Syndrome Gilles de la Tourette Symptômes, évolution, épidémiologie, génétique, mécanismes neurologiques des symptômes, modèles de développement, diagnostic et mise au point, traitement, esquisse de l'avenir (Extrait de la revue The Lancet) Symptômes et évolution Les troubles aux tics sont l'objet de spéculations depuis plus de 300 ans. Et pourtant, malgré la nature évidente des tics et des dizaines d'années de recherches attentives, notre ignorance demeure très grande. Les signes cardinaux du SGT sont les tics moteurs et vocaux qui augmentent et diminuent en intensité. Les tics moteurs commencent habituellement entre 3 et 8 ans, par des périodes transitoires de clignements intenses des yeux ou d'autres tics de la face. Les tics vocaux, comme des bouffées répétitives de reniflements ou de raclages de la gorge, peuvent commencer à 3 ans, mais viennent généralement plusieurs années après le début des tics moteurs. Dans les cas les moins compliqués, l'intensité des tics moteurs et vocaux atteignent leur maximum au début de la deuxième décade de vie. Beaucoup de patients montrent une nette amélioration des symptômes vers 19 ou 20 ans. Pourtant, les cas les plus graves commencent à l'âge adulte. Les formes extrêmes du SGT comprennent des tics moteurs automutilants violents comme se cogner ou se mordre, et des tics vocaux avec des exclamations socialement inacceptables, parfois obscènes et racistes. Les tics viennent en bouffées périodiques. Ces périodes sont construites en paliers, comme cela est montré dans la fig. 1 Typiquement, les tics individuels sont séparés de 0.5 à 1 seconde. Et les groupes sont répétés à intervalles typiques pour le patient. Il est important de connaître cette périodicité, car si un nouveau médicament est essayé dans une période juste après un maximum de tics, il marchera de toute façon bien apparemment, puisque même en ne donnant rien le patient aurait eu une amélioration. Beaucoup de patients ont des signes prémonitoires qui annoncent les tics. C'est alors une bataille qui s'engage entre le patient et lui-même pour empêcher les tics de passer. C'est extrêmement stressant et décourageant pour le patient car quoi qu'il fasse, souvent le tic passera. En plus des tics, beaucoup de patients SGT ont d'autres troubles accompagnants. Les plus fréquents sont le syndrome hyperkinétique (ADHD, TDAH,...) , le trouble obsessif-compulsif, ou les deux. Il va sans dire que ces troubles accompagnants compliquent singulièrement la vie de SGT. Le TDAH rend encore plus difficile d'avoir des amis et d'avoir une bonne estime de soi. Le trouble obsessionnel-compulsif garde souvent ses symptômes secrets et par là peut engendrer des dépressions. Epidémiologie et génétique. Naguère considéré comme un trouble rare, la prévalence du syndrome de Tourette (SGT) est actuellement estimée être entre 31 et 157 cas par 1000 enfants entre 13 et 14 ans. La fréquence du trouble varie selon l'âge, le sexe, l'origine de l'échantillon et la méthode de diagnostic. Par exemple, des études basées sur l'observation directe des classes d'école employant de multiples observateurs donnent systématiquement des prévalences plus hautes que d'autres méthodes de diagnostic. Beaucoup de patients détectés par cette méthode ont des formes légères du trouble qui ne nécessitent pas d'autres interventions à long terme que des mesures d'éducation et de support. Pourtant, des troubles de comportement , en particulier le syndrome hyperkinétique, sont fréquemment associés. Diagnostiqués, ils nécessitent une intervention thérapeutique rapide pour empêcher ou réduire au minimum des conséquences néfastes à long terme. Mise au point et Diagnostic L'examen clinique d'un enfant avec des tics doit inclure une mise au point de l'enfant ou de l'adolescent dans son ensemble et pas simplement comme quelqu'un avec des tics. Pendant l'examen, l'ensemble des difficultés et des aptitudes doit être documenté: le clinicien, la famille et l'enfant doivent collaborer pour reconstruire l'histoire de l'enfant, ses tics (le début, la progression, les augmentations et les diminutions, et les facteurs qui empirent ou alors améliorent la situation), et le fonctionnement présent. Une question importante est dans quelle mesure les tics interfèrent avec les expériences émotionnelles, sociales, familiales et écolières de l'enfant. Pour établir cela, il est utile de suivre les symptômes sur quelques mois pour voir leur gravité et leurs fluctuations, l'effet sur la famille et l'adaptation de l'enfant et de la famille à ces symptômes. Ce suivi est facilité quand la famille tient des notes ou emploie des formes standardisées. Un travail central de la mise au point est d'expliquer, de clarifier et de résoudre les problèmes de la famille. La mise au point diagnostique est intimement connectée aux premiers pas du traitement. Pendant le processus de l'enquête clinique, le médecin peut approcher des points délicats par des éclaircissements, de l'enseignement et l'ouverture de la discussion sur le traitement avec l'enfant et les parents. Comme avec d'autres enfants avec des problèmes de performances scolaires, l'enfant avec un SGT a besoin d'une mise au point soignée de son fonctionnement cognitif et des ses réalisations scolaires. Les enfants avec ce trouble tendent à avoir des difficultés de déploiement attentionnel, de persévérance et du pouvoir de maintenir soi-même et son travail organisé. Le travail scolaire peut être gêné par des compulsions, telles que la nécessité de gratter des mots ou de retourner au début de la phrase. L'examen neurologique d'un enfant SGT peut être de grande valeur. Les tics sont des mouvements ou des exclamations habituelles qui typiquement miment certains fragments de conduite normale et qui emploient des groupes de muscles bien définis. Comme tels, ils peuvent être confondus avec des mouvements ou des vocalisations normales. Des tics peuvent aussi être confondus avec des troubles comme l'akathisie, la dyskinésie tardive ou les mouvements hyperkinétiques. Une fois installés, les tics tendent à persister pour un certain temps. Les tics sont souvent exacerbés par la fatigue et le stress. Contrairement aux autres troubles du mouvement décrits, des tics peuvent arriver pendant le sommeil, mais sont alors habituellement fort atténués. Les examens para cliniques tels EEG, MRI ou autres, peuvent exclure d'autres maladies, mais aucun examen apporte un diagnostic positif de SGT. (L'auteur donne alors une liste de critères de diagnostic, telle la fameuse "Yale global tic severity scale") Une fois que le diagnostic du SGT a été établi, une mise au point soigneuse peut apprendre au clinicien des renseignements sur les fluctuations des symptômes. Quand ils auront mieux fait connaissance, l'enfant pourra montrer ses tics, dans une forme atténuée, et avec plus ou moins d'inhibition, au clinicien. Les patients ou leurs parents pourraient reconnaître des tics qui jusqu'alors n'étaient pas reconnus comme tels. L'histoire du patient est souvent croisé par des expériences malheureuses avec des médicaments. Souvent des médicaments ont été arrêtés parce qu'ils avaient été jugés inutiles ou source d'effets secondaires. L'histoire des traitements et de ce qu'ils ont apporté à l'enfant et aux parents, doit être rassemblé pendant la mise au point. Il est important que l'enfant les parents sortent de la consultation avec le sentiment d'avoir été compris et avec une meilleure connaissance de leur trouble. Traitements Habituellement, un traitement pluridisciplinaire est indiqué dans le SGT. Comme noté plus tôt, cela implique des mesures d'éducation et de support qui aident dans toutes les maladies chroniques. Le panel 2 donne des facteurs protectifs possibles : - Environnement informé et aidant à la maison et à l'école - Bonne hygiène du sommeil - Exercices physiques réguliers - Présence et usage de talents particuliers (par exemple des dons exceptionnels sociaux, athlétiques, musicaux, académiques) Les différentes manifestations du SGT sont préférablement traitées dans le contexte d'une relation à long terme avec un clinicien qui peut aider le patient, la famille et l'école à résoudre les manifestations changeantes du SGT au cours des années. Puisque le stress aigu et chronique peut exacerber les tics, une attention thérapeutique aux difficultés d'estime de soi, à la gestion des contacts sociaux, aux problèmes familiaux et aux ajustements scolaires peut avoir des effets bénéfiques sur la gravité des tics et de l'anxiété et la dépression accompagnante. Les associations de parents (et les forums) jouent ici un rôle très important, car elles permettent à des familles où un enfant vient d'être diagnostiqué de prendre des informations chez des parents déjà plus expérimentés. Beaucoup de cas de SGT non compliqués peuvent être gérés de façon satisfaisante avec juste ces mesures et n'ont pas besoin de traitement avec des médicaments anti-tic. Quand le SGT est accompagné du trouble hyperkinétique, du trouble obsessif-compulsif, de dépression ou de deux ou trois de ces troubles, il est généralement préférable de traiter d'abord ces troubles accompagnants (comorbides), puisque leur traitement réussi résulte souvent en une diminution importante de la gravité des tics. Les traitements anti-tics Le traitement anti-tic idéal n'existe pas pour le moment. Aucun des traitements ou techniques sont efficaces immédiatement au moment où les tics se produisent. La plupart des médicaments à notre disposition ont besoin d'être donnés à long terme et ont la possibilité d'engendrer des effets secondaires graves. En effet, pour certains de ces médicaments il est beaucoup plus facile d'entamer un traitement que de l'arrêter. La tendance naturelle des tics d'augmenter et de diminuer spontanément rend l'interprétation d'essais cliniques très difficiles : Même sans traitement des périodes de beaucoup de tics peuvent être suivies de périodes de beaucoup moins de tics. Pour cette raison, il est habituellement déconseillé de commencer un nouveau traitement ou de l'augmenter à un moment où une exacerbation commence. Deux classes de médicaments sont le plus utilisés dans le contrôle de tics liés au SGT : les agonistes alpha-2 adrénergiques (guanfacine et clonidine : à l'origine des médicaments contre l'hypertension artérielle), et les neuroleptiques. En faibles doses, guanfacine et clonidine sont supposés avoir leur effet sur des récepteurs dans le cortex préfrontal (la partie antérieure du cerveau : au-dessus des yeux). La plupart des essais cliniques ont indiqué leur activité, encore que certains autres essais se sont révélés négatifs. La puissance d'inhibition des tics n'est pas très forte, comparée aux neuroleptiques, mais comme leurs effets secondaires potentiels sont moins graves, ils restent habituellement le premier choix de traitement. Leur effet secondaire principal est la sédation (ils deviennent lymphatiques), parfois accompagnée d'irritabilité. Ces effets peuvent devenir très gênants, parfois au point de devoir arrêter le traitement. Si cela se produit, il est nécessaire de l'arrêter graduellement, sur une semaine ou deux, pour éviter un rebond de tics ou d'hypertension. Plusieurs neuroleptiques typiques ou atypiques sont employés pour le traitement du SGT, spécialement en cas de tics graves ou de tics qui ne répondent pas au traitement avec des agonistes alpha-2 adrénergiques. L'efficacité des neuroleptiques consiste en leur blocage des récepteurs post synaptiques dopamine2. Pimozide, halopéridol, sulpiride et tiapride sont les neuroleptiques typiques, alors que rispéridone et ziprasidone sont deux neuroleptiques atypiques avec une activité anti-tic prouvée. Des descriptions détaillées des essais cliniques concernés, je sors ces quelques données Il faut commencer les traitements par neuroleptiques à doses faibles et les augmenter graduellement, pourtant de fortes doses donnent rarement une amélioration spectaculaire par rapport aux doses habituelles et augmentent fort les effets secondaires. Un arrêt brusque des neuroleptiques peut occasionner une exacerbation des tics et une apparition de dyskinésie tardive parfois plusieurs semaines plus tard. Alors que les neuroleptiques sont beaucoup prescrits dans le traitement du SGT, beaucoup de patients ne prennent pas correctement leurs médicaments. Les effets secondaires les plus fréquents sont la sédation et les dysphories (sautes d'humeur). Une augmentation du poids est le plus important chez la rispéridone, mais peut se retrouver aussi avec les autres neuroleptiques. Certains enfants sous neuroleptiques développent une anxiété de séparation et refus de l'école. Encore que la dyskinésie tardive est réputée rare chez les neuroleptiques atypiques, des réactions extrapyramidales aiguës (p.ex. torticolis, crises oculogyres, akathisie) peuvent arriver, nécessitant des médicaments anticholinergiques. des électrocardiogrammes de contrôle sont indiqués à l'usage du ripéridone, du ziprasidone et du pimozide. Il est aussi nécessaire d'être au courant de réactions avec les antibiotiques du type érythromycine : des réactions fatales ont eu lieu entre ces antibiotiques et le pimozide Sulpiride, employé seul, diminue fortement les tics, mais diminue faiblement les symptômes obsessifs-compulsifs. Hors ces médicaments entrés dans la pratique médicale courante, il y a encore un certain nombre de médicaments et techniques qui, assez prometteuses, en sont encore au stade de recherches : - La nicotine et dérivés (à ne pas confondre avec la cigarette) - Le pergolide - La toxine du botulisme - Le renversement d'habitudes - L'hypnothérapie - Les techniques de relaxation - Le biofeedback - L'acupuncture - Les suppléments diététiques Tous ces traitement peuvent être utiles pour certains individus, mais un essai clinique dans les règles de l'art n'a été fait pour aucun d'eux Le traitement du trouble hyperkinétique chez des personnes qui ont des tics est un problème fréquent, complexe et controversé. Des interventions doivent être dirigées vers l'école et vers les parents. La plupart des cliniciens estiment que des médicaments sont très utiles dans ce contexte. Les psychostimulants (comme méthylphénidate (Ritalin) et autres) sont les médicaments les plus actifs dans le trouble hyperactif non-compliqué. Encore que ces médicaments peuvent être employés sans problèmes chez la plupart des patients avec des tics, il peut arriver que des tics apparaissent ou qu'ils soient exacerbés. Pour cette raison, beaucoup de cliniciens entament le traitement avec seulement la clonidine ou la guanfacine. Une grande étude récente (Tourette Syndrome Study Group. Treatment of ADHD in children with tics: a placebo controlled study. Neurology 2002;58:527-36) indique que le traitement le plus efficace est de combiner le méthylphénidate avec la clonidine. Cette étude montre que la clonidine améliore l'impulsivité et l'hyperactivité, alors que le méthylphénidate améliore l'attention. Traitement du trouble obsessif-compulsif avec des tics Le plus efficace semble être l'ajout de faibles doses de neuroleptiques à un traitement aux inhibiteurs du reuptake de la sérotonine. Les infections La relation avec les infections est extrêmement controversé et des interventions dans ce sens n'ont pas leur place dans la pratique médicale courante. Futur L'auteur attend de nouveaux développements avec les connaissances plus approfondies de la biologie du cerveau qui se dessine dans les neurosciences. Bientôt donc du neuf. L'espoir fait vivre, Traduit par Paul Verheecke M.D. Publié avec la généreuse autorisation de Elsevier, éditeur de The Lancet: http://www.thelancet.com/ volume 360, pages 1577 à 1586. écrit par le prof. JF Leckman du Child Study Center and Departments of Paediatrics, psychiatry, and Psychology, Yale University, New Haven, Connecticut, USA Il y a présentement 2 visiteurs sur le site