S Le Courrier de l’Observance thérapeutique Revue de presse - Multimédia

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Le Courrier de l’Observance thérapeutique
Revue de presse - Multimédia
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Bibliographie
● A. Certain*, J.L.
Rabe KF, Vermeire
PA, Soriano JB,
Maier WC. Clinical
management
of asthma in 1999 :
the Asthma
Insights and Reality
in Europe
(AIRE) study.
Eur Respir J
2000 ; 16 : 802-7.
Ecobichon**, Z. Berki-Benhaddad**
[email protected]
❶ Adhérence des praticiens aux recommandations
et observance des patients aux traitements de l’asthme :
le parallèle est-il pertinent ?
D es recommandations consensuelles ont été publiées en
1995, par les experts internationaux et l’OMS, concernant
la stratégie optimale de prise en charge de l’asthme aussi
bien en termes de prévention que de traitement (Global
Initiative for Asthma, [GINA]). Or, différentes études ont
déjà été publiées, montrant le peu d’adhérence des médecins spécialistes ou généralistes à ces recommandations. Au
regard de cette constatation, il a semblé intéressant aux
auteurs de cet article d’explorer l’impact et le vécu de la
prise en charge tels que rapportés par les patients euxmêmes. Peut-on parler d’adhésion aux traitements, et quel
sens peut avoir la mesure de l’observance dans ce contexte ?
Une
vaste enquête épidémiologique du contrôle de
l’asthme (AIRE) a été réalisée en Europe auprès de
2 803 patients issus de sept pays (France, Allemagne,
Royaume-Uni, Pays-Bas, Suède, Italie et Espagne). Les
personnes ont été interrogées par téléphone sur la base
d’un questionnaire explorant la sévérité de leurs symptômes, les perturbations du sommeil, les hospitalisations
nocturnes, les recours aux urgences ou les visites non
programmées chez le médecin traitant, la réduction des
activités due à la pathologie asthmatique, l’utilisation
des médicaments agonistes bêta en soulagement de
symptômes soudains, ainsi que celle des corticostéroïdes
inhalés pour le traitement de fond ; enfin, les patients
devaient exprimer la perception qu’ils avaient du contrôle
de leur maladie respiratoire.
Les résultats montrent que seulement 5,3 % des patients
asthmatiques interrogés ont un contrôle satisfaisant de
leurs symptômes. Plus d’un tiers des enfants et la moitié
des adultes rapportent des symptômes diurnes au moins
une fois par semaine ; un tiers des personnes décrivent
des perturbations du sommeil à la même fréquence ;
57,2 % des adultes ont des épisodes de toux, sifflements,
sensations de striction thoracique et d’essoufflement
au moins une fois par mois ; un tiers des patients ont
consulté en urgence dans l’année écoulée ; les diffé-
* Service pharmaceutique, ** service des maladies
infectieuses et tropicales du Pr J.P. Vildé, hôpital BichatClaude Bernard, Paris.
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rentes activités sportives et sociales sont limitées pour
30 % à 50 % des adultes. Concernant les traitements
médicamenteux, quelle que soit la sévérité de l’asthme,
seulement un quart des personnes inhalent des corticostéroïdes en traitement de fond, tandis que les deux tiers
ont utilisé dans le mois précédent un médicament pour
soulager rapidement des symptômes respiratoires (agonistes bêta-stimulants). Paradoxalement, 66 % des
adultes déclarent que, dans les quatre dernières
semaines, ils n’ont pas eu de symptômes asthmatiques ou
ont eu seulement des signes peu sévères !
Quels enseignements tirer de cette étude, dont la méthodologie est rigoureuse et bien discutée par les auteurs ?
Le contrôle très médiocre de l’asthme chez les patients
en Europe doit être mis en rapport avec deux faits : la
mauvaise application des recommandations consensuelles internationales par les médecins et la prise fréquente par les patients de médicaments pour soulager
des symptômes inopinés, non contrôlés par un traitement de fond équilibré, prescrit ou non, manifestement
non observé de toute façon !
Cette étude est intéressante. Elle démontre objectivement qu’en pratique courante, en dehors d’un essai clinique, les résultats en termes d’efficacité doivent s’appuyer sur l’adhésion et l’application des prescripteurs
aux recommandations émises, dont l’implication du soignant dans l’éducation du patient ; cette implication est
le préalable indispensable à la mesure de l’observance
des patients. En effet, la conviction du médecin, conférée
par la maîtrise des recommandations, entraîne non seulement une prescription de qualité, d’autant mieux négociée avec le patient, mais aussi, chez ce dernier, une motivation, une compréhension des enjeux et la demande
d’une meilleure qualité de vie.
Curieusement, cette étude n’a pas évalué directement
l’observance des traitements, mais plutôt la non-observance, par l’estimation du recours anarchique à des
médicaments de soulagement immédiat. Cette approche
est sans doute plus pragmatique et, malgré son apparente imprécision, elle paraît fournir des éléments d’analyse
pour bâtir des stratégies à la fois plus riches et plus
complexes d’accompagnement optimal des personnes
■
affectées de pathologies paucisymptomatiques.
Vol. 1 - nos 1-2 - janvier-juin 2001
Le Courrier de l’Observance thérapeutique
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Ankri J, Le Disert D,
Henrard JC,
Comportements
individuels face
aux médicaments :
de l’observance
thérapeutique
à l’expérience
de la maladie,
analyse
de la littérature.
Santé publique
1995 ; 4 : 427-41
(83 références).
❷ Les comportements d’observance (ou de non-observance) thérapeutique
peuvent-ils être analysés exclusivement sous l’aspect des caractéristiques
relationnelles médecin/patient ?
D ans cette revue de la littérature, après avoir longue-
ment listé et décrit les différents facteurs intervenant
dans les comportements d’observance (facteurs liés au
médecin – ou au savoir médical en général – ainsi que
ceux liés aux patients), les auteurs proposent la mise en
évidence d’une nouvelle approche de ces comportements, incluant des notions plus larges que la stricte prise
en compte de la maladie concernée.
L’ intérêt de la première partie de l’article consiste en son
contenu historique et fondamental. En effet, par l’analyse
des études se rapportant à l’observance et, d’une façon
plus générale, aux comportements individuels vis-à-vis
des traitements depuis les années 50, les auteurs mettent
en évidence les éléments sur lesquels se fonde l’approche
médicale de l’observance.
E n préambule, le rappel des termes utilisés (français et
anglais) n’est pas inutile : observance, compliance, adhésion (adhérence). Nous pouvons relever la définition a
priori consensuelle de l’observance retenue par les
auteurs : “degré de coïncidence du comportement du
patient, en termes de prise de médicament, par rapport
aux prescriptions et aux recommandations médicales”. De
celle-ci découle implicitement la notion de “mesure” de
l’observance pouvant être faite par des méthodes directes
(interrogatoire du patient ou autoquestionnaire, comptage des unités de prise, pilulier électronique, mesure des
concentrations plasmatiques...) ou indirectes (disparition
des signes cliniques, moindre recours aux soignants...).
Les
difficultés de mise en œuvre et les limites de ces
méthodes sont clairement abordées, notamment celles se
rapportant aux dosages des médicaments (dont nous soulignons ici l’importance croissante dans la prise en charge de
la maladie liée au VIH). Les auteurs émettent, cependant,
des réserves (information limitée à la dernière prise, absence
possible de corrélation entre concentration plasmatique et
efficacité) qui nous paraissent discutables, car une interprétation pharmacocinétique intégrant les données cliniques
(notamment les troubles rénaux et hépatiques), les modalités de prise et les interactions médicamenteuses peut
fournir de précieux renseignements aussi bien sur l’observance que sur la nécessité d’adapter le traitement.
Les autres facteurs détaillés concernent la nature de la
pathologie impliquée (chronique ou non, symptomatique
ou non, origine psychiatrique ou non), le profil des
malades (sexe, âge, niveau intellectuel), les caractéristiques du traitement (nombre de médicaments prescrits,
posologie, durée). Ankri et al. soulignent utilement la
prise de conscience par les firmes pharmaceutiques de l’importance de la mise au point de traitements simplifiés
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(nombre de prises quotidiennes et nombre d’unités par
prise) ainsi que la démarche faite par nombreux médecins
en vue de sensibiliser leurs patients à l’aide d’“outils” (supports explicatifs simplifiés, aide-mémoire, calendriers…).
Néanmoins, notons qu’une faible place est accordée à
l’impact des effets secondaires sur l’observance (mais
notre perception est peut-être influencée par notre
expérience des traitements antirétroviraux ?).
Enfin, à juste titre, la dimension psychosociale est également abordée.
L’originalité de cette revue de la littérature est liée au
long développement consacré par Ankri et al. à l’analyse
de l’interaction médecin/patient et de ses conséquences
sur les comportements d’adhésion. Certains dysfonctionnements dans les échanges médecin/patient sont analysés en termes de contenu, de processus, de négociation,
de niveau de satisfaction pouvant altérer l’observance :
référence aux travaux de Svarstad (1974) montrant que
l’observance est corrélée à la quantité d’informations et,
consignes données par le médecin, à ceux de Bales (fin
des années 60), qui a développé un système d’analyse des
comportements sociaux et émotionnels basé sur l’analyse
d’enregistrements de consultations (234 médicales dont
154 initiales et 80 de suivi, 285 de suivi pédiatrique). Cet
auteur montre, uniquement pour les consultations de
suivi, que l’observance est meilleure quand la relation
médecin/malade est d’ordre amical et que le médecin
émet des suggestions, alors que les désaccords et les
déséquilibres d’information entre les deux conduisent à
l’inobservance ; ainsi, le système d’analyse de Bales
permet d’évaluer l’impact de l’affectif dans la communication médecin/patient ; l’empathie du médecin est
souvent associée à la satisfaction du patient.
Les travaux de Katz (début des années 80) sont aussi rapportés, montrant l’impact positif sur l’observance de la
réciprocité des échanges (informations “bidirectionnelles”), avec un rôle actif du patient au cours de la consultation ; Lin et al. (1982) évaluent l’impact de la satisfaction
du patient vis-à-vis des soins médicaux, variable suivant
son âge et le moment du suivi pris en compte.
Ankri et al. se réfèrent ensuite aux travaux sur le rôle des
croyances des patients, notamment dans le cadre du modèle
HBM (health belief model) : modèle de croyances en matière
de santé développé par Rosenstock, dans lequel l’observance peut être liée à la motivation individuelle relative
aux questions de santé, à la volonté de consulter et d’accepter un avis médical, à la perception et à la représentation de la maladie ainsi que du pronostic, enfin aux répercussions somatiques et sociales, et à la personnalité du
Vol. 1 - nos 1-2 - janvier-juin 2001
Le Courrier de l’Observance thérapeutique
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sujet. La notion de chronicité ou non de la maladie et les
facteurs sociodémographiques interviennent également.
La majorité des études citées souligne l’importance de
deux facteurs influençant positivement l’observance :
l’âge du patient et la chronicité de la pathologie.
Roter,
en s’appuyant sur le béhaviorisme, amène la
notion de lieu de contrôle (locus of control) basée sur la
théorie de l’apprentissage social. Les patients sont classés
en deux groupes : ceux exerçant un contrôle sur leur
maladie, qualifiés d’“internes”, et ceux dans l’incapacité
d’exercer ce contrôle, qualifiés d’“externes”, ces derniers
étant plus dépendants de leur médecin.
La deuxième partie de l’article s’appuie sur des travaux
initiés dans les années 60, notamment par Goffman, Roth,
Glaser et Strauss, mettant en relief l’importance du vécu
du patient : “la carrière du malade, le processus de stigmatisation, la reconstruction de l’identité, la prise de
conscience de la maladie et la participation aux traitements, les réseaux sociaux et le support social”. Les
auteurs de la revue notent l’apport des travaux de
Conrad (1985) sur l’aspect “gestion” de la maladie dans le
temps et la vie des malades : “les patients ne consacrent
qu’une petite partie de leur temps à leur rôle de malade”.
Il envisage l’observance sous l’angle d’une autorégulation
par l’individu – concept de pratique médicamenteuse –
dans laquelle interviennent la perception que le patient a
lui-même de sa maladie, du médecin, des traitements,
ainsi que le rapport des effets attendus sur les effets
observés, les facteurs liés aux repas, au travail…
Dans une étude comprenant 54 patients (Donovan et al.,
1992) souffrant d’arthropathies inflammatoires et suivis de
trois mois à trois ans, les auteurs soulignent que 80 % des
patients expriment spontanément leur répugnance à la
prise d’un traitement et que 24 % ne respectent pas la posologie (nombre de comprimés par prise ou fréquence des
prises) ; les deux tiers des patients justifient leur mauvaise
observance par la peur des effets secondaires. Un autre facteur évoqué (surtout pour les maladies chroniques) est le
niveau de responsabilité du patient par rapport à son état
de santé (Thorne, 1990) : il est inversement proportionnel à
la méfiance inspirée par les limites de la médecine.
Conclusion
Les auteurs insistent sur l’importance, soulignée de façon
relativement récente (en 1995), qu’il y a à ne pas considérer l’observance comme dépendant exclusivement des prescriptions objectives des médecins dans le contexte précis et
encadré de la prise en charge d’une maladie donnée. Elle
s’inscrit dans le cadre de l’interrelation de l’univers médical,
d’une part, et de l’univers d’un patient, d’autre part,
patient considéré aussi bien en tant que “malade” qu’en
tant que “personne”, avec toutes ses particularités (affectives, émotionnelles, identitaires) et ses habitudes de vie ■
Travaux en cours
Périsson M.
Contraintes
des traitements
médicamenteux
en milieu
professionnel,
conséquences
sur l’observance
(cas particulier
de l’infection
par le VIH).
Thèse de doctorat
de pharmacie,
université Paris-XI,
2000 : 95 pages
(83 références)
L’ o b s e r v a n c e d a n s l e m i l i e u p r o f e s s i o n n e l :
une synthèse actuelle de la littérature
U n travail de synthèse a été réalisé dans une thèse d’exercice de doctorat de pharmacie, analysant les difficultés d’observance (dans leur milieu professionnel) des personnes
affectées de pathologies chroniques. Ces difficultés sont de
plusieurs ordres et varient selon la nature de la maladie, la
gêne occasionnée sur le travail lui-même, sa “visibilité sociale” et le regard des autres, les contraintes liées à la prise des
médicaments (horaires, fréquence, conditionnement,
conservation…), les effets secondaires, etc., et enfin, le peu
de sensibilisation des employeurs à ces problèmes.
M. Périsson fait le point sur les différentes maladies chroniques et classe les difficultés rapportées selon ces dernières ; néanmoins, ce ne sont que des propositions en l’absence de littérature sur ce sujet, aussi étonnant que cela
puisse paraître. Beaucoup est fait dans le domaine de la prévention, mais peu d’actions sont mises en place pour faciliter une bonne observance dans le milieu professionnel,
quels que soient les échelons de la hiérarchie.
Ainsi certains types de métiers deviennent-ils impossibles
à exercer en raison de l’incompatibilité du traitement et
du travail.
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L’auteur s’intéresse plus particulièrement dans sa
deuxième partie, aux traitements de l’infection par le
VIH et aux répercussions de ces derniers dans les
milieux professionnels. Il liste et propose des aménagements en fonction de la nature des difficultés, met
en cause tous les partenaires soignants ainsi que les
dirigeants des entreprises et le gouvernement, pointant le manque d’intérêt pour des situations véritablement épineuses. En effet, les personnes affectées
de maladies chroniques, de plus en plus nombreuses,
jeunes ou moins jeunes, passent la moitié de leur
temps, voire plus, sur leur lieu de travail, maintenues
en bonne santé grâce aux traitements, et ainsi d’autant plus désireuses de s’investir dans la société et le
monde professionnel.
Ce travail mérite attention, par son caractère de synthèse
et en raison des propositions émises par l’auteur sur un
thème que l’on dit en vogue, et pourtant si pauvrement
documenté dans cette situation qu’est le milieu
du travail. Il sera utile de revenir sur ce thème dans un
■
prochain numéro.
Vol. 1 - nos 1-2 - janvier-juin 2001
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