Histoire de la théorie de l™évolution

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Histoire de la théorie de l’évolution
Auteurs
: Didier Pol(plus d'infos)
Résumé
: De Linné et Saint-Hilaire à Lamarck et Darwin...
Publication : 28 Juin 2007
.
Linné, le père de la nomenclature binominale
Une première méthode de classification des êtres vivants établie par Carl von Linné (17071778), naturaliste et médecin suédois, introduisit l’utilisation d’une nomenclature binominale
latine (un nom de genre et un nom d’espèce, par exemple Canis lupus pour le loup) dont le
principe a été conservé jusqu’à aujourd’hui. Cette classification, publiée d’abord en 1735 dans
l’ouvrage en latin Systema Naturae, proposait pour la première fois un inventaire descriptif
des espèces connues à l’époque en exploitant leurs similitudes anatomiques, en particulier
celles de leurs organes reproducteurs, les fleurs, pour les plantes à fleur.
La méthode conduisait à caractériser des sous ensembles de différents niveaux (espèce,
genre, famille, etc.) constituant trois règnes, animal, végétal et minéral, considérés de
création divine. L’objectif de Linné était d’établir l’inventaire exhaustif des trois règnes.
La classification des plantes à fleur de Linné se fondait sur l'extrême diversité de leurs
organes sexuels, les fleurs.
L’essor de l’anatomie comparée
Alors que la théorie cellulaire n’avait pas encore été formulée, Étienne Geoffroy Saint Hilaire
(1772-1844), membre de l’Académie des sciences et professeur de zoologie au Muséum
d’histoire naturelle où il créa la ménagerie, affirmait déjà qu’il existe une profonde unité de
construction du monde vivant et que tous les êtres vivants peuvent être considérés comme
des variations d’un plan unique. Georges Cuvier (1769-1832), alors simple précepteur en
Normandie, entra en contact avec lui en lui envoyant ses dessins de dissection de mollusques
et d’échinodermes, des animaux marins ignorés de la classification de Linné. Geoffroy Saint
Hilaire le recruta immédiatement comme professeur de zoologie. Cuvier fut le premier à
inclure les formes fossiles dans la classification et développa la notion de corrélations
fonctionnelles selon laquelle des organes différents qui concourent à une même fonction
doivent être présents simultanément chez un animal, une idée originale de Félix Vicq d’Azir
(1748-1794), véritable fondateur de l’anatomie comparée. Ainsi, chez un carnivore, on trouve
des griffes, des dents, des muscles masticateurs développés et une bonne vision. Cuvier
devint célèbre par sa capacité, acquise par l’étude systématique des fossiles, à imaginer un
squelette complet à partir de déductions faites à partir de l’examen d’un seul os. Il proposa de
classer le règne animal en quatre grands groupes, vertébrés, articulés, mollusques et
radiaires, ce qui servit de base aux classifications ultérieures. Cependant, il refusait toute idée
d’évolution et soutenait que des catastrophes détruisaient périodiquement le monde vivant qui
était ensuite recréé par Dieu et il attaqua publiquement les idées évolutionnistes naissantes,
tentant même de ridiculiser les thèses de Geoffroy Saint Hilaire et de Lamarck.
Lamarck et la naissance du transformisme
Jean Baptiste de Monet,
chevalier de Lamarck (17441829) publia en 1778 La flore
française où il introduisait
l’usage de clés dichotomiques
pour identifier les plantes. Il
fut nommé professeur au
Muséum à cinquante ans et,
l’année
suivante,
élu
à
l’Académie des sciences. Il
publia de nombreux ouvrages,
notamment Histoire naturelle
des animaux sans vertèbres
et Recherches
sur
l’organisation des êtres vivants
, un ouvrage paru en 1803
dans lequel il prétendait que
des
caractères
acquis
peuvent devenir héréditaires.
Lamarck
est
considéré
comme
le
père
de
l’évolutionnisme car dans sa
Philosophie zoologique parue
en 1809, année de la
naissance de Charles Darwin,
il proposait pour la première
fois une théorie d’après
laquelle les différentes formes
vivantes dérivent les unes des
autres. Il pensait que tous les
êtres vivants pouvaient être
classés sur un même arbre
généalogique allant des plus
simples aux plus complexes. Il
prétendait également que les
formes et les particularités
des
animaux
s’étaient
modifiées au cours des temps
en raison de l’usage ou du
non usage des organes, par
exemple, les taupes seraient
devenues aveugles en raison
de leur vie souterraine, les
girafes auraient acquis un
long cou à force de manger
les feuilles des arbres, etc.
À la fin du dix-huitième siècle, Erasmus Darwin (1731-1802), par ailleurs grand père de
Charles Darwin et de Francis Galton, avait cependant déjà formulé une théorie de l’évolution
en trois volumes. Il affirmait que tous les êtres vivants descendent d’un ancêtre commun très
simple, sorte de filament vivant doué d’irritabilité. Son livre Zoonomia ou les lois de la vie
organique, publié en 1796, fut mis à l’index par l’église catholique.
Les apports de la géologie
Mais c’est au dix neuvième siècle que l’idée d’évolution prit vraiment de l’importance, en
même temps que de nouvelles disciplines scientifiques se développaient, comme l’anatomie
comparée, l’embryologie, la paléontologie et que la géologie moderne prenait son essor sous
l’impulsion de Charles Lyell (1797-1875). Ce dernier montra qu’il fallait dater les roches en
millions d’années, souligna les incohérences de l’interprétation biblique et de la théorie des
catastrophes de Cuvier et fonda l’actualisme. Cette théorie consiste à interpréter les
phénomènes géologiques passés, dont les traces sont inscrites dans les roches, à la lumière
des mêmes causes que celles expliquant les phénomènes géologiques actuels. Il eut une
grande influence sur Charles Darwin qui affirma à propos de L’origine des espèces : «Il me
semble que la moitié de mon livre sort du cerveau de Lyell ».
Le naturaliste suisse Louis Agassiz (1807-1873), professeur d’histoire naturelle à Neuchâtel,
démontra en 1846 au bout de huit années de travail sur le terrain que les Alpes avaient été
sculptées par des glaciers et que la glace avait même recouvert à une époque toute l’Europe
du Nord. Agassiz était un élève de Cuvier et il avait acquis lui aussi la capacité à déduire un
squelette complet de l’examen raisonné d’un seul os. Il était, lui aussi, partisan de la théorie
des catastrophes de Cuvier. Opposés à la notion d’évolution, Cuvier, Agassiz, mais aussi
Richard Owen (1804-1892), le « Cuvier anglais », apportèrent sans le vouloir des arguments
en faveur de l’évolution. Owen reprit notamment les notions fondamentales d’homologie et
d’analogie établies par Geoffroy Saint Hilaire : des organes assurant la même fonction
comme les ailes des oiseaux et celles des insectes qui n’ont pas la même origine
embryonnaire sont analogues tandis que des organes pouvant assurer des fonctions
différentes mais ayant la même origine embryonnaire, comme les membres antérieurs des
vertébrés, aile, bras ou palette natatoire, sont homologues. Ces homologies interprétées
initialement comme une simple origine embryonnaire commune révèlent en fait un ancêtre
commun et donc une parenté évolutive.
Les ailes des oiseaux et des insectes ont la même fonction mais pas la même origine
embryonnaire : ce sont des organes analogues
En revanche, l'aile des oiseaux est homologue du membre antérieur des autres vertébrés :
bien qu'ils n'aient pas la même fonction, ils ont la même origine embryonnaire
L’évolution selon Darwin : variation et sélection naturelle
Charles Darwin (1809-1882) proposa la première théorie de l’évolution vraiment documentée
et reposant sur un mécanisme explicatif, la variation et la sélection naturelle. Il commença par
naviguer pendant cinq ans (1831-1836) comme naturaliste à bord du navire d’exploration
Beagle en Amérique du Sud et dans le Pacifique et rapporta une documentation
considérable. Après avoir publié ses notes de voyage, il étudia diverses espèces
britanniques, abeilles, fourmis, plantes ainsi que divers animaux domestiques, notamment les
nombreuses variétés de pigeons, qui lui permirent de déduire certains principes de la
sélection naturelle de l’observation de la sélection artificielle. Tout en accumulant les
arguments montrant que les espèces évoluent au cours des temps géologiques, il hésitait
cependant à publier sa théorie, sachant qu’elle ferait scandale.
En 1858, il reçut une lettre du biologiste Alfred Russel Wallace qui travaillait en Asie. Dans sa
lettre, ce dernier présentait des idées sur la variation et la sélection naturelle identiques à
celles que Darwin avait formulées. Par souci d’équité, les communications de Darwin et de
Wallace furent présentées simultanément le premier juillet 1858 devant la Société Linnéenne
de Londres. Elles eurent immédiatement un impact considérable. Darwin se lança dans la
rédaction d’une version destinée au grand public que ce problème passionnait et, dès sa
parution le 24 novembre 1859, les 1 250 exemplaires de la première édition de L’origine des
espèces furent épuisés en une journée. De nombreuses critiques s’élevèrent aussitôt,
notamment du célèbre professeur Richard Owen. Les thèses de Darwin s’appuyaient non
seulement sur ses observations minutieuses faites au cours du voyage sur le Beagle, mais
aussi sur les résultats de la sélection artificielle chez les animaux domestiques. En outre,
l’analyse faite par T.R. Malthus (1766-1834) de la limitation des populations par les
ressources alimentaires avait fini de le convaincre de l’importance de la lutte pour l’existence.
Sa théorie, tout comme celle de Wallace, s’appuyait sur le constat de la variabilité individuelle
au sein des populations naturelles et sur la notion de sélection naturelle des plus aptes dans
un milieu hostile dont les ressources sont limitées.
Dès lors, de nombreux phénomènes biologiques incompris jusque là prenaient un nouveau
sens à la lumière de l’évolution et toutes les branches de la biologie apportèrent des
arguments à sa théorie, les nouvelles découvertes s’intégrant logiquement dans une
conception historique et évolutive du monde vivant : l’anatomie comparée et la paléontologie,
certes, mais aussi la biogéographie, l’éthologie, l’embryologie, la biologie cellulaire, la
biochimie…
Vers une théorie synthétique de l’évolution
Toutefois, la théorie de l’évolution butait encore sur le problème de
l’hérédité des caractères. Celui-ci commença à s’éclaircir avec les
travaux de Grégor Mendel (1822-1884) montrant que l’hérédité
dépend d’éléments matériels transportés par les cellules
reproductrices lors de la fécondation et se répartissant dans la
descendance en obéissant à des lois statistiques. Thomas Hunt
Morgan (1866-1945) formula la théorie chromosomique de l’hérédité
à la suite de ses travaux sur la mouche drosophile, montrant que les
déterminants des caractères héréditaires, les gènes, sont portés par
les chromosomes contenus dans le noyau cellulaire et que chaque
individu ne reçoit que la moitié des gènes de ses parents par
l’intermédiaire des cellules reproductrices.
La mouche drosophile,
Une théorie synthétique de l’évolution prenant en compte les
un modèle
données scientifiques apportées depuis Darwin fut formalisée pour la
fondamental en
première fois par Julian Huxley (1887-1975) dans son livre
génétique
L’évolution, la synthèse moderne. Mais c’est Theodosius
Dobzhansky (1900-1975), qui élabora la véritable synthèse en
considérant le problème de l’évolution à la fois du point de vue du
généticien et du point de vue du systématicien notamment dans
La génétique et l’origine des espèces publié en 1937.
Les apports de la biologie contemporaine
L’idée d’évolution n’est plus contestée aujourd’hui chez les biologistes mais ses modalités
donnent encore lieu à controverse. Ainsi, la notion de sélection naturelle a dû être relativisée
à la suite des travaux de Motoo Kimura (1924-1994) et de son école neutraliste montrant que
certains gènes évoluent sans être soumis à la sélection et Niles Eldredge et Stephen Jay
Gould distinguèrent en 1972 les mécanismes affectant micro et macroévolution avec leur
Addons
théorie des équilibres ponctués. Quoiqu’il en soit, l’aphorisme de Dobzhansky selon lequel «
En biologie, rien n’a de sens, si ce n’est à la lumière de l’évolution » s’appuie désormais sur
des bases solides et toutes les nouvelles connaissances apportées par la biologie moderne,
notamment par la biologie moléculaire, confirment sa pertinence. Ainsi, le séquençage des
génomes et l’utilisation de l’informatique permettent désormais de comparer des milliers de
biomolécules et d’établir solidement les relations de parenté sur des données moléculaires.
Les résultats obtenus confirment, le plus souvent, ceux obtenus historiquement par d’autres
méthodes, anatomie comparée, paléontologie, etc. En outre, l’identification et la comparaison
des gènes du développement, communs à tous les grands groupes d’êtres vivants,
permettent d’approcher de plus en plus précisément les mécanismes évolutifs au niveau
moléculaire.
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