Eco-Fiche

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Octobre 2011
DETTE DE L’ETAT
Du « credit crunch » à l’éclatement de la Zone Euro, depuis septembre dernier, la crise des dettes
souveraines ravive les craintes d’une nouvelle dépression.
Dette souveraine : définition et composition
Il s’agit d’une dette émise ou garantie par un émetteur souverain (un Etat ou une banque centrale).
En France, la dette publique s’élève à 1 692,7 milliards d’euros, soit une hausse de 46,4 milliards
d’euros par rapport au trimestre précédent. Elle s’élève, ainsi, à 86,2 % du PIB.
Elle se compose1 :
 D’une dette négociable contractée sous forme d’instruments financiers échangeables sur les
marchés financiers – marchés primaires (obligations et bons du Trésor) ;
o Fin 2010, l’encours de la dette négociable française s’élevait à 1 229 milliards d’euros.
Avant contrat d’échange de taux (swap), la durée de vie moyenne de la dette était
estimée à 7 ans et 68 jours.
o Les titres de la dette négociable sont détenus en majorité par des « non résidents »
même si cette part a tendance à diminuer depuis juin 2010 : en juin 2011, 66,2 % des
de la dette négociable de l’Etat était détenue par les non-résidents contre 71,4 % en
juin 2010.
o Les banques commerciales et les investisseurs institutionnels (caisses de retraite,
assureurs, etc.) sont les entités autorisées à acheter des titres de dette auprès du
Trésor Public.
 D’une dette non négociable correspondant aux dépôts de certains organismes (collectivités
territoriales, établissements publics, etc.) sur le compte du Trésor et qui constitue un autre
moyen de financement de l’Etat.
Ainsi, les titres émis par les Etats peuvent être diffusés et négociés sur tous les marchés financiers
dans le monde. En outre, jusqu’en septembre dernier, les dettes souveraines européennes et,
particulièrement celles relevant de la Zone euro, étaient considérées comme des placements sans
risque. Par conséquent, après la chute de la banque Lehman Brothers, les investisseurs
institutionnels et les banques commerciales se sont massivement reportés sur les bons du trésor
européens et américains.
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Données Agence France Trésor
Direction des Affaires Economiques
[email protected] - 01 47 62 73 73
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Comment la crise de la dette souveraine en Europe risque-t-elle d’affecter
l’économie réelle ?
De la crise grecque à la crise des dettes souveraines des « Etats européens à risque »
La crise de la dette souveraine est le résultat de la conjonction de 3 éléments :
 Le changement de gouvernement grec a révélé les inexactitudes sur la réalité de dette du
pays. Les investisseurs ont ainsi pris conscience qu’un Etat, même s’il appartient à une zone
économique réputée « sûre », peut faire faillite. Cela a engendré une vague de défiance
envers les dettes souveraines européennes et envers toutes les catégories de créances qui
ont un lien avec elles.
o Plus précisément, ce n’est pas tant le montant, très élevé, des dettes des Etats qui
explique les attaques boursières, mais plutôt le fait qu’elles soient détenues en
majorité par des non résidents. En effet, le Japon n’est pas victime de ces attaques
alors que ce pays détient l’une des dettes publiques les plus élevés de monde, 200 %
de son PIB : celle-ci est directement financée par l’épargne japonaise.
o La spéculation sur le risque de défaut grec a déclenché une vague massive d’achat de
Credit Default Swaps (CDS)2, augmentant leur prix et confortant ainsi l’idée d’un
défaut grec imminent et « contagieux ».
o Suite à la mise en défaut partiel de la Grèce sur sa dette en juillet 2011, les
investisseurs se sont penchés sur la solidité de ses créanciers, parmi lesquels on
compte de nombreuses banques françaises. Ainsi, en raison de leur exposition à la
dette grecque et italienne, en septembre 2011, l’agence de notation Moody’s a
dégradé les notes de la Société Générale et du Crédit Agricole, et place sous
surveillance BNP Paribas. Cela signifie que ces banques auront un peu plus de
difficulté à emprunter sur les marchés.

A cela, s’ajoute l’accélération de l’inflation au début de l’année 2011 (+3,7 % au 2ème
trimestre après +2,9 % au 1er trimestre dans les pays de l’OCDE).
o Elle fait craindre aux créanciers le non remboursement de leur dette en particulier
quand les emprunteurs sont des Etats très endettés. Ainsi, les créanciers sont
davantage attentifs aux politiques économiques mises en place par les Etats et
exigent d’eux une réelle volonté de remboursement. C’est pourquoi, les Etats jugées
les moins fiables et/ou les moins volontaires au remboursement, voient leur notation
dégradée.
 Enfin, la croissance durable et vigoureuse tarde s’installer dans le monde et les plans de
relance ont été remplacés par des mesures de restrictions budgétaires au niveau mondial dès
la fin de l’année 2010.
o La crise des subprimes a nécessité une réponse massive et rapide des Etats, laissant
leurs comptes publics très dégradés. L’endettement public s’est substitué à
l’endettement privé. Le risque de contagion du défaut grec a initié les plans de
rigueur alors que la reprise demeure fragile.
Ainsi, un mouvement de défiance des marchés à l’égard des dettes souveraines s’est enclenché : la
crise des dettes publiques succède, donc, à celle des dettes privées.
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Il s’agi d’un contrat par lequel un vendeur de protection (Protection Seller) s'engage, contre le paiement d'une
prime, en cas d'événement (credit event) affectant la solvabilité d'une entité de référence (Reference Entity), à
dédommager l'acheteur (Protection Buyer).
Direction des Affaires Economiques
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La crise des dettes souveraines affectent les agents économiques
 Charge de la dette, déjà conséquente
Dans le Projet de Loi de Finances Initiales (PLFI) pour 2012, la charge nette de la dette avant contrats
d’échange de taux, s’élèvent à 48,8 milliards d’euros, soit une hausse de 7,5 % par rapport au
montant inscrit au Projet de Loi de Finances Rectificatif pour 2011 (après une hausse de 12,1 %). Ce
poste de dépense devient, ainsi, le premier poste budgétaire de la France.
La charge de la dette est de plus en plus élevée et ce, malgré des conditions de financement
jusqu’alors favorables et dépasse le budget de l’éducation poste, dont l’utilité est primordiale pour
l’avenir de notre pays.
Si la crise de la dette souveraine finit par atteindre la France, alors il faut craindre que la charge de la
dette progresse plus rapidement que la croissance et les recettes, entrainant un effet « boule de
neige » dévastateur pour notre économie.
 Le financement des entreprises
Par ailleurs, la crise souveraine impactant les grandes banques françaises, il faut craindre un nouveau
resserrement du crédit aux entreprises et en particulier aux PME.
En outre, si les entrepreneurs anticipent cet effet, il est très probable qu’ils décident d’ores et déjà
de repousser leurs décisions de financement : après avoir vécu le refus de leurs demandes de
financement entre 2008 et 2009, ils s’attendent à ce que ce parcours difficile se reproduise en 2012.
 Les anticipations de hausse d’impôts
Il faut noter que le climat des affaires, après s’être amélioré durant l’année 2010, marque le pas
depuis le début de l’année 2011. Tous les secteurs sont touchés : des services à l’industrie
manufacturière, les signes de décélération et d’attente des entrepreneurs se manifestent. Depuis
l’extinction des mesures du plan de relance, trop d’interrogations entourent les décisions des chefs
d’entreprises.
Dans ce contexte, face à la dérive des finances publiques, les agents économiques anticipent des
hausses d’impôts et de prélèvements obligatoires et deviennent de plus en plus prudent. Ce
comportement de prudence se traduit par une baisse de la consommation, et une hausse de
l’épargne d’une part et par le report de l’investissement et des plans d’embauche d’autre part.
Déjà, dès l’annonce des mesures de rigueur, on a pu constater que la création d’entreprise n’est plus
aussi attractive du fait des anticipations de hausse d’impôts. En juillet 2011, le nombre de créations
d'entreprises est en baisse par rapport au mois de juin : -13,6 % pour les créations hors autoentrepreneurs, -15,1 % lorsqu’on y adjoint les demandes de création d’auto-entreprises. En effet, les
futurs entrepreneurs peuvent arbitrer entre rester dans leur activité actuelle -être au chômage et
continuer à bénéficier d’allocation, continuer ses études pour obtenir un emploi jugé relativement
plus stable, etc.- et créer une entreprise dont les charges et les prélèvements obligatoires risquent de
coûter plus que ce qu’elle ne rapporte, en particulier durant les premières années d’exploitation.
Un cercle vicieux se met en place et chacun sait que les leviers d’actions de l’Etat sont épuisés : la
crise qui se profile risque d’être beaucoup plus douloureuse que celle de 2008/2009.
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Conclusion
Initiée par la Grèce, pays dont le PIB représente l’équivalent de seulement 5 départements français,
la crise des dettes souveraines poursuit sa progression à travers l’Europe et le monde.
Si, notre pays semble pour le moment épargné par la contagion, il n’en demeure pas moins que son
activité économique est très fragile. « Effet boule de neige », « effet d’éviction », « cercle vicieux », la
croissance de notre pays est soumise à de nombreux aléas.
Cette nouvelle crise révèle une inversion de pouvoir entre les marchés et les instances politiques.
Jusqu’au mois de septembre dernier, une décision politique s’imposait aux marchés qui réagissaient
en fonction. Or, le fait que les investisseurs aient pris conscience de la fragilité des Etats au niveau du
remboursement de leurs dettes, a accéléré le processus d’inversion : ce sont les marchés qui
imposent leurs inquiétudes aux Etats. D’ailleurs, la dégradation des notations de certains Etats a
davantage été motivée par le manque de visibilité et de crédibilité à long terme de leurs politiques
économiques plus que par l’état factuel de leurs finances, qui étaient déjà très dégradées avant la
crise des subprimes. Or, les marchés réagissent, « sur-réagissent », avec une certaine rapidité que
n’ont pas les Etats.
Ainsi, le vrai problème pour les années à venir sera de rendre les politiques économiques les plus
crédibles possibles. Un gouvernement ne sera jamais crédible quand il proclame que tout va pour le
mieux dans le meilleur des mondes quand l’information indiquant le contraire (chiffre du chômage,
investissement en berne, etc.) a déjà fait trois fois le tour des places financières.
Par conséquent, la politique économique, en plus d’être crédible, se devra d’être honnête.
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