Céphalées chroniques Les céphalées chroniques ne sont pas rares

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Société Suisse
de Neurologie SSN
Une information de la SSN aux médecins généralistes, internistes et pédiatres
10.4
Céphalées chroniques
Joachim W. Koch, Peter Sandor
Les céphalées chroniques ne sont pas rares
A l’échelle mondiale, 3 – 5 % de la
population souffrent de céphalées
chroniques1. D’après les critères de
la International Headache Society
(IHS), les céphalées sont dites chroniques lorsqu’elles surviennent au
moins 15 jours par mois, durant au
moins 4 h par jour, sur une période
d’au moins 3 mois2. Les céphalées
chroniques primaires sont réparties
en céphalées de tension chroniques,
en migraine chronique, en hémicrânie continue et en céphalées quotidiennes nouvelles persistantes1.
Les céphalées par abus médicamenteux constituent la principale forme
de céphalées symptomatiques et
la plus fréquente. Parmi les autres
causes figurent l’artérite temporale,
la thrombose des sinus veineux cérébraux, l’hypertension ou l’hypotension intracrânienne, les tumeurs cérébrales, les dissections vasculaires
ou le syndrome d’apnée du sommeil.
Dans ce numéro, seules les cépha-
lées chroniques primaires et les
céphalées par abus médicamenteux
sont présentées. Pour ces formes
de céphalées, le diagnostic repose
sur l’anamnèse ainsi que sur des
résultats d’examens neurologiques
sans particularités. Pour exclure une
cause symptomatique à l’origine des
céphalées chroniques, il est toutefois
souvent nécessaire de pratiquer des
examens diagnostiques approfondis
(IRM crânienne, ponction lombaire),
comme pour les formes épisodiques.
Migraine chronique
Une migraine chronique se développe le plus souvent à partir d’une
migraine épisodique sans aura, dont
elle se distingue par des symptômes
végétatifs moins prononcés. Il s’agit
typiquement de céphalées permanentes auxquelles s’ajoutent périodiquement des céphalées pulsatiles.
Les femmes en sont environ neuf
fois plus touchées que les hommes.
L’abus médicamenteux serait un
Chères lectrices, chers lecteurs,
Les céphalées chroniques quotidiennes sont classifiées en quatre formes de céphalées primaires
d’après les critères de la International Headache Society (IHS): migraine chronique, céphalées de tension
chroniques, hémicrânie continue et
céphalées quotidiennes nouvelles
persistantes. Il convient d’en distinguer les céphalées par abus médicamenteux, une forme symptomatique
mais soignable qui survient le plus
souvent sur un terrain migraineux ou
sur un fond de céphalées de tension.
Le traitement des céphalées chroniques réside principalement dans
la prophylaxie ; quant à la prise en
charge des céphalées par abus médicamenteux, elle implique un sevrage des antalgiques. La combinaison
avec des mesures non pharmacologiques est souvent indiquée.
Dr. Joachim W. Koch
PD Dr. Peter Sandor
Sommaire
Thème principal : Céphalées chroniques
Les céphalées chroniques ne sont pas rares...........................................1
Généralités concernant les traitements non pharmacologiques............3
Recommandations thérapeutiques dans la pratique...............................3
Pharmanews..............................................................................................4
Auteurs de ce numéro :
Dr méd. Joachim W. Koch, Leitender Facharzt für
Neurologie/Neurorehabilitation, Bad Schinznach AG;
PD Dr méd. Peter Sandor, Leitender Arzt Neuro­logie,
Leiter Akutnahe Neurorehabilitation,
Kantonsspital Baden / RehaClinic Zurzach
2
cofacteur déclenchant chez 70 - 80 %
des patients3,4. La migraine chronique
s’accompagne souvent d’une comorbidité psychiatrique, le plus souvent
d’une dépression5,6. La cause de la
chronicisation des migraines n’est
pas élucidée et reste controversée.
Traitement
A côté du traitement d’un éventuel
abus médicamenteux, une prophylaxie médicamenteuse de la migraine est généralement indiquée.
D’après les recommandations de
plusieurs sociétés savantes consacrées aux céphalées, l’acide valproïque et le topiramate sont des
médicaments appropriés pour la
prophylaxie de la migraine chronique1. Le topiramate à la dose de
100 mg par jour était efficace dans
deux études contrôlées7. L’efficacité des autres médicaments
prophylactiques
(bêtabloquants
ou antidépresseurs) n’a pas été
suffisamment étudiée. Il en est de
même pour la plupart des mesures
thérapeutiques non médicamenteuses. Une étude contrôlée récente a montré que la toxine botulique exerçait une action positive8.
Céphalées de tension
chroniques
Les symptômes cliniques ne se
différencient pas entre la forme
épisodique et la forme chronique.
En cas de céphalées de tension
chroniques, une comorbidité psychiatrique (dépression ou trouble
anxieux) est présente dans jusqu’à
deux tiers des cas et les abus médicamenteux sont fréquents9. Pour
cette forme de céphalées chroniques, la physiopathologie reste
également confuse. Des mécanismes périphériques, particulièrement au niveau des muscles péricrâniens, sont vraisemblablement
impliqués, en association avec une
sensibilisation centrale.
Traitement
Comme pour la forme épisodique,
un traitement aigu par analgésiques non stéroïdiens est possible. La durée de prise est limitée
à 10 jours par mois au maximum,
afin d’éviter un abus médicamen-
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teux. La stratégie médicamenteuse
la plus efficace réside dans la prophylaxie. Les médicaments de premier choix sont les antidépresseurs
tricycliques comme l’amitriptyline.
En option, le myorelaxant tizanidine
peut être administré. La mirtazapine, l’acide valproïque, le moclobémide, la fluoxétine ou le sulpiride sont recommandés comme
médicaments de deuxième choix.
La gabapentine ou le topiramate
peuvent également être utilisés.
La prise quotidienne d’opiacés est
contre-indiquée1,8.
Traitement
Comme mentionné ci-dessus, une
caractéristique typique et déterminante pour le diagnostic est que les
personnes atteintes d’hémicrânie
continue répondent rapidement à
l’indométacine. La dose nécessaire
peut fortement varier d’un patient à
l’autre (50 mg à 225 mg par jour).
Par contre, la règle consiste à augmenter la posologie jusqu’à la disparition des symptômes (toujours avec
gastroprotection) puis à la réduire
lentement jusqu’à une dose d’entretien.
Il est judicieux de combiner des
mesures médicamenteuses et
non médicamenteuses. Dans les
études, les thérapies cognitivocomportementales, les thérapies
de relaxation et le biofeedback ont
montré des résultats positifs. Des
bénéfices supplémentaires pourraient vraisemblablement être obtenus grâce à la combinaison avec
des mesures physiothérapeutiques
et une thérapie physique10,11.
Il n’existe pas suffisamment de données pour les autres médicaments
et les mesures non pharmacologiques.
Hémicrânie continue
Cette forme de céphalées chroniques se caractérise par des
douleurs strictement unilatérales
continues, d’où le nom d’hémicrânie continue, auxquelles s’ajoutent
des crises douloureuses de durée
variable. La majorité des patients
souffrent dès le début d’une forme
chronique et les femmes sont
deux fois plus touchées que les
hommes. Il s’agit d’une forme rare
de céphalées, qui est certainement sous-diagnostiquée12. Le critère diagnostique et classificatoire
déterminant est la réponse à l’indométacine13, le seul traitement
dont l’efficacité est certifiée. Ce
contexte suscite des critiques justifiées, qui vont jusqu’à remettre
en question cette forme de céphalées. La physiopathologie ainsi
que le rôle particulier que joue
l’indométacine dans le traitement
ne sont pas clairs ; la présence fréquente de symptômes autonomes
légers et les IRM fonctionnelles indiquent que l’hémicrânie continue
présente des similitudes avec les
céphalées en grappe14.
Céphalées quotidiennes
nouvelles persistantes
(„new daily persistent
headache“)
Cette forme rare de céphalées figure
depuis peu dans la classification IHS.
Sa différenciation des céphalées de
tension chroniques est difficile et
controversée. En l’espace d’au maximum 3 jours, des céphalées semblables aux céphalées de tension
font leur apparition pour la première
fois et restent ensuite constamment
(c.-à-d. quotidiennement) présentes et
non rémittentes. La présence d’une
surconsommation médicamenteuse
permet d’exclure cette forme de
céphalées. La physiopathologie n’est
pas élucidée ; des cas symptomatiques dans le cadre d’infections ont
été décrits. Un diagnostic d’exclusion
approfondi est généralement indiqué.
Traitement
A l’heure actuelle, les études à ce
sujet et les recommandations thérapeutiques basées sur des preuves
scientifiques font défaut. Ce type
de céphalées est en règle générale
considéré comme réfractaire aux
traitements15,16. La prise en charge repose sur l’administration des mêmes
médicaments qui sont utilisés pour
les céphalées de tension chroniques.
En présence d’un caractère plutôt
migraineux, les mesures de base
employées pour traiter la migraine
peuvent être essayées.
3
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Céphalées par abus
médicamenteux
Les patients atteints de céphalées
par abus médicamenteux souffrent
généralement d’une forme de
céphalées primaires17 (le plus
souvent migraine, moins souvent
céphalées de tension) auxquelles
se sont ajoutées des céphalées
par abus médicamenteux suite à
la prise prolongée de médicaments
aigus. Au cas par cas, il peut être
difficile de faire la distinction entre
les céphalées par abus médicamenteux et les autres formes de
céphalées chroniques18,19. Il est
estimé qu’au moins 1 % de la population souffre de ce type de céphalées1,17,20,21, qui serait nettement
plus fréquent chez les femmes que
chez les hommes22.
D’après les critères IHS, le diagnostic de céphalées par abus médicamenteux est probable lorsque les
douleurs sont présentes au moins
15 jours par mois et qu’elles sur-
viennent pour la première fois ou
s’aggravent après la prise régulière
d’analgésiques, de triptans ou d’ergotamines. Pour remplir les critères
diagnostiques, les patients doivent
avoir consommé des médicaments
au moins 10 jours (triptans, antalgiques combinés) ou 15 jours (analgésiques) par mois durant plus de
3 mois, quelle que soit la dose journalière.
La pathogenèse des céphalées survenant dans le cadre d’abus médicamenteux n’est pas claire. Dans
cette forme de céphalées également, les comorbidités psychiatriques sont fréquentes, prenant le
plus souvent la forme de troubles
anxieux et d’humeurs dépressives23.
Traitement
Le seul traitement ayant un effet
clinique significatif démontré est le
sevrage des antalgiques. En parallèle, une prophylaxie médicamenteuse devrait être initiée pour com-
battre les céphalées préexistantes.
Avant le sevrage, la première étape
consiste à expliquer au patient le
mode de survenue des céphalées
et la nécessité d’un traitement.
Dans de rares cas, cette mise au
point avec le patient peut déjà à
elle seule être suffisante24.
Pour documenter les prises
médicamenteuses, les patients
consignent dans un journal des
céphalées tous les médicaments
pris pour traiter les céphalées.
Le sevrage des antalgiques peut
se dérouler en ambulatoire ou
en milieu hospitalier. Le sevrage
stationnaire devrait se faire sous
encadrement neurologique dans
une clinique. En cas de suspicion d’une addiction significative
(dépendance aux opioïdes ou aux
benzodiazépines), le traitement
doit souvent se dérouler dans un
établissement psychiatrique.
Généralités concernant les traitements non pharmacologiques
Globalement, il n’existe pas suffisamment de données scientifiques
concernant les traitements non
pharmacologiques. Une analyse
critique Cochrane portant sur les
mesures physiques non invasives
n’est pas parvenue à des conclusions définitives parce que les
études étaient trop hétérogènes,
parce qu’elles présentaient souvent
des problèmes méthodologiques
et parce qu’elles évaluaient différentes formes de céphalées25.
Les thérapies comportementales
étaient particulièrement efficaces
en cas de céphalées de tension
chroniques. Ces thérapies étaient
souvent combinées avec des techniques de relaxation et/ou de biofeedback1.
Dans ce numéro, il est impossible de
présenter les différentes approches
thérapeutiques en détails. L’efficacité de la toxine botulique en cas de
migraine chronique a été démontrée
dans deux études, ouvrant ainsi la
voie à une nouvelle option thérapeutique ; néanmoins, aucune efficacité
n’a été démontrée pour les céphalées de tension chroniques8.
Recommandations thérapeutiques dans la pratique
En raison des comorbidités psychiatriques fréquentes chez les patients
atteints de céphalées chroniques et
du taux élevé de rechute chez les
patients souffrant de céphalées par
abus médicamenteux, il est recommandé de combiner des mesures
pharmacologiques et non pharmacologiques (Tableau 1).
Pour les patients atteints de céphalées par abus médicamenteux sévères, les auteurs ont développé
un programme de réhabilitation
Tableau 1 : Mesures pharmacologiques et non pharmacologiques
1
Education médicale et psychologique / coaching
2
Prophylaxie médicamenteuse des céphalées primaires
3
Thérapie physique
•Physiothérapie, massages médicaux
•Traitement d’entraînement sous surveillance médicale (entraînement
d’endurance)
4
Psychothérapie / thérapie cognitivo-comportementale
•Thérapie de relaxation (relaxation musculaire progressive selon Jacobson)
•Biofeedback
•Gestion du stress
•Traitement des comorbidités psychiatriques
4
10.4
Tableau 2 : Objectifs du calendrier des céphalées
Littérature principale:
1
Contrôle des traitements médicamenteux aigus
•Objectif d’après la classification : < 10 jours de prise /mois
•Objectif de travail pour les patients : max. 2 jours de prise /semaine et max. 3
jours consécutifs
2
Contrôle de l’efficacité de la prophylaxie médicamenteuse
•Latence d’action jusqu’à 6-8 semaines
3
Base d’évaluation « objective » lors des contrôles réguliers (tous les 3 mois) au
cours de la 1ère année après le sevrage
1. Straube A, May A, Kropp P et al. Therapie primärer chronischer Kopfschmerzen: Chronische Migräne, chronischer Kopfschmerz vom Spannungstyp
und andere chronische, tägliche Kopfschmerzen.
Evidenzbasierte Empfehlungen der Deutschen
Migräne- und Kopfschmerzgesellschaft in Zusammenarbeit mit der Österreichischen Kopfschmerzgesellschaft und der Schweizerischen Kopfwehgesellschaft. Schmerz 2008, 22: 531-543
stationnaire sous encadrement neurologique sous la forme d’un traitement
structuré26,27. Les auteurs proposent
ce traitement dans leurs cliniques.
Pour de plus amples informations les
lecteurs et lectrices intéressés sont
priés de s’adresser directement à eux.
En général, les points 1 et 2 sont
recommandés en cas de céphalées chroniques ; l’indication de
traitements psychologiques et de
physiothérapies devrait être déterminée au cas par cas. Il convient
également de vérifier de façon critique l’efficacité chez les patients
individuels et d’interrompre les
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Références : www.neurology.ch
Tous les textes publiés sous la rubrique Pharmanews sont des
affirmations émanant de l’industrie.
traitements inefficaces.
Le calendrier des céphalées qui est
tenu durant au moins 1 an dans le
cadre du suivi médical poursuit les
objectifs énoncés dans le Tableau 2.
Le contrôle des prises de traitements
aigus est impératif pour tous les
types de céphalées chroniques, afin
d’éviter la survenue de céphalées par
abus médicamenteux. Les types particuliers de céphalées, comme l’hémicrânie continue et les céphalées
quotidiennes nouvelles persistantes,
devraient être pris en charge par un
spécialiste des céphalées.
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5. Radat F, Swendsen J. Psychiatric comorbidity in
migraine: a review. Cephalalgia 2005; 25: 165-178
18. Dodick DW. Chronic daily headache. N Eng J
Med 2006, 354: 158-165
24. Rossi P, Di Lorenzo C, Faroni J et al. Advice
alone vs. structured detoxification programmes
for medication overuse headache: a prospective,
randomized, open-label trial in transformed migraine patients with low medical needs. Cephalalgia
2006, 26: 1097-1105
27. Koch JW, Sandor PS. Stratifizierte Behandlung
bei Medikamentenübergebrauchskopfschmerz
(MÜKS). dolor 08.3 [www.dolor.ch]
Pour plus de références veuillez visiter
www.neurology.ch
Edité en collaboration avec la Société Suisse de
Neurologie. Comité consultatif de rédaction :
Pr Dr C. Bassetti, Pr Dr Ch. Hess, Pr Dr L. Kappos,
Dr P. Myers, Pr Dr A. Schnider, Dr M. Wiederkehr ;
rédaction : D. Prisi
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Parution : 5 x par an
ISSN 1661-4852 © IMK
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Edition n° 4, vol. 5, septembre 2010
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