Dossier D ossier Le cancer du sein en chiffres Figures of breast cancer M. Espié* N e possédant pas de données réelles d’incidence, faute d’un registre national des cancers en France, les chiffres dont nous disposons sont, en fait, des estimations. Les données sont donc extrapolées à partir des registres départementaux existants. Incidence du cancer du sein Le cancer du sein, par sa fréquence, représente un problème de santé publique. En effet, on estime qu’entre 40 000 et 50 000 femmes sont atteintes chaque année en France (1). Le taux d’incidence (après standardisation sur la structure par âge de la population mondiale) est de 88,9 pour 100 000 femmes et par an (2). Le cancer du sein représente 36 % des cancers féminins. Certaines régions ont une incidence particulièrement élevée chez les femmes jeunes (3). Le taux reste faible avant l’âge de 30 ans puis croît jusqu’à 60-69 ans où il dépasse les 320 pour 100 000 femmes par an. Les taux diminuent légèrement après 85 ans (245 pour 100 000). L’âge médian au diagnostic est de 61 ans, et 75 % environ des cancers du sein surviennent après l’âge de 50 ans. L’incidence du cancer du sein augmente régulièrement (de l’ordre de + 2,42 % par an entre 1978 et 2000). Le nombre de nouveaux cas a doublé en 20 ans, passant de 22 211 cas en 1980 à 41 845 en 2000. Il faut noter qu’il en est de même pour le cancer de la prostate. En 2000 en France, on notait que les départements avec la plus faible incidence étaient la Manche et le Tarn. L’élévation du nombre de cancers du sein n’est pas un phénomène isolé puisque, entre 1980 et 2000, le nombre de nouveaux cas de cancer par an en France est passé de 73 000 à 117 000 chez les femmes, soit 60 % d’augmentation. Cette augmentation est liée pour 45 % à la croissance et au vieillissement de la population et pour 55 % à une progression de l’incidence liée au progrès du dépistage et du diagnostic et à une réelle augmentation du risque. Chez la femme, les cancers qui ont le plus augmenté entre 1978 et 2000 sont le mésothéliome pleural (+ 6,8 %), le cancer de la thyroïde (4,8 %), le cancer du poumon (4,4 %), le mélanome (4,3 %), le cancer du rein (3,8 %) et le lymphome malin non hodgkinien (+ 3,5 %). Cependant, numériquement, le cancer du sein reste de loin celui pour lequel l’augmentation de l’incidence est la plus importante (plus de 1 000 cas par an entre 1978 et 2000) à mettre en parallèle avec le cancer de la prostate chez l’homme (plus de 2 000 cas par an). * Centre des maladies du sein, hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris. 16 Mortalité par cancer du sein En termes de mortalité, le cancer du sein est responsable de plus de 11 000 décès par an (38,5 pour 100 000 femmes en taux brut et 19,7/100 000 en données standardisées sur la population mondiale). Ces chiffres font du cancer du sein la première cause de mortalité par cancer chez la femme. Les taux de mortalité augmentent avec l’âge : 10 pour 100 000 femmes entre 35 et 40 ans, 80 pour 100 000 vers 65 ans, 102 pour 100 000 entre 70 et 74 ans et 245 pour 100 000 après 85 ans. En 2000, parmi les 11 637 femmes décédées d’un cancer du sein en France, 4 000 avaient moins de 65 ans (4). Ces chiffres soulignent l’importance du problème chez les femmes ménopausées, ce d’autant que si la mortalité est globalement stable, elle continue à augmenter actuellement, essentiellement chez les femmes âgées. Les départements avec la plus faible mortalité sont le Tarn, l’Isère et le Bas-Rhin (4). Les deux cancers féminins, pour lesquels la mortalité croît de manière importante, sont le cancer du poumon et le cancer des voies aérodigestives supérieures. Au sein de l’Union européenne, les taux de mortalité les plus élevés par cancer du sein se situent au Danemark et au PaysBas. Au Danemark, la mortalité par cancer du poumon a dépassé celle du cancer du sein et c’est en France que la mortalité par cancer du poumon s’accroît le plus. Survie après cancer du sein L’étude EUROCARE a mis en évidence, en France, une survie à cinq ans de 81,4 %, ce qui la place au troisième rang en Europe où la moyenne de survie est de 74 % (Expertise collective INSERM, éditions INSERM 2005 : Cancers. Pronostics à long terme). La différence de survie entre les différents pays est directement liée au stade lors du diagnostic (5-7). L’absence d’aggravation de la mortalité par cancer du sein est très certainement liée aux politiques de dépistage précoce de cette affection et aux moyens thérapeutiques (8). Sant a publié en 2003 une étude européenne concernant 4 478 patientes traitées pour un cancer entre 1990 et 1992. La survie de ces patientes a été analysée en fonction du stade initial du cancer. Les patientes ont été sélectionnées à partir de dix-sept registres du cancer de six pays d’Europe (Espagne, Estonie, France, Italie, PaysBas et Royaume-Uni). Pour un cancer classé T1N0M0 (28,9 % des stades), la survie à 5 ans était de 98 % pour des tumeurs T2-T3N0M0 (18,6 % des stades), de 87 % pour des tumeurs T1-3 N+ M0 (31 % des stades), de 77 % pour des tumeurs T4 NxM0 (6,8 % des stades), de 55 % en cas de métastases et, dans ce cas, la survie à cinq ans a été de 18 %. En France, des données concernant sept registres et regroupant 1 564 patientes La Lettre du Gynécologue - n° 325 - octobre 2007 ont été publiées en 2001 (9) et sont résumées dans les tableaux ci-dessous (tableau I). Tableau I. Classification TNM en fonction de l’âge. Stades Tableau III. Survie à 5 ans. Survie à 5 ans % (IC95) Tous cas 73,6 (71,3-75,8) < 40 ans 78,4 (69,3-85,1) < 40 ans (%) 40-54 ans (%) 55-74 ans (%) > 74 ans (%) Total (%) 40-54 ans 81,5 (77,6-84,9) pT1 47,2 54,2 49,5 28,2 46,7 55-74 ans 76,8 (73,4-79,8) pT2 37,1 30,0 31,0 34,4 31,6 > 74 ans 52,6 (46,7-58,2) pT3 4,6 3,7 3,7 3,9 3,8 pT1 87,9 (85,3-90,1) pT4 3,7 3,5 5,5 8,9 5,4 pT2 73,6 (69,3-77,3) pN0 59,3 56,8 53,9 40,0 52,4 pT3 61,8 (48,0-73,0) pN+ < 4 18, 21,4 21,7 14,8 20,0 pT4 44,0 (33,2-54,3) pN+ ≥4 13,9 13 12,9 11,2 12,7 inconnu 71,7 (56,8-81,1) M+ 3,7 4,4 6,6 6,2 5,7 pN0M0 87,6 (85,1-89,7) pN + < 4M0 78,7 (73,6-82,9) pN + ≥ 4M0 53,7 (46,4-60,5) M + 19,9 (8,4-35,0) Inconnu 70,1 (57,6-79,6) L’âge médian était de 60 ans (23-102 ans), les patientes de plus de 75 ans représentaient 19,5 % de l’effectif et celles de moins de 40 ans, 6,9 %. Les tumeurs les plus petites ont été observées chez les femmes de 40-54 ans et les plus volumineuses chez les femmes de plus de 75 ans. Parmi les tumeurs classées pT1, 25 % s’accompagnaient d’un envahissement ganglionnaire et 1,2 % étaient métastasées d’emblée (tableau II). Pour les tumeurs classées pT2, près de 43 % s’accompagnaient d’un envahissement ganglionnaire. Tableau II. Corrélation entre la taille tumorale et l’envahissement ganglionnaire. pT1 (%) pT2 (%) pT3 (%) pT4 (%) pTx (%) pN0M0 69,1 50,6 31,6 25,9 12,4 pN + <4 19,7 24,7 22,7 22,3 7,7 pN + ≥4 6,3 18,2 35,0 34,1 6,2 M + 1,2 2,6 5,0 10,6 28,4 Inconnu 3,7 3,9 5,7 7,1 45,3 La survie observée à cinq ans, inversement proportionnelle au stade initial de la maladie, a été de 87,6 % en l’absence d’envahissement ganglionnaire et de 19,9 % en cas de métastases (tableau III). Une part de la mortalité chez les femmes âgées n’est pas liée au cancer du sein. Avec un modèle prenant en compte la mortalité attendue pour cette tranche d’âge, les auteurs ont estimé que la survie à cinq ans liée au cancer du sein serait de 85 %. Le pronostic le plus péjoratif serait alors celui des femmes jeunes. En Île-de-France, l’étude Petri (10) a retrouvé une survie du même ordre, de 78 % à cinq ans pour des patientes dont le diagnostic de cancer du sein avait été porté en 1994, la survie relative étant estimée à 82 %. Pour les patientes présentant une tumeur classée T1N0M0, la survie est excellente, de 98 % à cinq ans. Les données du registre des tumeurs de l’Hérault montrent des taux de survie à cinq ans, respectivement de La Lettre du Gynécologue - n° 325 - octobre 2007 97 %, 91 %, 82 % et 29 % pour les stades I, II, III et IV. L’étude EUROCARE a estimé la surmortalité annuelle par cancer du sein chez les femmes diagnostiquées entre 1983 et 1994. Elle atteint un maximum de 4,9 % entre deux et trois ans, puis diminue progressivement à des taux de 3,35 % après dix ans. Nous avons peu de données à dix ans. Cependant, Tejler (11) a rapporté des données suédoises montrant 74 % de survie à dix ans avec 90,9 % pour les patientes avec une tumeur classée initialement T1N0M0 et 62,4 % pour celles dont la tumeur avait été classée T1-2N1M0. Dossier D ossier Conclusion Ces données confirment les progrès dans la prise en charge des patientes atteintes d’un cancer du sein, tant au niveau du diagnostic que de la thérapeutique. Il nous faut maintenant attendre des données françaises à dix ans pour conforter ces résultats. n Références bibliographiques 1. Estève J. Incidence of breast cancer in France and other industrialized coun- tries. Presse Med 2007;36:315-21. 2. Parkin DM, Muir CS, Whelan SI. Cancer incidence in five continents. In: ARC scientific publications, ed, 1992. 3. Sasco AJ, Fontanière B, Charbaut-Lagarde MO. A systematic survey of breast cancer incidence in the department of Rhone, France. Eur J Cancer 1991;27:1696-701. 4. Tretarre B, Guizard AV, Fontaine D et al. Cancer du sein chez la femme : incidence et mortalité, France 2000. BEH 2004;44:209-10. 5. Coleman MP, Gatta G, Verdecchia A et al. EUROCARE-3 summary: cancer survival in Europe at the end of the 20th century. Ann Oncol 2003;14,Suppl.5: v128-49. 6. Sant M, Allemani C, Capocaccia R et al. Stage at diagnosis is a key explanation of differences in breast cancer survival across Europe. Int J Cancer 2003;106:416-22. 7. Sant M, Francisci S, Capocaccia R, Verdecchia A, Allemani C, Berrino F. Time trends of breast cancer survival in Europe in relation to incidence and mortality. Int J Cancer 2006;119:2417-22. 8. Berry DA, Cronin KA, Plevritis SK et al. Effect of screening and adjuvant therapy on mortality from breast cancer. N Engl J Med 2005;353:1784-92. 9. Grosclaude P, Colonna M, Hedelin G et al. Survival of women with breast cancer in France: variation with age, stage and treatment. Breast Cancer Res Treat 2001;70:137-43. 10. Chinaud F, Slota L, Souques M et al. 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