n° 3 fiche technique W. Khodari*, O. Huillard*, J.L. Lagrange** Sous la responsabilité de ses auteurs Indications et principes de la radiothérapie dans le traitement des cancers thyroïdiens L ongtemps considérée comme d’intérêt limité dans la prise en charge des cancers thyroïdiens, la radiothérapie externe (RTE) pourrait, selon de récentes données rétrospectives, être bénéfique dans certaines indications, quel que soit le type histologique. Elle vise avant tout à une amélioration du contrôle local en ciblant la thyroïde et ses aires de drainage lymphatique. L’apport du scanner en RTE joue un rôle capital dans l’amélioration des techniques d’irradiation, en particulier pour la délinéation des volumes cibles : – le GTV : volume tumoral macroscopique, inexistant en l’absence de reliquat macroscopique postopératoire ; – le CTV : volume cible clinique prenant en compte la probabilité de micro-infiltrations autour du GTV ; – le PTV : volume cible prévisionnel prenant en compte les erreurs de positionnement. En découle une optimisation dans la planification des faisceaux d’irradiation, définis par simulation virtuelle sur coupes scannographiques et dosimétrie prévisionnelle. Une meilleure délinéation des organes à risque permet de limiter la dose reçue par ceux-ci et donc la toxicité radio-induite. Le risque de toxicités aiguës ou tardives de la RTE liées aux cancers thyroïdiens concerne essentiellement la peau, la moelle épinière, les glandes salivaires, notamment parotidiennes, l’œsophage et le pharyngolarynx. Ces toxicités peuvent s’avérer désastreuses pour la qualité de vie du patient. La radiothérapie conformationnelle par modulation d’intensité (RCMI), technique moderne d’irradiation externe, permet, par la multiplication du nombre de faisceaux d’irradiation utilisés, une meilleure couverture dosimétrique des volumes cibles, tout en diminuant la dose à la moelle (1). Elle devrait également permettre une diminution de la toxicité radio-induite sur les voies digestives (xérostomie, œsophagite et pharyngite). * Service de radiothérapie, hôpital Henri-Mondor, Créteil. ** Service de radiothérapie, université Paris-12, Créteil. Cancer anaplasique La radiochimiothérapie concomitante a démontré les meilleurs résultats (2). Elle allonge la médiane de survie globale à 1 an, bien que la maladie demeure incurable. La radiothérapie est délivrée selon un schéma bifractionné de 1,6 Gy 2 fois par jour, 5 jours sur 7, jusqu’à la dose de 57,6 Gy, associée à la doxorubicine à faible dose, radiosensibilisante (10 mg/m2/semaine). Bien qu’elle permette un bénéfice en termes de toxicité, la RCMI est peu utilisée. Sa mise en place, longue, ne saurait retarder la mise en traitement des patients. Celle-ci sera débutée en radiothérapie conformationnelle, laissant ainsi le temps à la préparation d’un éventuel surdosage (boost) sur la tumeur par RCMI. Cancer médullaire Contrairement au cancer anaplasique de la thyroïde, le cancer médullaire a tendance à évoluer lentement, ce qui explique en partie sa réputation d’être radiorésistant. La RTE est réservée à la maladie à haut risque de récidive et est probablement efficace dans le contrôle local, et ce, dans 2 cas de figure particuliers : – volumineuse lésion cancéreuse, au mieux après réduction chirurgicale (3), que le patient soit ou non métastatique ; – patients ayant un taux élevé de calcitonine en postopératoire (4). En postopératoire, il est recommandé de délivrer une dose totale de 60 Gy administrée en 6 à 7 semaines, selon le fractionnement choisi (1,8 ou 2 Gy). Du fait d’une incidence élevée d’envahissement ganglionnaire cervical et médiastinal, les champs d’irradiation incluent la lésion primaire ainsi que les aires ganglionnaires cervicales, supraclaviculaires bilatérales (aires II à VI) et le médiastin supérieur. La dose prescrite aux aires envahies sera identique à la dose prescrite au PTV tumeur, et de 50 Gy pour les aires non envahies. F ic h e à d é tac h er Principes techniques Indications La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 317 - avril-juin 2009 | 29 neuse lésion partiellement réséquée, non résécable, ou encore d’une volumineuse adénopathie médiastinale. Les modalités de l’irradiation sont semblables à celles utilisées pour le cancer médullaire. La dose totale sera portée à 70 Gy en cas de tumeur volumineuse non opérable ou d’exérèse partielle avec résidu tumoral macroscopique. La RCMI sera également privilégiée. ■ Cancers papillaire et folliculaire Références bibliographiques 1. Nutting CM, Convery DJ, Cosgrove VP et al. Improvements in target coverage and reduced spinal cord irradiation using intensity-modulated radiotherapy (IMRT) in patients with carcinoma of the thyroid gland. Radiother Oncol 2001;60:173-80. 2. De Crevoisier R, Baudin E, Bachelot A et al. Combined treatment of anaplastic thyroid carcinoma with surgery, chemotherapy, and hyperfractionated accelerated external radiotherapy. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2004;60:1137-43. 3. Schwartz DL, Rana V, Shaw S et al. Postoperative radiotherapy for advanced medullary thyroid cancer–local disease control in the modern era. Head Neck 2008;30:883-8. 4. Fersht N, Vini L, A’Hern R et al. The role of radiotherapy in the management of elevated calcitonin after surgery for medullary thyroid cancer. Thyroid 2001;11:1161-8. 5. Brierley J, Tsang R, Panzarella T et al. Prognostic factors and the effect of treatment with radioactive iodine and external beam radiation on patients with differentiated thyroid cancer seen at a single institution over 40 years. Clin Endocrinol (Oxf) 2005;63:418-27. 6. Terezakis SA, Lee KS, Ghossein RA et al. Role of external beam radiotherapy in patients with advanced or recurrent nonanaplastic thyroid cancer: memorial sloan-kettering cancer center experience. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2009;73:795-801. ic h e à d é tac h er Aucune étude prospective randomisée n’a été menée pour évaluer le rôle de la RTE. Toutefois, plusieurs études rétrospectives tendent à montrer un bénéfice de celle-ci dans le traitement de tumeurs non fonctionnelles (non sensibles à l’iode 131I), incluant : – les tumeurs incomplètement réséquées ; – les tumeurs localement évoluées (T4) ; – les cancers N+ avec effraction capsulaire ; – les N+ médiastinaux ; – les récidives de cancers folliculaires précédemment traités par l’iode131I, mais qui auraient tendance à être moins différenciés et donc moins fonctionnels (5, 6). La RTE peut également être utilisée dans le traitement de cancer sensible à l’iode131I mais dont le volume tumoral est trop important pour être contrôlé par celle-ci, qu’il s’agisse d’une volumi- F n ° 3 t e c h n i q u e f i c h e Dans le cas de tumeurs inopérables, la dose totale sera portée jusqu’à 65 à 70 Gy, avec des champs d’irradiation réduits au-delà de 55 à 60 Gy pour limiter la toxicité. La technique de RCMI sera privilégiée. Enfin, la régression tumorale étant particulièrement lente après irradiation, l’évaluation de son efficacité nécessite un suivi de plusieurs années après la fin du traitement. 30 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 317 - avril-juin 2009