Complications de la nycturie Complications of nocturia La nycturie R

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La ny c t u r i e
Complications de la nycturie
Complications of nocturia
G. Robain*, G. Laurent*, F. Roman*,
P. Vu*, J.B. Piera*
RÉSUMÉ. La nycturie, par les troubles du sommeil qu’elle induit, est responsable d’une gêne
importante avec pour conséquence une altération de la qualité de vie. Chez les personnes âgées,
elle comporte en plus un risque important de chutes et donc de fractures.
Mots-clés : Nycturie – Qualité de vie – Personne âgé – Chute.
ABSTRACT. Nocturia is considered to be a bothersome condition resulting in sleep disturbance
with consequent marked effects on quality of life. In the elderly, there is also a high risk of falling
and fracture.
Keywords: Nocturia – Quality of life – Elderly – Fall.
C
hez la personne âgée, chez qui la nycturie est un problème fréquent, différentes questions se posent : la nycturie induitelle une mauvaise qualité de vie ? La nyc t u r i e
induit-elle des effets indésirables ou des complications ? La nycturie est-elle un marqueur chez
la personne âgée ? Plusieurs populations sont à
considérer : les personnes âgées vivant à domicile et celles vivant en institution, qui ne présentent peut-être pas les mêmes problèmes.
La nycturie, chez la personne âgée, est associée
aux troubles du sommeil. Ces derniers sont bien
connus, associés, malgré un temps passé au lit
plus long, à un sommeil de mauvaise qualité : le
sommeil est fragmenté, moins réparateur. On peut
estimer que 57 % des personnes âgées de plus de
60 ans se plaignent d’un mauvais sommeil, qui
serait responsable d’un endormissement dans la
journée, de troubles de l’attention et de troubles
de mémoire, de dépression et de chutes nocturnes. La nycturie étant un phénomène fréquent
chez la personne âgée, elle est souvent invoquée
dans les troubles du sommeil ( 1 ).
TROUBLES DU SOMMEIL
* Service de MPR, hôpital Charles Foix-Jean
Rostand, Ivry-sur-Seine.
E-mail : [email protected]
Les troubles du sommeil sont fréquents et augmentent avec l’âge. Ils sont re t rouvés dans de
n o m b reuses pathologies : maladies neuro l ogiques et psychiatriques, apnées du sommeil,
Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. IV - avril/mai/juin 2004
traitements médicamenteux (corticoïdes, etc.),
prise de café ou d’alcool. Certaines de ces pathologies sont également associées à une polyurie.
De plus, dans certains cas, il existe une hyperactivité vésicale, responsable d’une réduction
de la capacité vésicale fonctionnelle. La polyurie
nocturne associée à cette diminution de la capacité vésicale induira donc un nombre de levers
nocturnes important. Les troubles du sommeil
p e u vent donc être liés à la fois à la maladie causale, responsable du mauvais sommeil, et à la
polyurie, responsable de réveils nocturnes par
besoins de mictions fréquentes. Ainsi, dans les
s y n d romes extrapyramidaux, il existe un mauvais sommeil, lié à la maladie, lié à des mouvements anormaux, lié aux phénomènes o n - o f f,et
lié à une polyurie. Les maladies dans lesquelles
une polyurie et un mauvais sommeil sont fréquents sont les syndromes extra p y ramidaux, les
s y n d romes d’apnées du sommeil, l’abus d’alcool, etc. Dans un certain nombre de cas, c’est
la polyurie qui est directement responsable du
mauvais sommeil : pathologie card i ova s c u l a i re
telle que l’insuffisance cardiaque avec augmentation de la diurèse en position allongée, par
e xemple ( 2 ). Une étude spécifique de Ouslander et al. en 1998 (3) analyse ce problème chez
des patients vivant en institution. Il s’agit d’une
étude prospective suivie pendant deux mois.
L’étude a été effectuée chez 73 patients âgés de
87 ans et en majorité déments. Pendant l’étude,
21
d o s s i e r
1 715 é veils de plus de 10 minutes et 1 168 épisodes d’incontinence ont été relevés. Douze
pour cent des épisodes d’incontinence semblent
r é veiller les patients. Trois à quatre pour cent
des épisodes surviennent pendant une période
d ’ é veil. Enfin, un quart des fuites surviennent
pendant le sommeil. Ainsi, dans une population
de patients très âgés et présentant une
démence, les troubles urinaires induiraient environ 15 % des éveils nocturnes. De telles études
n’ont pas été faites chez les sujets vivant à domicile, et le rôle de la polyurie nocturne dans les
troubles du sommeil est à évaluer afin de ne pas
les surestimer.
QUALITÉ DE VIE
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1 . Kryger M, Monjan A, Bliwise D,
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impact of nocturia on quality of life.
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22
Il est évident que la nycturie et la fragmentation du sommeil induisent une mauvaise qualité de vie. La nycturie fait partie de nombre u x
questionnaires concernant les troubles urin a i res tels que LUTS, BFLU TS, etc. L’importance
des troubles urinaires et leur retentissement
sur la qualité de vie sont décrites depuis plusieurs années et des échelles spécifiques de
qualité de vie en rapport avec les troubles urinaires ont été développées. Cependant, le
retentissement spécifique de la nycturie sur la
qualité de vie, même s’il est évident, est moins
bien étudié ( 4 ).
CHUTES ET FRACTURES
Brown et al. (5) ont étudié l’effet de la prise en
charge de la nycturie sur le risque de chutes et
de fractures chez la personne âgée. En effet, l’incontinence urinaire secondaire à une hyperactivité de vessie est associée à une augmentation
du risque de chute et de fra c t u redu col du fémur.
L’incontinence urinaire d’effort n’est pas associée à une telle augmentation. Par ailleurs, il
semble qu’une partie des chutes et des fra c t u re s
soit associée à un mauvais sommeil. Il était donc
logique de chercher à savoir si la prise en charge
de la nycturie permettait de diminuer le risque
de chute. La prise en charge de l’hypera c t i v i t é
diminue le nombre de mictions nocturnes. On
peut donc penser que la prise en charge de la
n ycturie et de l’hyperactivité vésicale devra i t
diminuer le risque de chutes et de fractures de
la personne âgée.
TROUBLES CUTANÉS
L’existence d’une polyurie nocturne, en particulier chez la personne âgée, pose le problème des
p rotections et de la fréquence des changes la
nuit. En effet, en institution en part i c u l i e r, la prise
en charge des troubles urinaires et la fréquence
des changes nocturnes sont faibles. Le risque de
m a c é ration et d’escarre est donc potentiellement
augmenté. Ces faits ont induit quelques travaux
sur la fréquence nécessaire des changes la nuit.
L’utilisation des nouveaux types de pro t e c t i o n
semble permettre de ne pas changer les protections pendant la nuit (6). Ainsi la nycturie ne
semble pas, dans une population de patients institutionnalisés, induire de troubles cutanés. Cela
serait peut-être différent chez les patients à
domicile, chez qui les protections utilisées sont
p robablement moins adaptées qu’en institution.
MARQUEUR DE VIE OU AUTRE
La polyurie nocturne serait un marqueur de dysautonomie chez les patients présentant un syndromeparkinsonien, et donc évoquerait peut-être
une atrophie systémique multiple (multiple system atrophy – MSA) chez ces patients. Cela serait
lié à une moins bonne concentration des urines
chez les patients présentant une MSA, anciennement appelée Shy Drager en position allongée,
par rapport aux patients présentant une maladie
de Parkinson( 7 ). Dans la maladie d’Alzheimer, il
existe une hyperactivité dela vessie. Il a été décrit,
dans cette population spécifique, une sécrétion
anormale d’hormone antidiurétique, en part i c ulier nocturne. Cela expliquerait l’importance des
t roubles urinaires nocturnes dans cette population ( 8 ).De plus, certains travaux montrent que la
pollakiurie serait un marqueur de mortalité ( 9 ).
Ainsi, la nycturie est le reflet d’une polyurie, d’une
diminution de la capacité vésicale fonctionnelle
et d’un sommeil fragmenté. Chacun de ces éléments peut être le marqueur de pathologies plus
fréquentes chez la personne âgée. Globalement,
la nycturie induit un mauvais sommeil, une mauvaise qualité de vie, ou leur est associée. Son
implication directe dans d’autres troubles tels
que le risque de fracture est à évaluer.
Il est difficile de faire la part des troubles liés à
une maladie induisant entre autres une nycturie,
et la part propre de la nycturie.
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Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. IV - avril/mai/juin 2004
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