Prise en charge des algodystrophies en urgence

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Prise en charge des algodystrophies en urgence
Eric Viel(1), Jacques Pélissier(2), Jacques Ripart(1), Jean-Jacques Eledjam(3)
(1)
Centre d’Evaluation et Traitement de la Douleur, Pôle Anesthésie-Réanimation-DouleurUrgences, Groupe Hospitalo-Universitaire Caremeau, 30029 Nîmes cedex 9 ; (2) Médecine
Physique er Rééducation Fonctionnelle, Groupe Hospitalo-Universitaire Caremeau, 30029 Nîmes
cedex 9 ; (3) Département d’Anesthésie-Réanimation B, Centre Hospitalier Universitaire, 34295
Montpellier cedex 5. Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes.
Correspondance: [email protected]
L'algodystrophie sympathique réflexe (ou syndrome douloureux régional complexe de type I) est
définie comme un syndrome douloureux articulaire et péri-articulaire :
- liée à des perturbations vasomotrices, déclenchées par des agressions diverses sans
relation entre la sévérité de la douleur persistante et l'intensité du traumatisme initial,
- évoluant typiquement en une phase aiguë, fluxionnaire, douloureuse puis secondaire
dystrophique, avec raideur et rétractions,
- sans signe biologique d'inflammation,
- nécessitant une prise en charge rapide, associant rééducation fonctionnelle et
thérapeutiques médicamenteuses et/ou d’antalgie interventionnelle.
Ce syndrome peut évoluer en l’absence de traitement vers une récupération presque
complète dans un délai de plusieurs mois ou années, mais au prix d’une longue période où
douleurs et déficience motrice génèrent des incapacités et un inconfort de vie dont les
conséquences sur l’individu sont depuis longtemps reconnues.
Son mécanisme est inconnu à ce jour, mais le rôle du sympathique mis en avant dès les
premières descriptions du syndrome semble se confirmer alors que l'importance des centres
nerveux de contrôle de la douleur et des neuromédiateurs est aujourd'hui soulignée.
Le contexte étiologique
L'algodystrophie touche surtout l'adulte, homme et femme entre 40 et 70 ans. Elle peut
être secondaire ou primitive. Elle est plus rare chez l'enfant.
1.1 Les Algodystrophies secondaires:
1.1.1. A un traumatisme :
traumatisme violent (entraînant fracture, luxation, entorse, contusion), mais
également traumatisme minime, sans conséquence apparente;
immobilisation plâtrée ou par orthèse;
geste chirurgical et en particulier chirurgie du canal carpien ou de la maladie de
Dupuytren (algodystrophie de main), chirurgie du genou y compris arthroscopie
(algodystrophie post-chirurgicale du genou).
1.1.2 . A des affections neurologiques, essentiellement centrales (maladie de Parkinson,
hémiplégie vasculaire ou tumorale tel le syndrome épaule-main de l'hémiplégique tout à fait
spécifique et qui ne sera pas abordé ici), plus rarement lésions nerveuses périphériques
(syndrome de Guillain et Barré, neuropathie).
1.1.3. A des cardiopathies, surtout coronaropathie (algodystrophie de l'épaule gauche) ; c'est
une complication classique mais qui n'est guère rencontrée aujourd'hui du fait de la précocité
et de l'efficacité du traitement des coronaropathies.
1.1.4. Lors de la grossesse, le plus souvent algodystrophie de hanche au troisième trimestre.
Les algodystrophies de grossesse, parfois multi-focales (hanche et genou), sont le plus
souvent résolutives dans les semaines qui suivent l'accouchement au prix d'une accentuation
de la symptomatologie au moment de celui-ci.
2.1.5. Secondaires à un traitement prolongé par les barbituriques et en particulier les
barbituriques anti-épileptiques (Phénobarbital), la chimiothérapie anti-tuberculeuse
(algodystophies iatrogènes).
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1.2. Les Algodystrophies primitives représentent un quart des cas
Un terrain particulier a été souvent mis en avant : personnalité perturbée et anxieuse, avec à
l'évaluation psychométrique, un profil psychologique où dominent la dépression et l'hystérie,
volontiers décompensée par un événement douloureux [36]. La spécificité de la personnalité de
ces patients est contestée aujourd'hui. Le diabète, l'hypertriglycéridémie, l'hyperuricémie, et
l'éthylisme joueraient également un rôle favorisant. Un déterminisme génétique, à l’instar de
certaines affections rhumatismales et autres pathologies de système, est probable.
Contexte clinique
Le syndrome épaule- main en est la forme type. Survenant chez l'adulte, il évolue en deux
phases: la phase aigüe fluxionnaire, la plus fréquemment rencontrée dans le contexte de
l’urgence, et la phase secondaire atrophique.
2.1. Phase aiguë, chaude, ou pseudo-inflammatoire. Le début est le plus souvent
progressif, avec douleurs diffuses du membre supérieur. Il peut être brutal, avec main
hyperalgique et pseudo-phlegmoneuse.
A la main , quatre signes dont l'association est caractéristique :
1.
impotence douloureuse,
2.
œdème diffus prenant le godet, déformant la main et remontant vers l'avant-bras,
3.
modification tégumentaire (peau chaude, érythrosique, avec hypersudation),
4.
tendance à l'enraidissement articulaire et aux rétractions musculaires, avec gêne
à la fermeture et à l'ouverture complète de la main et des doigts.
A ce stade l'épaule est douloureuse à la mobilisation, et le coude indemne.
A ces signes fluxionnaires s'oppose l'absence de signes généraux, d'adénopathie axillaire.
La biologie est normale, sans syndrome inflammatoire.
La radiologie standard sur clichés comparatifs (les deux mains sur le même cliché) montre des
aspects non spécifiques, avec un retard radiologique de trois semaines à un mois :
- la raréfaction osseuse. Celle-ci est initialement hétérogène, irrégulière, micro-géodique
mouchetée ou géodique, prédominant sur les têtes métacarpiennes et le carpe d'une part, la tête
humérale d'autre part. Secondairement, la raréfaction osseuse est homogène, donnant un aspect
d'os de verre.
- l'intégrité des interlignes articulaires.
La scintigraphie osseuse (technétium Tc99) est précocement caractéristique, alors que la
radiographie est encore normale :
au temps précoce vasculaire, il y a asymétrie de perfusion, avec augmentation du flux
isotopique dans les parties molles de la main algodystrophique.
au temps osseux il y a une hyper-fixation loco-régionale du traceur au niveau du
carpe, des métacarpes à la main, de la tête humérale à l'épaule ;
L'Imagerie par Résonance Magnétique, qui montre au temps T2, l'hyperhémie des parties molles
et des structures osseuses n'a pas d'intérêt diagnostic dans cette forme clinique.
2.2. La phase secondaire, froide ou atrophique
Elle n'est pas ce. Elle est marquée par la régression des douleurs, de l'œdème mais
l'accentuation des troubles trophiques.
A la main , on décrit deux signes :
1.
l'atrophie des téguments, avec atrophie des tissus sous-cutanés, peau pâle, lisse
et amincie, chute des poils;
2.
la griffe en demi-flexion irréductible des doigts, en flexion palmaire du poignet
(main neurotrophique).
La préhension devient impossible et la main n'a plus de valeur fonctionnelle.
L'épaule est limitée dans toutes ses amplitudes en particulier l'abduction-rotation externe, par
rétraction capsulaire.
2.3. Les autres localisations sont
2.3.1. Au membre supérieur. A côté du syndrome épaule-main, il y a possibilité de
formes localisées :
- à la main seule (algodystrophie de main)
3
- à l'épaule (épaule bloquée par rétraction capsulaire, très spécifique qui ne sera pas abordée ici)
- rareté des formes extensives, syndrome épaule coude main.
2.3.2. Au membre inférieur, l'algodystrophie de pied (et/ou de la cheville) est la plus
fréquente et la plus caractéristique. Le début est progressif par des douleurs de pied à l'appui
(station debout et marche avec boiterie). Elle évolue en deux phases :
- phase fluxionnaire, caractérisée par quatre signes:
. l'impotence douloureuse à l'appui,
. un oedème diffus prenant le godet, déformant l'avant et le médio-pied, prédominant au
dos du pied,
. des modifications tégumentaires : hyper-sudation, érythrose ou érythrocynanose aggravée
par la déclivité,
. une tendance à l'enraidissement articulaire et à la rétraction musculaire, avec limitation
douloureuse de la flexion des orteils.
La radiographie peut montrer l'association d'une raréfaction osseuse prédominant sur le tarse et
les têtes métatarsiennes et d'une intégrité des interlignes articulaires. A la scintigraphie
précocement hyper-fixation du tarse et des têtes métatarsiennes et asymétrie de migration du flux
isotopique au temps vasculaire.
- phase secondaire dystrophique avec griffe fixée des orteils, équin de l'arrière-pied.
2.3.3. L'algodystrophie de genou où plusieurs aspects sont possibles :
- forme inflammatoire hyperalgique, simulant une arthrite micro-cristalline;
- forme hydarthrodiale, avec hydarthrose, limitation de la flexion, amyotrophie du
quadriceps;
- forme enraidissante, avec enraidissement progressif en extension et en flexion.
Dans ces trois cas, la biologie est normale. La radiographie montre une ostéoporose
hétérogène des condyles, des plateaux tibiaux et de la rotule. La scintigraphie montre une hyperfixation des condyles et des plateaux tibiaux au temps osseux.
2.3.4. L'algodystrophie de hanche est un diagnostic clinique particulièrement difficile ;
elle est révélée par une douleur de hanche à l'appui et évolue en quelques semaines vers une
attitude vicieuse d'origine antalgique puis secondairement, dans les formes négligées, vers une
limitation articulaire prédominant sur l'extension. La radiographie est peu démonstrative: intégrité
de l'interligne articulaire, intégrité apparente des contours de la tête, mais déminéralisation de
celle-ci . Le diagnostic différentiel se pose avec une ostéonécrose de hanche: la
scintigraphie montre l'hyper-fixation céphalique, mais l'IRM confirme la nécrose.
2.3.5. On distingue comme autres formes cliniques :
- La forme extensive intéressant successivement les différentes articulations est rare
aujourd'hui (au membre inférieur atteintes successives, pied, genou, hanche), grâce en particulier
au traitement précoce.
- La forme récidivante n'est pas exceptionnelle; chez un même malade une localisation
algodystrophique apparaît quelques années après l'atteinte première, intéressant le plus souvent
une articulation différente.
2.4. Le diagnostic.
L'algodystrophie est un diagnostic d'élimination.
2.4.1. Le diagnostic d'algodystrophie est excessif :
- lorsqu'il s'agit de douleurs articulaires ou péri-articulaires, voire pseudo-radiculaires,
isolées, sans troubles vaso-moteurs ou tégumentaires.
- devant l'association de douleurs et d'une déminéralisation segmentaire
radiologique, après une immobilisation prolongée. Les douleurs régressent le plus
souvent spontanément à la reprise progressive de l'appui et/ou de la fonction.
devant des troubles vasomoteurs isolés sans trouble de la sudation avec œdème;
il importe d'éliminer une pathomimie (garrotage); la scintigraphie est alors normale.
de même devant une déformation de la main ou du pied sans hyperfixation
scintigraphique on doit penser à un syndrome conversif.
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2.4.2. Le diagnostic d'algodystrophie est insuffisant quand évoluent sous ce masque :
- une arthrite ou une oligoarthrite inflammatoire (forme de début de la polyarthrite
rhumatoïde, d'une spondylarthrite ankylosante);
- une tuberculose articulaire s'exprimant aussi par une déminéralisation radiologique
initiale;
- une tumeur osseuse primitive (maligne ou bénigne) ou secondaire métastatique;
- une ostéonécrose épiphysaire enfin (diagnostic différentiel des algodystrophies de
hanche et de genou ; l'IRM montre précocement la nécrose).
Les Traitements
6.1. Médecine physique et rééducation.
6.1.1. Les principes et les objectifs .
Les principes de cette rééducation sont simples et clairs :
− ne pas provoquer de douleurs ;
− précocité de la prise en charge, dès les premiers signes de la phase fluxionnaire.
Les objectifs sont tout aussi clairs :
ƒ Mobiliser et prévenir rétractions et adhérences avant qu’elles ne s’installent à la
phase froide.
ƒ Drainer l’œdème des parties molles par des postures, des massages de drainage
à type d’effleurement, et plus simplement en favorisant le retour veineux et
lymphatique par la contraction musculaire.
ƒ Préserver la fonction et éviter l’exclusion fonctionnelle du membre. Ce dernier
point peut paraître déterminant lorsque l’on connaît le degré d’invalidité auquel
peut conduire un syndrome algodystrophique.
Ces principes et ces objectifs ne sont pas contradictoires avec notre connaissance de la
physiopathologie du syndrome.
La règle de la non douleur est compatible avec l’effet délétère de l’excès d’afférences
nociceptives; la qualité de l'analgésie médicamenteuse est déterminante. Les techniques de
mobilisation articulaire, comme de drainage doivent rester non agressives. Vis à vis des
articulations portantes, cette règle conduit à proposer une décharge transitoire, puis une remise
en charge progressive.
La précocité de la prise en charge du syndrome en phase initiale fluxionnaire prévient
l’installation du cercle vicieux, support physiopathologique du syndrome. Ainsi, Rosen et al dès
1957 soulignait dans 73 cas de syndromes épaule-main un meilleur résultat fonctionnel lors de
prise en charge précoce avant 3 mois : 44% contre 20% lors de prise en charge plus tardive.
Drainer l’œdème des parties molles par des postures, des massages de drainage à type
d’effleurement, et plus simplement en favorisant le retour veineux et lymphatique par la
contraction musculaire, n’est pas contradictoire des travaux mettant en évidence la précocité et
l’importance de la sidération sympathique, avec altération des réflexes de vasoconstriction ;
cependant il n’est pas prouvé que ces techniques physiques aient un quelconque effet sur le
désordre artériolaire.
6.1.2. Techniques de rééducation
Les techniques proposées sont fonction de la localisation du segment de membre, distal ou
proximal, mais aussi de la phase, fluxionnaire ou froide.
6.1.2.1. En phase chaude
En cas d’algodystrophie de la main et les doigts :
− Bains alternés dans eau chaude et eau froide (manuluve), suivis de massages de
drainage de l’ensemble du membre supérieur à type d’effleurement ; on peut s’aider de
la pressothérapie alternée par manchons brachiaux et antébrachiaux.
− Mobilisation douce, passive, infradouloureuse des chaînes digitales, du poignet et
du coude . Cette prise en charge est strictement individuelle et peut être initialement
proposé en manuluve pour réduire les phénomène douloureux.
− Manipulation active d’objets de forme élémentaire (balles, cubes) puis d’objets plus
complexes dans le sable chaud ou l’eau ; secondairement saisie d’objets usuels puis
activités artisanales en ergothérapie.
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En cas d’algodystrophie de pied, le membre inférieur est mis en décharge complète à
l’aide de deux cannes à appui antébrachial pendant 3 à 4 semaines ; simultanément le
schéma de marche est entretenu par la marche en immersion en piscine. La reprise de
l’appui se fera en immersion dégressive, et ne sera complète que lorsque la douleur à
l’appui aura totalement régressé. De la même manière, le patient est traité par
immersion du segment jambier et du pied dans des bains alternés (pédiluve), massage
de drainage, mobilisation de la cheville et des orteils; au repos le pied et la cheville sont
maintenus en position surélevée.
Concernant l’algodystrophie de genou, la décharge est couramment proposée, associée à
la marche en immersion. La mobilisation douce, pluriquotidienne, de la rotule prévient
l’évolution vers une rotule fixée, avec rétraction des ailerons rotuliens et enraidissement
du genou. La mobilisation manuelle en flexion-extension du genou par le
kinésithérapeute peut s’associer à l’utilisation de l’arthromoteur. Très précocement un
travail de tonification musculaire isométrique, puis isotonique est proposé.
L’algodystrophie de hanche est une éventualité rare, et pour laquelle on propose
décharge, mobilisation passive et active avec tonification de l’éventail fessier.
6.1.2.2. En phase froide.
L’objectif est de récupérer les amplitudes articulaires d’abord, la fonction ensuite, sans
réveiller les douleurs et sans favoriser la récidive des troubles vasomoteurs et de la sudation. Le
traitement est essentiellement physique.
La kinésithérapie comporte des mobilisations articulaires progressives, d’autant moins
douloureuses que l’on aura pris soin de traiter le patient par médicaments antalgiques, la prise
médicamenteuse ayant lieu dans l’heure précédant la rééducation. On peu s’aider de
l’arthromoteur, en particulier pour le genou. Le gain d’amplitude obtenue en kinésithérapie sera
préservé par la confection d’appareillages de posture statique, renouvelés en fonction des
progrès du patient : gouttières de genou pour lutter contre le flexum, gantelet avec araignée de
rappel en extension ou coiffe de flexion pour le poignet et les doigts. L’ergothérapie vise très tôt à
récupérer par des activités artisanales la fonction. En cas de stagnation des gains, on peut
proposer une mobilisation sous anesthésie générale ou locorégionale (genou), voire une chirurgie
d’arthrolyse et de ténolyse des chaînes digitales.
6.1.3 Validation et validité des procédures de soins.
Ce descriptif des techniques de rééducation repose sur un consensus professionnel et
non sur les résultats d’essais cliniques comparatifs.
Les raisons en sont multiples. Elles tiennent probablement à la difficulté pour définir la
nosographie du syndrome. Elles tiennent à l’absence d’explications physiopathologiques
convaincantes, donc à l’impossibilité de proposer un traitement reposant sur de tels schémas.
Elles tiennent enfin :
- aux difficultés de l’essai clinique en rééducation fonctionnelle: simple aveugle, traitement
de rééducation associés aux traitement médicamenteux et aux techniques de blocs
sympathiques pour le groupe expérimental et traitements médicamenteux seuls pour le
groupe contrôle pour des raisons éthiques, nécessité d’un large échantillon ;
- à l’effet placebo évalué à 33% chez le patient algodystrophique;
- à l’absence de consensus sur l’évaluation du résultat. Il paraît indispensable et facile de
mesurer la douleur, la mobilité articulaire, la fonction, la qualité de vie. Lors d’algodystrophie
de la main, il est plus difficile de mesurer les troubles de la sudation, les troubles
vasculaires sympathiques, ce d’autant que leur importance respective est aussi discutée
que leur mécanisme.
Seule l’étude de Nimègue répond à ces critères. Il s’agissait d’une étude prospective
contrôlée randomisée en simple aveugle incluant 135 patients porteurs de syndromes épaulemain, évoluant depuis moins d’un an ; les patients avaient été répartis aléatoirement en trois
groupes : soins de kinésithérapie ou soins d’ergothérapie pour les deux groupes expérimentaux ;
absence de rééducation et prise en charge des problèmes sociaux liés à leur état pour le groupe
contrôle. L’évaluation portait sur la douleur (échelle visuelle analogique de la douleur au repos et
à l’effort, questionnaire de douleur de McGill), les amplitudes articulaires actives, les incapacités
(Impairment-level Sum Score ou ISS), la qualité de vie (Sickness Impact Profile). L’évaluation
était effectuée par un examinateur aveugle au traitement ; le patient était évalué au départ du
traitement (t0), après 6 semaines, et après 3, 6 et 12 mois. Dès la 6ème semaine, la kinésithérapie
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et l’ergothérapie étaient associées à un gain significatif sur la douleur à l’effort dans les groupes
expérimentaux par rapport à la seule prise en charge sociale du groupe contrôle; ce gain était
plus marqué pour la kinésithérapie. Le gain sur la douleur au questionnaire de McGill était plus
marqué pour le groupe expérimental avec kinésithérapie aux différentes évaluations. Le gain en
mobilité active était également plus marqué dans les groupes expérimentaux avec kinésithérapie
et ergothérapie à la 6ème semaine et au 3ème mois, mais n’était pas significativement différent à 1
an. La récupération des incapacités (ISS) était meilleure et plus rapide pour les groupes
expérimentaux avec kinésithérapie ou ergothérapie que pour le groupe contrôle. Il n’y avait pas
de différence concernant la qualité de vie à 1 an. Du point de vue économique, la kinésithérapie
était plus coûteuse que l’ergothérapie, et le coût était plus élevé que celui du groupe contrôle. Si
l’on tenait compte de l’ensemble des coûts (médicaments, soins physiques, arrêt de travail) la
différence n’était plus significative. L’étude concluait à l’intérêt curatif de la kinésithérapie et de
l’ergothérapie précoces dans le traitement du syndrome épaule-main, et à la validité économique
d’un tel traitement.
6.2. Médicaments
Les antalgiques de classe 1 sont efficaces sur la douleur en particulier lors de la prise en charge
en rééducation.. Les anti-inflammatoires non-stéroidiens sont peu efficaces et peu utilisés.
6.2.1. La calcitonine aurit un triple effet: antiostéoclastique, antalgique et vaso-actif.
L'effet antalgique est à la fois central non réversible par la naloxone et périphérique par inhibition
de la sécrétion des prostaglandines. La calcitonine ne devrait plus être prescrite depuis l’été
2004, l’AFSSAPS ayant retiré à cette date la mention "algodystrophie" des trois formes
commercialisés de cet agent (c.de porc, c.de saumon, C. de synthèse séquence humaine).
L’efficacité en était très aléatoire et les effets adverses relativement fréquents (bouffées vasomotrices : 33% des patients en début de traitement et 11% encore à 5 semaines, nausées :
respectivement 25% et 4,9% )
6.2.2. Les corticoïdes per os (prednisolone 1mg/kg/j durant 15 jours puis à dose
dégressive) sont réputés efficaces dans les algodystrophies douloureuse mais il n'y a pas d'essai
clinique contrôlée randomisé de bonne qualité.
6.2.3. Les biphosphonates ont été proposés pour leur propriété d’inhibition de la
résorption osseuse dans le but de lutter contre l’intense déminéralisation caractéristique de
l’algodystrophie. Le pamidronate a été le plus largement étudié. L’étude randomisée en double
aveugle de Liens et al ayant évalué les effets du pamidronate injectable contre placebo dans 200
cas d’algodystrophie, ne permettait pas de conclure à la supériorité du pamidronate, mais la
population incluse était très hétérogène. Une deuxième étude contrôlée a évalué ses effets
contre calcitonine par voie nasale et a montré que le pamidronate était au moins aussi efficace
sur la douleur que la Calcitonine. L’alendronate par voie intraveineuse et le clodronate par voie
orale ont également été évalués. Au total, l’intérêt des biphosphonates sur l’évolution de la
douleur dans le traitement de l’algodystrophie semble démontrée. A l’heure actuelle, il paraît licite
de les proposer dans cette indication hors AMM, en alternative aux injections de calcitonine.
6.3. Les blocs sympathiques ou sympatholytiques
Ils ont pour but de bloquer les recepteurs α et β adrénergiques en périphérie lors
d’injections intraveineuses du membre sous garrot selon la technique de l’anesthésie régionale
par voie intra-veineuse (bloc post-ganglionnaire) ou au niveau ganglionnaire par injection in situ.
Très en vogue dans les années quatre-vingt, cette technique se voulait le traitement de première
intention, en phase chaude de l’algodystrophie ; la différentiation nosologique entre "douleur
persistante d'origine sympathique"( SMP) et "douleurs sans participation sympathique» (SIP) a
redonné un gain d’intérêt à cette technique, en faisant même un test diagnostique entre les deux
types de douleur. La guanéthidine par voie intra-veineuse est présentée comme le gold standard,
trois études contrôlées randomisées contre placebo ayant démontré l’efficacité des blocs sur la
douleur et les désordres vaso-moteurs. La guanéthidine agit par déplétion des granules de
noradrénaline et inhibition de sa recapture au niveau des terminaisons sympathiques. Les effets
secondaires sont rares : hypotension, céphalées, marbrures cutanées ou éruption pseudourticariennes ; elle est contre-indiquée en cas d’artériopathie, phlébite, insuffisance cardiaque ou
coronarienne. Ce médicament n’est plus commercialisé en France, mais peut être obtenu par une
procédure temporaire d’utilisation (ATU). Cependant aujourd’hui encore aucune
recommandation (indication, posologie, fréquence des blocs) ne vient conforter cette
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pratique. Une étude multicentrique de faible effectif, incluant 60 cas d’algodystrophie en phase
chaude, a comparé blocs à la guanéthidine et à la lidocaïne, n’a pas trouvé de différence
significative sur la douleur et les amplitudes articulaires après la première injection, ni démontré
de gain de la répétition des injections. Ce résultat est à rapprocher d’autres qui n'ont pu
démontrer de supériorité de la guanéthidine par rapport au sérum salé. Un consensus se dégage
pour initier des études plus larges et peut-être plus rigoureuses pour répondre enfin à la question
de l’efficacité de la sympatholyse, au moins pour la sous population de patients avec SMP.
D’autres produits ont été proposés et en particulier le buflomédil depuis le retrait de la
guanéthidine, mais aucune étude contrôlée sérieuse n’est disponible. Quant aux blocs
ganglionnaires à la lidocaïne ou à la ropivacaïne (bloc stellaire par voie latérocervicale ou bloc de
la chaine sympathique lombaire de réalisation plus difficile sous contrôle scopique), il sont décrits
comme efficaces, mais aucun essai clinique comparatif contre placebo ne vient corroborer ce
résultat. Les résultats des méta-analyses
ne permettent pas de conclure à l'efficacité des
sympatholytiques dans l'algodystrophie.
6.4. L'intérêt d'applications locales de capsaïcine a été rapporté et ce traitement est jugé
efficace sur les douleurs neuropathiques tandis que les preuves manquent dans l'algodystrophie.
.
6.5. Compte tenu de l’incidence des facteurs psychologiques chez ces patients, qu’il
s’agisse d’une dépression réactionnelle liée à la douleur, ou réactionnelle à la perte de fonction,
d’un désordre de la personnalité associé à l’algodystrophie, un traitement antidépresseur est
parfois nécessaire, tout comme l’apprentissage puis la pratique de la relaxation.
Au total, dès les premiers signes révélateurs d'un syndrome algodystrophique, il importe
de mettre en place , de manière très rapide, un plan de soin associant des mesures de
rééducation visant à réduire les troubles circulatoires, à prévenir les attitudes vicieuses et à
préserver la fonction; la kinésithérapie et l'ergothérapie, ont une place de choix; le tout ne peut
être mis en oeuvre que si une analgésie titrée et adaptée est mise en place. La dimension
psychologique doit être prise en compte. Les blocs sympatholytiques, bien que très utilisés en
Europe, n'ont pas fait la preuve de leur efficacité et ne doivent pas être utilisés seuls. Cette prise
en charge peut être effectuée en ambulatoire mais justifie d'un suivi médical attentif.
En période postopératoire, l'analgésie, obtenue par morphine ou par technique d'injections
loco-régionale d'anesthésiques locaux, est un rempart efficace contre la survenue secondaire
d'un syndrome algodystrophique.
Références bibliographiques essentielles…pour en savoir plus…
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