Visualisation de l’activité et de l’expression de récepteurs nucléaires grâce à différentes méthodologies Sandra Alves Francisco Supervision: Grégory Segala, PhD, Unige Les récepteurs nucléaires sont des protéines se trouvant dans les cellules et capables de transmettre des signaux hormonaux spécifiques en agissant sur la régulation de l'expression de gènes cibles. Ces récepteurs sont d’importants facteurs de transcription qui sont activés après avoir lié un ligand spécifique (hormone). Ensuite, ils se rendent dans le noyau, où ils se lient à l’ADN et contrôlent positivement ou négativement l’expression des gènes cibles. Ajouter un numéro de figure, un titre et une légende Dans mon projet, j’ai travaillé avec le récepteur des œstrogènes (ERα) et le récepteur des glucocorticoïdes (GR). Les œstrogènes, dont le plus important est l’œstradiol (17β-estradiol ou E2), sont des hormones stéroïdes qui diffusent facilement à travers la membrane cellulaire, car ils sont liposolubles, et n’agissent que dans des cellules qui portent des récepteurs des œstrogènes. Ils sont responsables du fonctionnement du système reproducteur féminin et de l’apparition des caractères sexuels secondaires féminins. Les cancers du sein qui expriment ERα sont stimulés par cette hormone. Les récepteurs d’hormones stéroïdes se trouvent déjà dans le cytosol avant de se lier à une hormone. La fixation d’une hormone stéroïde à son récepteur cytoplasmique induit son déplacement vers le noyau. Une fois dans ce dernier, le récepteur stéroïdien modifie la transcription de gènes spécifiques en agissant sur le recrutement de la machinerie de transcription. L’activation de la transcription permet à l’ARN polymérase de synthétiser l’ARN messager codant pour des protéines spécifiques. GR est le récepteur auquel le cortisol ainsi que d’autres glucocorticoïdes se lient, fonctionnant selon le même mode qu’ER. Le cortisol est libéré en réponse au stress et au faible taux de glucose dans le sang et a une activité anti-inflammatoire. La dexaméthasone (Dex), que nous avons utilisée dans nos expériences, est une hormone glucocorticoïde de synthèse. Elle a un effet anti-inflammatoire et immunosuppresseur (son activité est environ 40 fois celle du cortisol). Dans le contexte de ce projet, différentes techniques ont été utilisées afin de visualiser l’activité, l’expression et la localisation intracellulaire de ces protéines. Transfection : La transfection consiste à intégrer du matériel génétique exogène dans des cellules. Dans notre cas, des cellules embryonnaires humaines de rein HEK293T, ont été transfectées avec des plasmides, molécules d’ADN circulaire comportant des gènes cibles. Du PolyEthylenImide (PEI), un agent de transfection condensant l’ADN des plasmides en des particules chargées positivement et permettant leur introduction dans les cellules par endocytose, est ajouté aux plasmides à tous les échantillons sauf celui spécifié ci-dessous. Différentes transfections ont été effectuées selon l'expérience concernée. En effet, nous avons effectué des transfections pour ensuite réaliser une expérience utilisant la microscopie à fluorescence et le FACS, un essai luciférase et un western blot. Les conditions de transfection pour chacune des expériences sont détaillées ci-après. 1) Pour visualiser la localisation intracellulaire de la protéine mais surtout pour étudier l’efficacité de la transfection nous avons fait une microscopie à fluorescence puis un FACS (Fluorescence-Activated Cell Sorting). Nos cellules ont été transfectées avec un plasmide codant pour la GFP, une protéine fluorescente, en même temps que des conditions contrôles : 1 : Plasmide vide 2 : Plasmide recombiné contenant le gène de la GFP 3 : Plasmide recombiné contenant le gène de la GFP mais pas de PEI 2) Afin d’étudier comment les récepteurs régulent l’expression des gènes cibles, un système de luciférase assay a été utilisé. Dans ce cas, l’expression de la firefly luciférase est sous contrôle d’un élément de réponse du récepteur des œstrogènes(ERE) ou du récepteur des glucocorticoïdes (GRE), une courte séquence nucléotidique présente dans l'ADN, au niveau des promoteurs des gènes, capable d'être reconnue et liée par un facteur de transcription donné. Ces éléments dépendent donc de l’activité d'ER ou de GR lors d’un traitement hormonal. Des vecteurs permettant l'expression constitutive de la luciférase de Rénilla, sont utilisés en combinaison avec les vecteurs de firefly luciférase pour co-transfecter nos cellules. L'expression de la luciférase de Renilla fournit une valeur de contrôle interne à laquelle l'expression du gène rapporteur expérimental de firefly luciférase peut être normalisée afin de tenir compte de toutes les variations non spécifiques qu’il pourrait y avoir dans les activités de la luciférase mesurées (variation d'efficacité de transfection, de toxicité, de métabolisme cellulaire, de quantité de protéine,...). Pour cette expérience nous utilisons plusieurs plasmides : Plasmide codant pour le récepteur des œstrogènes (ERα) et plasmide codant pour la luciférase (promoteur sous contrôle de l’élément de réponse d’œstrogène) (ERE-Luc) ou plasmide codant pour le récepteur de glucocorticoïde (GR) et plasmide codant pour la luciférase (sous contrôle de l’élément de réponse de glucocorticoïde) (GR-Luc), plasmide codant pour la Rénilla et des plasmides vides qui ne codent pour aucun des éléments précités. Nous avons préparé 6 puits pour chaque condition : 1 : pas de ERα + ERE-Luc (3 puits traités avec un milieu d’éthanol et 3 puits traités avec E2) 2 : ERα + ERE-Luc (3 puits traités avec un milieu d’éthanol et 3 puits traités avec E2) 3 : pas de GR + GR-Luc (3 puits traités avec un milieu d’éthanol et 3 puits traités avec Dex) 4 : GR + GR-Luc (3 puits traités avec un milieu d’éthanol et 3 puits traités avec Dex) Les puits où il manque des plasmides codant pour ERα ou GR ont été tranfectés avec un plasmide vide pour montrer que l'activité luciférase est bien dépendante de la présence des récepteurs correspondants. Puis, la Rénilla a été mise dans tous les tubes pour pouvoir effectuer la normalisation. 3) Pour étudier l’expression et la régulation de la quantité d’ERα et de GR, un Western Blot, permettant l'identification et la quantification de protéines spécifiques, a été fait. Pour cette expérience, nous avons préparé deux puits pour chaque condition : 1 : pas de ERα, plasmide vide (1 puit traité avec un milieu d’éthanol et 1 puit traité avec E2) 2 : ERα (1 puit traité avec un milieu d’éthanol et 1 puit traité avec E2) 3 : pas de GR, plasmide vide (1 puit traité avec un milieu d’éthanol et 1 puit traité avec Dex) 4 : GR (1 puit traité avec un milieu d’éthanol et 1 puit traité avec Dex) Microscopie à fluorescence : La microscopie en fluorescence est une technique utilisant un microscope à fluorescence qui permet la visualisation de la fluorescence due à la GFP. Résultats : 1) Photos des cellules au microscope à fluorescence Image optique Image fluorescente Fig. 1 Photos au microscope à fluorescence des cellules transfectées par un plasmide vide mais avec PEI, transfectées par un plasmide codant pour la GFP et avec PEI ou transfectées par un plasmide codant pour la GFP mais sans PEI. Dans le premier et le troisième échantillon, absence de fluorescence. Dans le deuxième, présence de cellules fluorescentes. Discussion : C’est une technique utile pour voir où la protéine est localisée mais surtout pour vérifier l’efficacité qualitative de la transfection. Dans le premier échantillon, l’absence de GFP est la cause de la non-fluorescence. Il y a eu transfection mais un plasmide vide ne peut pas coder pour une protéine. Dans le deuxième, on voit que la transfection est efficace grâce à l’expression de la GFP visible par la présence de cellules fluorescentes. Dans le troisième, Il y avait le plasmide mais pas l’agent de transfection (PEI), donc la transfection était impossible. FACS (Fluorescence-Activated Cell Sorting) : Le FACS ou cytométrie en flux est une technique qui fait défiler des cellules à grande vitesse dans le faisceau d'un laser, ce qui permet de les compter et de les caractériser. C'est la lumière réémise (par fluorescence) qui permet de trier la population cellulaire suivant plusieurs critères comme par exemple l'intensité de fluorescence. Les cellules utilisées dans cette expérience sont les mêmes que celles pour la microscopie à fluorescence. Résultats : 2) Histogrammes des cellules comptées par le FACS A : plasmide vide/PEI B : plasmide GFP/pas de PEI C : plasmide GFP/PEI Fig. 2 Histogrammes des cellules de l’expérience précédente comptées par le FACS en fonction de l’intensité de leur fluorescence. Dans ces histogrammes, nous voyons le nombre de cellules (counts) en fonction de l'intensité de leur fluorescence (FL1-H). Seule la partie droite de l'histogramme est prise en compte puisqu'elle correspond à une intensité de fluorescence spécifique de la GFP tandis que la partie gauche correspond à l'autofluorescence des cellules. L’efficacité quantitative de la transfection des plasmides dans les cellules est calculée : Panneau A, 0.24%, Panneau B, 0.32%, Panneau C, 72.72%. L’efficacité de la transfection du panneau C est élevée due à des conditions optimales. Luciferase assay : Le système de luciférase reporter assay est souvent utilisé comme outil pour étudier l’expression des gènes au niveau de la transcription. La luciférase est une classe d’enzymes trouvées dans différentes espèces capables de les exprimer pour émettre de la lumière. Une première bioluminescence résulte de l'oxydation de la luciférine en oxyluciférine qui est catalysée par la luciférase firefly (luciole) et qui est accompagnée de l'émission de photons. L’activité de la luciférase de Rénilla produit une deuxième bioluminescence selon le même principe. L’expression du gène reporteur de la luciférase sera mesurée afin de quantifier l’activité transcriptionnelle du récepteur étudié. Après avoir transfecté nos cellules, le traitement hormonal a été effectué. De l’éthanol a été placé dans les puits contrôles, ce qui nous permettra de s'assurer que l’activité mesurée est liée à un ligand et non au solvant qui le contient puisque les ligands sont solubilisés dans l'éthanol. Puis, l’E2 et la Dex, ont été mises dans leurs puits respectifs à une concentration saturante afin qu’il y ait un excès d’hormones par rapport aux récepteurs. Après activation de ces derniers et que les différentes étapes de transcription, traduction et modifications post- traductionnelles aient été effectuées (soit 18h après), les cellules sont lysées grâce à un tampon de lyse, libérant les protéines, la luciférase incluse. Ensuite la luciférine est ajoutée pour que l’activité enzymatique soit mesurée. La lumière résultant de l’oxydation du substrat est mesurée grâce au luminomètre. L'intensité de lumière émise sera proportionnelle à la quantité de luciférase. Alors que l'expression de la luciférase est dépendante de l'activité des récepteurs, l'expression de la Rénilla est, elle, constitutive et ne dépend pas de l’activation des récepteurs par leur ligand. La mesure de la lumière émise par la réaction de la Renilla avec son substrat ajouté permet ainsi de normaliser la lecture de l'activité Firefly ce qui annule les variations d'activité Firefly non spécifiques. Résultats : 3) Histogrammes de l’intensité de lumière émise mesurée par le luminomètre Fig. 3 Intensité de la lumière émise par la réaction de la luciférine avec son substrat, dans les échantillons ne contenant ni ER ou E2, ne contenant pas d’ER mais du E2, contenant du ER mais pas d’E2 ou contenant du ER et du E2. Dans les trois premiers échantillons la luminescence mesurée est faible. Dans le dernier, la luminescence mesurée est élevée. Fig. 4 Intensité de la lumière émise par la réaction de la luciférine avec son substrat, dans les échantillons ne contenant ni GR ou DEX ne contenant pas du GR mais du DEX, contenant du GR mais pas de DEX ou contenant du GR et du DEX. Dans les trois premiers échantillons la luminescence mesurée est faible. Dans le dernier, la luminescence mesurée est élevée. Discussion : Dans ces histogrammes, nous voyons dans les deux cas, que les conditions avec la transfection du plasmide codant pour le récepteur en présence de son ligand sont celles où la luminescence est la plus forte. En effet, l’activité de la luciférase comme expliqué audessus est directement liée à l'activation du récepteur par son ligand. Cette expérience montre donc qu'ER et GR sont bien activés par E2 et Dex respectivement et que la présence de chacun des récepteurs est nécessaire pour l'activation de leur promoteur respectif. Western Blot : Après transfection des récepteurs, les cellules ont été traitées avec les hormones comme dans l’expérience ci-dessus. Les cellules sont ensuite lysées et les protéines extraites grâce au tampon de lyse RIPA. En centrifugeant la solution, on se débarrasse des membranes cellulaires ainsi que des cellules non lysées. Un essai de Bradford est utilisé afin de mesurer la concentration des protéines en solution dans chaque échantillon pour pouvoir ensuite connaitre le volume d'extrait à mettre dans chaque puits du gel. Les protéines sont séparées par électrophorèse sur gel de polyacrylamide, selon leur taille. On les fait migrer à travers le gel en appliquant un courant, ayant rajouté auparavant un tampon d'électrophorèse (running buffer) contenant les ions nécessaires à la migration. Les petites protéines, se déplaçant facilement, vont aller plus vite que les grandes. Afin de rendre les protéines accessibles à la détection par anticorps, nous devons les transférer sur une membrane. La membrane est placée en face du gel et un courant électrique est appliqué de façon transversale de façon à ce que les protéines se déplacent du gel vers la membrane. Quand les protéines sont sur la membrane, elle est immergée dans une solution de blocage, contenant des protéines de lait afin d'empêcher par la suite l’interaction non spécifique entre les anticorps, qui sont eux-mêmes de nature protéique, et la membrane. Après le blocage, une solution diluée d'anticorps primaires est incubée avec la membrane sous agitation modérée pour qu'ils reconnaissent leur protéine cible présente sur la membrane. 1. Un anticorps, provenant de souris, se liera aux protéines contrôles (Gapdh) que l’on a ajoutées. 2. Deux autres anticorps, provenant de lapins, se lieront à leurs protéines respectives (ER ou GR). Après rinçage de la membrane afin d'enlever les anticorps primaires non liés, celle-ci est exposée à des anticorps secondaires, dirigés contre une portion de l'anticorps primaire. L’un, anti-souris ciblera et se liera au premier anticorps(1) et l’autre, anti-lapin aux seconds(2). Ce sont ces anticorps secondaires, couplés à une enzyme émettant un signal fluorescent, (vert pour 1 et rouge pour 2) qui permettront la détection des protéines cibles. Après rinçage des anticorps secondaires nonliés, le western blot est prêt pour la détection des sondes marquées et liées à la protéine d'intérêt. Résultats : 4) Photos des protéines après Western Blot M.W. (kDa) M.W. (kDa) 250 150 100 75 250 150 100 75 50 50 37 37 25 25 Fig. 5 à gauche les protéines ER ont migré se trouvant au niveau des protéines d’environ 60 kDa et à droite les protéines GR ont migré se trouvant au niveau des protéines d’environ 90-95 kDa. Discussion : Tout d’abord, on voit que les protéines de contrôle en vert sont présentes à intensité semblable dans les différents puits, ce qui nous prouve qu’il y a bel et bien la même quantité de protéines dans chaque puits, confirmant que la lecture des résultats sera fiable. Ensuite, on voit qu’il n’y a des protéines réceptrices que dans les conditions où l’on avait transfecté le plasmide codant pour le récepteur, ce qui correspond au résultat attendu. Les marqueurs sur les côtés nous indiquent que la taille d'ER est d'environ 60 kDa et celle de GR d'environ 90- 95 kDa. Pour finir, il y a une légère diminution de protéines réceptrices dans le puit GR+Dex. En effet, en présence de l’hormone, le récepteur est actif et va faire une autorégulation de son expression et donc va moins s’exprimer. Conclusion : Au cours de cette semaine, j’ai pu apprendre de nouvelles techniques fréquemment utilisées par les chercheurs en biologie cellulaire afin de déterminer les efficacités de transfection, et mieux comprendre les mécanismes de régulation de l'expression des gènes et les niveaux de l’expression des protéines. Toutes ces techniques sont utiles pour étudier différents aspects de la biologie des récepteurs nucléaires, qui jouent un rôle important en physiologie et dans les maladies. Remerciements : J’ai eu la possibilité de passer une semaine passionnante au Département de Biologie Cellulaire de l’Université de Genève et je souhaitais remercier toutes les personnes qui ont permis cette expérience unique. Tout d’abord, merci à la Science appelle les Jeunes, organisation sans laquelle cette semaine n’aurait pas été possible, qui m’a laissé l’opportunité de m’enrichir en nouvelles connaissances et de vivre autant d’expériences. Ensuite, merci au Département de Biologie Cellulaire de m’avoir accueillie dans ses locaux. Je voulais particulièrement remercier Prof. Didier Picard, qui m’a donné la chance de passer ces quelques jours dans son laboratoire. Un grand merci à mon tuteur, Gregory Segala, pour m’avoir encadrée durant cette semaine, m’avoir accompagnée durant cette expérience et avoir supervisé ce projet, pour sa patience, sa grande aide et le temps qu’il a consacré pour mettre en place ce planning. Et merci finalement à tout le personnel du laboratoire Picard, pour l’accueil sympathique et pour m’avoir permis de voir de plus près leur profession, tout en m’aidant dans la réalisation de plusieurs expériences. Je souhaite à toute l’équipe tout le meilleur pour l'avenir !