A D P C Les essais et études de phase IV : achat des produits ! S. Goni* ENVIRONNEMENT Il est aujourd’hui admis que les essais analysés pour l’obtention d’une mise sur le marché d’un médicament ne rendent compte que partiellement de l’efficacité et de la tolérance d’une nouvelle entité chimique, et en rien de son usage. De nombreuses voix s’élèvent pour demander des résultats dans des groupes particuliers (femmes, sujets âgés, par exemple), lesquels étaient jusqu’ici assimilés à la population “générale” analysée dans les essais contrôlés. Ces demandes ne sont pas toujours sous-tendues par une particularité métabolique, et sont quelquefois assimilables à l’étude de populations particulières déjà requise par l’AMM. Cette nouvelle démarche d’études, en fonction de l’âge et du sexe par exemple, semble plutôt refléter une mutation profonde des attentes des représentants de patients, des assureurs des patients ou des médecins représentant certains groupes. En France, les payeurs ont le souhait de ne plus être aveugles, mais de se comporter en acheteurs éclairés, en exigeant des nouvelles thérapeutiques qui leur sont proposées des comparaisons aux standards de soins en vigueur. Parallèlement, l’évolution rapide de la jurisprudence sur la notion de risque admissible, pour un individu ou un groupe d’individus, et des responsabilités engagées explique l’obligation prévisible d’un renforcement de l’information à apporter aux usagers sur les risques, conduit tous les acteurs de santé à vouloir obtenir et diffuser les informations les plus pertinentes pour un sousgroupe, voire pour un individu donné. L’exposé du bénéfice et du risque d’une intervention à un patient conduira de même les prescripteurs à une plus grande demande de résultats spécifiques sur ces données. La référence à un bénéfice moyen, rigoureusement démontré sur un groupe particulier censé refléter la population générale, ne sera pas la plus opérationnelle en situation d’assureur ou de responsable de l’information donnée sur les risques encourus ou les bénéfices espérés pour un individu. * Laboratoire Eisai, Paris-La Défense. 112 La constitution de bases de données importantes permettant de vérifier pour un individu donné la pertinence d’une intervention est nécessaire et conduira à une multiplication des études observationnelles et essais de phase IV qui viendront l’enrichir. Des études récentes (1, 2) soulignent la similarité des résultats obtenus par des études contrôlées et observationnelles. Cette donnée renforce l’intérêt des études observationnelles, et a contrario le bon niveau de prédiction obtenu par l’avalisation des essais contrôlés soumis à l’AMM. Ces nouvelles données vont renforcer l’intérêt des approches possibles pour enrichir, après l’AMM, les connaissances sur un médicament : les études de phase IV randomisées et contrôlées, et les observatoires de la prescription, avec un niveau de preuve augmenté pour les observatoires répondant à une méthodologie rigoureuse. FINANCEMENT DES ÉTUDES POST-AMM Les études avec bénéfice individuel direct ont été réglementées dans le cadre de la loi Huriet et la fourniture des médicaments est gratuite. Les modifications récentes de la Déclaration d’Helsinki renforcent la nécessité de tester un traitement contre “la meilleure méthode disponible”, ce qui devrait conduire à une évaluation scientifique “des meilleures méthodes disponibles” plus systématique des protocoles revus par les Comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB) pour que les avis délivrés soient en ligne avec ces recommandations internationales. Cette révision insiste sur l’alternative de meilleur soin ainsi offerte à des malades par l’accès gratuit au traitement le plus valide. En France, l’assurance maladie universelle minore l’intérêt d’un accès à des traitements gratuits, et la dispensation gratuite des traitements dans le cadre des essais, avec bénéfice individuel direct, répond plus à une logique de prise en charge de tous les frais par le promoteur, propriétaire des résultats qui tire potentiellement bénéfice de leur exploitation. Idéalement, les études en prescription naturelle sont supposées tendre à un respect total des conditions réelles de prescription, dont l’achat du médicament par le patient et le remboursement des prescriptions par l’assurance maladie. La Lettre du Pharmacologue - Volume 15 - n° 6 - juin 2001 A Il est difficile d’envisager une éventuelle mise à disposition gratuite des échantillons nécessaires aux études observationnelles de grande envergure visant à mieux documenter l’usage, le risque ou le bénéfice d’une thérapeutique, car cela conduirait indirectement à un échantillonnage gratuit très important des prescripteurs, lequel pourrait contrevenir aux restrictions d’échantillonnage requises par le Code de la santé publique et être assimilé à des pratiques commerciales non autorisées. La réalisation de ces essais au moyen de médicaments achetés in fine par l’assurance maladie, et sans qu’un nouveau cadre légal définisse le statut et les obligations du promoteur pour ces essais, crée de facto une situation nouvelle : “la copromotion par l’industriel et l’assurance maladie de l’essai observationnel”. La Lettre du Pharmacologue - Volume 15 - n° 6 - juin 2001 D P C Une méthodologie rigoureuse s’impose donc pour les observatoires et les études pharmaco-épidémiologiques afin que les résultats soient exploitables pour une évaluation régulière du service médical rendu par la spécialité, qui éclaire les décisions tant de l’assureur, cofinanceur de l’essai, que de l’industriel." R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Concato J, Shah N, Horwitz RI. Randomized, controlled trials, observational studies and the hierarchy of research designs. N Engl J Med 2000 ; 342, 25 : 1887-92. 2. Benson K, Hartz AJ. A comparison of observational studies and randomized, controlled trials. N Engl J Med 2000 ; 342, 25 : 1878-86. 113