PSYCHIATRIE 35 Antidépresseurs Le syndrome de sevrage existe Contrairement à ce que l’on croyait, le syndrome de sevrage aux antidépresseurs existe bel et bien. Suivant les études et les molécules, il concerne entre 1O et 30 % des patients à la suite de l’arrêt brutal d’un antidépresseur sérotoninergique. Il est plus exceptionnel en cas de simple baisse de la posologie, ou encore d’oubli d’une seule prise pour certains antidépresseurs. Distinguer la rechute On connaît bien la dépendance aux benzodiazépines. En revanche, les réactions de sevrage avec les antidépresseurs, y compris les nouvelles molécules sérotoninergiques, restent mal connues, bien qu’elles aient été démontrées par des études contrôlées. Cela peut conduire à confondre la rechute dépressive et le syndrome de sevrage : alors que ce dernier survient le plus souvent entre le 2e et 5e jour après l’interruption d’un antidépresseur (toutefois, des réactions plus tardives, jusqu’à quatre semaines, sont possibles), la rechute apparaît entre quatre et six semaines après l’arrêt du traitement. On sait aussi que trois à quatre semaines de traitement continu suffisent pour induire un syndrome de sevrage, dont l’intensité dépend des posologie utilisées. Dans la plupart des cas, les symptômes sont modérés et disparaissent en une semaine ; plus rarement, ils persistent jusqu’à la sixième semaine. Il s’agit des symptômes suivants : sensations vertigineuses très brèves et soudaines, nausées, fatigue de type “coup de pompe” à des moments divers de la journée, rêves avec des perceptions sensorielles inhabituelles, changements rapides d’humeur d’une heure à l’autre, tension intérieure avec agitation, maux de tête, difficultés de concentration, douleurs musculaires, frissons, sueurs, paresthésies (parfois l’impression de décharges électriques dans la tête), diarrhées. De façon exceptionnelle ont été décrites des réactions de sevrage plus graves, telles que des symptômes neurologiques évoquant une attaque cérébrale, des états confusionnels et délirants, des dystonies, des réactions hypomaniaques, une akathisie (avec la clomipramine). Comme les antidépresseurs tricycliques, tous les antidépresseurs sérotoninergiques peuvent être concernés par le syndrome de sevrage, les molécules le plus souvent mises en cause étant la paroxétine et la venlafaxine, tandis que la fluoxétine, dont la durée d’élimination est longue (7 jours, son métabolite 30 jours), pose moins de problèmes. En ce qui concerne les mécanismes sousjacents, on suppose que l’hypersensibilité des récepteurs sérotoninergiques noradrénergiques et cholinergiques, induite du fait de la stimulation durable par des antidépresseurs, pourrait expliquer le phénomène de sevrage. On comprend qu’il n’est pas superflu de rappeler aux patients à plusieurs reprises qu’il ne faut jamais arrêter brutalement un antidépresseur. Une diminution progressive de la molécule sur deux semaines est souvent suffisante. Cependant, chez certains patients très sensibles, les délais peuvent être plus longs. L’intensité du sevrage impose parfois une reprise de l’antidépresseur et une diminution plus graduelle de la posologie. Certaines études recommandent d’utiliser la fluoxétine plutôt que la molécule d’origine afin de se prémunir contre un sevrage ultérieur. Sevrage et grossesse De même, les soignants ne doivent pas perdre de vue que le syndrome de sevrage aux antidépresseurs a des répercussions chez le nouveau-né (exposé in utero) peut donner lieu à des erreurs diagnostiques. Avec les antidépresseurs tricycliques, ce sont surtout des difficultés respiratoires qui ont été rapportées à la naissance (jusqu’à une semaine après l’accouchement). Avec les antidépresseurs sérotoninergiques, plusieurs symptômes peuvent être observés chez le nourrisson, à savoir : une hypotonie ou une hypertonie, une somnolence, une agitation, des troubles de la succion, des pleurs incessants, plus rarement des troubles de la régulation de la température ou des convulsions. LC D’après la communication des Drs P. Fossati, B. Claudel et Pr J.F. Allilaire (hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris) lors des Entretiens de Bichat. >> DOSSIER L e syndrome de sevrage aux antidépresseurs, qui a longtemps été minimisé, voire contesté, est aujourd’hui démontré pour certains patients. Pourtant, dès la mise sur le marché des premiers antidépresseurs, on notait des réactions particulières lors de l’arrêt brutal de certaines molécules : des réactions de sevrage, mais aussi de dépendance. C’est dire l’importance d’informer les patients sous traitement antidépresseur des conséquences de la mauvaise observance ou d’un arrêt intempestif sans surveillance médicale. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 62 • mars-avril 2005