Sommaire • Ur 11es Rencontres Scientifiques et Techniques Infirmières Compte-rendu Les Rencontres Scientifiques et Techniques Infirmières (RSTI) se sont déroulées les 6 et 7 novembre 2001 à La Villette, à Paris. Compte-rendu de ces journées de formation qui s’adressent aux infirmières travaillant aussi bien en établissements hospitaliers qu’au domicile du patient. Sommaire • Cancérologie • Diabète • Vasculaire • Neurologie • Hygiène • Chirurgie Cancérologie Objectif qualité de vie La quête pour la qualité de vie des patients atteints d’un cancer est une action de tous les instants. C’est dans cette logique que les équipes soignantes trouvent un rôle essentiel. a prise en charge palliative en oncologie n’est pas une prise en charge de la fin de vie. Elle peut intervenir dès l’annonce du diaLgnostic ou, pour certains patients, après un long parcours de rémissions et de rechutes. Les soins qui sont prodigués ont pour objectif essentiel de préserver la qualité de vie, ce qui signifie bien davantage que prolonger la durée de vie. Ces soins médicaux et infirmiers revêtent quatre spécificités. Ils sont : – adaptés au corps trahi par la maladie ; – donnés à une personne considérée comme un “tout” bio-psychosocial et spirituel ; – toujours en relation avec la famille ; – donnés par une équipe pluridisciplinaire de professionnels. ●●● Professions Santé Infirmier Infirmière - No 33-34 - janvier-février 2002 19 Spécial RSTI ●●● vironnement familier, d’entretenir son corps par des soins esthétiques, de reprendre confiance en effectuant quelques pas dans le couloir, de continuer à déguster ses petits plats favoris, ou encore d’agir selon ses croyances et ses valeurs. « Chaque jour, concluent Agnès Chauveau et Élisabeth Viault, nous recevons et apprenons de ceux que nous aidons, pour que d’autres puissent bénéficier d’une prise en charge personnalisée et que, jusqu’au bout, ils réalisent leurs “envies” avec leurs familles et leurs amis. » Bien-être et espoir « Tous les soins apportés à ces patients ne peuvent être donnés que si le corps malmené par la maladie est calme et apaisé, soulignent Agnès Chauveau et Élisabeth Viault, infirmières au CHU de Poitiers. Dans ce contexte, l’évaluation des douleurs et leurs traitements sont donc nécessairement la clé de voûte d’une prise en charge adaptée et personnalisée. » Les soins de nursing, base de la relation qui va se tisser entre le malade, les soignants et la famille, devront être un moment de bien-être et d’espoir, tout comme l’approche humaine apaisante, rassurante et relaxante du toucher. Le massage, lui, permet la conscience corporelle, et favorise l’émergence des émotions et des sensations. « C’est une communication non verbale, donc une écoute présente, qui autorise la personne massée à exprimer son ressenti et ses angoisses, à valoriser cette personne dans son intégralité corporelle et physique », précisent les deux infirmières. Stéphane Henri D’après les propos tenus lors de la conférence organisée avec le soutien des laboratoires GlaxoSmithKline Le malade isolé L’isolement du patient immunodéprimé est une tendance qui se généralise. La 4e Réunion du GRIOH*, consacrée à ce thème, en a abordé deux aspects : le vécu psychologique, d’une part, et l’aide alimentaire, d’autre part. Mettre en œuvre le projet de vie « La qualité de vie passe aussi, ajoutent-elles, par la possibilité de se “recréer”, de réaliser ses “envies”. Quoi de plus motivant, pour la personne dont le corps et l’énergie sont aspirés par la maladie, que d’avoir une équipe pluridisciplinaire qui met en harmonie, avec l’aide de sa famille, son projet de vie ? ». Ce dernier peut prendre diverses formes : permettre au malade, pour le temps qui reste, de revivre encore une fois avec les siens dans un en- réservé aux patients greffés ou en attente d’allogreffe, l’isolement du patient Iest,nitialement depuis une dizaine d’années, une technique Aux 11es RSTI, visite des stands après une conférence... 20 © D. Arnoult de plus en plus utilisée pour des autogreffes et des chimiothérapies lourdes. « Dans le même temps, indique Frédérique Topall-Rabanes, psychologue-psychanalyste au service de greffe de moelle de l’hôpital Saint-Louis (AP-HP), on observe aussi le mouvement inverse puisque, aux États-Unis, le dispositif utilisé pour les allogreffes se simplifie, les greffes s’effectuant le plus souvent en chambre banale, sans flux laminaire, et même sans surchaussure et surblouse. Il y a donc lieu de s’interroger sur l’impact des mesures d’isolement, sur le plan psychique comme sur le plan somatique ». Selon des travaux anglo-saxons, les effets psychiques de l’isolement sont très proches de la détresse émotionnelle suscitée par la greffe. On peut donc effectivement questionner la spécificité de l’impact de l’isolement. « Notre hypo* Groupe de Recherche des Infirmières en Oncologie et Hématologie. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 33-34 - janvier-février 2002 thèse, reprend Frédérique Topall-Rabanes, est que, dans le contexte d’une maladie à pronostic réservé, les angoisses exprimées à propos de l’isolement sont en fait un déplacement de l’angoisse de mort ». Des manifestations stéréotypées Dans ce même contexte, une étude déjà ancienne, effectuée au moyen d’enregistrements vidéo des réactions de jeunes enfants à leur entrée en bulle, pendant leur séjour sous bulle et à la sortie de la bulle, permet d’expliquer les réactions spécifiques à l’isolement. Cette étude montre que, chez le très jeune enfant, on observe, dans la période qui suit l’entrée en bulle, un état de sédation et de calme qui précède une période d’exploration des acquisitions. Au moment de la sortie, tous les enfants présentent des expressions d’angoisse et refusent de sortir de la bulle. Ces manifestations, variables en intensité, sont stéréotypées en durée. Elles sont indépendantes de l’âge de l’enfant et de la durée du confinement. « Selon notre expérience clinique auprès de patients adultes et enfants greffés sous flux laminaire, on peut observer des comportements comparables, explique Frédérique Topall-Rabanes. Ainsi, alors que l’angoisse des patients s’exprime de manière privilégiée à propos de l’isolement avant l’hospitalisation, cette période est paradoxalement une période de calme, de récupération, où l’angoisse de mort est comme suspendue. L’isolement et le soutien émotionnel apporté par l’équipe soignante ont donc une fonction de contenant psychique facilitant la prise en charge du patient ». Deux types de contamination Les patients isolés, très immunodéprimés du fait de leur maladie ou des traitements qu’ils reçoivent, nécessitent aussi que des mesures d’hygiène alimentaire stricte soient prises. En effet, certains aliments comportent un risque de contamination, soit en raison du produit luimême, soit en raison des manipulations qu’ils ont subies. Une étude menée par le laboratoire de microbiologie de l’hôpital Saint-Louis a permis d’évaluer la “contamination initiale” des aliments, cette contamination pouvant être de deux types : bactérienne (pour les aliments qui peuvent avoir été contaminés par contact manuel, par du matériel de cuisine souillé, etc.) ou fongique, en particulier à Aspergillus. Cette dernière, qui peut s’avérer particulièrement dangereuse pour les patients, a été plus spécialement étudiée afin de déterminer précisément les aliments à risque. Des procédures de décontamination des aliments ou de leurs embal- lages ont ensuite été testées et mises en place. Sur le plan des indications médicales, il existe deux types de prescription alimentaire selon le degré d’immunodépression du patient. « Le premier, décrit Françoise Funel, diététicienne, est l’alimentation protégée, dont le but est de n’apporter au patient aucun germe pathogène tout en réduisant l’apport en germes non pathogènes. Elle doit être proposée aux patients en aplasie (PN inférieur à 500/mm3) consécutive à une chimiothérapie. Le deuxième est l’alimentation décontaminée, dont le but est de n’apporter aucun germe pathogène et de limiter au maximum l’apport en germes non pathogènes (flore microbienne totale non pathogène inférieure à 10 bactéries par gramme d’aliment). Elle concerne les patients en aplasie profonde après intensification pour allogreffe ou autogreffe de moelle osseuse ou de cellules souches, après chimiothérapie très hématotoxique (leucémie aiguë myéloïde de l’enfant) ou porteurs d’une aplasie médullaire idiopathique grave. Ces patients reçoivent une décontamination contrôlée du tube digestif ». Éduquer et informer le patient Évidemment, l’hygiène du personnel doit être strictement respectée pendant la préparation et la distribution des aliments : lavage des mains, port de masque, charlotte, tablier, manipulations sous flux laminaire pour les patients en alimentation décontaminée. « Il est aussi possible, ajoute Françoise Funel, d’améliorer l’alimentation de ces patients en autorisant les familles à apporter des aliments ou préparations “maison”. Mais, pour éviter tout risque, il est indispensable de leur fournir la liste des aliments autorisés et de préciser leurs conditions de préparation et de transport ». De la même façon, après la sortie de l’hôpital, des conseils écrits, comportant des listes d’aliments, des méthodes de préparation et des procédures d’hygiène et de nettoyage sont remis aux patients qui doivent continuer à appliquer les principes d’une alimentation “protégée”. Sont notamment concernés les patients allogreffés (pendant les cent jours qui suivent la réinjection), les patients autogreffés (pendant le mois suivant la sortie de l’hôpital) et les patients qui restent chez eux pendant une période d’aplasie. « Cette éducation et cette information du patient sortant d’une période d’isolement sont indispensables pour que le retour à domicile se fasse dans les meilleures conditions », conclut Françoise Funel. Stéphane Henri D’après les propos tenus lors de la conférence organisée avec le soutien des laboratoires GlaxoSmithKline. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 33-34 - janvier-février 2002 21 Spécial RSTI Ne pas nier la fatigue « La fatigue existe, insiste Pascale Dielenseger, présidente de l’Association française des infirmières de cancérologie (AFIC). Ce n’est pas une plainte incongrue ». Il reste à bien intégrer cette dimension dans toute démarche clinique. « L a fatigue est devenue le premier sujet de plainte pour 58 à 80 % des patients cancéreux, selon les études américaines », précise le Dr Mario Di Palma, de l’Institut Gustave-Roussy (IGR), à Villejuif. Les patients se plaignent bien plus de la fatigue que de l’alopécie, de la douleur ou des nausées. L’approche clinique Toute démarche clinique implique de reconnaître la fatigue. Le soignant peut faire appel à l’observation. « On observe la lenteur des gestes et des déplacements, précise Pascale Witz, infirmière à l’IGR et membre de l’AFIC. On observe les essoufflements, la pâleur, une voix faible, un visage éteint... Les patients peuvent utiliser des mots susceptibles de nous guider comme “démotivé”, “épuisé”, “manque d’énergie”, “ennui”, “faible” ou “coup de pompe”...». Les grilles d’évaluation Il existe des questionnaires visant à évaluer la fatigue. « Le questionnaire de Piper, créé en 1987, a été traduit en français par l’IGR, explique le Dr Di Palma. Il comporte 27 questions sous forme d’échelles visuelles analogiques. Il explore quatre dimensions : l’intensité de la fatigue et son impact physique et social, son ressenti dans la vie personnelle, ses caractéristiques physiques ou mentales, son impact psychologique. » Mais ce questionnaire, précis, complet, constitue avant tout un outil de recherche. « En revanche, le Brief Fatigue Inventory ne comporte que 10 questions simples, souligne le Dr Di Palma. On y répond par “oui” ou “non”, par exemple, à la question “Êtes-vous fatigué ?” » C’est un outil moins précis, mais plus pratique. La règle demeure de toujours utiliser un questionnaire validé de manière scientifique, dans la langue utilisée. Ni réponses toutes faites, ni déni « Nous ne pouvons pas toujours mener des actions criantes d’efficacité en matière de fatigue, concède le Dr Di Palma. Mais il est normal d’en parler. D’autant que ce n’est pas une fatalité. On peut agir dans certains cas. » La recherche aide à mieux aborder ce mal jadis ignoré. « Au début, l’industrie pharmaceutique a financé beaucoup d’études sur l’anémie, poursuit-il. On a pu commencer à tirer le fil de la pelote. Ces travaux ont conduit à d’autres facteurs liés à la fatigue : l’alimentation, l’hydratation, les troubles du sommeil, le manque d’activité, les effets des traitements, etc. » 22 © D. Arnoult Une assistance nombreuse et concentrée écoute les intervenants d’une conférence en cancérologie. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 33-34 - janvier-février 2002 langage, dans l’activité, ainsi que dans le sommeil. La graduation obtenue dans chaque domaine permet de dessiner un losange, dont la taille se trouvera réduite si le malade souffre moins, augmentée s’il souffre plus. « Pour le langage, par exemple, l’envahissement complet de celui-ci par la douleur correspond à la graduation 5, explique Geneviève Borde-Muller. L’envahissement partiel correspond à la note 4. Dans ce cas, le patient parle à tout le monde de sa douleur, mais reste capable de parler d’autre chose. La plainte spontanée, mais peu fréquente, correspond à la note 3. Nous notons 2 la plainte émise uniquement à l’interrogatoire, et 1 l’absence de plainte même à l’interrogatoire. Pour le sommeil, la graduation variera selon que le patient dort, se réveille une ou plusieurs fois par nuit, ou ne parvient pas à dormir .» D’autres critères que ceux de cette représentation graphique entrent en jeu. « C’est pourquoi les infirmières relèvent aussi la présence ou non de nausées, de vomissements, de constipation, de somnolence, de désorientation, de troubles respiratoires ou urinaires. » Ainsi, l’évaluation comme les traitements de la douleur évoluent. Geneviève Borde-Muller a vu l’essor et le développement des progrès en matière de prise en charge de la douleur et de soins palliatifs. « Mais j’en veux tout de même un peu aux médias, dit-elle. Ils ont un peu trop dit que l’on pouvait soigner toutes les douleurs. Or, même si nous avons 98 % de réussite, il nous reste tout de même 2 % d’échecs. » Outre la qualité de leur approche clinique, des équipes qui peuvent proposer au patient l’intervention d’un psychologue, d’un psychanalyste ou d’un psychiatre pourront mieux aider le patient. Il ne faut pas oublier le rôle de l’alimentation. « Mais, trop souvent, on fait appel à nous quand le patient a atteint un état général très dégradé. » La diététicienne propose in extremis au patient des préparations ou des compléments alimentaires qu’il refuse. S’ils avaient été proposés plus tôt, le patient les aurait trouvés meilleurs, et, quand il en aurait vraiment eu besoin, il en aurait connu les mérites. Marc Blin D’après les propos tenus lors de la conférence organisée en collaboration avec l’AFIC (Association française des infirmiers en cancérologie) et le soutien de Ortho Biotech (division de Janssen-Cilag). Saga de la lutte anti-douleur à l’hôpital Geneviève Borde-Muller se veut une “soixante-huitarde de la douleur”. Elle a vu la création de la première consultation douleur en 1983 à l’Institut Curie (Paris). Elle y est aujourd’hui cadre supérieur infirmier. L e patient hospitalisé pour des douleurs souffre depuis plusieurs jours ou semaines, dit Geneviève Borde-Muller, cadre supérieur infirmier d’une unité spécialisée dans les cancers du sein et les cancers gynécologiques, à l’Institut Curie, à Paris. Leur souffrance peut être telle que certains sont prêts à attenter à leur vie ! S’ils ont enfin trouvé le sommeil, soulagés par les traitements, je ne veux pas qu’on les réveille s’ils dorment à six heures du matin, afin de faire le ménage dans la chambre. Il est possible d’être charitable : faire cet effort d’organisation pour trois patients sur vingt-cinq reste réalisable.» Pour favoriser une meilleure approche clinique, Geneviève Borde-Muller participe à la création d’un questionnaire d’auto- et hétéro-évaluation de la douleur. « Il est fiable et simple d’utilisation, dit-elle. Il faut dix à quinze minutes pour le remplir. » Ce questionnaire comporte quatre axes : l’évaluation de la douleur, sa traduction dans le © D. Arnoult « Marc Blin D’après les propos tenus lors de la conférence organisée avec le soutien des laboratoires Janssen-Cilag. L’occasion d’une prise de contact avec les publications spécialisées à destination des infirmières. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 33-34 - janvier-février 2002 23 Spécial RSTI Douleur et rôle de l’infirmière libérale Certains patients de cancérologie nécessitent une prise en charge de la douleur à domicile. Quelle est alors la place de l’infirmière libérale ? C’est à cette question qu’a tenté de répondre Annie Naille, infirmière libérale et membre du réseau Quiétude, à Paris. C « es patients nous sont adressés par l’hôpital dans 30 % des cas, précise Annie Naille, par des médecins de ville dans 10 % des cas, et par des prestataires de service dans 60 % des cas. » (1) L’infirmière libérale est payée à l’acte : entretien de cathéters centraux, surveillance et remplissage de PCA (analgésie contrôlée par le patient), soins de nursing, injections, pansements, etc. « Comme documents, je dispose d’une ordonnance et de renseignements administratifs, plus rarement d’un protocole, dit Annie Naille. Enfin, je ne dispose que dans 2 % des cas d’un réel compte-rendu d’hospitalisation. » Plusieurs missions lui incombent alors. « Notre travail, c’est d’organiser et de prévoir, poursuitelle. Quand le patient sort de l’hôpital, par exemple, il faut vérifier que nous disposons de toutes les ordonnances et de tout le matériel. C’est aussi de coordonner et de transmettre. Il faut contacter son médecin traitant de ville. En outre, notre tâche consiste à évaluer et réévaluer les besoins à chaque fois. » Annie Naille travaille avec un plan de soins. Elle estime jouer un rôle de “sonnette d’alarme”. « Il faut veiller à ce que certains médicaments, comme la morphine, soient bien pris aux heures indiquées, explique-t-elle. Le patient ne doit pas non plus dépasser les doses prévues. » Les entretiens avec le patient et l’entourage doivent relever tous les éventuels signes d’alerte sur la fatigue, l’appétit ou l’élimination, qui seront transmis au médecin traitant. Reste la relation d’aide et l’écoute. Se rendant à domicile pour remplir une pompe, Annie Naille écoute le patient et rencontre souvent les proches. Il faut trouver, pour chacun, les explications appropriées sur ce qu’elle va faire. Il (1) Pour mieux comprendre le rôle des prestataires de service dans les réseaux, voir l’article “Les réseaux”, page 26. 24 faut expliquer et réexpliquer le traitement. « La relation d’aide, ajoute l’infirmière libérale, c’est parfois laisser son numéro de téléphone à un malade qui ne l’utilisera pas, mais qui se sentira mieux en l’ayant. » Marc Blin D’après les propos tenus lors de la conférence organisée avec le soutien des laboratoires Janssen-Cilag. Cancers de l’enfant A côté des progrès thérapeutiques, les équipes en cancérologie pédiatrique se préoccupent de la qualité de vie de l’enfant, en prenant en compte les effets secondaires des traitements lourds ainsi que les conséquences de la maladie sur la famille. hez le jeune enfant, on observe des rétinoblastomes (tumeurs qui touchent les C cellules de la rétine), des leucémies et des lymphomes, alors que, chez les adolescents, apparaissent les carcinomes. Actuellement, on estime que, dans 35 % des cas (maladie de Hodgkin, lymphosarcomes), les enfants ont toutes les chances de guérir avec des traitements de courte durée, lesquels ne sont pas générateurs de graves séquelles. Dans 30 % des cas (ostéosarcomes, sarcomes d’Ewing, rhabdomyosarcomes), la guérison est obtenue dans environ 60 % des cas, au prix de traitements lourds et de séquelles fréquentes, bien qu’une amputation pour une tumeur osseuse soit devenue exceptionnelle. Enfin, dans le tiers des cas de cancer chez l’enfant, la survie n’a pas progressé, cela malgré les nouveaux protocoles de la chimiothérapie : le taux de guérison des neuroblastomes est de 20 à 40 % et celui des tumeurs cérébrales est d’environ 50 %, mais au prix de graves séquelles intellectuelles. Les oncologues espèrent disposer de nouvelles stratégies permettant de diminuer les doses de radiothérapie, dont les conséquences tardives sont très lourdes pour le devenir de l’enfant, tels les troubles de croissance des os et des cartilages, les complications viscérales et endocriniennes, et les altérations au niveau des fonctions cognitives. Cela impose un suivi ●●● Professions Santé Infirmier Infirmière - No 33-34 - janvier-février 2002 Spécial RSTI ●●● neuropsychologique prolongé afin d’anticiper les difficultés scolaires de l’enfant. En France, il existe 32 centres spécialisés (SFOP) dans lesquels l’enfant bénéficie d’une prise en charge multidisciplinaire par une équipe qui lui propose des activités et des animations visant à atténuer les effets délétères des traitements et à améliorer l’image de soi. Comme l’ont souligné les intervenants, il faut obtenir la confiance de l’enfant et de sa famille, notamment en donnant toutes les explications sur le diagnostic, le traitement et les complications attendues, toujours avec une note d’espoir. Les infirmières, comme tous les autres soignants, ne doivent pas oublier qu’elles sont souvent amenées à répéter des explications avec un vocabulaire simple et adapté, les parents étant souvent trop choqués et déstabilisés pour pouvoir mémoriser normalement tout ce que leur a dit l’oncologue. Ludmila Couturier Les réseaux Soins à domicile et réseaux en oncologie se développent. Voici deux exemples différents, autour de centres de lutte contre le cancer : le réseau de l’IGR, à Villejuif, et le réseau Oncora, à Lyon. « D e plus en plus de patients souhaitent bénéficier de soins à domicile, affirme Fatima Bellal, surveillante du service d’hématologie adulte et de greffes de cellules souches périphériques à l’Institut Gustave-Roussy (IGR), à Villejuif. Leur mise en œuvre remet en cause bien des pratiques médicales et paramédicales. » Un partenariat avec une entreprise privée « Notre réseau nécessite des partenariats avec les infirmières libérales, l’HAD, l’hôpital de jour, poursuit Fatima Bellal. Nous travaillons avec les hôtels. » Par ailleurs, l’IGR “externalise” une partie des tâches de coordination des soins en travaillant avec un prestataire de services, qui propose le matériel nécessaire à domicile en tarif tips. « Il assure un service de garde 24 heures sur 24, et 7 jours sur 7, explique-telle. L’extension de ses missions se trouve précisée par contrat : coordination des soins en hospitalisation à domicile, recherche d’infirmière si besoin, explication des 26 procédures, aide à la mise en place des dossiers de soins ville-hôpital, conception d’ordonnances préformatées, récupération des déchets septiques, mise à disposition de conteneurs d’évacuation en fin de traitement. » Mais le retour à domicile se prépare à l’hôpital. « Nous simulons des traitements ambulatoires dans l’unité, dit Fatima Bellal. Nous évaluons le degré d’adaptation des patients et des familles. L’infirmière libérale est invitée dans l’unité pour se familiariser avec les traitements. Un suivi téléphonique est assuré par le cadre infirmier hospitalier. » Le patient a tout de même son mot à dire. « Il faut qu’il accepte cette proposition pour que des soins à domicile soient mis en place, dit-elle. Il faut ajouter à cela des critères d’exclusion médicaux de cette organisation ou d’autres critères liés au cadre de vie, évalués lors de la consultation infirmière. » Le réseau Oncologie Rhône-Alpes (Oncora) Le réseau Oncora est le réseau de cancérologie de la région Rhône-Alpes. Il regroupe autour du centre anticancéreux de Lyon, l’hôpital LéonBérard, plus de quarante établissements ou structures. Il compte ainsi la plupart des centres hospitaliers publics, un hôpital des Armées, des établissements privés PSPH (participants du service public hospitalier), une dizaine de cliniques privées et des membres associés. « Fin 1996, le réseau comptait 50 malades par jour, et représentait une file active de 150 à 200 malades, explique le Dr Devaux, oncologue à l’hôpital Léon Bérard. Fin 1998, il comptait 80 malades par jour. Le 6 juin 2000, il comptait 148 malades pris en charge dans 32 HAD et 116 SAS. » Le réseau Oncora ne travaille pas avec un prestataire de services comme le fait l’IGR. « Une telle société de services présente l’inconvénient de ne pas être reconnue par les tutelles, dit-il. Elle constitue un intermédiaire supplémentaire. Enfin, son statut à but lucratif me gêne un peu. » Autre danger, les réseaux et soins à domicile, faits pour “désengorger” l’hôpital et coûter, théoriquement, moins cher, peuvent présenter des effets inattendus. Les malades atteints moins gravement sont davantage pris en charge dans les réseaux ville-hôpital. « Les malades les plus lourds restent donc à l’hôpital, souligne le Dr Devaux, concentrant les traitements les plus onéreux au sein de ce dernier. Cela fait monter la valeur du point ISA, issu du PMSI. L’hôpital se trouve alors dans le collimateur de la tutelle pour ce qui apparaît comme un mauvais indice de rentabilité. » Marc Blin D’après les propos tenus lors de la conférence organisée avec le soutien des laboratoires Janssen-Cilag. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 33-34 - janvier-février 2002