facteurs
L’amplification du gène erbB2 (ou HER2) et sa conséquence
directe, la surexpression des récepteurs à la surface membranaire, facteur d’activation de voies de transductions de signaux
prolifératifs, est retrouvée dans 20 à 25 % des cancers du sein.
Il s’agit d’un facteur pronostique péjoratif indépendant sur la
survie, aussi bien qu’un facteur prédictif de réponse (au trastuzumab évidemment, mais également aux anthracyclines),
comme de résistance (au tamoxifène par exemple). L’intérêt
du blocage de cette activation cellulaire par interaction de ces
récepteurs à un anticorps monoclonal ligand – le trastuzumab
(Herceptin®) – a été très clairement démontré. Le bénéfice sur
les survies de cette thérapie “ciblée”, chez les patientes cerbB2
surexprimé, existe tant en monothérapie qu’en association
avec une chimiothérapie, dite “classique”, et ce en situation
métastatique comme (et plus récemment) adjuvante. Il paraissait donc logique de se poser la question de sa place en
néoadjuvant.
Plusieurs études ont été réalisées, mais peu sont randomisées
et montrent des taux de réponses histologiques complètes très
intéressants supérieurs à 50 % (26, 27). Une récente revue de
Lazaridis et al. sur les principales études de phase II ou III
disponibles à ce jour (23 publications sélectionnées) est plutôt rassurante concernant ces traitements combinés incluant
une thérapie ciblée : les différents régimes de chimiothérapie
employés sont dans l’ensemble bien tolérés et surtout hautement actifs en termes d’obtention de réponses histologiques
(28). Il manque bien sûr le recul pour évaluer les survies mais
au vu des résultats obtenus sur le plan histologique, et les observations des situations adjuvante et métastatique, il paraît
raisonnable de faire preuve d’un certain optimisme. À noter,
cependant, une constatation intrigante : il est signifié selon les
études des taux de 15 à 43 % de cas de négativation du statut
La Lettre du Sénologue - n ° 39 - janvier-février-mars 2008
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Conclusion
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d’agressivité, de réponse prédictive au traitement et finalement de survie ;
– qu’elle est un défi pour la mise au point de nouvelles techniques d’imagerie, notamment métaboliques (PET scan) avec
l’optimisation de nouveaux traceurs plus sensibles.
La thérapie néoadjuvante est finalement une stratégie prometteuse, reposant sur un fort rationnel scientifique, tout à
fait adaptée aux essais cliniques et qui peut très largement
participer non seulement aux futurs progrès dans la compréhension des mécanismes génétiques sous-jacents à la carcinogenèse mammaire, mais également aux perfectionnements
des techniques d’imagerie et de chirurgie, ce d’autant que de
nombreuses questions attendent encore des réponses (probablement non univoques) : quelle est la place (avant et/ou après
traitement) du ganglion sentinelle dans cette indication ? Le
curage axillaire (et sa morbidité) est-il vraiment indispensable en cas de réponse complète clinique et iconographique ?
Quelle est le meilleur schéma (combiné ou séquentielle) tant
de la chimiothérapie que de l’hormonothérapie ? Enfin, comment mieux cibler les indications en proposant à chacune des
patientes le traitement le plus adapté offrant les meilleures
chances de conservation mammaire, le meilleur taux de survie
et cela avec le minimum d’effets secondaires possibles ?
Au vu de ces enjeux, les recherches clinique et translationnelle
dans ce domaine ont encore de beaux jours devant elles… n
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La Lettre du Sénologue - n ° 39 - janvier-février-mars 2008
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