Les entiers de Gauss - IMJ-PRG

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LM220 : ARITHMÉTIQUE
par
Alberto Mı́nguez
December 13, 2010
1. Les entiers de Gauss
1.1. Somme de deux carrés. — La question qu’on se pose dans cette section est la
suivante : quels sont les entiers relatifs qui peuvent s’écrire comme somme de deux carrés
(d’entiers)? C’est-à-dire, pour quel entier a ∈ N, il existe x, y ∈ N tels que
x2 + y 2 = a.
Par exemple, 0, 1, 2, 5, 8 et 9 peuvent s’écrire comme somme de deux carrés (exercice :
montrez-le) mais 3, 6 et 7 ne peuvent pas (exercice : montrez-le).
Lemme 1.1. — Soit a ∈ N. Alors a s’écrit comme somme de deux carrés si, et seulement si, a = b2 c où b, c ∈ N et c s’écrit comme somme de deux carrés c = s2 + t2 avec
pgcd(s, t) = 1.
Démonstration. — Si a = b2 c où b, c ∈ N et c s’écrit comme somme de deux carrés
c = s2 + t2 , alors a = (bs)2 + (bt)2 . Réciproquement, si a s’écrit comme somme de deux
carrés x2 + y 2 = a, on pose b = pgcd(x, y), s = xb , t = yb de sorte que a = b2 c où
c = s2 + t2 .
Ce lemme nous permet de nous ramener au cas où x et y sont premiers entre eux.
Proposition 1.2. — Si a s’écrit comme somme de deux carrés d’entiers premiers entre
eux, alors a n’est divisible par aucun nombre premier p positif tel que p ≡ 3 mod 4.
Démonstration. — Soit p un diviseur premier positif de a. On a donc que x2 + y 2 ≡ 0
mod p. Puisqu’on a supposé que x et y sont premiers entre eux, l’un d’eux n’est pas
divisible par p et l’identité précédente implique que aucun de deux n’est a fortiori divisible
par p. On a donc que x2 ≡ −y 2 mod p et donc, si on multiplie par l’inverse de y 2 dans
Z/pZ,
(xy −1 )2 ≡ −1
mod p.
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ALBERTO MÍNGUEZ
C’est-à-dire, il existe k ∈ Z/pZ tel que k 2 ≡ −1 mod p. La proposition découle alors du
théorème suivant.
Théorème 1.3. — Si p est un nombre premier positif, il existe k ∈ Z/pZ tel que
k 2 ≡ −1
mod p
si, et seulement si p = 2 ou p ≡ 1 mod 4.
Démonstration. — Si p = 2 alors −1 = 1 et donc 12 = 1 = −1 mod 2. Supposons donc
p de la forme p = 2b + 1, avec b ∈ N. Supposons que p ≡ 1 mod 4, c’est-à-dire, b est
pair. Alors, d’après le théorème de Wilson on a que
(p − 1)! ≡ −1
mod p
et donc
2b(2b − 1) · · · (b + 1)b · · · 2 · 1 ≡ −1
mod p
On remarque que, pour tout 0 ≤ i ≤ b − 1, 2b − i ≡ −(i + i) mod p et donc on trouve
que
b2 · · · 22 · 12 · (−1)b ≡ −1
mod p
Comme on a supposé b pair on a que
(b!)2 = b2 · · · 22 · 12 ≡ −1
mod p
d’où le résultat.
Réciproquement, supposons qu’il existe k ∈ Z/pZ tel que k 2 ≡ −1 mod p avec p
impair. On a donc que k est d’ordre 4 dans (Z/pZ)× . D’après le petit théorème de
Fermat, on a que k p−1 ≡ 1 mod p, donc p − 1 est divisible par l’ordre de k, c’est-à-dire,
p ≡ 1 mod 4.
A la fin du chapitre on montrera la réciproque de la proposition 1.2, dont on avance
l’énonce :
Théorème 1.4. — Un entier a s’écrit comme somme de deux carrés si, et seulement si
a = b2 · c avec b, c ∈ Z et b n’est divisible par aucun nombre premier p positif tel que p ≡ 3
mod 4.
Un autre façon d’écrire ce théorème est sous la forme suivante (exo : montrez que les
deux théorèmes sont équivalents) :
Théorème 1.5. — Un entier a s’écrit comme somme de deux carrés si, la valuation
p-adique de a est paire pour tout nombre premier positif p ≡ 3 mod 4.
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1.2. Les entiers de Gauss. — Pour montrer une réciproque à la proposition 1.2, on
va introduire une notion qui apparaı̂t naturellement dans ce contexte.
Définition 1.6. — Un nombre de Gauss est un nombre complexe de la forme x + yi
avec x, y ∈ Q. Un entier de Gauss est un nombre complexe de la forme x + yi avec
x, y ∈ Z. On notera l’ensemble des entiers de Gauss Z[i].
Lemme 1.7. — L’ensemble Z[i] des entiers de Gauss, muni de la somme et la multiplication des nombres complexes est un anneau commutatif intègre et Z[i] est une sous-anneau
de C..
Démonstration. — Il suffit juste de vérifier que la somme, la différence et le produit de
deux entiers de Gauss est encore un entier de Gauss. Tout sous-anneau d’un anneau
intègre est intègre.
Définition 1.8. — Si α = x + yi est un nombre de Gauss, on définit la norme de α, par
N (α) = x2 + y 2 .
Avec cette définition, un entier a est une somme de deux carrés si, et seulement si, il
existe un entier de Gauss α ∈ Z[i] tel que a = N (α), ce qui nous montre l’intérêt d’une
telle définition dans notre contexte.
Vous pouvez vérifier facilement la proposition suivante
Proposition 1.9. — Si a, b sont deux nombres de Gauss, alors
N (αβ) = N (α)N (β).
Corollaire 1.10. — Si a et b sont des sommes de deux carrés, alors leur produit ab est
aussi une somme de deux carrés.
Démonstration. — Les entiers a et b sont des sommes de deux carrés si, et seulement si,
il existe respectivement des entiers de Gauss α, β ∈ Z[i] tels que a = N (α) et b = N (β).
Alors ab = N (αβ) donc ab est une somme de deux carrés.
En fait, pour pouvoir répondre à la question posé au début de ce chapitre, il va falloir
bien comprendre l’anneau Z[i]. On va étudier, comme pour Z et l’anneau des polynômes,
ses éléments inversibles, définir ses éléments premiers et on essaiera de trouver un théorème
fondamental de l’arithmétique pour les entiers de Gauss.
Je vous rappelle qu’un entier a ∈ Z était inversible si, et seulement si, il était de valeur
absolue 1. Un polynôme était inversible si, et seulement si, il est de dégré 0. La norme,
pour les entiers de Gauss, va jouer le même rôle que la valeur absolue pour Z et le dégré
pour les polynômes.
Proposition 1.11. — Un entier de Gauss α est inversible si, et seulement si N (α) = 1.
Ce qui arrive exactement quand α = 1, −1, i ou −i.
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Démonstration. — Si α est inversible, alors il existe β tel que αβ = 1, d’où, par la
proposition 1.9, N (α)N (β) = N (αβ) = N (1) = 1. Comme N(a) est un entier naturel, on
déduit que N (α) = 1.
Si α = x + iy est un entier de Gauss tel que N (α) = 1. On a que x2 + y 2 = 1. Mais
cette équation n’a des solutions que si x = ±1 et y = 0 ou bien si y = ±1 et x = 0,
c’est-à-dire, quand α = 1, −1, i ou −i. Dans ces cas α est clairement inversible.
On définit les entiers de Gauss premiers de manière similaire au cas des entiers relatifs.
Définition 1.12. — Soit γ un entier de Gauss. On dit que γ est premier si γ n’est pas
inversible et si, pour toute décomposition γ = αβ avec α, β ∈ Z[i], on a que α ou β sont
inversibles.
Proposition 1.13. — Tout entier de Gauss γ est inversible ou premier ou un produit
d’entiers de Gauss premiers
Démonstration. — La preuve est similaire au cas des entiers relatifs. Par récurrence sur
n = N (γ). Notons P (n) la propriété : tout entier de Gauss γ tel que N (γ) = n est est
inversible ou premier ou un produit d’entiers de Gauss premiers. P (1) est vraie, d’après
la proposition précédente. Soit n ≥ 2 un entier quelconque et supposons P (k) vraie pour
k < n.
Si γ n’est pas premier, alors γ = αβ avec α, β ∈ Z[i], on et α et β ne sont pas inversibles.
2 ≥ N (α), N (β) < n. Par hypothèse de récurrence, P (N (α)) et P (N (β)) sont vraies donc
P (n) est vraie.
On a de même une division euclidienne pour les entiers de Gauss.
Théorème 1.14 (Division euclidienne). — Soient α, β ∈ Z[i] avec β 6= 0. Il existe
un couple (γ, ρ) ∈ Z[i] × Z[i] tel que α = βγ + ρ et 0 ≤ N (ρ) < N (β).
On dit que γ est le quotient et que ρ est le reste de la division euclidienne de α par β.
Démonstration. — Soient x, y ∈ Q tels que α/β = x + yi. On choisit des entiers s, t ∈ Z
tels que |x − s| ≤ 1/2 et |y − t| ≤ 1/2. On pose γ = s + ti et ρ = α − βγ. Alors
α
α
N (ρ) = N β
−γ
= N (β)N
− γ = N (β)N ((x − s) + i(y − t)) ≤ N (β)(1/4+1/4) < N (β)
β
β
ce qui montre le théorème
Remarque 1.15. — Voyez que cette fois-ci, les nombres γ et ρ ne sont pas uniques (exo :
trouvez un contre-exemple).
Exemple 1.16. — Soit α = 2 + 5i et β = 1 − 2i. Alors 2+5i
= − 85 + 95 i. Soit γ = s + ti ∈
1−2i
Z[i] tel que |s+ 85 | ≤ 21 et |t− 95 | ≤ 21 . Prenons γ = −2+2i. Donc 2+5i = (1−2i)(−2+2i)−i.
Comme dans le cas des entiers relatifs et l’anneau des polynôme ce résultat entraı̂ne
que tout idéal dans Z[i] est principal.
Proposition 1.17. — Tout idéal dans Z[i] est principal.
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Démonstration. — Soit I 6= {0} un idéal. Soit β ∈ I un élément de norme minimale
non nulle. Montrons que I = {βγ : γ ∈ Z[i]}. Par définition d’idéal, tout multiple de
β est bien dans I. Réciproquement, soit α ∈ I et effectuons la division euclidienne de
α par β. On a que α = βγ + ρ et 0 ≤ N (ρ) < N (β). Si ρ 6= 0, alors ρ = α − βγ ∈ I
contradiction.
On montrera dans le TD que cette proposition, à nouveau, implique l’existence d’un
“théorème fondamental de l’arithmétique pour Z[i]”. On se contentera ici de montrer de
montrer un “lemme d’Euclide pour Z[i]”.
Proposition 1.18. — Si π est un entier de Gauss premier et π divise αβ avec α, β ∈
Z[i], alors π divise α ou π divise β.
Démonstration. — La preuve est similaire à celle des entiers.
Supposons que π ne divise pas α. Considérons l’idéal de Z[i]
I = {γα + ρπ : γ, ρ ∈ Z[i]}.
D’après la proposition précédente il existe δ ∈ Z[i] tel que I est de la forme {δγ : γ ∈ Z[i]}.
En particulier α et π sont des multiples de δ donc, comme ils sont premiers entre eux,
on a que δ est inversible et I = Z[i]. Il existe donc γ, ρ ∈ Z[i] tels que 1 = γα + ρπ. En
multipliant cette identité par β on trouve que β = γαβ + ρπβ. Or π divise γαβ et ρπβ
donc π divise β.
1.3. Les entiers de Gauss premiers. — Dans cette section on se pose la question
suivante. Comment caractériser les entiers de Gauss qui sont premiers? Par exemple
2 = (1 + i)(1 − i) donc 2 n’est pas premier. Par contre 3 ne peut pas s’écrire comme
produit de deux entiers de Gauss de norme inférieure à la norme de 3 (exercice!).
Théorème 1.19. — Soit p un nombre premier positif. Les conditions suivantes sont
équivalentes :
(1) p ≡ 3 mod 4.
(2) p ne peut pas s’écrire comme somme de deux carrés.
(3) p est un entier de Gauss premier.
Démonstration. — Si p ≡ 3 mod 4, alors p ne peut pas s’écrire comme somme de deux
carrés car le carré d’un entier est toujours congru à 1 ou 0 modulo 4.
Supposons que p ne peut pas s’écrire comme somme de deux carrés et montrons que p est
un entier de Gauss premier. Soient a, b, c, d ∈ Z tels que p = (a+bi)(c+di). On a donc que
p2 = N (p) = N ((a + bi)(c + di)) = N (a + bi) N (c + di). Si N (a + bi) = N (c + di) = p,
alors p est somme de deux carrés. On a donc que ou N (a + bi) = 1 ou N (c + di) = 1,
c’est-à-dire, p est premier.
Finalement, supposons que p est un entier de Gauss premier. Si, p ≡ 1 mod 4, alors
par le théorème 1.3, il existe x ∈ Z tel que x2 ≡ −1 mod p, c’est-à-dire, p divise x2 + 1 =
(x+i)(x−i). D’après le lemme d’Euclide (pour les entiers de Gauss), comme on a supposé
p premier, on que p divise (x + i) ou(x − 1), ce qui est impossible.
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Corollaire 1.20. — Un entier a s’écrit comme somme de deux carrés si, et seulement
si a = b2 · c avec b, c ∈ Z et b n’est divisible par aucun nombre premier p positif tel que
p ≡ 3 mod 4.
Démonstration. — D’après la proposition 1.2, il ne nous reste à montrer que, si a = b2 · c
avec b, c ∈ Z et b n’est divisible par aucun nombre premier p positif tel que p ≡ 3 mod 4,
alors a est la somme de deux carrés. Or, dans ce cas, c est le produit de nombres premiers
qui sont, d’après le théorème précédent, des sommes de deux carrés. D’après le corollaire
1.10, on a que c est la somme de deux carrés et donc, d’après le lemme 1.1, a est aussi la
somme de deux carrés.
On finit la section par une caractérisation des entiers de Gauss premiers :
Théorème 1.21. — Soit α ∈ Z[i]. Alors α est un entier de Gauss premier si, et seulement si, l’une des conditions suivantes est satisfaite :
(1) N (α) est un entier premier.
(2) α = ±p ou α = ±ip avec p un entier premier positif avec p ≡ 3 mod 4.
Démonstration. — Si l’une des deux conditions est satisfaite, α est clairement un entier
de Gauss premier (en effet, si α = βγ alors N (α) = N (β)N (γ)). Réciproquement, soit
α = a + bi un entier de Gauss premier. Si b = 0 (resp. a = 0) alors, par le théorème 1.19,
α satisfait à la condition 2. Si ab 6= 0, montrons que N(α) est premier. Sinon, supposons
N(α) = cd avec c, d ≥ 2, c’est-à-dire, α(a − bi) = cd. Alors α divise c ou d. Supposons α
divise c. Alors, c = αγ, avec γ ∈ Z[i]. On multiplie cette égalité par a − bi et on trouve
que (a − bi)c = cdγ, c’est-à-dire d divise a − bi. Comme a − bi est premier, on a que d = 1
contradiction.
2. La loi de réciprocité quadratique
Le problème qu’on va essayer de résoudre dans cette section est le suivant. Soient a, n
des entiers. L’équation
x2 ≡ a mod n
a-t-elle des solutions?
Par exemple, si n = 7 on sait que les carrés modulo 7 des entiers 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6 sont
0, 1, 4, 2, 2, 4, 1. Ainsi l’équation
x2 ≡ a mod 7
aura une solution si, et seulement si, a ≡ 0, 1, 2, 4 mod 7.
On a aussi vu dans la section précédente (Théorème 1.3) que, si n = p est un nombre
premier positif, et a = −1, alors l’équation
x2 ≡ −1
mod p
a une solution si, et seulement si, p n’est pas congru à 3 modulo 4.
Ici on va résoudre le cas où n = p est un entier premier positif : c’est le cas le plus
intéressant, le cas général se déduit de celui-ci sans beaucoup plus d’effort, en utilisant,
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grosso modo, le théorème chinois. Puisque le cas où p = 2 est aussi trivial (tout le monde
est un carré modulo 2), on va considérer dorénavant que p est un nombre premier positif
impair.
On a une solution très facile à notre problème.
Proposition 2.1. — Soit a un entier non divisible par p. Alors a est un carré (c’est-àdire l’équation x2 ≡ a mod p a une solution) si, et seulement si,
a
p−1
2
≡1
mod p.
p−1
Démonstration. — Si a = b2 alors a 2 ≡ bp−1 ≡ 1 mod p, par le théorème de Fermat.
Prouvons la réciproque. Considérons le morphisme de groupes abéliens multiplicatifs
φ : (Z/pZ)× −→ (Z/pZ)×
x 7→ x2
L’image de φ est l’ensemble de carrés non nuls modulo p et son noyau est {±1}. On
a donc que l’ensemble de carrés non nuls modulo p est en bijection avec le quotient
(Z/pZ)× /{±1}. C’est-à-dire, on a exactement p−1
carrés non nuls modulo p. Or chaque
2
carré non nul modulo p est, d’après la première implication, une solution à l’équation
p−1
X 2 − 1 = 0. Cette équation a p−1
solutions et on a p−1
carrés donc a est un carré si, et
2
2
p−1
seulement si a 2 ≡ 1 mod p.
Remarque 2.2. — Dans le cas particulier où a = −1 cette proposition nous fournit une
nouvelle preuve du Theorème 1.3.
Comme, d’après le théorème de Fermat, ap−1 ≡ 1 mod p, on que (a
p−1
0 mod p, et donc a 2 ∈ {±1}.
p−1
2
−1)(a
p−1
2
+1) ≡
Définition 2.3. — Soient a un entier et p un
premier impair tels que p ne divise
nombre
p−1
a
pas a. On définit le symbole de Legendre p = a 2 = ±1 mod p, c’est-à-dire
(
a
1
si a est un carré modulo p
=
p
−1 si a n’est pas un carré modulo p
Exemple 2.4. — (1) p1 = 1 (1 est toujours un carré, 1 = 12 ).
p−1
(2) −1
= (−1) 2 . (C’est une autre façon d’écrire que (−1) est un carré modulo p
p
si, et seulement si, p n’est pas congru à 3 modulo 4.)
b
Remarque 2.5. — Par définition de ap , on a directement que ab
= ap
.
p
p
On a maintenant deux problèmes :
(1) Imaginez qu’on veut savoir si 29 est un carré modulo 43. Comment calculer de
? 2921 modulo 43 est compliqué à faire à la main...
façon simple (sans calculette!) 29
43
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(2) Etant donné p fixé, on connaı̂t maintenant les a tels que x2 ≡ a mod p a une
solution. Mais si on fixe a comment calculer l’ensemble des nombres premiers p tels que
x2 ≡ a mod p a une solution?
C’est pour répondre à ces deux problèmes que Gauss a trouvé la loi de réciprocité
quadratique. Il était très fier de son résultat, il l’a appelé le Theorema Aureum, le théorème
d’or. Il trouva six preuves différentes de son théorème. Aujourd’hui on en connaı̂t plus
de 200! Celle qu’on va expliquer ici, particulièrement simple, est due à G. Einsenstein.
Pour plus de détails vous pouvez consulter le Cours d’Arithmétique de J.P. Serre.
Soit p un nombre premier positif et S un sous-ensemble de (Z/pZ)× tel que
(Z/pZ)× = S t −S
On va prendre S = {1, 2, . . . , p−1
}. Si s ∈ S et a ∈ (Z/pZ)× alors sa = εs (a)sa avec
2
εs (a) = ±1 et sa ∈ S.
Lemme 2.6 (Gauss). —
Y
a
εs (a).
=
p
s∈S
Démonstration. — Remarquons d’abord que si s, s0 ∈ S, s 6= s0 alors sa 6= s0a . En effet,
si sa = s0a , on aurait que s = ±s0 et donc, puisque s, s0 ∈ S, on aurait s = s0 . Donc
l’application
S → S
s 7→ sa
est injective et, puisque S est un ensemble fini, elle est une bijection de S sur lui-même.
On a :
Y
Y
as =
εs (a)sa
s∈S
s∈S
d’où
a
p−1
2
Y
Y
Y
εs (a) sa
s=
s∈S
s∈S
s∈S
donc
Y
a
=
εs (a).
p
s∈S
Exemple 2.7. — Calculons
c’est-à-dire,
2
p
. Alors εs (2) = 1 si 2s ≤
p−1
2
2
= (−1)np
p
où np est le cardinal de l’ensemble {s ∈ Z :
p−1
4
<s≤
p−1
}.
2
et εs (2) = −1 si 2s >
p−1
,
2
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9
Si p = 4k + 1, alors np = k et si p = 4k + 3, alors np = k + 1. Donc np est pair si, et
seulement si p = 4k + 1 avec k pair ou p = 4k + 3 avec k impair, c’est-à-dire, p ≡ ±1
mod 8. On trouve finalement
(
2
1
si p ≡ ±1 mod 8
=
p
−1 si p ≡ ±3 mod 8.
Le lemme suivant, un exercice élémentaire d’analyse, je le laisse comme exercice.
Lemme 2.8. — Soit m un entier positif impair. On a l’égalité suivante :
Y m−1
sin(mx)
2πt
2
2
= (−4) 2
sin (x) − sin
.
sin(x)
m
m−1
1≤t≤
2
en sin2 (x). Ensuite
Il suffit de voir que le terme
de droite est un polynôme de degré m−1
2
on prouve que les sin2 2πt
, 1 ≤ t ≤ m−1
sont les racines de ce polynôme. Le facteur
m
2
m−1
(−4) 2 on l’obtient en comparant les coefficients des deux polynômes.
Théorème 2.9 (Loi de réciprocité quadratique). — Soient p, q deux nombres premiers impairs distincts. Alors
(q−1)(p−1)
q
p
4
.
= (−1)
p
q
Démonstration. — On rappelle que, d’après le lemme
Y
q
=
εs (q).
p
s∈S
L’égalité qs = εs (q)sq implique que
2π
2πs
q = εs (q) sin
sq ,
sin
p
p
d’où
Q
2πs
sin
q
p
Y
s∈S
,
εs (q) = Q
2π
sin
s
s∈S
p q
s∈S
et comme les sq ↔ s est une bijection on trouve

 q
Y
Y sin 2πs
p


εs (q) =
sin 2π
s
s∈S
s∈S
p
et on trouve que
On applique le lemme avec m = q et x = 2πs
p
Y
Y
q−1
q
2πs
2πt
2
2
=
(−4) 2
sin
− sin
.
p
p
q
m−1
s∈S
1≤t≤
2
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Si on note T = {1, 2, . . . , q−1
}, on a que
2
(q−1)(p−1) Y Y
2πs
2πt
q
2
2
4
= (−4)
·
sin
− sin
.
p
p
q
s∈S t∈T
En échangeant les rôles de p et q on a que
(q−1)(p−1) Y Y
p
2πt
2πs
2
2
4
= (−4)
− sin
·
sin
q
q
p
s∈S t∈T
(q−1)(p−1) Y Y
2πs
2πt
2
2
4
= (−4)
·
(−1) sin
− sin
p
q
s∈S t∈T
Y Y
(q−1)(p−1)
2πs
2πt
2
2
|S|×|T
|
4
·
sin
− sin
= (−4)
(−1)
p
q
s∈S t∈T
q
= (−1)|S|×|T |
p
(q−1)(p−1)
4
,
donc pq et pq diffèrent d’un signe qui est le cardinal de S×T , c’est-à-dire, (−1)
d’où la formule
(q−1)(p−1)
q
p
4
= (−1)
.
p
q
Remarque 2.10. — On a donc montré que
q
p
=
p
q
sauf si p et q sont tous les deux congrus à 3 modulo 4, cas où
q
p
=−
p
q
7
14
2
7
Exemple 2.11. — 29
= 43
= 29
= 29
= − 29
=−
43
29
29
Donc l’équitation
x2 ≡ 29 mod 43
n’a pas de solution.
Conclusion
les formules
: avecp−1
−1
(1) p = (−1) 2 ;
(
p2 −1
1
si p ≡ ±1 mod 8
(2) p2 = (−1) 8 =
−1 si p ≡ ±3 mod 8;
(q−1)(p−1)
p
4
(3) pq
= (−1)
;
q
29
7
=−
1
7
= −1.
LM220 : ARITHMÉTIQUE
on peut calculer
q
p
11
pour tous nombres premiers p et q.
Alberto Mı́nguez, Institut de Mathématiques de Jussieu, Université Paris 6. 175, rue de Chevaleret.
75013 Paris, France. URL: http://www.institut.math.jussieu.fr/∼minguez/
E-mail : [email protected]
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