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SOMMAIRE
Organisateurs :
A. RAULT (Suresnes)
1. Apport diagnostique et thérapeutique de la radiologie
S. SIRONNEAU (Bordeaux)
2. Apport diagnostique et thérapeutique de l’endoscopie
C. NIZOU (Suresnes)
3. Hémorragie d’origine grèlique
Q. DENOST (Bordeaux)
4. Hémorragie d’origine colique
F. BRETAGNOL (Suresnes)
5. Que faire lorsque l’origine du saignement n’est pas retrouvée ?
N. CHAFAI (Paris)
APPORT DIAGNOSTIQUE ET THERAPEUTIQUE DE LA RADIOLOGIE
Sandrine SIRONNEAU
Hôpital Bagatelle Bordeaux
. L’hémorragie digestive (HD) est un motif fréquent de consultation ou de passage aux
urgences : 20 à 27 cas pour 100000 en ce qui concerne l’hémorragie digestive basse, (1) Elle
survient plus fréquemment chez les patients âgés avec un taux de mortalité (3,6%) et de
morbidité significatifs.
. Les hémorragies entéro-coliques sont un symptôme, elles ont pour origine un saignement
digestif situé après l’angle de Treitz. Les pathologies responsables sont variées, compte tenu
de la longueur du tube digestif, mais la cause la plus fréquente (60%) est la diverticulose
colique (2).
. Le but de cet exposé est de préciser la place de l’imagerie dans une prise en charge qui doit
être multidisciplinaire, l’enjeu étant la mise en évidence rapide et précise du site de
saignement, afin de guider la prise en charge thérapeutique.
Stratégie thérapeutique :

Après restauration, si nécessaire de l’état hémodynamique, une enquête étiologique
est réalisée, un bilan endoscopique haut et éventuellement une rectosigmoidiscopie,
afin d’éliminer une cause basse évidente (3).

La distinction entre les hémorragies digestives hautes et basses n’est pas toujours
facile, un saignement de bas débit du colon droit pouvant simuler une HD haute et 10
à 15 % des HD basses ont des causes hautes (4,5).

Une hémorragie digestive basse cesse spontanément ou répond à un traitement
médical dans 70 à80 % des cas.

Le bilan en imagerie ne se conçoit qu’en cas de négativité diagnostique et /ou
thérapeutique de cette prise en charge médicale les outils dont nous disposons sont
l’angioscanner et l’artériographie.
L’angioscanner abdominal :

Il est facilement disponible, réalisable en urgence (en l’absence des contre-indications
que sont l’insuffisance rénale et l’antécédent de choc à l’iode avéré), sur un patient
stable et période aigue de saignement, car les HD peuvent être intermittentes d’une
minute à l’autre (6).

Il faut impérativement réaliser trois hélices : sans injection, au temps artériel puis une
troisième hélice portale (90 s).

Le balisage du tube digestif est à proscrire : ni eau, ni contraste dit positif (blanc) qui
dilueraient ou masqueraient une extravasation de produit de contraste) (7,8)

Le signe le plus spécifique est l’extravasation de produit de contraste dans la lumière
digestive d’où l’importance du passage sans injection qui permet de vérifier que cette
fuite ne correspond pas à une image spontanément dense (corps étranger, stercolithe
diverticulaire, résidu de comprimé, suture chirurgicale).

Cette extravasation permet de situer le saignement, et même, grâce à des
reformatages l’artère responsable.

Par ailleurs si le scanner ne montre pas d’extravasation il peut objectiver une
pathologie : épaississement pariétal, des signes d’ischémie, de colite, une tumeur ou
malformation vasculaire (9).

Attention cependant des diverticules sans signes de complications ne peuvent être
considérés comme responsables.

D’après une étude sur modèle animal, l’absence d’extravasation permet d’exclure un
saignement de plus de 0,3 ml.min (10)

Des études ont montré les performances des scanners multi détecteurs par rapport
aux constations endoscopiques et chirurgicales, avec une sensibilité de 79 à 91%(5,
11,12). cependant plus le saignement est abondant meilleure est la sensibilité de
détection (7).

Lorsque le scanner ne montre pas d’extravasation, il ne faut donc pas hésiter à le
refaire en cas de persistance ou de nouvel épisode hémorragique.
Scintigraphie aux globules rouges marqués (Tech 99m)
Elle permet de détecter des saignements de 0,1 à 0,5 ml / min (13), et est plus utilisée dans
les pays anglo-saxons, moins en France ou elle est peu disponible en urgence.
Ses limites sont les faux positifs 22% et sa faible résolution spatiale.
L’artériographie :
Il s’agit d’un examen invasif dont la réalisation ne se conçoit, depuis l’avènement des scanners
multi détecteurs, uniquement dans un but thérapeutique.
Elle n’a pas de valeur de détection supplémentaire par rapport au scanner : une étude sur
modèle porcin a prouvé que le scanner peut objectiver un saignement des 0,3 ml / sec contre
0,5 ml/sec pour l’artériographie (10).
Elle vient donc comme un examen de seconde intention après échec des traitements
endoscopiques et en alternative à la chirurgie (patients fragiles).
Elle est guidée par le scanner injecté qui aura mis en évidence l’extravasation (qui n’est
presque jamais visualisée dans les hémorragies d’origine veineuse (8)), et permet grâce aux
reconstructions vasculaires de réaliser d’emblée un cathétérisme et une embolisation sélective
de l’artère responsable.
Les techniques endovasculaires se sont nettement améliorées grâce aux progrès du matériel
(microcathéters) qui rendent possible un cathétérisme plus sélectif des artères responsables
ce qui permet d’une part des injections supra sélectives plus performantes pour visualiser le
saignement et d’autre part de réaliser une embolisation la plus sélective possible afin d’éviter
la reprise en charge par des collatérales.
Il existe différents matériel d’embolisation (micro particules, colle biologique, fragments de
gélatine) : le choix le niveau de cathétérisme et des matériaux d’embolisation se discute au
cas par cas ainsi qu’en fonction de l’expérience de l’opérateur, avec plutôt, pour les HD
basses, l’utilisation de microcoils ou de microparticules (de plus de 300 microns) (3, 14,15).
Au terme de la procédure, le désilet artériel peut être laissé en place, pour la surveillance en
réanimation et la réalisation d’une nouvelle embolisation en cas de récidive hémorragique.
Les causes d’échec techniques sont :

La non visualisation du saignement, compte tenu de son caractère intermittent : il faut
donc réaliser l’artériographie en période hémorragique et certaines équipes utilisent
donc des vasodilatateurs, des thrombolytiques ou des anticoagulants pour sensibiliser
l’examen (16,17).

L’artère responsable peut ne pas être cathétérisée en raison de spasmes, de
sinuosités, d’athérosclérose des patients âgés ou de la survenue d’une dissection.
Efficacité du traitement endovasculaire :

Une revue de la littérature (18), rapporte des taux d’efficacité (mais HD hautes et
basses confondues) : technique de 80 à 100%, clinique 71 à 100 % (91 % pour les
saignements entéro-coliques) avec un risque de récidive de 21 % en sachant que ce
risque est nettement plus important pour les HD hautes.

Ces résultats dépendent de la pathologie : l’embolisation des hémorragies d’origine
diverticulaire est plus efficace que celles de l’angiodysplasie (19).
En cas d’échec, en fonction de l’état clinique du patient mais aussi de la cause de ce
saignement, une nouvelle embolisation peut être proposée et certaines équipes utilisent
l’injection intra artérielle de vasopressine, cependant cette procédure compte de nombreuses
contre-indications et est lourde à mettre en œuvre (15).
Il est aussi possible de réaliser pendant l’artériographie, un marquage du segment impliqué
dans le saignement par des micro-coils radio opaques repérables au bloc en cas d’échec des
différentes procédures.
Les complications concernent moins de 2% des patients : l’ischémie est le plus souvent
transitoire, résolutive. De rares migrations du matériel d’embolisation peuvent survenir avec
des conséquences potentiellement graves (14,15).
Il n’existe pas de consensus quant à la place du traitement endovasculaire par rapport à la
chirurgie (20, 21). Les premières études comparant embolisation et chirurgie objectivent la
même efficacité, cependant ces études sont peu nombreuses et il existe un biais de
recrutement (population âgées, patients fragiles, ne pouvant bénéficier de la chirurgie) et par
ailleurs elles sont basées sur des embolisations proximales.
Une chirurgie réglée lorsque le site de saignement est offre des résultats probants avec 14 %
de récidive. Lorsque la chirurgie est réalisée sans cible authentifiée les résultats sont moins
bons (42%) (22), ainsi quel que soit le traitement : chirurgical ou radiologique il doit être guidé
par l’angioscanner.
Conclusion :

La prise en charge est multidisciplinaire.

Localiser le saignement de façon précise et rapide est le principal enjeu.

Le diagnostic positif
thérapeutique.
topographique et étiologique va orienter la stratégie

L’angioscanner est l’examen diagnostique à réaliser dans les hémorragies persistantes
ou récidivantes après endoscopie thérapeutique.

Si le saignement persiste ou récidive après un scanner négatif il ne faut pas hésiter à
refaire le scanner même quelques heures après un examen normal.

L’embolisation et la chirurgie sont facilitées par la détection du site hémorragique.

L’embolisation est un traitement qui a prouvé son efficacité.

Le choix du traitement dépend de plusieurs paramètres : l’étiologie (les tumeurs
relèvent a priori d’un traitement chirurgical), de l’état du patient, mais aussi du plateau
technique de la structure.
Références
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bleeding. Nat Rev Gastroenterol Hepatol 2009;6: 637–46.
APPORT DIAGNOSTIQUE ET THERAPEUTIQUE DE L’ENDOSCOPIE
Catherine NIZOU
Hôpital FOCH, SURESNES
INTRODUCTION :
Les hémorragies digestives entéro-coliques sont des hémorragies digestives basses
(HDB) et leur siège se situe en aval de l’angle de Treitz. Elles sont définies par l’issue de sang
rouge ou noir par l’anus avec ou sans caillots.
Elles représentent moins de 20% de la totalité des hémorragies digestives. Elles sont
plus fréquentes chez les patients âgés et sont d’origine recto-colique dans 95% des cas plutôt
que jéjuno-iléale (5% des cas).
Les HDB cèdent spontanément dans 80 à 90% des cas. L’hospitalisation s’impose
toujours et il faut rapidement reconnaître les formes graves : 10% mettent le pronostic vital en
jeu (1).
Les formes graves sont grevées d’une importante mortalité (5% dans certaines études)
(2).
EVALUATION DE LA GRAVITE ET PREMIERES MESURES :
A l’inverse des hémorragies digestives hautes, il n’existe aucune définition consensuelle
de la gravité d’une HDB. Elle repose sur la constatation d’une hémorragie digestive abondante
associée à des signes cliniques patents d’hypovolémie : pression artérielle < 100 mm de Hg
et/ou un pouls >100/mn et/ou un hématocrite <35% et/ou une hémoglobine <10g/dl et/ou un
nombre de culots globulaires élevé pour maintenir un état hémodynamique correct.
L’état de choc hypovolémique survient lorsque les pertes sanguines représentent plus
de 35% de la masse sanguine. Pour évaluer l’importance et le caractère actif ou non de l’HDB,
il convient d’additionner le nombre nécessaire de culots globulaires transfusés au cours des
24 premières heures pour conserver une hémodynamique correcte : supérieur ou non à 6.
Le traitement initial vise à obtenir un hématocrite > 25% ou une pression artérielle > 80
mm Hg.
Chez les patients très âgés ou porteurs de comorbidités cardiorespiratoires, l’objectif de
8 à 10g d’Hb/dl peut être nécessaire (3).
La gravité d’une HDB n’est pas liée à la cause du saignement digestif mais à ses facteurs
associés. Les facteurs prédictifs de mortalité ont été individualisés par plusieurs études (4-5).
Outre l’âge, les comorbidités associées, les troubles de la coagulation, le sexe masculin, la
prise d’un traitement anticoagulant ou antiagrégant, la survenue d’une HDB chez un patient
hospitalisé constitue un facteur majeur de pronostic. Dans l’étude de l’ANGH, le taux de décès
chez les patients hospitalisés était de 12,7% contre 3% chez les patients ayant une HDB à
l’admission (4). Ces résultats étaient en accord avec ceux de l’étude de Longstreth : 23,1% de
mortalité chez les patients hospitalisés contre 3,6% pour ceux admis pour HDB (5).
PLACE DES EXPLORATIONS ENDOSCOPIQUES :
Les explorations endoscopiques sont incontournables et doivent être mises en œuvre
dès l’obtention d’une stabilité hémodynamique.
La fibroscopie œsogastroduodénale:
Si les rectorragies sont abondantes avec des caillots et accompagnées d’un
retentissement hémodynamique ou d’un malaise ou d’un collapsus, il est indispensable
d’éliminer une origine haute au saignement digestif en pratiquant, de première intention, en
urgence, une endoscopie haute.
En effet, plusieurs études ont montré que, chez 10 à 15% des patients présentant
uniquement des rectorragies, étaient trouvées des lésions digestives hautes responsables :
ulcère bulbaire, varices œsogastriques ou fistule aorto duodénale directement accessibles à
un geste d’hémostase endoscopique (6).
La coloscopie:
Elle représente l’examen clé et permettra dans 50% des cas de faire un diagnostic
étiologique et souvent de réaliser un geste d’hémostase endoscopique. Elle peut être
précédée d’une rectosigmoïdoscopie en urgence, de réalisation simple : sans jeûne, sans
préparation orale et sans anesthésie. Elle pourra identifier une cause proctologique ou rectale
: ulcérations traumatiques (thermomètre, lavement…), tumeur.
La coloscopie sera réalisée ensuite après une préparation orale par PEG (3 à 4 litres en
3 à 4 heures). Si l’hémorragie est abondante, une coloscopie sans préparation avec utilisation
d’une pompe de lavage à l’eau est possible (7).
En l’absence d’études contrôlées, il est difficile de prendre position pour déterminer le
délai de réalisation de la coloscopie. Les recommandations de l’ASGE de 2005 proposent sa
réalisation dans un délai de 12 à 48 heures après l’admission du patient. L’état clinique du
patient semble toutefois être le facteur déterminant(8).
Elle recherchera des lésions imputables : saignement actif, vaisseau visible, caillot
adhérent, sang frais dans les différents segments coliques et absence ou non dans l’iléon.
Elle a un rendement diagnostique de 72 à 97% selon les études et un geste
thérapeutique guidé par la nature de la lésion est réalisable dans 5 à 35% des cas (1-8-9). La
principale complication est la perforation dont la survenue est rare (<1%).
LES DIFFERENTES ETIOLOGIES :
L’hémorragie diverticulaire:
Il s’agit de la première cause d’HDB représentant 20 à 50% selon les séries (1-6). Le
mécanisme du saignement est lié à la rupture des branches artériolaires marginales du dôme
ou du collet du diverticule secondaire aux agressions mécaniques répétées des stercolithes
(1).
La majorité des diverticuloses sont asymptomatiques, seules 3 à 5% se compliquent
d’une hémorragie (1). Les hémorragies diverticulaires surviennent brutalement, sont indolores
et cèdent spontanément dans 80 à 90%des cas. Elles sont favorisées par la prise d’aspirine
au long cours, d’AINS (2).
Le principal problème est représenté par la récidive du saignement. Poncet et al (10),
dans un travail prospectif sur 133 patients pendant 10 ans, ont observé un arrêt spontané de
l’hémorragie dans 92,4% des cas. Le taux estimé de récidive était de 3,8% à un an, de 6,9%
à 5 ans et de 9,8% à 10 ans. Plus le nombre de récidives augmente, plus le risque de nouvelle
récidive est élevé.
Le second problème est celui de l’imputabilité de la diverticulose dans la responsabilité
de L’HDB en raison de sa prévalence élevée. Seule la présence de signes endoscopiques
d’hémorragie active : vaisseau visible, suintement hémorragique ou caillot adhérent permet
d’affirmer un lien de causalité certain entre la diverticulose colique et l’épisode d’HDB. Ils
permettront d’envisager un traitement endoscopique d’hémostase dans le même temps :
injection hémostatique de sérum adrénaliné, électrocoagulation ou ligature. Dans l’étude de
Jensen et al (11), l’origine diverticulaire de l’HDB a pu être affirmée chez 20% des patients,
considérée comme vraisemblable chez 30% et incidente chez 50%.
Les angiodysplasies:
Elles représentent 3 à 10% des causes d’HDB, survenant principalement chez les
patients âgés (1-5). Ce sont des anomalies vasculaires dégénératives. Elles sont le plus
souvent multiples et siègent le plus fréquemment dans le caecum ou le colon droit. Leur
reconnaissance nécessite une bonne préparation colique. Le lavage à l’eau peut déclencher
une reprise hémorragique. Elles sont accessibles à un traitement endoscopique hémostatique
: injection de sérum adrénaliné, ou de destruction : électrocoagulation de toutes les
angiodysplasies visualisées au Plasma d’Argon (12).
La colite ischémique:
Elle est la cause de 3 à 12% des HDB (1-5). Le tableau clinique est évocateur devant la
survenue de douleurs abdominales brutales, intenses associées à de la diarrhée et des
rectorragies abondantes chez un patient de plus de 50 ans.
La coloscopie doit être menée avec beaucoup de prudence et interrompue dans les
formes graves en raison du risque de perforation ou d’aggravation des lésions liée à
l’insufflation. La topographie est le plus souvent gauche : sigmoïde, colon gauche et angle
gauche.
Sa reconnaissance impose une enquête étiologique : recherche d’une affection non
vasculaire : toxi infection à Eschérichia coli O157 : H7, prise d’AINS, d’antihypertenseurs, de
neuroleptiques… Puis bilan cardio vasculaire à la recherche d’une cardiopathie emboligène,
d’une maladie thrombogène.
Les ischémies coliques après chirurgie vasculaire sont les plus graves et sont
suceptibles d’évoluer vers la gangrène colique et requiert plus souvent un traitement
chirurgical.
Chavalitdhamrong et al ont évalué les facteurs pronostiques des colites ischémiques sur
une série de 550 patients admis pour HDB sévère. 27,7% a présenté une récidive
hémorragique, 13,9% ont bénéficié d’un traitement chirurgical et la mortalité a été de 7,7%
(13).
Les tumeurs recto coliques:
C’est un mode de révélation inhabituelle. L’hémorragie est favorisée par la prise d’antiagrégants plaquettaires ou d’anticoagulants.
Les saignements après polypectomie ou mucosectomie:
Ils représentent 0,3 à 2.4% des causes d’HDB (1-5-6-14). Dans la série de l’ANGH, 3,5%
des patients ont présenté une HDB après polypectomie dont 39% avec un retentissement
hémodynamique ayant nécessité une transfusion dans 42,5%. La survenue d’une HDB sévère
et retardée (chute d’escarre) est significativement associée à la reprise d’un traitement
anticoagulant et à la taille du polype réséqué (14). La coloscopie permet d’identifier un
saignement en jet ou en nappe ou la présence d’un caillot adhérent et permet selon les cas,
la pose d’un clip, une électrocoagulation ou une injection hémostatique.
Les causes grêliques:
Elles sont rares et principalement représentées par les angiodysplasies, le diverticule de
Meckel chez l’homme jeune, les ulcérations et les tumeurs (12). Elles sont rarement
diagnostiquées par l’endoscopie.
L’iléoscopie terminale au cours d’une coloscopie pour HDB, par la présence de sang
frais, permet d’identifier l’origine grêlique du saignement. L’entéroscopie per opératoire permet
de guider la topographie du geste chirurgical.
Une exploration par vidéocapsule endoscopique du grêle est nécessaire en cas de
d’HDB récidivantes sans étiologie colique retrouvée.
CONCLUSION :
La survenue d’une HDB peut être grave particulièrement chez le sujet âgé, chez qui, le
pronostic vital peut être engagé.
L’hospitalisation est la règle.
Des rectorragies importantes avec instabilité hémodynamique doivent faire réaliser une
fibroscopie digestive haute en première intention.
La première cause d’HDB est le saignement diverticulaire.
La coloscopie est l’examen de choix en raison de son bon rendement diagnostique et de
ses possibilités de traitement hémostatique.
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HEMORRAGIE D’ORIGINE GRELIQUE
Quentin DENOST
Chirurgie Colorectale, Hôpital Saint-André, CHU Bordeaux
Introduction
Environ 5 % des hémorragies digestives sont d’origine intestinale (soit environ 1000
cas/an en France). Dans la plupart des cas, l’hémorragie va cesser spontanément et les
explorations diagnostiques devront être réalisées dès que possible. Les causes intestinales
d’hémorragies sont dominées par les anomalies vasculaires surtout acquises, les tumeurs
(primitives, métastatiques, lymphomes, GIST), les ulcérations et à un moindre degré le
diverticule de Meckel. Dans les rares cas d’hémorragie active, une tomodensitométrie avec
injection et/ou une artériographie ont d’autant plus de chance de localiser le saignement que
ce dernier est abondant. Le diagnostic d’une hémorragie du grêle ne s’envisage qu’une fois
éliminées les causes hautes d’origine oeso-gastro-duodénales et les causes basses d’origine
colique.
I) Étiologies des hémorragies intestinales
L’ensemble de ces séries donne des résultats homogènes avec par ordre de fréquence
décroissante, les anomalies vasculaires loin devant les tumeurs (tumeurs stromales,
lymphomes,
carcinoïdes,
adénocarcinomes),
les
ulcérations
inflammatoires
ou
médicamenteuses, puis les causes rares comme le diverticule de Meckel1.
Les anomalies vasculaires
Il s’agit des lésions les plus fréquemment en cause, responsables de 60 à 80 % des cas
d’hémorragie intestinale2,3. Ce terme englobe :
1) les angiodysplasies, dilatations veinulaires de vaisseaux dont la paroi est
normale, restant localisées à la muqueuse et la sous-muqueuse, et soit sporadiques, soit
associées à une insuffisance rénale chronique, une cirrhose, une maladie deWillebrand ou à
l’âge ;
2) les ectasies veineuses ou phlébectasies, dilatations veineuses sousmuqueuses d’aspect nodulaire et bleu en endoscopie ;
3) les malformations artério-veineuses souvent congénitales
4) les télangiectasies de la maladie de Rendu-Osler avec présence de
vaisseaux dilatés dans toute l’épaisseur de la paroi intestinale ;
5) les vraies mais rares tumeurs vasculaires, angiome de l’enfant ou de l’adulte
jeune, parfois dans le cadre d’un « blue rubber bleb nevus » syndrome ou d’un Kaposi.
Dans 2 méta-analyses évaluant les nouvelles techniques pour le diagnostic d’anémie
d’origine intestinale, les angiodysplasies étaient toujours l’anomalie la plus fréquemment
détectée4,5.
Lésions inflammatoires ou médicamenteuses
L’incidence des ulcérations, toutes étiologies confondues, ne dépasse pas 5 % des cas
d’hémorragie d’origine intestinale2. L’hémorragie intestinale est plus rarement liée à une
maladie de Crohn. Dans les séries rapportées, l’incidence se situe entre 0 et 5 % des cas4,6.
La majorité de ces ulcérations sont secondaires à la prise d’un ou plusieurs AINS.
Tumeurs intestinales
Environ un quart des tumeurs primitivement intestinales toutes causes confondues sont
révélées par un saignement digestif3. Les tumeurs les plus fréquentes sont les
adénocarcinomes, les lymphomes, les tumeurs endocrines et les GIST7. Il peut également
s’agir de métastases de cancers bronchiques ou de mélanomes8.
Causes rares
Le diverticule de Meckel est une cause classique d’hémorragie digestive chez l’adulte
de moins de 30 ans2. Chez l’adulte, l’incidence globale des complications est d’environ 2 %
mais les hémorragies digestives, qui représentent 15 % des complications, sont plus rares que
chez l’enfant et contrairement aux autres complications elles ne sont pas plus fréquentes chez
l’homme.
II) Diagnostique
L’entéroscopie poussée
L’exploration se déroule par voie haute et/ou par voie basse avec une longueur moyenne
de jéjunum et d’iléon explorée de respectivement 120 (extrêmes 30-200) et 50 cm (extrêmes
5-200)9. La principale limite de cette technique est son caractère incomplet.
La vidéocapsule endoscopique
La VCE permet de concentrer dans ce qui ressemble à une grosse gélule, une caméra,
une batterie et une source de lumière qui permettent d’enregistrer des images visualisées
secondairement sur ordinateur.
Le risque de rétention (0,8 % à 5 % des cas) doit être pris en compte avant toute
indication. Il est surtout élevé en cas de maladie de Crohn, de sténoses secondaires aux AINS,
de tumeur du grêle, d’entérite radique et chez les malades ayant des anastomoses
chirurgicales.
L’entéroscopie double ballon
Cette technique s’effectue sous contrôle radiologique. La longueur de grêle visualisée
est de 200 cm (extrêmes : 30-470 cm) par voie haute et de 70 cm (extrêmes : 1-220 cm) par
voie basse. Une exploration complète du grêle est possible dans 8 à 16 %des cas10-13.
III) Stratégie thérapeutique
Il est avant tout fonction de la cause. Parfois chirurgical d’emblée ou après embolisation,
il est de plus en plus souvent endoscopique. La coagulation au plasma argon est utilisable au
niveau du grêle avec des sondes de grande longueur. Des polypectomies ou pose de clips
peuvent être réalisées, voire des injections de colle ou des ligatures élastiques14-15.
Conclusion
Une fois éliminées les hémorragies hautes et basses, il est important d’explorer
rapidement l’intestin grêle. La prise en charge diagnostique et thérapeutique sera fonction du
tableau clinique et comprendra de plus en plus souvent plusieurs explorations afin de
déterminer la voie d’abord thérapeutique la plus adaptée.
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NOTES
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