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6e congrès européen Europad
Paris, 1-3 novembre 2004
Simone et Robert Berthelier
L’association européenne pour le traitement de l’addiction aux
opiacés (Europad) a tenu son 6e congrès du 1er au 3 novembre 2004
à Paris. Congrès européen certes, mais d’une Europe aux
frontières quelque peu “élargies”, ce dont témoignait la présence
d’une forte délégation américaine. Il faut dire que nombre des
organisateurs et intervenants de ce congrès, et notamment ses deux
présidents, ont été, depuis plus de dix ans, très mobilisés sur la scène
internationale des professionnels spécialisés dans ces modes de prise
en charge. Ils ont donc largement participé (avec les fondateurs du
Courrier des addictions, d’ailleurs) à la constitution d’un réseau
informel réunissant des professionnels internationaux et notamment
nord-américains. Et depuis plus de dix ans, les uns s’informent auprès
des autres et vice versa, dans le but d’améliorer l’utilisation de ces
traitements et les bénéfices pour les patients, dans leurs “territoires”
respectifs. Les Européens d’Europad étant régulièrement conviés aux
grands congrès nord-américains sur les dépendances (CPDD), il était
logique que les leaders d’outre-Atlantique viennent suivre les travaux,
plus récents, menés dans “la vieille Europe”… Les traitements de
substitution ont évidemment tenu la vedette, avec une mention
spéciale pour la buprénorphine haut dosage, bénéficiaire d’un
symposium satellite, organisé par les laboratoires Schering-Plough.
Un certain nombre de communications ont donc repris des
thèmes déjà abordés lors du congrès de San-Juan de Porto Rico
en juin 2004*, mais, d’autres sujets, plus spécifiquement
européens, ont été exposés : de la réduction des risques aux
troubles de la sexualité induits par la méthadone en passant par
la prise en charge des hépatites, la substitution dans les prisons
européennes ou chez les femmes enceintes, les structures de
soins... Un programme varié de séances plénières et symposiums
enrichi par la session des 35 posters affichés.
Médicaments de substitution :
quelles indications ?
Méthadone, buprénorphine haut dosage :
ici on “penche” pour l’une (comme la
Suisse), là, tout en multipliant les programmes méthadone, on a beaucoup développé “l’autre” (comme la France). Au-delà
de l’Atlantique où la méthadone a été expérimentée depuis une bonne portion de
siècle, on commence seulement à “expéri-
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La buprénorphine haut dosage
Symposium Schering-Plough
Communications au cours du congrès
(E.C. Strain, W. Ling, M. Auriacombe,
T.G. Gilhooly, Kakko).
La méthadone
M.S. Shinderman, B. Eap, K. Dyer,
L. Okruhlica, P. Pani, M. Torrens,
Guelfi.
Substituts : quelles indications ?
J. Caplehorn, I. Maremmani,
M. Reisinger.
Prévention/réduction des risques
Symposium 11 (mortalité) : D. Touzeau,
A. Coppel, M. Sanchez.
Traitement des hépatites
Symposium 2 : S. Walcher.
Structures de soins (médecine
communautaire, rôle des généralistes)
Symposium 8 : C. Ford.
Femmes enceintes et nouveau-nés
Symposium 9.
Conclusion : paroles des présidents.
menter” la buprénorphine haut dosage en
pratique de ville. Et on regarde ce qui se
passe dans l’hexagone comme le “film”
d’une aventure encore pionnière… Match
entre tenants de deux thérapeutiques, querelle d’écoles, spécificités nationales ?
Peut-être, tant il est toujours vrai que la
façon d’aborder et de prendre en charge
une pathologie et des comportements
dépend toujours, en partie, de l’histoire des
pays et des populations, des acquis des pratiques professionnelles, des contingences
économiques et sociales… Mais aujourd’hui – et ce congrès d’Europad l’a bien
montré – cette dialectique habituelle semble
bien dépassée : l’ordre du jour est plus à la
“gestion” des traitements, à leur évaluation
fine qu’aux passes d’armes. Quel médicament choisir pour quel patient, et selon quel
mode de prescription et de dispensation ?
Et pour quels bénéfices ?
Comme le soulignait Marc Reisinger, psychiatre, pionnier des traitements par la
* Voir Le Courrier des addictions 2004;6,
3:132-5.
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buprénorphine haut dosage et la méthadone
(Bruxelles) et l’un des deux présidents de la
conférence, de nombreuses questions subsistent quant aux indications respectives de ces
deux traitements de substitution. En effet,
d’abondantes études ont montré qu’ils sont
l’un et l’autre à peu près équivalents : en
termes de compliance comme de diminution
du recours à l’héroïne, de réinsertion psychosociale, d’amélioration de la qualité de
vie...
Icro Maremanni, psychiatre, “l’autre” président d’Europad (Pise), a tenté de donner à
cette question une réponse en présentant les
résultats d’une étude sur ce dernier critère
d’évaluation : pendant un an, il a étudié un
échantillon de 213 patients traités par des
médicaments de substitution, dont 106 sous
buprénorphine haut dosage et 107 sous
méthadone. De nombreux paramètres ont été
évalués : indice de satisfaction globale, efficacité, amélioration générale (par auto-questionnaire), qualité de vie, travail, loisirs,
appétit, ressources, image de soi, absence
d’héroïne dans les urines, consommation
parallèle de cocaïne et d’amphétamines.
La buprénorphine haut dosage, prescrite à
la posologie quotidienne de 8 mg, a donné
de meilleurs résultats sur la qualité de vie,
l’absence de symptômes psychopathologiques, l’intensité du craving et la réduction des abus de produits que la méthadone
à 60 mg par jour, chez les patients présentant
un tableau clinique peu sévère et ayant
conservé une bonne insertion psychosociale.
John Caplehorn (Sydney, Australie) s’est
livré, pour sa part, à une vaste revue de la
littérature en vue de déterminer le traitement
de substitution qui permet le maximum de
compliance : méthadone, buprénorphine
haut dosage, LAAM ou méthadone plus
héroïne ?... Il estime que les études existantes
établissent d’une part la supériorité de la
méthadone en ce qui concerne la diminution
des contaminations par les infections virales
et de la délinquance, d’autre part son équivalence avec la buprénorphine haut dosage en
ce qui concerne la mortalité et des consommations intercurrentes d’héroïne. Et à propos
de la pratique clinique, il conclut ainsi son
exposé : “Vous pouvez d’emblée éliminer le
LAAM et la naltrexone. La buprénorphine
haut dosage représente actuellement la seule
alternative sûre à la méthadone. Celle-ci
reste le médicament de premier choix pour
les patients candidats à un programme de
substitution, sauf si la présence régulière
dans le cadre de la délivrance quotidienne
est impossible ou difficile à obtenir ; s’il existe
un doute quant à la sécurité des doses de
médicament en possession des patients et/ou
un risque important de polytoxicomanie persistant pendant le traitement de substitution ;
le toxicomane refuse d’entrer dans un programme méthadone. Mon expérience clinique récente m’a montré que les jeunes
toxicomanes aux opiacés ne veulent pas ressembler aux patients plus âgés sous méthadone : ils refusent de vieillir comme eux. La
popularité actuelle de la buprénorphine haut
dosage est due à ce qu’elle n’est justement
pas de la méthadone et à sa plus grande facilité d’utilisation”.
Réels bénéfices, mais aussi
risques persistants
À gérer sérieusement
Ce thème incontournable s’est vu consacrer,
outre un symposium, plusieurs interventions
en séances plénières. Didier Touzeau et al.
(clinique Liberté, Bagneux) a évoqué les
problèmes soulevés par l’allongement de
l’intervalle QT à l’ECG chez les patients
sous méthadone. Vingt-sept sujets, dont
60 % recevaient plus de 120 mg par jour, ont
passé un ECG dans les deux heures suivant la
prise de leur traitement, mettant en évidence
cette modification qui n’apparaît pas corré-
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Substitution et troubles
de la sexualité
On connaît depuis longtemps l’existence de
troubles de la sexualité chez les patients
sous morphine et les héroïnomanes : baisse
de la libido, problèmes d’érection et d’éjaculation… Ces mêmes difficultés ont été
longtemps sous-estimés chez les sujets sous
méthadone, soit que les patients ne s’en
plaignent pas, soit qu’ils compensent par
une polyconsommation (alcool, cannabis,
benzodiaépine, cocaïne…).
J.J. Deglon et al. (Genève), enquêtant en
2003 auprès de 370 patients sous méthadone, ont évalué parallèlement le statut hormonal de 150 personnes. Ils ont découvert
chez certains un déficit en hormones hypophysaires LH et FSH entraînant une baisse
du taux de testostérone dans 74 % des cas
après la prise de méthadone, plus importante dans la tranche d’âge 20-35 ans.
Il apparaît donc que les opiacés induisent
une andropause précoce/prématurée dont
la symptomatologie clinique est souvent
attribuée à tort à un état dépressif : la prescription d’antidépresseurs aggrave les
troubles de la sexualité !
Le but de la prise en charge est de faciliter
le passage du plaisir chimique à des plaisirs relationnels, émotionnels et sexuels. Les
manifestations provoquées par le déficit en
testostérone, anxiogènes, font courir le
risque d’une poursuite de l’addiction et/ou
d’une polytoxicomanie (cocaïne).
Après discussion avec les endocrinologues,
les auteurs ont mis en place le schéma thérapeutique suivant :
• Diminution, si possible, de la posologie
de méthadone.
• Confirmation de l’hypogonadisme par
des dosages de testostérone.
• Injection de testostérone, toutes les 2 à 4
semaines en fonction de la réponse clinique, en demeurant vigilants quant aux
risques de l’hormonothérapie, développement d’un cancer de la prostate en particulier (dosage du PSA tous les 2 ans).
Les résultats cliniques sont encourageants :
amélioration du désir sexuel, de la performance et de la vitalité, mieux-être, diminution de l’irritabilité, de la fatigue, de la nervosisité, meilleure qualité du sommeil, diminution de la masse grasse au profit de la
masse musculaire.
lée à l’importance de la dose. Il s’agit d’un
facteur de risque, qui n’est peut-être pas
majeur, mais qu’il faudrait prévenir par l’institutionnalisation d’une surveillance électrocardiographique régulière.
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Autre facteur de risque important : le
mésusage de la buprénorphine haut dosage, autrement dit son injection, problème
important abordé et par Marc Reisinger
(Bruxelles) et par Marco Sanchez (clinique
Montevideo, Boulogne-Billancourt). Pour
ce dernier, 17 % environ des patients prenant ce médicament l’injectent, ce qui,
compte tenu de l’abus concomitant de benzodiazépines qu’ils font dans leur grande
majorité, peut être un facteur majeur de
décès dans lesquels la buprénorphine haut
dosage est impliquée. Un pourcentage d’injecteurs presque du même ordre (14 %)
parmi les patients observés par Marc
Reisinger, mais autant dans les programmes méthadone que buprénorphine
haut dosage. Toutefois, alors que, dans le
premier cas, les pratiques d’injection
concernent l’héroïne et la cocaïne, dans le
second, c’est la buprénorphine haut dosage
qui les remplace. On sait qu’il s’agit là
d’une conduite à haut risque infectieux,
vasculaire et de contamination virale dont
l’origine est plurifactorielle : habitude de
l’injection, impulsivité (réduite par les
ISRS l’abstinence d’alcool et de cocaïne),
mais surtout dépression, dont le traitement
réduit le risque d’injection et sur laquelle la
buprénorphine haut dosage est plus efficace que la méthadone ; symptômes de
manque dont la sédation est alors le but
majeur de l’injection, ce qui renvoie à l’insuffisance d’un dosage du médicament.
D’où, devant la persistance de ces pratiques
à risques, la nécessité de réévaluer les
posologies prescrites et d’expliquer soigneusement les modalités d’utilisation des
comprimés sublinguaux. Dans certains cas,
il peut se révéler nécessaire de “passer” le
patient à la méthadone. Reste que le risque
d’injection peut exister aussi avec le sirop,
ce qui est décrit de manière anecdotique, en
France, mais concerne 11 % des injecteurs
à Adélaïde en Australie ! Donc, un risque
de détournement réel, mais gérable.
Quant au risque létal chez les usagers de
drogue, rarement évoqué, il a fait, à lui
seul, l’objet d’un symposium. À cette occasion, Julian Vicente (Lisbonne) a présenté
le travail de recueil de données mené par
l’EMCDDA (European Monitoring Center
for Drugs and Dray Addiction) qui s’attache
à harmoniser les définitions, les méthodologies et les protocoles, avec ses partenaires
institutionnels hollandais et italiens. Ainsi,
Anna Maria Bargagli et al. (Rome) ont
comparé les taux de mortalité chez les usagers de drogues de sept villes et un pays
européen
(Amsterdam,
Barcelone,
Danemark, Dublin, Lisbonne, Londres,
Rome, Vienne) entre 1990 et 1998. Leur
enquête a montré des différences de distribution dans les causes de décès, la surmortalité et l’impact des opiacés. Exemples : la
mortalité globale varie de 1 % (Dublin) à
3,8 % (Barcelone) ; la mortalité par overdose est de 10 ‰ à Barcelone, 7 ‰ au
Danemark, à Rome et à Vienne, inférieure
à 3,5 ‰ dans les autres sites ; celle par sida
est inférieure à 2 ‰ partout, sauf à
Lisbonne, Rome et Barcelone (6 ‰).
Sorties de prison : danger !
Sheila H. Bird (Cambridge) constate, pour
sa part, que les décès dus aux drogues, liés
à une baisse de la tolérance, sont sept fois
plus fréquents dans les 15 jours suivant
une libération de prison que dans le
même laps de temps chez des sujets en
liberté. Ainsi, en Écosse, dans une cohorte
de 19 486 hommes de 15 à 35 ans sortis
après 14 jours d’incarcération au moins,
on a observé 34 décès liés aux drogues au
cours des deux premières semaines contre
23 dans les semaines suivantes. L’auteur
souligne la nécessité d’une étude large, randomisée, pour déterminer si la délivrance
de petites doses de naloxone aux prisonniers libérés ayant des antécédents d’injections d’héroïne peut réduire le nombre de
décès dans les 15 jours suivant la remise
en liberté (de 30 %, environ). Elle a posé
également la question de savoir si le traitement de substitution était susceptible d’infléchir le risque de décès dû aux drogues
des “vieux héroïnomanes’’. Une question à
laquelle Dominique Lopez et al. (SaintDenis-La Plaine) et Anne Coppel (Paris)
ont apporté de solides éléments de réponse
: l’enquête menée par D. Lopez avait pour
but de chiffrer la mortalité et d’analyser les
causes de décès chez les sujets arrêtés pour
usage de drogues selon la substance incriminée et, jusqu’à un certain point, d’estimer la mortalité générale chez les toxicomanes français. L’échantillon comportait
42 485 personnes appréhendées pour usage
et/ou trafic de stupéfiants (héroïne, cocaïne, crack, ecstasy, cannabis) en 1992, 1993,
1996 et 1997. Le statut vital de chacune
d’elles était connu au 7 août 2002, alors
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que les causes de mort n’avaient pu être
identifiées que pour les décès survenus
avant 2000.
Principaux résultats : la mortalité des usagers d’héroïne, de cocaïne et de crack est
trois fois plus importante que celle des
consommateurs de cannabis ; le risque létal
des héroïnomanes est 5 à 9 fois supérieur que
celui de la population générale de même âge
et de même sexe ; la mortalité masculine est
plus importante que la féminine, sauf au
cours des deux ans suivant l’infraction ;
comme prévu, les consommateurs d’héroïne,
cocaïne et crack, meurent plus de facteurs
spécifiquement liés à la toxicomanie (VIH ,
overdose) que de traumatismes ou de causes
accidentelles ; la mortalité a significativement baissé durant la période d’observation
(1992-2001) avec l’introduction des traitements de substitution, la trithérapie pour le
sida et la mise en œuvre de la politique française de réduction des risques.
Pour en pérenniser
les bons résultats
Anne Coppel, à son tour, a rappelé le très
positif bilan global de cette politique “responsable” d’une baisse de 80 % des overdoses, de 67 % des interpellations pour
usage d’héroïne, de deux tiers des décès par
sida dans la période 1994-1999. Ces
chiffres, connus des seuls experts car non
diffusés par les médias, rencontrent l’accord de tous comme le fait qu’ils sont
imputables aux bénéfices apportés par les
traitements de substitution. Deux hypothèses peuvent en rendre compte : soit l’héroïne n’est plus à la mode, il n’y a plus de
patients en traitement et la baisse du
nombre des overdoses et des interpellations
est corrélée à cette extension de l’accès aux
soins ; soit ce sont les bonnes pratiques cliniques, particulièrement en ce qui concerne
la méthadone (posologie adaptée, traitement individualisé, qualité de l’accueil,
compétence des intervenants), qui expliquent ce bon “rendement”. En effet,
comme l’ont montré de nombreuses études
réalisées au niveau international, l’accès à
la substitution a bien réduit les risques mais
n’explique pas tout car libéraliser la prescription ne suffit pas à modifier les comportements des usagers. Il faut, parallèlement, que les médecins modifient aussi
leurs pratiques, en particulier en instaurant
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Europe : traitements de substitution en prison (TSP)
Laetitia Hennebel (Cranstoun) a présenté les résultats d’une enquête menée avec Heino Stover
(Brême) et Joris Casselman (Louvain), entrant dans le cadre des activités de l’ENOSP
(European Network of Drug Services in Prison), sur les traitements de substitution en prison
(TSP). D’une durée de 18 mois (décembre 2002-mai 2004), elle a concerné les 15 États
membres de l’UE avant le 1er mai 2004, la République Tchèque, la Pologne et la Slovénie. À
la fois quantitative et qualitative, elle a recueilli les données globales de chaque pays et des
interviews effectuées lors des visites sur le terrain avec l’appui des contacts nationaux. Au
total, 17 nations et 33 prisons (soit à peu près 2 dans chaque pays) ont été concernées et
des groupes témoins organisés dans tous les cas pour obtenir des informations par les détenus : ils ont réuni 184 personnes, soit 132 hommes et 32 femmes.
L’estimation des taux de dépendance aux drogues chez les sujets incarcérés a montré
d’assez importantes disparités, allant de 13 % (Slovénie) à 77 % (Espagne).
Les TSP dépendent du ministère de la Justice dans toutes les nations visitées, à l’exception de
la France où ils sont rattachés au ministère de la Santé : Le sirop de méthadone est le substitut le plus utilisé. La buprénorphine haut dosage n’a été introduite que récemment dans la
plupart des pays, France exceptée. Chacun des deux médicaments est considéré comme présentant des avantages que l’autre ne possède pas, et réciproquement. Méthadone et buprénorphine haut dosage sont cependant considérées comme complémentaires, certains détenus pouvant passer de l’une à l’autre en fonction de leurs besoins individuels.
Principaux points positifs mis en avant pour le TSP : identification des toxicomanes, réduction des risques, amélioration des soins et de la maintenance, responsabilisation des détenus
qui sont plus conscients de la nécessité des soins et plus impliqués.
Points négatifs : persistance de l’idée selon laquelle on ne fait que remplacer une drogue par
une autre, détournement facile de la buprénorphine haut dosage signalée en France (sniff ou
injection après broyage, alimentation des trafics de la prison).
Le TSP est le plus souvent fourni essentiellement comme partie d’un processus de sevrage,
avec réduction des doses par paliers. La maintenance, impliquant le maintien de la même
posologie pendant une durée illimitée, est moins couramment offerte. Les modalités du traitement sont hétérogènes, variant selon les pays, les établissements, les équipes soignantes,
les médecins. Dans beaucoup de pays, l’accès à la substitution en prison est considéré
comme inadéquat comparé aux prestations offertes dans la communauté, car le principe
d’égalité des soins n’est pas respecté. Le soutien psychosocial, en particulier, pourtant donné
comme nécessaire, est rarement fourni et la continuité prison-extérieur est limitée dans la plupart des États, à l’exception de la Slovénie.
Principales recommandations élaborées à partir de ces éléments : étendre la disponibilité et
l’accessibilité de la substitution, ainsi que la qualité des prestations ; améliorer la continuité
des soins entre prison et communauté et, dans cette perspective, parfaire les formations et le
soutien des équipes soignantes, renforcer la prise en charge psycho-sociale ; préserver la
variété des options thérapeutiques (sevrage, maintenance, méthadone, buprénorphine haut
dosage) considérée comme nécessaire car permettant de répondre aux besoins individuels.
Ces conclusions et recommandations, superposables à celles des organismes et experts internationaux, rejoignent largement celles exposées par Michael Farrel (Londres) qui recense les
failles existantes dans l’intégration des soins dans les structures pénitentiaires (Royaume-Uni,
Espagne, Allemagne). Il retrouve les insuffisances mises en évidence dans l’étude de L.
Hennebel et met particulièrement l’accent sur l’existence, dans les pays étudiés, de programmes ‘’drug free’’ qui n’existent pas en France ; la corrélation entre l’état de manque et
les conduites suicidaires, singulièrement fréquentes en prison. En 2002, on relevait chez les
usagers de drogues incarcérés : 11 % de suicides dans les 24 heures, 33 % dans la première semaine, 47 % au cours du premier mois ; une surmortalité importante : 62 % des
détenus décédés sont des toxicomanes. Moralité : qu’il s’agisse du traitement des hépatites
virales ou de la substitution, il y a encore du travail à accomplir dans les prisons d’Europe.
une vraie relation de confiance avec eux,
par l’alliance thérapeutique, et non en durcissant les contrôles exercés sur eux, qui
ont pour effets de les détourner des structures de soins. Moyennant quoi, les usagers
adoptent réellement des conduites de
réduction des risques, ce dont témoigne la
chute des taux de contaminations par injection : 25 % en 1990, 3 % en 2003. De bons
résultats confortés, comme le rappelait
Anne Coppel, par l’instauration d’un travail en réseau, dont tout le monde s’accorde à reconnaître qu’ils lui sont imputables..
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Il reste beaucoup à faire pour
prévenir et soigner les hépatites
S’il est actuellement un risque majeur à prévenir chez les usagers de drogues, c’est bien
celui de la contamination par les virus des
hépatites B et C, dont S.Walcher (Munich) se
demandait, avec le goût du paradoxe, pourquoi faut-il les traiter ?… tout en répondant
immédiatement : “Parce que prévenir et soigner est humain, possible, nécessaire et rentable’’. J.M. Guffens (congrès THS, SaintTropez) a rappelé l’importante prévalence des
morbidités liées aux hépatites virales C chez
les toxicomanes : 60 à 80 % des porteurs de
VHC développeront une maladie hépatique
chronique, dont 3 à 20 % vont évoluer vers
une cirrhose ou un hépatocarcinome. On sait
aussi maintenant que la bithérapie interféron
pégylé + ribavirine est efficace dans 80 %
des hépatites C à sérotypes 2 ou 3, les plus fréquents chez les usagers de drogues. Pourtant,
cette population bénéficie encore trop rarement de ce traitement des infections VHC.
Cela pose la question des obstacles au dépistage et au traitement de la maladie.
P. Le Gall (Fréjus, Saint-Raphaël) et al. ont
réalisé, dans l’ouest de la région PACA, une
enquête “un jour donné’’ à ce sujet, en
novembre 2002, chez des consultants de
médecins généralistes incités à répondre à un
autoquestionnaire. Sur 772 personnes ayant
répondu, 51,8 % (400) avaient au moins un
facteur de risque pour le VHC, 202 l’apprenant par le questionnaire ; 52,5 % de ces derniers ont accepté un dépistage sérologique,
mais 47,5 % l’ont refusé. Cent trois sujets se
savaient à risque de VHC, dont 67 % avaient
déjà été dépistés. Au total, 44 à 70 % des personnes ont refusé le dépistage, 32,3 % avaient
peur de la ponction biopsie hépatique (PBH)
et 26 à 28 % des effets secondaires du traitement. Cette étude confirme la nécessité de
renforcer l’information sur l’infection VHC
pour faciliter et élargir l’accès aux soins des
usagers de drogues.
Même en cas de dépression et
de VIH+ asymptomatique
Pour S. Walcher (Munich), il est, de toute
façon, nécessaire et efficace de dépister et
traiter les usagers de drogues porteurs d’une
hépatite C. Ils ont une très bonne compliance,
parfois meilleure que celle des patients non
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toxicomanes. Cela se vérifie même en cas de
comorbidité psychiatrique sévère chez les
sujets en traitement de substitution : l’hépatite C doit être traitée après 3 à 6 mois de
stabilisation sous méthadone ou buprénorphine haut dosage, cette dernière offrant
l’avantage de ne pas interférer avec les médicaments antiviraux et, en cas de comorbidité
psychiatrique, permet d’améliorer le sommeil, l’humeur et la compliance. Les états
dépressifs majeurs, habituellement considérés comme des contre-indications au traitement par interféron, peuvent, d’après des
études récentes, bénéficier d’antidépresseurs
de la famille des ISRS.
Et que faire lorsque l’usager de drogues est
non seulement séropositif pour le VHC, mais
encore pour le VIH, étant donné les risques
d’interactions médicamenteuses et de majorations des effets secondaires qui peuvent
rendre impossible le recours à l’interféron ?
La réponse est : lorsque le patient est VIH +
asymptomatique, il faut, en réalité, traiter son
hépatite le plus rapidement possible afin
d’éviter qu’elle n’évolue vers la cirrhose,
cause majeure de mortalité en cas de coinfection HIV/VHC.
“Il faut effectivement proposer aux usagers
de drogues susceptibles de bénéficier du traitement de leur hépatite virale associée, la thérapie buprénorphine haut dosage (ou méthadone, dans certains cas), interféron pégylé +
et ribavirine’’, concluait J.M. Guffens.
On peut traiter les hépatite C
en prison
La prison fournit un bon exemple des limitations à l’accès aux soins, notamment sur ce
point, comme le montrent les chiffres rapportés par S. Yakoub et S. Balanger (maison
d’arrêt de Paris, La Santé). En juin 2003, une
enquête menée auprès de 139 sites pénitentiaires auprès de 49 150 personnes détenues
montrait que 4,2 % (2 064) étaient séropositifs
pour le VHC, dont 91 % asymptomatiques.
Cent quarante seulement étaient traités par
bithérapie interféron-ribavirine, 46 par monothérapie. Au niveau de la maison d’arrêt de La
Santé, la prise en charge des détenus toxicomanes et/ou VHC + relève de l’UCSA, du
SMPR et de son CSST. L’effectif de la prison
en 2003 se caractérise par une importante surpopulation, un fort taux d’étrangers (55 %) le
plus souvent en situation irrégulière ; 35 %
des incarcérations relèvent de délits liés aux
stupéfiants et leur durée moyenne est de 4 à
8 mois. En 2003, 179 détenus VHC + ont
été pris en charge par l’UCSA, 17 VHC +
bénéficiant d’une bithérapie. Divers obstacles entravent le dépistage et le soin : refus
du patient, d’ordre psychologique, ethnique
et/ou socioculturel ; contexte carcéral rendant difficile la mise en œuvre des PBH et
des consultations spécialisées dont les délais
d’attente peuvent être supérieurs à la durée
de l’incarcération (courtes peines ou
remises en liberté immédiates). Le CSST et
l’UCSA mettent en place une prise en charge reposant sur une bonne coordination
entre les différentes équipes. Mais, en définitive, l’auteur est arrivée à ce constat déplorable : des détentions inacceptables, aggravées par un taux d’incarcérations record ;
des disparités importantes d’un établissement à l’autre en matière d’accès aux soins
alors que les pathologies VHC et VHB, en
prison, sont en train d’“exploser’’. Donc à la
conclusion “qu’il faut renforcer, plus que
jamais, le dispositif sur les plans sanitaire et
social”.
A.J. Remy (Perpignan) et al. montrent
cependant la faisabilité du traitement de
l’hépatite C en prison. En 2000, une étude
portant sur 85 unités pénitentiaires mettait
en évidence que la sérologie des patients
était connue dans les deux tiers des cas mais
que 36 % seulement avaient eu une PBH et
4 % un traitement. La ponction biopsie,
identifiée comme un obstacle à l’accès aux
soins, avait alors été introduite dans les unités médicales de 37 maisons d’arrêt. Ainsi,
200 patients d’un âge moyen de 37 ans
(94 % d’hommes) ont été suivis et, au 1er
juin 2004. Ils avaient été traités par bithérapie interféron-ribavirine, la PBH n’étant que
facultative même si elle était souhaitée par
le médecin. La contamination était liée à des
injections iv de drogues dans 78 % des cas,
3 % étant d’origine transfusionnelle ; 12 %
des sujets étaient également VIH + ; 37 %
étaient sous substitution par méthadone
(12 %) ou buprénorphine haut dosage
(25 %). La durée moyenne du traitement a
varié de 4 mois chez les patients qui
l’avaient interrompu pour des motifs non
médicaux, à 7 mois chez ceux qui l’avaient
poursuivi jusqu’à son terme. Quatre vingtquinze sujets (47,5 %) ont eu une réponse
positive complète et aucun effet secondaire
sérieux n’a été relevé. Il est donc possible
d’instituer et mener avec succès un traitement de l’hépatite C en prison. La limitation
Le Courrier des addictions (6), n° 4, octobre-novembre-décembre 2004
172
Évaluation :
question(s) de méthode
• Mojca. Z. Dernovcek et Mercedes Lovrecic
(Ljubljana) ont rapporté les étapes de l’élaboration, à partir de 2003, d’un questionnaire,
instrument d’évaluation de la qualité du
traitement de substitution par méthadone. Il
s’agissait d’une nouveauté dans un pays où
n’existait aucune tradition d’appréciation qualitative systématique et scientifiquement fondée. Un questionnaire pilote a été mis au point
et testé dans un centre méthadone recevant
quotidiennement 500 clients dont 50 ont été
sélectionnés pour l’étude. Les questions concernaient le comportement et l’impression clinique
globaux, les conduites auto- et hétéro-agressives, les overdoses, la consommation
parallèle de produits illicites, les dosages urinaires et les effets secondaires de la méthadone au cours des six derniers mois, ainsi que
le statut du patient dans le programme.
Cette première partie du projet s’est terminée
en octobre 2004 et les premières conclusions
des utilisateurs sont : ‘’assez satisfaisant’’ pour
le temps nécessaire à remplir le questionnaire :
‘’peut mieux faire’’ en ce qui concerne la qualité de la documentation ; ‘’satisfaisant’’ pour la
taille de l’échantillon, la période d’observation
de 6 mois et l’utilisation des variables sélectionnées.
La prochaine étape comportera l’interview de
l’équipe soignante quant à l’utilité du questionnaire, sa mise en œuvre dans tout ou une
partie des centres méthadone, l’analyse des
réactions à ce type d’approche.
• Andréa Flego (Pordenone) a exposé les principes du modèle d’excellence EFQM (European Foundation for Quality Management),
approche qualitative nouvelle des institutions et
de l’organisation des soins. Appliqué il y a
quelques années au Jellinek Centrum
d’Amsterdam, après ajustement aux besoins
d’un service traitant des addictions, il comporte
en résumé : une définition des missions à remplir avec une attention particulière portée à
l’épidémiologie, à l’attitude des soignants et à
l’opinion de l’environnement social sur le traitement par la méthadone ; des critères de faisabilité concernant aussi bien le personnel
nécessaire que la politique de soins et la stratégie à appliquer ou les divers partenariats ;
une auto-évaluation qui représente la grande
nouveauté du modèle EFQM.
L’excellence telle qu’elle est entendue ici signifie : maintenir et élever progressivement le
niveau de tous les comportements de l’institution soignante ; être capable de changer en
permanence pour s’adapter à de nouvelles
réalités et de nouvelles vérités scientifiques
dans le cadre de l’“Evidence Based
Medicine”.
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Les comorbidités psychiatriques
• Kjersti Pedersen et Helge Waal (Oslo) ont constaté la pauvreté de la littérature consacrée
à la comorbidité opiacés/schizophrénie, qui fait de ces patients un ‘’groupe invisible’’. Une
étude menée à Oslo met pourtant en évidence un taux plus important d’addictions chez ces
sujets et la fréquence des ruptures de la prise en charge psychiatrique. Le suivi pendant 2
ans d’un groupe de schizophrènes recevant, outre la thérapeutique antipsychotique, un traitement de substitution par la méthadone, montre que la symptomatologie schizophrénique,
la compliance au traitement psychiatrique et la qualité de vie sont améliorées.
• L’étude présentée par Olaf Blix et U. Eek (Jonkoping) aboutit à des conclusions voisines. Les
addictions aux opiacés et à l’alcool, fréquentes chez les malades mentaux, s’accompagnent
souvent de rechutes sévères entre les séquences thérapeutiques. Depuis 1994, un traitement
à long terme (3 ans au moins) a été proposé à des patients à ‘’double diagnostic’’ à Jonkoping, mettant en partenariat les services sociaux et l’institution psychiatrique locaux, d’après
le modèle américain de Meuser et Drake (New Hamposhire). De 1994 à 2004, 85 malades
ont été inclus dans ce programme thérapeutique.
• Giulio Perusi (Pise), à propos de l’utilisation de la psychopharmacothérapie chez les usagers de drogues présentant des troubles mentaux, s’est essentiellement attaché à la coprescription antidépresseurs/méthadone et neuroleptiques/méthadone. Il ressort de son étude
que l’administration des médicaments psychotropes doit commencer à des doses faibles, que
l’on augmente progressivement jusqu’à atteindre la posologie adéquate. Mais, attention aux
interactions : fluoxétine et fluvoxamine augmentent la méthadonémie, fluvoxamine et sertraline la biodisponibilité. Il est possible de prendre avantage du temps de latence réduit
des tricycliques (clomipramine) chez les patients sous méthadone. Quant aux ISRS, ils sont
des anti craving de premier choix. La méthadone agit sur la dépression et stabilise l’humeur
mais, en contrepartie, impose de fortes doses d’antidépresseurs. Toutefois, l’amélioration
et/ou la stabilisation de l’humeur ne prévient pas par elle-même la toxicomanie.
• Monica Astals et al. (Barcelone) se sont intéressés aux variations du diagnostic psychiatrique pendant un traitement par méthadone à partir de l’étude de 107 toxicomanes à leur
admission de et 18 mois plus tard. La comorbidité psychiatrique a été évaluée selon les critères de la version espagnole du PRISM 3 : à l’admission, un diagnostic psychiatrique a été
porté chez 25 % des patients ; 18 mois plus tard, le taux de comorbidité est passé à 46 %.
Dans la majorité des cas (9 sur 16), le nouveau diagnostic portait sur des personnalités antisociales ou borderline, ce qui semble suggérer la nécessité de réviser les critères définissant
les troubles de la personnalité chez les toxicomanes aux opiacés.
du traitement de la PBH, telle que la conférence de consensus française de 2002 l’a
recommandée, jointe à des initiatives telles
que POPHEC (Premier observatoire dans les
prisons du traitement de l’hépatite C), facilite
l’accès aux soins des populations incarcérées
(voir encadré “Prisons européennes et substitution : des progrès à faire”).
Femmes enceintes :
substitution plus thérapie
comportementale
En ce qui concerne les effets des traitements de substitution par la méthadone
chez les nouveau-nés de mères ainsi traitées, il est habituel d’être confrontés chez
eux à la survenue d’un état de manque exi-
geant un traitement médical. Quant à la
buprénorphine haut dosage à laquelle des
patientes ont recours, soit parce qu’elles
sont enrôlées dans des essais cliniques,
soit, le plus souvent, parce qu’elles en
prennent de manière non contrôlée en
période prénatale, elle semble induire
moins souvent chez les nouveau-nés cet
état de manque. Et que celui-ci soit moins
sévère qu’avec la méthadone.
Pour le vérifier, M. Jones (Baltimore) a
comparé, dans des conditions méthodologiques rigoureuses (essai randomisé,
contrôlé, en double aveugle), les incidences
d’une exposition fœtale à la buprénorphine
haut dosage ou à la méthadone : 45,5 % des
nouveau-nés exposés à la méthadone, 20 %
de ceux sous buprénorphine, ont été traités
pour un état de manque. Il n’y avait pas de
différence significative entre les deux
173
groupes en ce qui concerne l’intensité des
symptômes et les traitements appliqués. La
durée de l’hospitalisation a été significativement plus courte dans le groupe buprénorphine haut dosage.
Si l’accord est total quant à la nécessité de
mettre en place un traitement de substitution chez les femmes enceintes toxicomanes aux opiacés, il apparaît également
que l’appoint d’une thérapie comportementale (“contingency management’’) est un
facteur positif. Leslie Amass (Los Angeles)
et Loretta Finnegan (Bethesda) ont montré que, dans leur expérience, cet apport
thérapeutique complémentaire peut permettre une meilleure compliance, réduire
l’utilisation concomitante de drogues
licites ou illicites et faciliter la surveillance
médicale prénatale.
Médecine générale
et santé communautaire
Pour mettre en œuvre ces modalités de
prise en charge spécifique, outre l’importance du travail en réseau déjà souligné, il a
semblé, d’un côté, indispensable à tous
d’impliquer les médecins généralistes et
d’insister sur l’importance de leur rôle, et
de l’autre de promouvoir des pratiques de
soins communautaires. Et, dans l’un et
l’autre cas, c’est le patient, bénéficiaire
d’une prise en charge individualisée, qui
doit être au centre du dispositif de soins.
Ainsi, C. Ford (Londres) a souligné le rôle
majeur joué par les soins de santé primaires
au Royaume-Uni depuis 1990, ainsi que la
reconnaissance des risques et dérives possibles : tentation de considérer les usagers
de drogues comme un groupe homogène ;
réduction du traitement à la prescription ;
protection du prescripteur et de la communauté devenant plus importante que les
soins au patient… Éviter ces écueils
implique la responsabilité et la valorisation
du médecin généraliste, tirant profit de sa
relation privilégiée avec les personnes, les
familles et la communauté ! il peut procurer un large éventail de soins incluant les
traitements de substitution, gérer la réduction des risques, pratiquer une thérapie centrée sur le client selon le modèle de Carl
Rogers et des interventions “motivationnelles”. La prise en compte des désirs et
besoins du sujet a pour but de le “renarcissiser’’ et, à cette fin, la relation médecin-
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patient constitue une part importante du traitement.
L’action du National Health Service, présentée par R. Robertson (Edimbourg), s’exerce
dans le même sens. Les modèles de bonnes
pratiques pour les médecins et les infirmières
comportent l’attention aux demandes du
patient, la prescription d’un traitement agoniste, la surveillance des problèmes de santé
mentale, de virologie, de statut immunitaire,
de contraception et de la grossesse, le maintien d’un état de santé satisfaisant.
A. Ulmer (Stuttgart) a, lui aussi, plaidé pour
l’importance et la reconnaissance du rôle des
généralistes auxquels incombait, jusqu’en
1998, la prescription en Allemagne des traitements de substitution. Cependant, la nécessité
ressentie d’une exigence de qualité a débouché sur une bureaucratisation et un renforcement des contrôles tels (accréditation obligatoire des médecins), que les prescripteurs se
sont raréfiés. Dès lors se sont créés des centres
spécialisés qui offrent le double inconvénient
de concentrer les toxicomanes et de se situer
souvent à distance de leurs lieux de vie. Il faudrait maintenant déconcentrer ces offres de
soins, faire de ces centres de référence des instruments de coordination et pas seulement de
contrôle, sur le modèle français, qui est probablement le plus performant.
La valorisation du généraliste et la mise en
place de structures de soins communautaires
sont à la base des expériences que A.
Michelazzi (Trieste) et A. Ivancic (Zagreb)
voudraient voir étendre à l’ensemble des territoires italien et croate. En Croatie, où l’on
constate une solide tradition de psychiatrie et
de médecine sociale, l’implication du médecin généraliste dans le traitement est considérée comme une garantie de sa fiabilité. C’est
la solution la moins coûteuse, celle qui permet
de pallier les dérives de la stigmatisation et de
la “ghettoïsation” des usagers de drogues. La
politique de santé croate assure un accès facile à l’assurance maladie et chaque patient a
son médecin traitant rémunéré à la capitation.
La méthadone peut lui être prescrite lorsqu’il
en fait la demande puisque aucun critère de
sélection n’est imposé à l’entrée dans un programme. L’existence de centres coopératifs de
médecine générale a permis une expansion
rapide de la substitution tout en assurant sa
qualité. Ceux-ci jouent un rôle de mise au
point clinique, de décision thérapeutique,
d’initiation du traitement, de conseil psychosocial. Cinquante-six pour cent des médecins
généralistes prescrivent de la méthadone et ils
sont au centre de la lutte contre les addictions.
À titre indicatif, la Croatie compte 4 500 000
habitants et environ 18 000 toxicomanes dont
7 000 sont en traitement avec une posologie
moyenne de méthadone de 65 mg par jour.
Le taux de séropositivité HIV est inférieur
à 1 % et 50 à 60 décès annuels sont dus à
des overdoses. Cela est rendu possible par
la formation et la pratique médicales,
sachant que “la connaissance doit être
acquise, non transmise’’.
Stabilité des consommations d’alcool
chez les collégiens et lycéens
En conclusion : “Ce congrès a déjà démontré
la nécessité de constituer un panel européen de
médecins susceptibles de poursuivre et d’approfondir les résultats de ces réunions entre
professionnels de santé, disait le Pr Icro
Maremmani. Il a affirmé ensuite la nécessité
de travailler à mieux connaître la physiopathologie des addictions, de codifier la (les) thérapeutique(s) avant même de penser à la
réduction des risques, de former les médecins
généralistes au traitement des pathologies
addictives”. Cela implique, entre autre, les
possibilités de se libérer des limitations légales
contraignantes de la prescription de buprénorphine haut dosage, sachant qu’il appartient au
corps médical de démontrer aux politiques leur
absurdité sans attendre que ces derniers prennent l’initiative de modifier la loi.
“L’un des intérêts majeurs de ce congrès est
d’avoir confirmé le statut authentique de la
buprénorphine haut dosage, efficace pour une
majorité de patients comme traitement de l’addiction aux opiacés”, concluait, pour sa part, le
Dr Marc Reisinger. “Mais, il ne faut pas hésiter, en cas d’échec, à ‘passer’à la méthadone”.
Priorité à l’efficacité et au pragmatisme, et non
aux a priori partisans. Toujours.
Et rendez-vous pour le 7e congrès Europad
à Bratislava…
Pour contacter les organisateurs d’Europad :
Président : Icro Marmmani, département de psychiatrie, université de Pise, 67, via Roma 56100
Pise, Italie. E-mail : [email protected].
Le Sterifilt nouvel outil de prévention du VHC
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Brèv sBrèv
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La consommation régulière (au moins dix fois par mois) de boissons
alcoolisées chez les garçons est de 4 % à 14 ans et de 22 % à 18 ans.
Chez les filles,elle est respectivement de 1 et 7 %.Si l’on étudie les types
de boissons consommées au cours des trente derniers jours, on note
une évolution marquée à partir de 16 ans :avant cet âge,cidre et champagne sont les plus consommées, après ces boissons sont progressivement remplacées par la bière et les spiritueux.En revanche,les consommations de vin restent relativement faibles tout au long de l’adolescence. Chez les filles, le champagne l’emporte sur la bière, mais les alcools forts
s’imposent rapidement après l’âge de 16 ans.L’ivresse est l’apanage du genre
masculin. Ainsi, entre 12 et 13 ans, deux fois plus de garçons que de filles
déclarent avoir été ivres au moins une fois dans leur vie : 12 contre 6,3 %.
Cet écart se réduit par la suite puisque les proportions sont respectivement
de 29,3 et 24,3 % à 14-15 ans et de 51,1 et 47 % à 16-17 ans. Enfin, si l’on se
réfère à l’enquête ESPAD de 1999 (European School Survey Project on
Alcohol and Other Drugs, réalisée tous les 4 ans depuis 1993), on constate
une relative stabilité des consommations durant l’adolescence, qu’il s’agisse
d’initiation ou de consommation régulière.
www.ofdt.fr/BDD/publications/fr/tend35.htm. In:Actualités Alcool 2004;21.
F.A.R.
Inpes : www.inpes.sante.fr
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Le Courrier des addictions (6), n° 4, octobre-novembre-décembre 2004
2006 : tous à Bratislava
174
Les contaminations par le VIH liées à l’injection de
drogues ont quasi disparues en France mais plus de 5 000
injecteurs se contaminent encore chaque année par le
VHC. Le partage des filtres et cuillères en sont une des
principales causes comme l’ont démontré de nombreuses études. Si le kit d’injection Steribox 2® avec son
Stéricup® avait déjà permis de limiter le partage des
cuillères, le nouvel et ingénieux Sterifilt® (à usage unique)
devrait permettre de limiter considérablement l’usage, le partage et la
réutilisation des filtres de cotons et filtres de cigarettes habituellement
employés.Grâce à sa membrane filtrante,ce dispositif qui s’adapte par dessus l’aiguille de la seringue élimine 99 % des particules de 10 microns et
plus ce qui réduit très sensiblement les risques d’abcès, phlébites, “poussières”, œdèmes… Il est utilisable avec toutes les drogues injectables ainsi
que la plupart des médicaments parfois injectés par les usagers de drogues.
Ce procédé, qui retient moins de 2 % de drogue contre 6 à 10 % pour les
filtres habituels, a été plébiscité par 90 % des injecteurs. Le Sterifilt®, qui
coûte 0,15 €, est disponible dans la plupart des structures spécialisées
Vous trouverez tous les renseignements ainsi que rapport Sterifilt® en
ligne sur www.steribox.tm.fr.
J. Kempfer
Contact :Apothicom-CMS, 64, avenue Georges-Gosnat, 94200 Ivry-sur-Seine.
Tél. : 01 46 70 70 72. E-mail : [email protected].
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La buprénorphine haut dosage à Europad
S. et R. Berthelier
La buprénorphine haut dosage est apparue comme le traitement de substitution “vedette” de ce
congrès. Outre le symposium satellite organisé par les laboratoires Schering-Plough, elle a fait
l’objet de plusieurs communications au cours des divers ateliers. Et la forte participation
américaine a montré qu’elle suscitait un intérêt croissant aux États-Unis.
Le symposium buprénorphine : usages
cliniques de la buprénorphine haut dosage
Au programme : mise en évidence de l’efficacité de la buprénorphine
haut dosage, de son acceptabilité par les patients, de sa sécurité
d’emploi et de la nécessité de prescrire des posologies suffisamment
importantes. Quitte à aller au-delà de celles définies par l’AMM.
D. Touzeau et J. Bouchez (Bagneux), dont la
communication “Quand le haut dosage ne
suffit pas’’ ouvrait le symposium, ont rappelé
que l’utilisation de la buprénorphine haut
dosage dans le traitement de la dépendance
aux opiacés avait été proposée dès 1978, aux
États-Unis, par l’équipe du Dr Jasinski.
Cependant ses potentialités cliniques, liées à
son activité d’agoniste partiel, n’ont été mises
à profit que plus tard, en 1985, par Marc
Reisinger. Ses premières applications chez
les héroïnomanes en France ont été empiriques : elles ont commencé par la prescription
de l’antalgique Temgésic®, faiblement dosé en
buprénorphine, avec lequel l’obtention d’une
stabilisation impliquait des prises pluriquotidiennes d’un grand nombre de comprimés.
La reconnaissance des
différences individuelles
Le développement des traitements à la buprénorphine haut dosage a répondu à des besoins
de santé publique : réduction des risques, diminution du nombre des overdoses. Les premières études américaines ont été faites sur la
base de l’administration de posologies insuffisantes (2 à 10 mg) et comportaient des biais
méthodologiques. Les études européennes
récentes sont “parties” sur des posologies plus
élevées (12 mg par jour). Les auteurs français
ont pu constater que les paramètres sociaux et
les comorbidités psychiatriques pouvaient
induire de mauvaises réponses et des sorties de
programmes, les posologies standard limitant
l’efficacité du traitement. L’expérience clinique a montré que la stabilisation d’une minorité de patients exigeait des doses supérieures
au maximum fixé par la réglementation française. Dans certains cas :
• Nécessité d’éliminer un mésusage, par
exemple par un temps de passage sublingual
trop court.
• Obtention de meilleurs résultats par l’augmentation des doses en cas de comorbidité
psychiatrique (à l’exception des psychoses) :
il a fallu, pour certains malades, prescrire jusqu’à 56 mg par jour, soit une posologie hors
AMM qui rend les études difficiles.
Ces données renforcent l’idée qu’il existe des
différences individuelles d’absorption du
médicament et que la posologie actuelle pour
les patients autorisée maximale varie selon les
pays : 16 mg en Autriche, 24 mg en Suède,
32 mg au Danemark... En fait, dans la pratique, la prescription doit être définie en écoutant les patients plutôt qu’en référence à des
paramètres fixés arbitrairement, ce qui limite
l’initiative clinique des médecins, bride leur
“feed-back avec leurs patients et l’évolution
des connaissances.
La preuve par les résultats
Pour W. Ling (Los Angeles), une des bonnes
raisons pour traiter l’addiction est... que “ça
marche” quel que soit le point de vue d’où l’on
175
se place : médecin, patient, société… Depuis
plus de 30 ans, les traitements ont largement
démontré qu’ils sauvaient des vies, réduisaient
la morbidité, préservaient la santé des personnes, étaient économiquement rentables.
Exemple : en Californie, le coût de la prise en
charge d’un toxicomane sur 6 mois est de
20 000 dollars en l’absence de traitement, 8 à
9 000 s’il est soigné, moins encore en cas de
substitution par la méthadone. Et le taux de
rechutes est peu différent de celui que l’on voit
dans le cadre des autres maladies chroniques… Reste que les différents acteurs ne
poursuivent pas forcément les mêmes buts et
qu’il faut prendre en compte diverses
demandes et attentes : ainsi, il existe au moins
dix bonnes raisons de prescrire la naltrexone (efficacité per os, effet rapide, action à long
terme, etc.) et une seule pour ne pas la prendre
: elle ne donne pas de flash, ne fait pas planer
et “c’est comme si on ne prenait rien’’.
En 2000, la buprénorphine haut dosage a fait
l’objet d’une loi du congrès pour sa mise sur
le marché. Elle a été présentée comme une
grande expérience sociale : pour la première
fois depuis 80 ans, le traitement des addictions
était remis aux professionnels et non aux policiers. Ce qui pose deux questions : la science
peut-elle remplacer l’idéologie ? La médecine
peut-elle tenir son rôle ? Afin de le savoir, il
faut pouvoir mesurer ce qui relève directement des effets du médicament et ce qui
dépend d’événements intercurrents. En définitive, les approches et le devenir de la thérapeutique doivent être appréciés en fonction du
climat politique et social de sa délivrance.
La compétence des généralistes
G. Fischer et al. (Vienne) ont présenté une
expérience de prescription de la buprénorphine haut dosage en médecine de ville. Cette
étude prospective contrôlée a inclus 60 patients
(dont 30 % de femmes) d’un âge moyen de 25
ans, dépendants des opiacés depuis 5 ans en
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moyenne. Cinquante pour cent avaient un travail stable et 31 % avaient déjà eu une première expérience de substitution. Quarante
pour cent étaient VHC+. Les critères d’exclusion étaient : VIH+, éthylisme, comorbidité
psychiatrique, autres maladies graves. Le traitement a été initié en trois semaines en centre
spécialisé, le relais de la prescription étant
ensuite assuré pendant 11 semaines par des
médecins généralistes et l’évaluation finale
effectuée en centre spécialisé la quinzième
semaine. Lors de l’initialisation, la buprénorphine haut dosage a été administrée en prises
contrôlées avec une posologie de 6-8 mg par
jour à un maximum de 24 mg par jour. Lors du
relais, la délivrance a été d’abord quotidienne,
puis hebdomadaire, en pharmacie. L’évaluation
a montré que :
– le taux de rétention était de 57 %, sans différence significative entre les sexes ;
– les contrôles urinaires ont montré une diminution significative de la consommation d’héroïne et de cocaïne dès la deuxième semaine,
un arrêt des benzodiazépines en fin d’étude
chez les patients stabilisés avec une dose égale
ou supérieure à 16 mg par jour.
Résultats : la prise en charge des patients en
médecine de ville est largement “bénéficiaire”
moyennant des posologies suffisantes de
buprénorphine haut dosage et une bonne
formation des médecins.
La bonne posologie
pour chaque patient :
savoir les réajuster
G. Di Petta (Naples) (comme D. Touzeau),
considère qu’il est important de ne pas sousdoser le médicament, ce qu’il a vérifié dans un
contexte napolitain caractérisé par la grande
fréquence des overdoses, la prolifération des
passages à l’acte hétéroagressifs, l’importance
des pathologies infectieuses et un coût social
élevé. La buprénorphine haut dosage a été utilisée dans un district du nord de Naples sur un
échantillon de 650 patients (610 hommes,
40 femmes) d’un âge moyen de 30 ans, de
bas niveau éducatif, avec une durée moyenne
de dépendance de 7,5 ans. Cent cinquante personnes consommaient de l’héroïne, 500 étaient
sous méhadone. Le protocole de “switch” était
appliqué quelle que soit la posologie prescrite (la moitié des patients avait eu 40 et
50 % de méthadone, mais des dosages ont
été faits jusqu’à 100 mg par jour). On a res-
pecté, comme il se doit, un délai de 24
heures entre la dernière prise de méthadone
et la première prise de buprénorphine haut
dosage. Le but était de procurer une sensation
de confort immédiat en débutant à des doses
suffisamment élevées. Les résultats à 30 mois
sont intéressants :
– 91 % des patients restent en traitement,
2 % sont revenus à la méthadone ;
– les dosages urinaires d’opiacés sont encourageants (80 à 100 % de négativité selon les
produits) pour des posologies de 24 à 40 mg
par jour ; très bons (négativité à 100 % pour
tous les paramètres urinaires) pour des posologies de 40 à 56 mg par jour.
Les résultats obtenus suggèrent que :
– la buprénorphine haut dosage n’est pas
seulement indiquée chez les sujets à dépendance faible ou modérée ;
– au-dessous de 16 mg par jour, il existe un
risque de rechute ou de sortie du programme ;
– à long terme, les hautes doses de buprénorphine haut dosage réduisent remarquablement le manque, le craving et permettent le maintien des patients dans les programmes de réinsertion psychosociale ;
– la buprénorphine haut dosage représente
une nouveauté thérapeutique innovante
dans les stratégies d’approche de la dépendance aux opiacés, mais les très fortes
doses sont difficiles à utiliser s’il existe des
problématiques psychologiques complexes.
Des performances
psychomotrices meilleures
Enfin, toujours dans le cadre de ce symposium satellite, M. Soyka (Munich) a présenté
les résultats d’une étude comparative des
capacités psychomotrices et de l’aptitude à la
conduite automobile de 27 patients sous
buprénorphine haut dosage (posologie
moyenne : 5,8 mg par jour) et 28 sous méthadone (68 mg par jour). Principales conclusions après 26 semaines de traitement :
– dans la phase initiale, la buprénorphine
pourrait présenter des avantages par rapport à
la méthadone en ce qui concene les manifes-
Expérience :
la buprénorphine haut dosage comme outil du sevrage
Leslie Amass, Los Angeles
Elle s’est intéressée à l’utilisation de la
buprénorphine haut dosage dans le
sevrage médicalisé, singulièrement chez
des patients qui refusent les traitements de
substitution habituels et pour lesquels une
stratégie d’intervention à court terme peut
être intéressante. La buprénorphine haut
dosage peut aussi être utilisée comme
thérapeutique initiale chez des sujets
dont la dépendance est encore récente
ou dont l’état de santé exige un sevrage
des opiacés.
Dans l’expérience de l’auteur, la buprénorphine haut dosage était à disposition
depuis 18 mois. Le sevrage s’est déroulé
sur 14 jours avec une dose initiale de
60 mg par jour et une diminution progressive ensuite. Résultats : 84 % des patients
ont été compliants et sont arrivés au terme
du sevrage, contre 32 % en l’absence de
buprénorphine haut dosage ; la buprénorphine haut dosage a permis de mener à
terme plus de sevrages qu’avec la clonidine
; 20 % n’ont pas eu besoin de médicaments
complémentaires, 80 % en ont reçu au
moins un en institution ; les résultats sont
comparables en ambulatoire. On a constaté également que les thérapies comportementales étaient compatibles avec la buprénorphine haut dosage, lorsqu’elles sont
combinées avec un sevrage médicalisé.
tations du manque ;
– les résultats aux tests cognitifs et de conduite
automobile sont meilleurs avec la buprénorphine haut dosage qu’avec la méthadone, ce
qui ne peut s’expliquer ni par la posologie ni
par les caractéristiques individuelles des
patients.
Quatre ou 5 autres études non randomisées,
retrouvées dans la littérature, sont également
en faveur d’une supériorité de la buprénorphine haut dosage. D’autres, randomisées,
sont cependant nécessaires.
Et les implants de buprénorphine haut dosage ?
On en parle beaucoup, de façon récurrente : les implants et/ou formes retard de la buprénorphine haut dosage sont en cours de développement. Ils ont l’inconvénient d’être irréversibles, une fois mis en place. Une intervention chirurgicale est nécessaire pour les enlever.
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À travers les ateliers
Pour les experts qui se sont exprimés au cours des différents ateliers,
même constat qu’au cours du symposium : la buprénorphine haut
dosage n’est pas seulement une molécule dotée de propriétés
pharmacologiques spécifiques, mais un médicament prescrit et
dispensé à un patient donné, dans le cadre d’un dispositif de soins
défini par des politiques sanitaires et sociales qui sont propres à
chaque pays. L’induction du traitement, aisée, facilite la compliance.
Son efficacité est réelle, mais elle est dose-dépendante. Il faut donc
être attentif à ne pas sous-doser les patients.
W. Ling (Los Angeles), dans une perspective analytique globale, a insisté sur la
notion selon laquelle l’efficacité des traitements de substitution et notamment de la
buprénorphine haut dosage, ne doit pas être
jugée sur les seuls critères pharmacologiques : au-delà du point de vue strictement
médical, son utilisation clinique, son succès ou son échec doivent être examinés
selon l’angle politique et social.
E.C. Strain (Baltimore) présente les résultats d’une recherche sur les aspects pharmacologiques de la buprénorphine haut
dosage associée à la naloxone (Suboxone®),
médicament uniquement disponible aux
États-Unis. Menée avec une méthodologie
rigoureuse chez des petits groupes volontaires, ces études ont montré :
• Une efficacité dose-dépendante de la
buprénorphine haut dosage d’une durée de
25 heures, non modifiée par l’adjonction
de naloxone.
• Après un passage brutal au placebo, les
manifestations de manque ne sont que
minimes au cours des trois premiers jours,
ce qui témoigne d’une durée d’action
longue, supérieure à 74 heures.
• La proportion des allongements de QTc à
l’ECG est beaucoup moins importante
qu’avec la méthadone et le LAAM.
• Certains patients peuvent tolérer des
doses uniques élevées de Suboxone® sans
développer de symptômes de manque
significatifs. Si le syndrome de sevrage
apparaît, il est possible d’administrer des
doses faibles répétées de buprénorphine
haut dosage.
L. Amass (Los Angeles), à propos également de Suboxone®, arrive à des conclusions similaires : il existe une équivalence
entre buprénorphine haut dosage seule et
Suboxone® en termes d’efficacité, de sécurité et de facilité d’emploi dans la maintenance comme dans le sevrage médicalisé
des opiacés, à une posologie optimale de 16
à 24 mg par jour.
L’association des benzodiazépines à la
buprénorphine haut dosage, fréquente chez
les patients sous traitement de substitution,
a retenu l’attention de M. Auriacombe
(Bordeaux) qui a cherché à en déterminer
la prévalence, et à savoir s’il est possible de
trouver des critères pertinents pour évaluer
leur dépendance aux benzodiazépines.
L’étude a inclus 169 patients chez qui on a
pu constater :
– l’absence de différences entre des nonutilisateurs et des non-dépendants ;
– d’importantes différences entre nondépendants et dépendants avec, chez ces
derniers, des scores de dépression et
d’anxiété plus élevés, une moins bonne
qualité de vie, plus d’utilisation de benzodiazépines à fortes doses, plus de pro-
Imprimé en France - EDIPS - Paris - Dépôt légal 4e trimestre 2004 © décembre 1998 - DaTeBe édition. Les articles publiés dans Le
Courrier des addictions le sont sous la seule responsabilité de leurs
auteurs. Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par
tous procédés réservés pour tous pays.
177
blèmes physiques, médicaux et sociaux.
L’injection de buprénorphine haut dosage
était corrélée à une dépendance aux benzodiazépines.
Deux motifs sont évoqués pour expliquer
leur utilisation : l’automédication de l’anxiété,
et la recherche d’un effet “planant”.
Il est rappelé que, de 1996 à 2000, la buprénorphine haut dosage a été impliquée dans
137 décès, associée dans 136 cas à d’autres
produits dont 70 % à des benzodiazépines.
En fait, la buprénorphine haut dosage,
seule, ne peut pas être comptable de ces
décès liés à la polytoxicomanie de rue.
T.G. Gilhooly (Glasgow) a rapporté l’expérience du centre de crises de Glasgow où
de très fortes doses de méthadone (600 à
900 mg) étaient prescrites chez un certain
nombre de patients. Beaucoup d’entre eux
sont “passés” à la buprénorphine haut
dosage et ont été stabilisés par ce médicament moyennant de hautes posologies pouvant aller jusqu’à 72 mg par jour.
Un autre groupe, composé de consommateurs de codéine (50 à 200 cps par jour),
moins marginalisés, possédant souvent un
travail, a été stabilisé avec des doses de 16
à 32 mg de buprénorphine haut dosage.
Enfin W. Ling (Los Angeles) a exposé une
méthodologie de l’induction du traitement
par la buprénorphine haut dosage à partir
de l’étude d’un échantillon de 59 patients,
surtout toxicomanes et abuseurs de prescriptions, exclus des programmes méthadone.
Ils ont reçu :
– 8 mg le premier jour, en 2 prises (4 mg à
la clinique, 4 mg à leur domicile) ;
– 12 mg à J2, 16 mg à J3, J4 étant consacré
à la définition de la dose d’équilibre
(24 mg au maximum) ;
– aucun autre médicament n’a été prescrit.
Cela montre bien, selon lui, que les pratiques cliniques s’éloignant des données de
la recherche conduisent à voir l’intérêt
d’une augmentation des posologies de
buprénorphine haut dosage.
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Cong è s Con grès Cong r
Cong è s Con grès
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La méthadone à Europad :
priorité à la pharmacologie
Impression dominante : il existe un accord, au moins tacite, pour
considérer la méthadone comme la molécule de référence en matière
de traitement de substitution. Elle ne soulève pas ou plus de
polémique quant à ses posologies utiles. Du coup, seulement
deux communications cliniques ont été consacrées à ce médicament
de substitution, les autres étant centrées sur ses aspects
pharmacologiques.
Souvent, des hautes doses
M.S. Shinderman (Chicago) a justifié
l’utilisation de doses supérieures à 100 mg
par jour. Allant même dans certains cas
jusqu’ à 1 000 mg, à partir de son expérience
et de diverses publications. Il estime que
l’obtention d’une abstinence de produits
illicites (opiacés, cocaïne) chez 90 % au
moins des toxicomanes dépendants aux
opiacés nécessite, dans la plupart des cas,
un ajustement dans le sens de doses bien
plus importantes que celles que l’on prescrit habituellement car il existe une grande
variabilité individuelle dans la réponse à ce
médicament. Dans l’ensemble, les posologies les plus élevées sont corrélées à la
diminution des autres substances et à une
meilleure rétention. Les différences interindividuelles quant aux doses nécessaires
dépendent de variations métaboliques en
partie génétiques, en partie acquises et,
pour un patient donné, le fait d’avoir besoin
de posologies plus importantes n’entraîne
pas un risque supérieur de sortie du programme. En pratique, pour être équilibrés
40 à 60 % des patients peuvent s’abstenir
d’opiacés illicites avec des doses inférieures à 101 mg par jour. Vingt à 30 % ont
besoin de 101 à 200 mg, 8 à 15 %, de 201
à 300 mg, 6 à 10 % de plus de 300 mg par
jour et 2 % de plus de 900 mg. Mieux, leur
recours à la cocaïne diminue lorsqu’on leur
prescrit des doses supérieures à 100 mg par
jour.
L’ensemble des études consacrées à la pharmacologie de la méthadone a une base
commune : la constatation de la variabilité
individuelle des réponses au médicament,
sa/ses relation(s) avec ses taux sériques et
plasmatiques, la recherche des facteurs
pouvant en rendre compte.
Pour C.B. Eap (Prilly, Suisse), une partie de
la réponse (environ la moitié) est d’ordre
génétique. En effet, dans le métabolisme de
la méthadone sont impliqués plusieurs isozymes de la famille du cytochrome P450
dont le polymorphisme génétique explique,
en grande partie, la variabilité interindividuelle de la pharmacocinétique du médicament. L’auteur avait antérieurement montré
l’importance des différents génotypes du
CYP2D6 dans la détermination des taux
plasmatiques de la méthadone, mais ils
interviennent également dans les interactions métaboliques : l’effet de la paroxétine
sur la méthadone, par exemple, est fonction
du génotype CYP2D6 du patient. Une
étude multicentrique en cours cherche à
déterminer l’influence de facteurs génétiques multiples sur la réponse au traitement de substitution par la méthadone.
K. Dyer (université d’Australie Occidentale)
a exploré pour sa part les relations entre les
concentrations plasmatiques des méthadones (S) - et (R) - et les troubles de l’humeur. Quelques conclusions de son étude :
• Des modifications de la méthadonémie
entraînent des variations thymiques plus
prononcées chez les sujets ayant déjà présenté un état de manque.
• Il n’existe pas de relation claire entre
posologie médicamenteuse et trouble de
l’humeur
• Les symptômes de manque ne semblent
pas dépendre des concentrations plasmatiques, mais de leur diminution rapide, ce
qui pourrait renvoyer à une variabilité indi-
Le Courrier des addictions (6), n° 4, octobre-novembre-décembre 2004
178
Aspects de la lutte contre
la toxicomanie aux opiacés
aux États-Unis
Marc Parrino, New York
Mauvais bilan : l’âge moyen des
consommateurs d’héroïne est passé à
17,6 ans en 1997, contre 20,9 ans en
1987. Et le nombre des arrestations pour
usage et/ou trafic de drogues à 1,56 million en 1998 contre 1,01 million en 1991.
Devant cette situation, un projet ambitieux
a été lancé pour permettre aux détenus
d’avoir accès à des traitements par la
méthadone, et réduire le coût social des
toxicomanies. Celui-ci comportait la formation/ information des personnels judiciaires
et pénitentiaires. Ainsi, le programme de
Riskers Island, lancé en 2000, a coûté
18 400 dollars par détenu et par an,
contre 4 700 dollars pour un patient suivi
en ambulatoire, somme comprenant les
soins médicaux et le volet socio-éducatif.
Résultats : le programme a traité 3 985
détenus en 2000. La substitution a été poursuivie dans 55 % des cas après la libération, interrompue dans 19,5 %. Dans tous
les cas, le recours aux injections fréquentes,
aux opiacés, à la cocaïne, à l’alcool ainsi
que la délinquance, ont diminué après traitement. Le programme, visant le retour à un
fonctionnement ‘’productif’’ du sujet,
semble donc avoir, en grande partie,
atteint son but : la consommation de
drogues et la délinquance ont baissé de
40 à 60 % dans la population traitée, le
nombre des recherches d’emploi a augmenté de 40 % et le traitement de l’addiction aux opiacés est apparu aussi efficace
que ceux du diabète, de l’asthme ou de
l’HTA.
viduelle génotypique comme à des facteurs
tels que les maladies somatiques et la compliance au traitement.
• Avec des doses inférieures à 100 mg par
jour, des expositions relatives plus fortes à la
méthadone (S) - qu’à la méthadone (R) - sont
associées à une plus grande intensité des
troubles négatifs de l’humeur et à une plus
grande sévérité symptomatique du manque.
En pratique, chez des patients présentant des
troubles thymiques, il semble que la division
de la dose de la méthadone en deux prises
quotidiennes puisse améliorer leur état,
moyennant une éducation, une alliance thérapeutique avec eux et donc leur coopération.
L’auteur estime, par ailleurs, que les dosages
salivaires peuvent avoir un rôle à jouer dans
l’avenir pour déterminer la concentration et
les effets des méthadones (S) - et (R)-.
Cette variabilité des réponses à la méthadone
a retenu également l’attention de P. Pani
(Cagliari) pour qui elle relève à la fois de
facteurs génétiques et acquis. Si l’on considère généralement que des taux sériques de
150 à 600 ng/l de méthadone peuvent supprimer le besoin d’héroïne, des études plus
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Cong è s Con grès Cong rès
Cong è s Con grès
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méthadone en pratique clinique : la surveillance de la prise de méthadone 4 jours
par semaine ne suffit pas pour affirmer une
corrélation significative entre dose et
concentration sérique du médicament si 3
jours consécutifs de prise au domicile les
ont précédés ; la corrélation apparaît après
passage à une surveillance quotidienne de
l’administration. Par ailleurs, une relation
linéaire entre dose de la méthadone et
sB
Brèv sBrèv
récentes suggèrent et proposent un taux
seuil de 250 ng/l.
L. Okruhlica et al. (Bratislava) ont cherché
à mieux cerner l’utilisation des dosages de
la méthadonémie dans la surveillance et la
compliance au traitement. Les résultats de
leur recherche suggèrent que le nombre
hebdomadaire des prises à domicile du
médicament devrait être pris en compte
dans l’appréciation des taux sériques de
Conférence de consensus de Lille
Grossesse et tabac : des risques encore sous-estimés
Gros succès pour la dernière conférence de consensus organisée à Lille
sous le patronage du ministère de la Santé. Plus de 500 personnes, spécialistes de tabacologie (tabacologues, gynécologues, sages-femmes…),
venus de 18 pays y ont participé. Le tabagisme des femmes enceintes est
devenu une préoccupation de santé publique car les taux de fumeuses
en France avoisinent les 50 % et même si bien des femmes arrêtent
momentanément de fumer lorsqu’elles attendent un bébé (37 % sont
fumeuses), elles sont encore 19,5 % à continuer à le faire dont près de 7 %
fument plus de 10 cigarettes par jour. Les risques liés au tabagisme maternel
sont désormais parfaitement documentés et ont été rappelés lors de cette
conférence de consensus sans, bien sûr, susciter de contestation : il augmente
le risque de survenue d’accidents gravidiques (hématomes rétro-placentaires,
placentas bas-insérés), de retard de croissance intra-utérins, de prématurités,
de morts subites des nourrissons. De plus, il est un facteur de risque d’une
consommation de soins plus importante durant la petite enfance.
Les recommandations rédigées par le jury de la conférence ont porté sur
trois chapîtres : les modalités de prise en charge du tabagisme chez la femme
avant, pendant et juste après la grossesse ; les propositions d’études à mener
sur ce sujet ; les mesures de santé publique à prendre.
Parmi celles qui sont incluses dans ce premier chapître, le jury s’est prononcé pour un renforcement des actions de sensibilisation durant l’adolescence
dans les milieux scolaire, parascolaire et familial, en s’appuyant sur tous les
réseaux associatifs et les organismes d’éducation sanitaire ; la mobilisation des
médecins du travail afin qu’ils fassent respecter la loi qui impose de soustraire la femme enceinte non fumeuse au tabagisme passif et lui proposent une
aide à l’arrêt si elle est fumeuse. Toutes les maternités doivent être des
e e
Société contre fumeur : une analyse
psychosociale de l’influence des experts
Juan Manuel Falomir Pichastor et Georges Mugny
Presses universitaires de Grenoble 2004, 296 p. Internet :
http://www.pug.fr
Quelle merveille que l’ouvrage de ces deux psychologues de l’université
de Genève ! Ce devrait être la Bible, le véritable bréviaire que devraient
lire tous les matins tous ceux qui concoctent des actions destinées à prévenir ou à réduire le tabagisme, mais également ceux qui pensent aider
individuellement un fumeur à s’arrêter… Enfin, on comprend quelque
chose à la résistance des fumeurs à modifier un comportement qu’ils
savent coûteux et nocif ! Il ne s’agit pas de réflexions éthérées, mais de
travaux expérimentaux solides. Nous avions déjà eu le plaisir d’entendre
Juan Falomir et Georges Mugny lors de la 12e journée de tabacologie à
Paris, en 1997. Leur expérience s’est enrichie. Une des clés pour déchif-
179
concentration sérique n’existe que pour les
posologies les plus basses, inférieures à
80 mg par jour.
Enfin, M. Torrens (Barcelone), confirmant
la variabilité individuelle des méthadonémies, met en évidence, parmi les principaux facteurs en cause, l’influence de
comorbidités psychiatriques (dépression)
et médicales (séropositivité HIV), selon
qu’elles sont ou non traitées.
espaces strictement non fumeurs. Un entretien prénatal avec une sage-femme
par exemple, est à généraliser au premier trimestre de la grossesse (il a été,
depuis la conférence, annoncé dans le cadre du nouveau Plan périnatalité) et
ce tabagisme maternel doit être noté dans son carnet de maternité. Pour
objectiver le degré de l’intoxication tabagique, les professionnels devront
recourir aux analyseurs de CO, outil très facile à utiliser au cours de toute
consultation pré- et postnatale. Pour celles qui sont vraiment dépendantes, le
recours aux substituts nicotiniques reste une bonne solution.
Lors de son arrivée à la maternité pour accoucher, la femme fumeuse devra
être particulièrement surveillée. Enfin, les professionnels de la santé doivent
promouvoir l’allaitement maternel dans tous les cas, y compris chez les mères
fumeuses ou sous traitement par substituts.
Au deuxième chapitre, celui des études futures, les jurés ont préconisé une
enquête nationale pour évaluer, avec l’aide d’un marqueur du tabagisme, la
prévalence du tabagisme actif et passif chez la femme enceinte et des
recherches complémentaires afin de leur adapter individuellement les traitements par substituts. Il serait souhaitable également de conduire des travaux
pour mieux connaître les effets de ces substituts sur le fœtus et de mettre sur
pied un registre des malformations fœtales incluant les paramètres alcool,
tabac et cannabis.
Quant aux mesures de santé publique, elles comptent : l’inscription du tabagisme maternel dans le prochain dossier médical personnalisé et dans les certificats des 8e jour, 9e et 24e mois de l’enfant ; l’interdiction de la vente des cigarettes sans tabac qui apportent un taux élevé de CO ; l’aide à l’arrêt des
femmes enceintes avec, notamment, la prise en charge du coût financier des
substituts.
Pour avoir le texte long de ces recommandations : www.anaes.fr, rubrique
“Publications”.
F.A.R.
frer les résistances des fumeurs au changement est que fumer est un
constituant majeur de leur identité sociale. Toute attaque de front est une
agression à leur intégrité. Ce qui peut renforcer cette identité de fumeur,
une simple ségrégation, renforce les résistances.
À partir de cette notion, comment faire passer les messages de façon
efficace ? Comment éviter que le discours d’un expert stigmatisant le
tabagisme n’ait pas l’effet pervers d’enfermer le fumeur dans une situation de paria d’où il aura d’autant plus de peine à s’extraire ? Des expériences originales démontent ces mécanismes de résistance et mettent en
évidence aussi bien les approches efficaces que les erreurs monstrueuses
qu’on peut commettre au nom du “bons sens”. L’âme humaine est complexe. Il faut essayer de bien connaître ses ressorts avant de se lancer
dans des actions qui peuvent être tout à fait contre-productives. Enfin un
peu d’approche vraiment scientifique.
Robert Molimard
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