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Polyarthrite rhumatoïde
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S
P O I N T S
F
O
R
T
S
F O R T S
■ La meilleure connaissance des mécanismes impliqués
dans la physiopathogénie de la PR permet de concevoir de
nouvelles cibles thérapeutiques (traitements biologiques).
■ L’excès de mortalité d’origine cardiovasculaire est
confirmé dans la PR.
■ Sur le plan génétique, HLA DRB1 confirme son intérêt
pronostique. D’autres facteurs (HLA DM, allèles du TNF)
apparaissent.
■ Confirmation clinique et radiologique de l’intérêt de traitements dits de fond précoces et du concept d’association
thérapeutique.
DE LA PATHOGÉNIE AUX TRAITEMENTS BIOLOGIQUES
La meilleure connaissance des mécanismes impliqués dans la
physiopathogénie de la polyarthrite rhumatoïde (PR) permet, audelà d'une simple amélioration des connaissances fondamentales
sur la maladie, de concevoir de nouvelles cibles thérapeutiques.
C’est ainsi, il y a une petite dizaine d’années maintenant, que
les premières études ont été réalisées avec des agents biologiques dirigés principalement contre
certaines sous-populations lymphocytaires (tels les anticorps anti-CD4). Ces
traitements dits biologiques découlent
de nos connaissances de la pathogénie
de la PR et les principales modalités
Campath 1H
aujourd’hui proposées sont résumées
Anti-CD4
Anti-CD5
sur la figure 1.
IL1 et thérapies anti-IL1
L’interleukine 1 (IL1) a été l’une des premières cytokines impliquées dans la pathogénie de nombreuses maladies inflammatoires, et notamment la PR. Son rôle délétère est maintenant bien
connu, rappelé au cours du congrès par la présentation d’un
modèle animal d’arthropathies érosives chez des animaux transgéniques pour l’interleukine 1ß.
Lors du congrès de l’ACR 96 à Orlando, la possibilité de thérapie génique par IL1 récepteur antagoniste (IL1RA) chez l’animal
avait été évoquée. Cette année, les mêmes auteurs ont rapporté
la faisabilité et la sécurité de la thérapie génique IL1RA chez
l’homme (Ghivizzani, États-Unis). Il a été procédé à une première tentative de thérapie génique chez l’homme destinée, en
fait, à vérifier tout d’abord la faisabilité de la méthode et la sécurité, au moins à court terme. Huit femmes ont été pour le moment
incluses dans ce programme et les résultats complets pour trois
d’entre elles ont été présentés. Il s’agit de femmes ménopausées
ayant une PR sévère et justifiant d’une chirurgie prothétique pour
au moins deux articulations métacarpo-phalangiennes. Le protocole est le suivant : au cours d’une chirurgie antérieure, la synoviale a été prélevée pour réalisation de cultures de cellules synoviales de type fibroblastique. Une transfection de ces cellules est
effectuée in vitro, grâce à un vecteur rétroviral exprimant le gène
de l’IL1RA. Une semaine avant la chirurgie des doigts, sont injectées 106 cellules transfectées dans une première MCP et, dans une
autre, 106 cellules non transfectées, correspondant ainsi à une articulation “témoin”. La chirurgie prothétique est réalisée 8 jours
après l’injection ; l’expression synoviale du gène est évaluée par
RT PCR et hybridation in situ, la présence de la protéine par
Ac anti-molécules
LcB
d'adhésion (anti-ICAM1...)
LcT
Anti-CD7
Anti-IL2R
DAB389 IL2R
Cellules synoviales
Ac anti-TCR
Peptides TCR
LcT
TCR
HLA
Figure 1.
Polyarthrite rhumatoïde :
de la pathogénie aux traitements
“biologiques” – Généralités.
La Lettre du Rhumatologue - n° 238 - janvier 1998
Prolifération synoviale
FR
ICC
Tolérance orale (collagène II)
Ac anti-HLA II
Peptides HLA
CPA
Apoptose
IFNγ
IL4
IL10
LcB
Veinule
post-capillai
CK
Dégradation articulaire
(Protéases)
IL1RA
sIL1R
sTNFR
Ac anti-TNFα
Tace inhibiteurs
Ac anti-IL6
Manifestations systémique
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immunohistochimie, et son activité est testée par son pouvoir biologique. Chez les trois premières malades, l’expression synoviale
du gène est confirmée avec présence d’une protéine active, attestant ainsi de la faisabilité chez l’homme de la technique. La sécurité à court terme est bonne puisque aucun effet indésirable particulier n’a été souligné. Alors, à quand les premiers résultats
réellement thérapeutiques ?
L’autre thérapie anti-IL1 repose sur l’injection d’IL1RA
recombinante humaine. Les résultats préliminaires à six mois
ont été présentés au cours du congrès 1996 à partir d’une étude
randomisée chez 472 sujets. Nuki (Royaume-Uni) a présenté les
résultats d’une extension de 6 mois chez 309 malades. Il s’agit
d’une étude réalisée en double aveugle : soit les malades poursuivent la même dose de traitement actif qu’au cours du premier
semestre, soit, s’ils ont été traités antérieurement par placebo, ils
sont randomisés pour les 6 mois à venir en trois bras, à 30, 75 ou
150 mg en sous-cutané par jour.
L’efficacité clinique se maintient entre le 6e et le 12e mois. Pour
les malades sous placebo au cours du premier semestre, après
6 mois de traitement actif, les résultats sont significatifs pour tous
les paramètres étudiés (cliniques et biologiques) et en termes de
répondeurs selon les critères ACR 20 % (tableau I). En ce qui
concerne l’évolution radiologique, celle-ci fait apparaître une
moindre progression du score de Larsen et du score d’érosion
chez les malades traités par IL1RA.
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571”). Le traitement est administré chez 29 malades, à raison de
deux injections espacées de 6 semaines (malades randomisés en
trois groupes à la posologie de 2,5 mg/kg, 10 mg/kg ou 20 mg/kg).
Il s’agit d’une étude ouverte, dite de “dose ranging”. La maladie
devait évoluer depuis au moins un an et avoir fait l’objet d’au
moins un traitement de fond avec une corticothérapie égale ou
inférieure à 10 mg/j. Les malades sont âgés en moyenne d’une
cinquantaine d’années, la maladie évoluant depuis 17 ans en
moyenne dans les groupes 2,5 et 10 mg/kg, et 8 ans dans le groupe
20 mg/kg. Le nombre moyen de traitements de fond préalablement utilisés est de 4 pour les groupes 2,5 et 20 mg/kg et 6 pour
le groupe à 10 mg/kg.
Les résultats (en termes de répondeurs selon les critères ACR
20 %) sont illustrés par la figure 2.
% de patients
répondant aux critères AC
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90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
2,5 mg/kg
10 mg/kg
20 mg/kg
J14
J28
J42
J14
Injection 1
J28
J42
Injection 2
Figure 2. Anticorps anti-TNFα. Résultats cliniques.
Tableau I. Traitement par rhu IL1RA.
ACR 20
n
Placebo
(0-6 mois)
IL1RA
(6-12)
Placebo ➙ 30 mg
27
37 %
52 %
Placebo ➙ 75 mg
23
26 %
43 %
Placebo ➙ 150 mg
21
43 %
71 %
Total
71
35 %
55 %*
* p < 0,01.
La tolérance est dans l’ensemble bonne, sans aucun effet indésirable grave. La fréquence d’effets indésirables mineurs est de
l’ordre de 20 %, et ce quel que soit le groupe.
Cette extension de 6 mois confirme donc l’efficacité sur les paramètres cliniques et biologiques de l’IL1RA administrée par voie
sous-cutanée journalière. Il existerait par ailleurs un effet positif
concernant une moindre progression des signes radiologiques,
mais aucun élément statistique n’a été donné.
TNFα et thérapies anti-TNFα
Le TNFα est une autre cytokine particulièrement impliquée dans
les phénomènes de destruction ostéo-articulaire au cours de la
PR, cytokine considérée comme pivot, et dont le rôle pathogène
a été appuyé par l’étude d’animaux transgéniques pour le TNFα.
Une présentation générale a été faite par Mohler.
Thérapies anti-TNFα par anticorps anti-TNFα
Evans et coll. (États-Unis) nous ont présenté leurs résultats de
l’utilisation d’un anticorps humanisé anti-TNFα (IgG i.v. “CDP6
Des effets indésirables mineurs sont fréquemment mentionnés, à
type notamment de malaise, de prurit, de pharyngite, de rash. Six
processus infectieux ont été notés (pneumonie, cellulite, dysenterie à Shigelles...) et ce dans les trois groupes. Trois effets indésirables sévères ont été observés, dont une colite ischémique dans
le groupe 10 mg, un pneumothorax spontané dans le groupe 20 mg
et une dysenterie à Shigelles. Ces derniers événements n’ont pas
été imputés à la thérapeutique anti-TNF. Les réactions lors de
l’injection ont été plus nombreuses lors de la deuxième administration, surtout dans les groupes 10 et 20 mg/kg.
L’utilisation d’anticorps anti-TNFα par le groupe de Maini avait
déjà fait l’objet d’une importante publication dans le Lancet en
1994 (étude randomisée contre placebo d’un anticorps dénommé
cA2). Le traitement paraissait bien toléré, avec une réponse clinique à 6 mois chez 79 % des patients traités par cA2 (10 mg/kg)
contre seulement 8 % dans le groupe placebo.
Maini et coll. ont présenté leurs résultats quant à l’utilisation de
l’anticorps cA2 en monothérapie ou en combinaison avec le
méthotrexate, en s’interrogeant par ailleurs sur la tolérance et la
sécurité à long terme, et notamment sur la fréquence et les conséquences de la production d’éventuels anticorps anti-cA2.
Il s’agit de 101 malades considérés comme répondeurs partiels
au méthotrexate à la dose fixée de 7,5 mg/semaine. Ils ont été
randomisés dans 7 groupes d’une quinzaine de malades :
3 groupes avec une monothérapie cA2 à la dose de 1, 3 ou
10 mg/kg, 3 groupes combinant le cA2 aux trois posologies précitées mais en association au méthotrexate (7,5 mg/kg) et un
7e groupe correspondant à la combinaison placebo + méthotrexate.
Les injections sont réalisées à T0, à 2, 6, 10 et 14 semaines. L’évaluation finale est faite à la 28e semaine.
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L’efficacité clinique est illustrée par la figure 3. La combinaison
cA2/méthotrexate est efficace chez près de 70 à 80 % des patients.
Cette combinaison conduit au maintien d’une bonne réponse chez
près de 50 % des malades à la 28e semaine. La tolérance est bonne
avec une réaction lors de l’injection dans 6 % des cas (prurit, urticaire...). Aucun effet indésirable sévère n’a été observé. Le
nombre d’infections nécessitant une antibiothérapie a été de 28/87
(32,2 %) chez les malades traités par cA2 contre 3/14 (21,4 %)
dans le groupe placebo + méthotrexate (p = 0,54). Au décours
immédiat des injections, aucun effet indésirable sévère n’a été
rapporté, mais une endophtalmie bactérienne qui a justifié l’énucléation (complication septique dans les suites d’une chirurgie
pour cataracte) est survenue chez un malade 9 semaines après les
5 injections. Un autre malade, 15 semaines après 3 injections, a
dû arrêter le traitement et va décéder d’une septicémie. Les auteurs
soulignent cependant que l’utilisation de l’anticorps cA2 n’augmenterait pas la mortalité par sepsis.
% malades répondeurs
Critères de Paulus
50 %
20 %
100
3 mg/kg cA2
100
10 mg/kg cA2
80
80
60
60
40
40
20
20
0
0
80
80
60
60
40
40
20
20
0
0
Semaines 0
4
8 12 16
Placebo/MTX+
26 0
cA2/MTX-
4
8 12 16
26
cA2/MTX+
Figure 3. Anticorps anti-TNFα – Efficacité.
Concernant le risque de développement d’hémopathies malignes,
l’utilisation de cet anticorps chez près de 400 patients traités pour
PR ou maladie de Crohn ne s’est compliquée de lymphome que
dans 4 cas avec 5 années de suivi (dont 3 PR ayant toutes reçu
par ailleurs préalablement du méthotrexate et 2 de l’azathioprine).
Concernant l’apparition d’anticorps antinucléaires, notamment
anti-DNA natif, leur fréquence d’apparition serait de l’ordre de
8 % (apparition en moyenne 4 à 8 semaines après l’injection mais
disparaissant après l’arrêt des injections). Un seul cas sur 221 PR
conduit à discuter la possibilité d’un lupus induit mais les symptômes de pleuro-péricardite, fièvre, dyspnée... ont disparu en 8 à
10 semaines.
Thérapies anti-TNFα par récepteurs solubles
Concernant l’utilisation des récepteurs solubles du TNF, notamment le TNF récepteur p75, Weinblatt (États-Unis) a rapporté les
résultats d’une étude randomisée contre placebo de 6 mois chez
234 malades. Il s’agit d’une importante étude multicentrique avec
trois bras : un bras placebo et deux bras TNF récepteur FC, l’un
à la dose de 10 mg, l’autre à la dose de 25 mg en sous-cutané à
raison de deux fois/semaine. Il s’agit de malades ayant préala8
blement fait l’objet de 1 à 4 traitements de fond avec polyarthrite
active et une corticothérapie inférieure ou égale à 10 mg/j. Les
résultats cliniques sont illustrés par le tableau II.
Tableau II. Récepteurs solubles du TNF : efficacité clinique.
ACR 20
ACR 50
Placebo
10 mg
25 mg
M3
23
45*
62*+
M6
11
51*
59*
M3
8
13
41*+
M6
5
24*
40*+
* p < 0,003 (vs placebo) ; + p < 0,05 (10 vs 25).
L’efficacité clinique se vérifie pour chacun des paramètres étudiés, cliniques ou biologiques. Un peu plus de 40 % des malades
vont faire l’objet d’une réaction locale (à l’injection) et une infection des voies aériennes supérieures est constatée chez 40 % des
malades traités par TNF récepteur contre 25 % dans le groupe
placebo (différence significative). La fréquence des autres effets
indésirables n’est pas significative (céphalées, rhinite...). Aucun
effet indésirable grave imputable au traitement n’est apparu. La
recherche d’anticorps anti-TNF récepteur n’est positive par
ELISA que chez un seul malade du groupe 10 mg.
Le traitement par TNF récepteur p75 démontre donc une efficacité rapide et se maintenant tout au long de l’étude avec une supériorité pour la dose de 25 mg. La tolérance à 6 mois est bonne,
conduisant à poursuive son évaluation à plus long terme.
L’utilisation de récepteurs du TNF p55 est une autre option, déjà
publiée par l’équipe allemande de Sander. Ce même auteur présentait cette année les résultats à long terme, soit 36 mois, de l’utilisation de récepteurs solubles du TNF p55 chez 80 malades. Il
rapporte le maintien d’une efficacité clinique à 36 mois, avec
notamment poursuite de la régression du nombre d’articulations
tuméfiées. La tolérance toutefois est plus discutable, avec de fréquents effets indésirables mineurs mais des effets indésirables
plus graves, avec notamment trois vascularites, un syndrome de
relargages cytokiniques, une néphrite de type lupique...
TCR et vaccination par peptides du TCR
La recherche d’une oligoclonalité concernant le récepteur du lymphocyte T (TCR) au cours de la PR a fait l’objet de nombreux
travaux au cours de ces dernières années. Moreland et coll. (ÉtatsUnis) ont retenu le rôle prépondérant des clones Vß3, Vß14 et
Vß17 et ont ainsi conçu la possibilité d’immuno-intervention par
vaccination peptidique grâce à une combinaison de ces trois peptides administrés en double aveugle, contre placebo, dans le cadre
d’une étude randomisée d’une durée de 32 semaines. Un millilitre de ces trois peptides associé à l’adjuvant incomplet de Freund
était administré à T0, 4, 8 et 20 semaines avec une évaluation
finale à 24 et 32 semaines. Trente et un malades ont été inclus
dans le groupe 90 µg/ml, 35 dans le groupe à 300 µg/ml et 33
dans le groupe placebo (adjuvant incomplet de Freund). La maladie évoluait depuis environ une dizaine d’années, avec un nombre
moyen d’articulations douloureuses, au début, de l’ordre de 30,
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Nombre de répondeurs (ACR20) en
et de 20 pour le nombre d’articulations tuméfiées (âge moyen =
50 ans). L’efficacité en termes de malades répondeurs selon les
critères ACR 20 % en intention de traitement est illustrée par la
figure 4. Seul un malade du groupe 90 µg et trois malades du
groupe 300 µg ont interrompu le traitement pour inefficacité. La
tolérance est bonne puisqu’il n’y a eu aucun arrêt pour effets indésirables. Les principaux effets indésirables sont d’ordre digestif
ou respiratoire, sans différence significative entre les trois
groupes. Aucune manifestation témoignant d’une immunosuppression n’a été observée. Sur le plan biologique, on observe une
diminution importante des taux sériques de TNFα chez les
malades répondeurs versus les malades cliniquement non répondeurs (p < 0,05). On n’observe pas de réaction anticorps contre
les peptides du TCR.
%
40
32 %
30
29 %
p = 0,05
p = 0,09
20 %
20
12 %
14 %
12 %
10
0
Semaine 20
Semaine 24
Contrôle AIF (n = 33)
90 µg (n = 31)300 µg (n = 3
Figure 4. Vaccination par peptides du TCR – Efficacité.
Vaccination par peptides HLA
De l’autre côté de l’antigène se situe la molécule HLA, et notamment de type DR. Le travail de Sinclair et coll. (États-Unis) mentionnait l’utilisation possible d’une vaccination par l’administration de peptides DR4-DR1. Cette étude a concerné 52 malades
hétérozygotes selon l’hypothèse de l’épitope partagé et recevant
des doses stables de méthotrexate. Trois posologies de vaccin
anti-DR ont été administrées avec 3 à 4 injections de rappel à
6-8 semaines d’intervalle. Il s’agit surtout d’une étude de tolérance avec absence d’effet indésirable sévère observé, absence
de processus infectieux. Ce type de vaccination ne semble pas,
par ailleurs, perturber la réponse immunologique des individus,
notamment vis-à-vis de la toxine tétanique. Par contre, en termes
d’efficacité, celle-ci nécessitera confirmation puisque à 8 semaines
les auteurs n’observent pas d’amélioration significative de paramètres
comme le score douloureux articulaire ou le score d’articulations
tuméfiées.
IL10 et traitements par IL10
Parmi les mécanismes physiopathogéniques de la PR est évoqué
celui d’un déséquilibre TH1/TH2, les lymphocytes TH1 produisant notamment l’IL2 et l’interféron γ à l’origine d’une inhibition des lymphocytes TH2 qui, eux, synthétisent notamment l’IL4,
l’IL5, l’IL10. L’IL10 est considérée comme une cytokine antiinflammatoire et la figure 5 illustre les principaux modes d’action bénéfique de cette cytokine dans une affection comme la PR.
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Pourquoi traiter la PR par IL10 ?
APC
CK
Déséquilibre de
LcT
TIMP
MMP
L cT
Anergie LcT
IL10
IL1 IL6
IL8 IL12
TNFα
LcB
FR
PGE2, NO
Figure 5. Place de l’IL10.
De nombreuses études expérimentales, notamment chez l’animal,
ont été présentées au cours de ce congrès, toutes concordantes en
faveur de l’efficacité de l’interleukine 10 dans la prévention et le
traitement de différents modèles d’arthrites érosives comme l’arthrite au collagène.
Il s’agit essentiellement de modèles d’administration d’IL10 par
thérapie génique comme l’étude présentée par Jorgensen et coll.
(Montpellier) ou celle de Miyata et coll. (Japon). L’effet antiinflammatoire est démontré par ailleurs in vitro sur des cellules
humaines de synovite rhumatoïde (Apparailly et coll., Montpellier) ou in vivo dans le modèle de greffe de synovite rhumatoïde
humaine chez la souris immunodéficiente de type SCID (Jorgensen et coll.). La production d’IL10 par thérapie génique chez
l’animal (modèle de l’arthrite au collagène) permet de totalement
prévenir l’apparition des lésions destructrices.
Maini et coll. (Royaume-Uni) nous ont présenté les premiers
résultats de l’utilisation chez l’homme de l’IL10 recombinante
humaine dans la PR. Il s’agit d’une étude multicentrique, contrôlée, en double insu, contre placebo avec 5 posologies croissantes
de rhu IL10 (0,5, 1, 5, 10 ou 20 µg/kg/j en sous-cutané). Après
4 semaines de traitement, les malades sont suivis pendant 2 mois,
soit au total 53 malades traités par IL10 et 19 par placebo. L’âge
moyen des sujets est de 55 ans avec utilisation préalable en
moyenne de 2,5 traitements de fond. Le score articulaire douloureux est en moyenne de 34 au début de l’étude.
Aggravation
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Amélioration
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Nombre
Opinion
Douleur
Nombre
articulations
globale
articulations
douloureuses du médecin
tuméfiées
15
10
5
0
- 5
- 10
- 15
- 20
- 25
- 30
- 35
- 40
Opinion
globale
du malade
0,5 µg/kg1 µg/kg 5 µg/kg 10 µg/kg20 µg/kg Placebo
Figure 6. Traitement de la PR par IL10 – Efficacité.
La figure 6 fait état de la supériorité d’action du traitement par
IL10 par rapport au placebo, en particulier dans le groupe traité
à la dose de 5 µg/kg. La tolérance est bonne à l’exception de réac9
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tions locales, d’effets indésirables mineurs de type nausées,
céphalées... À noter cependant la diminution du taux de plaquettes, notamment dans les groupes traités à la dose de 5, 10 et
20 µg/kg (chute en moyenne de 330 000 à 180 000 à la fin de la
première semaine pour les groupes traités à 10 ou 20 µg/kg). La
normalisation s’observe une semaine après la dernière injection.
Aucun effet indésirable grave n’est mentionné. Les malades ne
développent pas d’anticorps anti-IL10.
Apoptose et PR
Certaines anomalies de l’apoptose ou mort programmée peuvent
rendre compte de l’existence de clones cellulaires, notamment
lymphocytaires autoréactifs, et pourraient participer en particulier à l’hyperplasie synoviale constatée dans la synovite rhumatoïde.
En 1996, l’équipe de Firenstein avait mentionné l’existence d’anomalies du gène de la protéine P53 impliquée dans les phénomènes
d’apoptose. Firenstein et coll. (États-Unis) démontrent cette année
l’existence de plusieurs mutations somatiques acquises du gène
de la P53 dans la synoviale rhumatoïde. Ils soulignent en effet
le caractère acquis de ces anomalies, conclusion étayée par un
autre travail ne retrouvant pas d’anomalie de la P53 au cours de
PR toutes débutantes (Mac Gonagle, Royaume-Uni). Les auteurs
suggèrent donc que ces mutations seraient secondaires à l’action
d’agents génotoxiques, comme l’acide nitrique ou certaines cytokines. Les conséquences de ces anomalies sur les cellules synoviales sont l’augmentation de la prolifération cellulaire avec capacité d’invasion et de croissance sans ancrage, une diminution de
l’apoptose des cellules synoviales, mais pas d’effet sur l’expression de métalloprotéases comme la collagénase (MMP1) (Aupperle, États-Unis).
Si le rôle de cytokines comme l’IL1 et le TNFα est évoqué depuis
plusieurs années maintenant dans la pathogénie de la PR, plusieurs travaux ont fait état de liens possibles entre ces cytokines
et des anomalies de l’apoptose. En ce qui concerne l’interleukine 1, le trait d’union avec l’apoptose est réalisé par une enzyme,
la pré-ICE ou “IL1 converting enzyme” ou Caspase I. Cette
enzyme est présente dans la cellule sous forme d’une molécule
précurseur contenant trois composants, P14, P20 et P10. La liaison Fas-Fas ligand va conduire au clivage de cette pré-ICE en
ICE activée sous forme d’un hétérodimère deux fois P10-P20, et
donc à la libération du composant P14. L’ICE activée va permettre l’activation de la pré-IL1ß en IL1ß à l’origine des effets
connus de cette cytokine inflammatoire. Jusqu’à maintenant,
nombre d’inconnues persistaient quant au rôle du composant P14,
et l’objectif de ces auteurs a été de démontrer l’implication du
P14 dans l’induction du phénomène d’apoptose.
Au cours de ce congrès, c’est essentiellement le rôle du système
Fas-Fas ligand dans l’induction de l’apoptose des cellules synoviales qui a été retenu. La figure 7 illustre les principales connaissances de cette voie d’activation de l’apoptose. Kobayachi (Japon)
évoque le rôle possible du TNFα comme cofacteur de l’activation Fas-Fas ligand via le système tradd fadd. La sentrine est une
molécule anti-apoptotique capable de bloquer le système Fas-Fas
ligand, et qui serait particulièrement exprimée dans la synoviale
de malades ayant une PR. Cette expression élevée de sentrine renforce la notion d’une réduction d’apoptose des cellules synoviales
10
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selon la voie Fas-Fas ligand, et paraît donc compatible avec le
défaut d’apoptose des cellules synoviales et leur rôle pathogène
dans l’invasion et la destruction articulaire (Franz, Suisse).
Fas L
Sentrine
Fas
TNF
Membrane
cellulaire
DAXX
Cytoplasme
?
FADD
FAP-1
TRADD
Caspase-8
JNK
Bcl-X Bcl-2 Bax
AP-1
Caspase-3
PARP
Nucleus
Figure 7. Apoptose et PR – Système Fas-Fas ligand et apoptose des cellules synoviales dans la polyarthrite rhumatoïde.
Plusieurs travaux ont été présentés concernant la possibilité d’action thérapeutique par induction d’apoptose, par exemple via le
système Fas-Fas ligand, et ce dans différents modèles expérimentaux, notamment le travail japonais présenté par Fujisawa.
Ces auteurs ont injecté en intra-articulaire des anticorps anti-Fas
(5 µg/articulation) dans le modèle d’arthrite érosive des souris
transgéniques HTLV1-Tax. Ils démontrent une rapide et significative diminution des paramètres cliniques de l’inflammation
comme l’étude du diamètre de la patte et, sur le plan histologique,
l’effet bénéfique anatomique de l’injection intra-articulaire d’anticorps anti-Fas (étude après sacrifice de l’animal après 3 jours
de traitement par anti-Fas).
L’effet bénéfique des anticorps anti-Fas a été démontré par ailleurs
dans le modèle d’arthrite au collagène et sur le pannus rhumatoïde humain greffé sur la souris SCID (Matsuno et coll., Japon).
À côté de l’administration d’anticorps anti-Fas ont été présentés
quelques travaux sur l’induction de l’apoptose au sein de la synoviale rhumatoïde par thérapie génique Fas ligand (Okamoto,
Japon). À quand la réalisation de synoviorthèses biologiques de
type Fas ligand ?
Génétique et PR
La course au gène se poursuit
Au cours du congrès ACR 1996, trois importantes études, dont
une européenne, avaient fait état du développement de stratégies
de recherche de facteurs génétiques impliqués dans la PR par analyse systématique du génome humain, par étude du polymorphisme des microsatellites dans des familles ayant au moins
deux germains atteints. Cette année, l’étude japonaise présentée
par Shiozawa et l’étude européenne présentée par Cornélis ont
démontré, à côté des gènes HLA, la présence d’autres régions,
indépendantes donc du HLA avec une significativité comprise
entre 0,001 et 0,05. Il semble qu’un locus commun soit identifié
à partir de ces deux études, correspondant au locus IDDM9 situé
sur le chromosome 3. Cornélis propose d’appeler ce second gène
“RA2”, bien qu’il puisse s’agir d’un gène “d’auto-immunité” (les
gènes candidats pouvant être le CD80 ou le CD86). L’étude
anglaise de John et coll. tend à indiquer que cette susceptibilité
.../...
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génétique à la PR serait probablement hétérogène. Ils ont effectué une analyse du génome dans 200 familles anglaises avec étude
des microsatellites de l’interféron α, ß ou γ, de l’interleukine 1α
et ß, de l’interleukine I récepteur, de l’IL2, IL6, IL5 récepteur et
IL8 récepteur. En étudiant la population globale, ils ne retrouvent
pas d’excès d’allèles pour IL2, IL2R et interféron γ ; en revanche,
les résultats deviennent significatifs à l’échelle de sous-groupes.
Il en est ainsi pour l’IL5R chez les femmes, l’interféron γ dans
les fratries où au moins un homme est atteint et pour l’interleukine 2 lorsqu’il s’agit de polyarthrites séronégatives.
R.M. Flipo
FACTEURS PRONOSTIQUES
La recherche de facteurs pronostiques susceptibles de distinguer,
au moment du diagnostic, les formes potentiellement sévères et
évolutives de la maladie des formes plus bénignes reste une préoccupation légitime du clinicien, notamment dans l'optique d'une
thérapeutique précoce plus agressive.
Mortalité
La polyarthrite rhumatoïde n’est pas une maladie bénigne ; elle
est caractérisée par un excès de mortalité par rapport à la population générale. Turesson et coll. (Suède) ont évalué la prévalence
et la mortalité des manifestations extra-articulaires de la maladie
rhumatoïde. Ils ont évalué, de façon rétrospective, une cohorte de
489 patients atteints de PR hospitalisés dans leur unité entre 1990
et 1994. Trente-sept patients étaient hospitalisés pour des manifestations extra-articulaires correspondant à une incidence cumulative de 7,6 %. Ces manifestations étaient principalement à type
de sérite et de vascularite cutanée, survenant à tous les stades de
la maladie. La cause principale de décès est représentée par les
maladies cardiaques. Dans le groupe avec manifestations extraarticulaires, 13 décès sont survenus pour 56 patients/année, contre
106 décès pour 1 211 patients/année dans le groupe PR, sans
atteinte extra-articulaire, réalisant un ratio de taux de mortalité
de 2,49. Ainsi, les sérites et vascularites s’accompagnent clairement d’un risque de surmortalité au cours de la PR, indépendamment de la durée de la maladie.
Maiden (Glasgow, Royaume-Uni) a confirmé, sur un groupe de
200 PR suivies sur 12 ans, l’importance du statut socio-économique, les sujets les plus défavorisés décédant plus souvent prématurément.
L’excès de mortalité n’a pas changé durant les trente dernières
années. C’est la conclusion du travail de Gabriel (Mayo Clinic,
États-Unis), utilisant les bases de données de Rochester dans une
unité de lieu (Olmsted County) à partir de trois cohortes regroupées en 1965, 1975 et 1985. Celles-ci ont été suivies longitudinalement jusqu’au décès ou au changement de lieu du patient.
Ces trois cohortes ont regroupé 164, 238 et 272 PR, avec respectivement 54, 96 et 111 décès.
Alors que l’espérance de vie des patients non atteints de PR, de
même âge et de même sexe, s’améliore de 1965 à 1985, une tendance à l’augmentation de la mortalité se dessine pour les groupes
PR dans le temps. Ainsi, l’excès de mortalité associé à la PR n’a
pas changé sur les 30 dernières années, ces patients n’ayant pas
12
bénéficié de l’amélioration de la durée de vie de la population
générale. Les causes principales de décès sont avant tout d’origine cardiaque, puis pulmonaire, puis néoplasique, puis neurologique centrale et enfin les différentes infections.
Morbidité cardiovasculaire
L’importance des maladies cardiovasculaires dans la probabilité
de morbidité de la PR est donc confirmée. Wallberg-Jonsson et
coll. (Suède) ont évalué, de façon rétrospective, les facteurs pronostiques de cette morbidité cardiovasculaire sur une cohorte de
111 PR suivies 18 ans. Soixante-six patients ont développé un ou
plusieurs événements intercurrents cardiovasculaires. En régression simple, le sexe masculin, l’âge élevé au début de la maladie,
l’activité de la PR (inflammation biologique, progression radiologique érosive rapide), la présence d’une hypertension artérielle,
la présence de l’haplotype HLA B27 (mais pas de DR4) majorent le risque. À l’inverse, le niveau d’éducation élevé et l’utilisation des traitements de fond diminuent ce risque. En analyse,
en régression multiple, l’âge de début élevé a la meilleure valeur
prédictive.
Survenue d’un lymphome
La polyarthrite rhumatoïde majore le risque de survenue d’un
lymphome de deux à trois. Baecklund (Stockholm, Suède) a développé une étude cas/témoins à partir d’une cohorte de 11 683 PR
suivies dans une région de Suède. Dans cette cohorte, 42 cas de
lymphome ont été recensés entre 1965 et 1984. Chaque cas de
lymphome a été apparié avec 3 PR en vie et sans lymphome. Le
risque est évalué par l’odds-ratio (OR). Il apparaît ainsi que l’activité inflammatoire de la maladie représente le facteur de risque
prédominant de lymphome avec un OR à 25,8 ; puis viennent le
statut fonctionnel selon Steinbrocker (OR = 12,7), l’amylose
(OR = 9) ou les nodules (OR = 7,6). Cette étude n’a pas permis
de mettre en évidence d’association avec un traitement particulier. Cependant, dans cette série, peu de patients avaient été traités par immunosuppresseurs et la durée de ces traitements avait
été le plus souvent inférieure à un an. Ce travail confirme donc
l’intérêt du contrôle correct de la maladie inflammatoire.
Tabac
Le tabagisme est un facteur de risque déjà évoqué depuis plusieurs années. Différents travaux épidémiologiques semblent
confirmer son implication. Sur un groupe de 784 PR, Wolfe (ÉtatsUnis) a trouvé une corrélation entre le nombre d’années de tabagisme et le taux de facteurs rhumatoïdes, et ceci indépendamment du sexe.
Masi (États-Unis) a déterminé, dans les facteurs de risque, la présence de facteurs rhumatoïdes et le tabagisme à plus de 30 cigarettes/jour, à l’entrée d’une étude cas/contrôles prospective en
1974. Il a démontré par régression logistique que le tabagisme
était un puissant facteur prédictif (odds-ratio = 2,8, intervalle de
confiance = 0,4-16,2), indépendant du facteur rhumatoïde dans
la survenue d’une polyarthrite rhumatoïde.
Enfin, Wolfe (États-Unis) a montré que l’âge de début de la polyarthrite était plus précoce chez les fumeurs par rapport aux nonfumeurs, de façon significative, aussi bien chez les femmes séropositives que séronégatives et chez les hommes.
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Progression radiologique
Cet élément simple représente un bon marqueur de l’agressivité
d’une polyarthrite rhumatoïde et est un des éléments d’évaluation des thérapeutiques actuelles.
L’évolution radiologique a été évaluée par Sander (Allemagne)
sur un groupe de 174 PR récentes (durée moyenne : 11 mois) érosives, traitées par sels d’or ou méthotrexate injectable, évaluées
radiologiquement à 6, 12, 24 et 36 mois. Il démontre une corrélation entre une progression radiologique plus importante et des
valeurs initiales élevées des paramètres inflammatoires (VS,
thrombocytose, CRP), le compte articulaire, l’index de Lansbury.
Rau et coll. (Allemagne) attirent cependant l’attention sur le fait
que la progression radiologique initiale durant les deux premières
années n’est pas forcément prédictive de l’état radiologique à
long terme dans plus d’un quart des cas. Cette conclusion est
basée sur le suivi à 6 ans de 109 patients inclus dans cette étude
avec moins d’un an d’évolution.
Facteurs génétiques
Ils restent largement au devant de la scène dans l’évaluation des
facteurs pronostiques. Le génotype HLA DRB1 confirme sa position, mais d’autres marqueurs génétiques semblent également
corrélés au pronostic de la maladie.
HLA DRB1 et épitope partagé : l’épitope partagé est une courte
séquence d’acides aminés commune aux différents sous-types
d’HLA DRB1 associés à la maladie, encore appelés allèles de
susceptibilité. Un patient donné peut donc avoir, provenant des
gènes parentaux, 0, 1 ou 2 allèles portant l’épitope partagé. Certains travaux préalables avaient noté une corrélation entre sévérité articulaire, voire extra-articulaire de la maladie et le nombre
d’allèles présents.
Kasser (Allemagne) a évalué sur 124 PR comparées à 277 témoins
la sévérité radiologique (score de Larsen) et fonctionnelle (HAQ)
de la PR en fonction du nombre d’allèles portant l’épitope partagé (tableau III).
Autres facteurs génétiques : complexe HLA DM, ces molécules
faisant partie du complexe majeur d’histocompatibilité sont impliquées dans les phénomènes de présentation de l’antigène classe
II-dépendant.
Perdriger (Rennes, France) a démontré une augmentation
d’HLA DMB 0101-0101 indépendante de DRB1 sur 153 PR, en
faisant un allèle de susceptibilité à la maladie.
Le groupe de Montpellier a, quant à lui, démontré une augmentation de fréquence du groupe DMA 0103 chez les PR DRB1 04
négatives. La présence de ce groupe HLA DMA 0103 est corrélée
avec la sévérité articulaire de la maladie évaluée sur des anomalies radiologiques et le nombre d’articulations atteintes pondérées
en fonction de la durée de la maladie. Sept patients sur 8 ont une
affection sévère dans le sous-groupe DMA 0103 positif contre 6/20
(p = 0,01). II pourrait donc s’agir d’un nouveau marqueur de sévérité articulaire de la maladie, indépendant de HLA DRB1.
L’étude du polymorphisme du microsatellite du TNF semble également offrir des perspectives pronostiques intéressantes.
Criswell et coll. (États-Unis) ont génotypé, pour HLA DRB1 et
microsatellite a du TNF, 180 PR pour lesquelles les données d’un
suivi longitudinal de 14 ans ont été disponibles. La sévérité de la
maladie était évaluée par l’appréciation du médecin, le nombre
d’actes de chirurgie articulaire et les hospitalisations pour PR.
Une régression logistique multivariée révèle une association significative entre sévérité et présence de l’allèle a11 du TNF. Cette
association existe indépendamment de l’épitope partagé, mais
pourrait avoir un effet additif avec ce dernier (tableau IV).
Tableau IV. Relation sévérité PR et allèle a11 du TNF.
Odds-ratio
EP = 0
EP = 1
EP = 2
11–
11+
11–
11+
11–
11+
Évolution
1,00
0,78
2,46
7,11
2,54
6,55
Chirurgie
1,00
0,58
0,98
3,79
2,36
7,12
Tableau III. HLA DRB1 et épitope partagé.
Nombre d’allèles
n
0
30
1
61
2
33
p
Larsen (0-5)
1,53
1,75
1,98
0,04
Hospitalisation 1,00
0,34
1,06
2,20
1,66
8,43
HAQ (0-3)
1,14
1,74
1,78
0,008
Érosions
0,23
1,33
5,03
1,91
2,38
Sur les deux items, la sévérité augmente en fonction du nombre
d’allèles et de façon significative. En revanche, dans ce groupe
de malades, les auteurs ne trouvent pas de surexpression d’épitope partagé en cas d’atteinte extra-articulaire.
De la même manière, le groupe de Montpellier (France), sur un
collectif de 350 PR de durée moyenne de 10 ans, groupées en
HLA DRB1, a montré que la présence de l’épitope partagé était
significativement liée à celle d’un syndrome sec et à une sévérité
articulaire plus importante, attestée par un score de Larsen plus
élevé et le recours plus fréquent à une chirurgie articulaire. La
présence de facteurs rhumatoïdes et de nodules était plus fréquente chez les patients DRB1 04.
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1,00
Marqueurs biologiques de la dégradation articulaire
L’utilisation de tels marqueurs, à condition qu’ils puissent être
évalués de façon simple dans le sérum, pourrait également permettre de distinguer des formes potentiellement érosives de la
maladie. La dégradation des protéoglycanes du cartilage articulaire est sous la dépendance des hydrolases, qui comprennent en
fait deux grandes familles, d’une part la famille des protéinases
avec parmi elles la plus connue, la métalloprotéinase de type III
ou stromélysine 1, et d’autre part les glycosidases. Ces marqueurs
ont été évalués par dosage sérique au cours de PR. Leurs taux
semblent corrélés à la sévérité de la maladie.
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Ribbens (Belgique) a évalué les taux sériques de métalloprotéinase 3 sur un groupe de 22 PR, traitées soit par méthotrexate +
AINS, soit par Ténidap pendant un an. Il a ainsi démontré que ce
paramètre biologique était corrélé aux éléments cliniques (compte
articulaire, douleur, raideur matinale), aux paramètres inflammatoires (CRP, IL6) et suivait la réponse globale au traitement
par méthotrexate à un an.
De même, Cholvy et coll. (Montpellier, France, et Liège, Belgique) ont comparé les taux sériques de métalloprotéinase 3 chez
28 cas de PR sévères (score de Larsen supérieur à 4), comparées
à 23 PR bénignes (score de Larsen inférieur à 2). La durée
moyenne d’évolution était identique dans les deux groupes
(9,2 ± 5 ans). Les taux de métalloprotéinase sont significativement élevés dans le groupe sévère (56 ng/ml contre 27,7 ng/ml
dans le groupe bénin, p < 0,05). Il semble donc que ce dosage
puisse refléter la destruction articulaire au cours de la PR et représenter ainsi un marqueur de sévérité.
Berenbaum (Paris, France) a quant à lui dosé dans le sérum les
taux d’une glycosidase, la N acétyl hexosaminidase de 57 PR
classiques comparées à 61 sujets sains volontaires. Les taux
sériques dans le groupe PR sont en moyenne deux fois plus élevés que dans le groupe témoin. Les taux élevés dans le groupe
PR correspondent à des formes destructrices. Il pourrait s’agir là
d’un nouveau marqueur pronostique de la destruction articulaire
de la maladie.
TRAITEMENTS CONVENTIONNELS
Des présentations très nombreuses sur ce thème, on retiendra
essentiellement l’apport d’arguments en faveur d’un traitement
précoce et d’utilité des traitements combinés.
Intérêt des traitements précoces
Différents arguments ont été apportés en faveur d’une efficacité
supérieure d’une instauration précoce des traitements de fond.
Roger et coll. (États-Unis) ont traité sur une période de 16 ans
191 PR actives par aurothioglucose et faibles doses de triamcinolone. Ils ont comparé après un recul moyen de 2,9 ans les résultats des PR dont le traitement a été mis en route précocement
(avant un an, n = 79) et ceux des PR dont le traitement a été commencé après plus d’un an d’évolution (n = 112). Ils observent un
taux de rémission significativement plus élevé dans le groupe
traité précocement : 33 % contre 19 % (p = 0,01). Cette différence persiste après ajustement par rapport aux paramètres cliniques de base. Parallèlement, l’amélioration est significativement plus nette sur l’ensemble des paramètres cliniques, score
articulaire, raideur matinale, force de préhension.
Tsakonas et coll. (Canada) ont revu à 3 ans 119 PR qui avaient
été incluses dans un essai sur 9 mois comparant hydroxychloroquine et placebo, ces PR étant récentes (moins de deux ans) à
l’entrée de l’essai. Après la période initiale de 9 mois, les deux
groupes de patients étaient traités en ouvert, librement, sans différence significative de traitement entre les deux groupes. Les
auteurs ont évalué, après 3 ans, l’impact du retard de 9 mois à la
mise en route d’un traitement de fond efficace dans le groupe placebo. Ce dernier avait, à 3 ans, des paramètres cliniques (douleurs) et de qualité de vie (HAQ) moins bons que le groupe traité
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initialement par hydroxychloroquine (HAQ : 0,18 dans le groupe
traité versus 1,9 dans le groupe placebo, p = 0,03).
Drosos et coll. (Grèce) ont traité 90 PR récentes (< 2 ans) par
7,5 mg par jour de prednisone et, de façon randomisée, soit ciclosporine (3 mg/kg/jour), soit méthotrexate (0,15 mg/kg/semaine),
comme premier traitement de fond. Tous les patients des deux
groupes, revus à 36 mois, ont été améliorés cliniquement. Une
stabilité radiologique est observée chez 81 % des patients du
groupe ciclosporine et chez 84 % de ceux du groupe méthotrexate,
sans différence entre ces deux groupes. Cependant, l’absence de
groupe contrôle fait défaut dans cette étude, qui ne permet que
de conclure à une évolution radiologique identique dans les deux
groupes.
Traitements combinés
De nombreuses études faisant état de résultats d’associations de
traitements de fond au cours de la polyarthrite ont été rapportées
lors de ce congrès, illustrant bien l’intérêt actuel de ce concept
thérapeutique. Cependant, les schémas d’étude, l’objectif, le
mode d’évaluation des résultats sont très divers et très variables
d’une étude à l’autre (tableau V). Mais toutes ces études semblent globalement favorables, aucun résultat négatif n’ayant été
rapporté.
Tableau V. Traitements combinés – Les différentes associations évaluées.
MTX, SASP, HCQ, CS
MTX, SASP
MTX, ciclosporine
MTX, sels d’or
Ciclosporine, SASP
Ciclosporine, HCQ
MTX : méthotrexate ; SASP : salazopyrine ; HCQ : hydroxychloroquine ; CS : corticostéroïdes.
L’étude finlandaise paraît la plus pertinente (Leirisalo-Repo,
Möttönen, Nissilä). Il s’agit d’une étude randomisée multicentrique ayant inclus 195 PR récentes (8 mois d’ancienneté en
moyenne) et suivies 24 mois. Il s’agit de PR qui n’avaient jamais
eu de traitement de fond préalable. Elles étaient traitées soit par
une combinaison associant méthotrexate (7,5 mg/semaine), salazopyrine (1 g/jour), hydroxychloroquine (300 mg/jour) et prednisolone (5 mg/jour), soit par monothérapie (salazopyrine). En
cas de réponse insuffisante à 6 mois, les posologies pouvaient
être augmentées dans le groupe combinaison et dans le groupe
monothérapie, la salazopyrine remplacée par le méthotrexate jusqu’à 15 mg par semaine, avec possibilité d’adjonction de prednisolone, ce qui fut le cas pour 63 des 92 patients de ce groupe
monothérapie.
La tolérance clinique et biologique était identique dans les deux
groupes sur une période de deux ans, avec même une fréquence
significativement plus faible d’élévation des enzymes hépatiques
dans le groupe combinaison.
Les résultats cliniques sont également en faveur de l’association
thérapeutique, puisque les pourcentages de rémission selon la
définition de l’ACR sont significativement plus élevés dans le
groupe combinaison par rapport au groupe monothérapie, et ceci
dès le 6e mois (tableau VI) ; de même, le pourcentage de répon.../...
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deurs à 50 % selon l’ACR est plus élevé dans le groupe combinaison à 24 mois (70 % contre 55 %).
Tableau VI. Étude finlandaise. Résultats cliniques. Pourcentage de
rémissions (ACR).
Mois
3
6
12
24
Combinaison
10
24
27
42
Monothérapie
4
12
13
24
p
NS
0,03
0,01
0,002
Enfin, l’évaluation radiologique démontre là aussi une supériorité de la combinaison thérapeutique par rapport à la monothérapie, aussi bien sur le nombre d’articulations érodées que sur le
score de Larsen, les variations de ces paramètres sur 24 mois étant
significativement plus faibles dans le groupe “combinaison” par
rapport au groupe “monothérapie” (tableau VII).
Tableau VII. Étude finlandaise. Résultat radiologique.
Variation
Combinaison
Monothérapie
p
Nombre d’articulations érodées
1,5
2,8
0,003
Score de Larsen
4,5
8,8
0,001
Bibo et coll. (Pays-Bas) ont rapporté les résultats de l’étude
COBRA, déjà publiée dans le Lancet en août 1997, comparant
une association prednisone-méthotrexate-salazopyrine à une
monothérapie par salazopyrine, représentant le groupe contrôle.
Ils ont rappelé que la combinaison thérapeutique était plus efficace, plus rapidement efficace, et avec une progression radiologique moindre que la monothérapie. Les sorties d’essai pour effets
secondaires ne sont pas plus importantes que dans le groupe
contrôle. L’élément nouveau de la présentation lors de ce congrès
était une évaluation du coût comparé des deux schémas thérapeutiques, prenant en compte les coûts directs, mais également
les coûts indirects avec le nombre de jours d’inactivité. Ils ont
ainsi montré que chez leurs patients le traitement combiné avait
un coût identique à celui de la monothérapie, voire moindre.
Méthotrexate
Quelques éléments de pratique courante ont été rappelés.
Tout d’abord, le risque de cytopénie sévère a été rappelé par
Rodriguez (Espagne), rapportant 12 cas sur une cohorte de
397 PR traitées sur une période de 10 ans. Trois ont abouti à un
décès. De même, Schwab (Allemagne) a recensé 14 cas en 5 ans
dans un centre hospitalier, dont 5 suivis de décès, rappelant le
danger de l’association au cotrimoxazole, responsable d’un décès.
Dans ces deux études, tous les cas de cytopénie survenaient dans
des tranches d’âge élevées, entre 60 et 84 ans.
Fonction rénale : Combe (Montpellier, France), à partir d’une
étude pharmacocinétique du méthotrexate chez 77 PR, propose
une réduction de la dose de méthotrexate de 50 % en cas de clairance de la créatinine en dessous de 45 ml/min.
16
Méthotrexate et administration de folates : Ortiz (Canada) a
effectué une méta-analyse des études randomisées et contrôlées
de supplémentation en acide folique ou folinique lors du traitement par méthotrexate de la polyarthrite rhumatoïde. Il a retenu
sept études concernant 307 patients dont 147 sous folates (67 sous
acide folique, 80 sous acide folinique). Les résultats sont assez
clairs en ce qui concerne la réduction des effets indésirables digestifs puisque avec l’acide folique la réduction est significative de
79 %, alors qu’elle n’est pas significative pour l’acide folinique
(42 %).
L’administration de folates ne semble pas interférer avec l’efficacité du traitement ou avec l’activité de la maladie. En revanche,
l’auteur n’a pas pu mettre en évidence de relations entre la réduction des effets indésirables et la dose des folates administrés, très
variable selon les études, de 1 à 25 mg/semaine. Il ne dégage donc
pas de directive pratique quant à la posologie optimale.
Place des antibiotiques ?
Des essais de thérapeutiques antibiotiques de la PR apparaissent
périodiquement, sans que le rationnel d’une telle utilisation soit
clairement défini : théorie “infectieuse” de la polyarthrite, utilisation d’effets collatéraux de certaines molécules antibiotiques.
Caperton (États-Unis), testant l’hypothèse infectieuse, a traité,
dans le cadre d’une étude randomisée en double insu sur 60 jours,
145 PR, soit par céfuroxime (500 mg x 2), soit par placebo. Le
suivi post-thérapeutique a été de 3 mois. Il n’observe pas de différence significative entre les deux groupes et conclut que l’antibiotique n’est pas plus efficace que le placebo chez ses patients.
Anaya (Colombie) a traité, dans le cadre d’une étude ouverte,
17 PR pendant 3 mois par 250 mg x 3 par jour d’acide fusidique.
Cette molécule a été choisie pour ses effets immunomodulateurs
in vitro, susceptibles de diminuer la production d’IL1 bêta et d’interféron gamma. Avec les réserves du faible effectif et du caractère ouvert de l’étude, il observe une amélioration des différents
paramètres cliniques et un effet d’épargne cortisonique à J90,
associé à une baisse des taux d’IL6 circulants. Par contre, la VS
et les taux de facteurs rhumatoïdes ne sont pas modifiés. Ces
résultats doivent être contrôlés par des études ultérieures.
Minocycline : O’Dell (États-Unis) a suivi, à 3 ans, les répondeurs de l’étude initiale contrôlée contre placebo. Cette étude
avait inclus 46 patients dont 23 traités par 2 x 100 mg/j de minocycline. À 6 mois, la réponse à 50 % était présente chez 15 patients
du groupe cyclines contre 3 du groupe placebo (p < 0,001). Ces
résultats ont déjà été publiés.
Les 15 patients répondeurs avaient tous rechuté après l’arrêt du
traitement, entre 2 semaines et 2 ans. Treize d’entre eux ont
répondu à la reprise du traitement ; à 3 ans, 22 % de ces patients
sont en rémission complète selon les critères de l’ACR, 22 % ont
une amélioration de plus de 75 % et, dans 9 % des cas, le traitement est efficace, mais associé à des effets secondaires. Cette
étude montre que le bénéfice thérapeutique de la minocycline
peut se prolonger sur une période de 3 ans, mais il faut bien reconnaître que le petit nombre de patients diminue l’impact de ce
résultat.
D. Wendling
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