Prolapsus récidivés Prolapsus récidivés de l’étage antérieur Place de la voie vaginale dans la cure de cystocèle récidivée Anterior vaginal wall recurrent prolapse: management by vaginal route ■ B. Fatton*, B. Jacquetin* R ÉSUMÉ . La cure de cystocèle reste un challenge difficile, notamment pour le chirurgien vaginaliste. Si les techniques standard donnent des résultats satisfaisants dans les cystocèles de grade faible ou modéré, elles exposent à un taux de récidives important quand on traite les cystocèles de degré 3 ou 4 où la désinsertion du paravagin est fréquente. Dans ces circonstances, le recours au soutien prothétique (biologique ou synthétique) peut représenter une alternative logique, ce d’autant que les tissus natifs, distendus ou déchirés, sont difficilement utilisables. Ces techniques de renfort prothétique par voie vaginale sont actuellement en cours de validation et ne disposent pas encore de toutes les garanties indispensables à leur diffusion et à leur généralisation. Dans l’attente de résultats fiables et scientifiquement validés, la prudence recommande de n’utiliser ces matériaux qu’en cas de récidive, après une chirurgie “conventionnelle”. Elle impose aussi d’avoir l’acceptation de la patiente préalablement et loyalement informée. Le respect de ces règles élémentaires et la volonté de la communauté scientifique urogynécologique de disposer d’arguments forts plaident pour la réalisation d’essais prospectifs randomisés qui, seuls, permettront de définir la place de la réparation prothétique par voie vaginale au sein de la chirurgie de la statique pelvienne. Mots-clés : Cystocèle – Prothèse sous vésicale – Récidive – Chirurgie par voie vaginale. ABSTRACT. Efficient surgical management of anterior wall prolapse by vaginal route is a difficult * Unité d’urogynécologie, maternité de l’Hôtel-Dieu, CHU de Clermont-Ferrand. E-mail : [email protected] challenge. Whilst conventional techniques give satisfactory results in mild to moderate cystoceles, the rate of failure increases with high grade cystoceles or those with paravaginal defect. In these situations, particulary where vaginal tissue is weak and friable, the use of prosthetic mesh, whether biological or synthetic, is recommended by some surgeons. However we await scientific validation and long term results from randomised trials about these procedures. Patients must be counselled appropriately and give informed consent. With short term follow-up, vaginal erosions and retraction are the most common complications of mesh repair. So prudence is advised in the use of these meshes by the urogynecological community until such time as we more fully understand the role of the mesh repair in vaginal prolapse surgery. Keywords: Cystocele – Recurrent Cystocele – Mesh – Vaginal surgery. Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 4, vol. IV - octobre/novembre/décembre 2004 25 d o s s i e r O n peut classiquement admettre que le point faible expliquant la majorité des échecs de nos cures de prolapsus (notamment par voie vaginale) est la paroi vaginale antérieure ; cela est confirmé par une étude de prévalence récente de Hendrix et al. (1). La récidive de cystocèle (figure 1), dans la chirurgie par voie vaginale s’explique par : – la situation anatomique, très antérieure, de la vessie ; il est actuellement bien établi que le périnée antérieur est moins résistant que le postérieur ; – le caractère aléatoire du fascia vésico-vaginal de Halban. Ce fascia est une entité chirurgicale décrite comme un plan musculo-conjonctif formé du septum vésico-vaginal et du fascia vaginal. C’est un plan individualisé artificiellement par la dissection dont l’épaisseur et la résistance sont augmentées lorsque l’on s’éloigne de la ligne médiane. S’appuyant latéralement sur le bord des releveurs, il se perd en haut dans les deux piliers vésico-cervicaux et assure le soutien principal de la base vésicale. L’élongation et la distension de ces fibres conduisent à la cystocèle (2) et l’on comprend aisément que les tentatives de réparation reposant sur l’utilisation de ce fascia lésé puissent exposer à des résultats parfois décevants. Par ailleurs, la libération de ce fascia et sa réutilisation sont plus difficiles chez une patiente antérieurement opérée ; – l’interposition impossible d’un plan musculaire entre vessie et vagin, à l’inverse de ce qui peut être réalisé pour la cure de rectocèle par la myorraphie des élévateurs de l’anus. La tentative de Figure 1. La cystocèle récidivée : un challenge pour le chirurgien vaginaliste. 26 transposer ce plan musculaire selon la technique de Lahodny (3) a donné bien des déboires à certains d’entre nous… ; – l’existence de deux types de cystocèles différents dont le diagnostic préopératoire est délicat : on différencie les formes centrales (simple hernie médiane) des formes latérales secondaires à une désinsertion du fascia vésico-vaginal de son attache sur l’arc tendineux du fascia pelvien (c’est le classique défect paravaginal). En pratique clinique, les deux formes de cystocèles sont fréquemment associées (ces aspects ont déjà été abordés dans l’article précédent de ce dossier) ; – le rôle aggravant de certains gestes associés par voie vaginale : la sacrospinofixation, par l’orientation postérieure qu’elle donne à l’axe vaginal accroît le risque de cystocèle avec un chiffre moyen rapporté de plus de 20 % (4) et des extrêmes situés entre 11,7 % (5) et 92% (6). Dans une revue de la littérature publiée en 1997, Sze et al. (7) constatent que les cystocèles secondaires représentent à elles seules plus de 50 % des récidives clairement identifiées après sacrospinofixation. De même, la désinsertion iatrogène du paravagin au cours de la chirurgie (la fixation des bandelettes vaginales de Bologna à la face profonde de l’aponévrose des droits avec l’aide de l’agrafeuse DFS en est un bon exemple, déjà illustré dans ce dossier) expose à la cystocèle secondaire ; – le fait qu’aucune intervention n’a prouvé, à ce jour, sa fiabilité : pas plus la classique colpectomie-colporraphie (l’exérèse-suture de “l’excédent” n’a jamais suffi à corriger une hernie), que la plastie du fascia de Halban (figure 2) (sa dis- Figure 2. Colporraphie antérieure par plastie du fascia sous vésical de Halban selon des illustrations de Franz Batke (issu du traité de Reiffenstuhl, Platzer et Knapstein [10]). Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 4, vol. IV - octobre/novembre/décembre 2004 Prolapsus récidivés RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Hendrix SL, Clark A, Nygaard I, Aragaki A, Barnabei V, McTiernan A. Pelvic organ prolapse in the Women’s Health Initiative: gravity and gravidity. Am J Obstet Gynecol 2002;186:1160-6. 2. Fatton B. Anatomie du fascia de Halban et anatomie pathologique des cystocèles. Réalités en GynécologieObstétrique 2003;79:48-55. 3. Lahodny J. Ventral plasty of the levators a neglected method for the operative treatment of stress incontinence. Geburtshilfe Frauenheildkd 1981;41: 769-76. 4. Fatton B, Grunberg P, Ohana M, Manssor A, Descamps C, Jacquetin B. Cure de prolapsus chez la femme jeune : la voie abdominale n’a pas d’avantage sur la voie vaginale ; à propos d’une étude prospective randomisée. 1 – Résultats anatomiques et sexuels. Jobgyn 1993;1:66-72. 5. Morley GW, Delancey JO. Sacrospinous ligament fixation for eversion of the vagina. Am J Obstet Gynecol 1988; 158:872-81. 6. Holley RL, Varner RE, Gleason BP, Apffel LA, Scott S. Recurrent pelvic support defects after sacrospinous ligament fixation for vaginal vault prolapse. J Am Coll Surg 1995;180:444-8. 7. Sze EHM, Karram MM. Transvaginal repair of vault prolapse: a review. Obstet Gynecol 1997;89:466-75. 8. Colombo M, Vitobello D, Proietti F, Milani R. Randomised comparison of Burch colposuspension versus anterior colporraphy in women with stress urinary incontinence and anterior vaginal wall prolapse. Br J Obstet Gynaecol 2000;107:544-51. section fragilise le vagin et compromet sa vascularisation) ou encore l’artifice de CampbellCrossen (les ligaments utéro-sacrés et les ligaments ronds étant par définition peu résistants en cas de prolapsus) n’ont donné de résultats concluant sur le long terme : ainsi le taux de récurrence après colporraphie antérieure varie, de 3 % (8) à 33 % selon les séries (les résultats varient entre autres, en fonction du grade de la cystocèle initiale et de l’association éventuelle à un geste de colposuspension). La technique de suspension aux quatre coins popularisée aux États-Unis par Raz et al. (11) est entachée d’un taux de récidives, notamment en cas de cystocèle de grades 3 et 4, qui peut atteindre 59 % pour certains auteurs (12). La technique du plastron vaginal proposée par Crépin et al. (13) est à réserver aux patientes ménopausées sans traitement hormonal substitutif. Elle garde les limites d’une suspension par fils et reste soumise à la résistance de l’arc tendineux du fascia pelvien. Les tentatives de réparation du défect paravaginal par voie basse sont d’évaluation difficile en termes de statique pelvienne, car leur efficacité est surtout jugée sur leur aptitude à guérir l’IUE (14). Enfin, la greffe de vagin libre proposée par Zacharin en 1992 n’a pas convaincu dans ses résultats (15) et les techniques de renforcement par prothèse autologue après prélèvement de fascia imposent des délabrements importants peu compatibles avec les principes d’une chirurgie peu invasive. C’est donc tout logiquement que l’idée d’utiliser un renforcement prothétique soit synthétique (résorbable ou non) (figure 3), soit biologique, s’est imposée aux spécialistes de la chirurgie reconstructrice pelvienne. 9. Kohli N, Sze EHM, Roat TW, Karram MM. Incidence of recurrent cystocele after anterior colporrhaphy with and without concomitant transvaginal needle suspension. Am J Obstet Gynecol 1996;175:1476-82. 10. Reiffenstuhl G, Platzer W, Knapstein PG. La colporraphie antérieure. In : Les opérations vaginales, Cachan : éd. Médicales Internationales;1996: 132-7. 11. Raz S, Klutke CG, Golomb J. Fourcorner bladder and urethral suspension for moderate cystocele. J Urol 1989;142: 712-5. Figure 3. Matériel prothétique par voie vaginale : une solution en cas de cystocèle récidivée ? Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 4, vol. IV - octobre/novembre/décembre 2004 Ces initiatives restent cependant tempérées par la crainte des complications propres des prothèses synthétiques, en particulier le taux d’érosions vaginales, chiffré en moyenne à 11 % dans la revue d’Iglesia et al. (16) et situé dans une fourchette plus large (10-30,3 %) dans la revue plus récente et plus complète de Debodinance et al. (17). Une brève étude historique montre que le concept de renforcement des tissus natifs par un matériel prothétique n’est pas neuf : les premières tentatives dateraient de 1894 avec l’utilisation de prothèses métalliques (18) ! Plus récemment, on retiendra que c’est Benson (19) qui, le premier, utilise le polypropylène sous forme d’une mèche trapézoïdale mise en place par voie vaginale après un bain dans un mélange gentamicine-bacitracine. Depuis, les expériences se sont multipliées et, depuis 1992, plus d’une douzaine de revues générales sur le thème de la réparation prothétique par voie vaginale ont été publiées. Prothèses libres, fixées ou posées selon un principe tension free, les variantes techniques sont nombreuses et les séries rapportées dans la littérature ne font trop souvent état que de résultats préliminaires avec des échantillonnages limités ou des reculs insuffisants. La comparaison des différentes séries se heurte par ailleurs, outre la variabilité des techniques, à la diversité des matériaux utilisés dont les propriétés respectives sont parfois très différentes les unes des autres. Ces réserves faites, il existe plusieurs travaux qui méritent notre attention. Contrairement à l’expérience française très diversifiée, la littérature internationale, notamment américaine, se montre encore assez discrète sur le sujet, rapportant essentiellement l’utilisation de prothèses biologiques, conçues notamment à partir de derme de porc (Pelvicol®). Ce type de prothèse biologique a aussi fait l’objet, en France, de plusieurs publications : ainsi une étude récente de Salomon et al. (20) rapporte, sur une série de 27 patientes ayant bénéficié de la mise en place d’une prothèse de Pelvicol® par voie transobturatrice, un taux de cystocèles récidivées de 18 % (toutes asymptomatiques) après un recul moyen de 14 mois. Notre expérience ne concerne que 15 patientes présentant une cystocèle récidivée, pour la plupart après renfort synthétique : les résultats sont décevants avec plus de 33 % de récidives (recul 6 mois-3 ans). De façon plus surprenante, cette prothèse biologique ne met pas à l’abri de la rétraction (4 patients sur 15), du retard de cicatrisation 27 d o s s i e r Figure 4. Principe de l’intervention de De Tayrac (23). Bras prothétiques libres dans le Retzius. 12. Miyasaki FS, Miyasaki DW. Raz four-corner suspension for severe cystocele: poor results. Int J Urol 1994;5:94-7. 13. Collinet P, Cosson M, Crépin G. The vaginal plastron for cure of cystocele. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2000;29:197-201. 14. Richardson AC, Edmonds PB, Williams NL. Treatment of stress urinary incontinence due to paravaginal fascial defect. Obstet Gynecol 1981;57: 357-62. 15. Zacharin RF. Fre full-thickness vaginal epithelium graft in correction of recurrent genital prolapse. 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J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 1999;28:825-9. 28 (4 patients sur 15) et même du rejet prothétique (5 patients sur 15 !). Cependant, le matériel prothétique synthétique reste largement utilisé et de nombreuses techniques ont été décrites (21-25) avec des résultats encourageants (mais pas toujours optimaux) qu’il faudra reconsidérer à moyen et long termes. Ces variantes techniques peuvent être séparées en trois groupes pour en faciliter l’exposé et la compréhension par le non-spécialiste : – les renforcements “simples” par la mise en place d’une prothèse de petite taille derrière une colpotomie, le risque principal étant la rétraction et la récidive ; – les prothèses “moyennes” souvent plus larges de quelques centimètres avec un bras latéral mis en place dans l’espace de Retzius ou les espaces paravésicaux ou pararectaux. De Tayrac et al. (23), par exemple, après la mise en place d’une prothèse non fixée de Gynemesh® dont les branches antérieures sont “perdues” dans l’espace de Retzius rapportent, avec un recul de 8 à 32 mois sur une série de 48 patientes, un taux de succès de 97,9 % au prix d’un taux d’érosion vaginale de 8,3 % (figure 4). – enfin, les prothèses “larges” avec, souvent, un passage transobturateur antérieur et/ou une fixation postérieure au ligament sacroépineux, soit par abord direct, soit par passage transglutéal (et alors dérivé de la technique de l’IVS® postérieure de von Theobald et al. [26]). Eglin et al. (25) optent pour l’utilisation d’une prothèse passée en tension free à travers la membrane obturatrice et publient un taux de récidive de 3 % sur un collectif de 103 cas dont le suivi moyen est de 18 mois. La modification technique qui consiste à faire “l’impasse” sur l’incision sagittale du vagin antérieur réduit sensiblement le taux d’érosions vaginales qui n’excède pas 4,5 %. Chaque auteur rivalise d’ingéniosité technique et la grande variété des interventions décrites rend difficile, voire impossible, les comparaisons de séries mais témoigne aussi de la difficulté à concevoir la technique et la prothèse idéales. L’expérience du service sur l’utilisation des prothèses par voie vaginale date de plus de 10 ans avec des fortunes diverses : l’évolution des techniques, le recours à des matériaux différents, les indications le plus souvent ciblées sur des patientes complexes multiopérées rendent difficile l’évaluation des résultats. Une première série de 106 patientes opérées de juin 2000 à juin 2002 avec mise en place d’un renfort prothétique de Vypro® (la prothèse est antérieure dans 86 % des cas, postérieure dans 32 % des cas, 18 % des patientes ayant eu une réparation prothétique complète antérieure et postérieure ; par ailleurs, concernant le matériel prothétique, il s’agit d’un treillis de Vypro® dans 81 % des cas, de Vypro II® dans 19% sans différence statistiquement significative sur les résultats en fonction de la génération de matériau concernée) a été récemment contrôlée avec les résultats suivants pour un recul moyen de 9 mois (23) : – un taux global d’érosion chiffré à 17,1 % et un taux d’érosions nécessitant un parage chirurgical de 10,4 % ; – un taux de vraies récidives de cystocèle de 6,6 % ; – un taux de décompensations antérieures secondaires de 11,4 % reposant la délicate question du déséquilibre induit par nos réparations chirurgicales. La difficulté à confronter nos résultats avec ceux d’autres séries de la littérature en raison de la grande variabilité des techniques et des matériaux, et notre déception sur les résultats obtenus en matière de tolérance nous ont conduits à envisager une étude multicentrique, permettant de tirer profit de l’expérience de plusieurs équipes fortement impliquées dans cette chirurgie. L’idée est donc née d’essayer de valider un concept anatomo-physio-pathologique en testant une intervention standardisée (TVM) (figures 5 et 6) au sein d’un groupe de 9 experts. Le matériel est un treillis de Gynemesh Prolène Soft®. Sommairement, cette prothèse antérieure sous-vésicale (figure 7), qui peut éventuellement se prolonger par une partie postérieure prérectale (prothèse totale), respecte le col vésical et est arrimée par deux bras positionnés aux extrémités de l’arc tendineux du fascia pelvien et sortant par le foramen obturé. Une évaluation prospective multicentrique est en cours, qui permettra d’établir des résultats rigoureux et de légitimer éventuellement le concept technique. Si, en cas de réparation globale (antérieure et postérieure), la technique initiale imposait l’hystérectomie, la conservation utérine s’avère tout à fait possible moyennant quelques aménagements techniques et fait l’objet actuellement d’une validation. De l’aveu même de l’ensemble des promoteurs de la technique, le concept est séduisant, techniquement reproductible, mais les résultats préliminaires sur 322 cas font apparaître quelques insuffisances et imposent Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 4, vol. IV - octobre/novembre/décembre 2004 Prolapsus récidivés 22. Montete P, Gilbon F, Borgogno C, Coloby P. Treatment of genitor-urinary prolapses by spinous fixation with a polypropylene prosthesis. Prog Urol 2002; 12:517-20. 23. De Tayrac R, Gervaise A, Fernandez H. Cystocele repair by the vaginal route with a tension free sub-bladder prosthesis. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2002;31:597-9. 24. Sergent F, Marpeau L. Prosthetic restoration of the pelvic diaphragm in genital urinary prolapse surgery: transobturator and infracoccygeal hammock technique. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2003;32:120-6. SS = sacrospinous ligament ATFP = arcus tendineous fascia pelvis plusieurs commentaires et recommandations : – en analogie avec les constatations faites au décours de la chirurgie par voie abdominale, l’hystérectomie réalisée dans le même temps opératoire grève à la hausse le taux d’exposition de la prothèse : ainsi le taux d’érosion global passe de 16,6 % à 4,5 % si l’on renonce à l’hystérectomie ou si celle-ci a été antérieurement réalisée ; – le taux d’érosions imposant la résection chirurgicale est de 10 % et reste excessif, notablement supérieur encore à celui constaté après promontofixation. Il semble raisonnable d’espérer, qu’en l’absence d’hystérectomie, ce chiffre puisse descendre à une valeur moyenne n’excédant pas 3 % ce qui devient alors tout à fait acceptable et anterior TVM posterior TVM Figure 5. Réparation prothétique par voie vaginale (groupe TVM) : vue schématique avant mise en place des 2 prothèses antérieure et postérieure. US = utero-sacral ligament SS = sacrospinous ligament comparable aux chiffres publiés après chirurgie par voie abdominale ou cœlioscopique ; – de manière significative, l’exposition prothétique est plus fréquente au niveau du vagin antérieur (8,7 %), le fond vaginal et le vagin postérieur n’étant que plus rarement concernés (respectivement 4,7 % et 2,8 %) ; – l’absence de colpotomie en T semble réduire le risque d’érosion vaginale et de mise à nu du matériel prothétique et justifie donc de conseiller la dissection rétrograde (sans colpotomie sagittale médiane). Ainsi, le taux d’érosion constaté est de 18,2 % après colpotomie en T, de 14 % après incision péricervicale, et de 4,5 % en l’absence d’hystérectomie ; – si les phénomènes d’érosion peuvent a priori être réduits par certaines précautions peropératoires, la rétraction prothétique, source de distorsion vaginale et potentiellement dyspareuniante, paraît plus imprévisible et, de ce fait, peu susceptible d’être influencée par d’éventuels choix techniques ; – le recul est encore insuffisant pour pouvoir analyser la fiabilité de la technique sur le long terme ce qui nous prive, actuellement, de l’argument fort selon lequel le bénéfice anatomique à distance pourrait compenser un taux de morbidité plus élevé que celui constaté après chirurgie utilisant les tissus naturels. En conclusion, il faut retenir, qu’à ce jour, des techniques d’utilisation des prothèses synthétiques par voie vaginale sont en cours de validation et que la preuve du bénéfice patent pour nos patientes n’est pas établie. Le recours à la prothèse ne sera justifié que si nous pouvons améliorer ainsi nos taux de succès, en réduisant à la fois les récidives et les complications : les taux anterior TVM posterior TVM Figure 6. Réparation prothétique par voie vaginale (groupe TVM) : prothèses en place. Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 4, vol. IV - octobre/novembre/décembre 2004 Figure 7. Prothèse antérieure. 29 d o s s i e r 25. Eglin G, Ska JM, Serres X. Transobturator subvesical mesh. Tolerance and short-term results of a 103 case continuous series. Gynecol Obstet Fertil 2003;31:14-19 26. von Theobald P, Labbe E. Threeway prosthetic repair of the pelvic floor. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2003;32:562-70. 27. Savary D. Traitement du prolapsus des organes pelviens par voie vaginale avec interposition de prothèse composite. Résultats préliminaires à propose de 106 femmes traitées par prothèse Vypro®. Thèse de médecine, 30 septembre 2003, université de Clermont-Ferrand I. d’érosions et le degré de rétraction doivent en particulier être mieux maîtrisés surtout lorsque l’on espère pouvoir diffuser ces techniques auprès de jeunes patientes, sexuellement actives, chez qui se pose, en sus, le problème de la tolérance au très long cours. Dans l’attente de données objectives et scientifiquement validées, les recommandations actuelles plaident pour une utilisation préférentielle des tissus natifs en cas de chirurgie primaire ; le recours à un treillis prothétique ne se discute que dans les cas de récidive chez une patiente clairement et loyalement informée. Dans le cadre d’une chirurgie dont le label reste avant tout le respect de la qualité de vie, nos choix doivent se soumettre à un arbitrage rigoureux et responsable, loin de la pression des industries pharmaceutiques : nous devons privilégier les études prospectives soumises à l’aval d’un comité d’éthique et plaider pour que toute complication imputable à l’utilisation d’un matériel prothétique soit l’objet d’une déclaration de matério-vigilance qui demeure une obligation légale. Il est cependant légitime de penser que la solution prothétique puisse être une alternative logique face à une pathologie qui implique de fait l’insuffisance des tissus autologues. Néanmoins, et au risque de se répéter, des essais randomisés, soumis à un lourd cahier des charges sont indispensables avant de pouvoir diffuser et généraliser ce type d’intervention, voire même, si les résultats plaident dans ce sens, la recommander en première intention. ■ * Hôpital Jeanne-de-Flandres, CHRU de Lille. E-mail : [email protected] 30 Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 4, vol. IV - octobre/novembre/décembre 2004