I n spi rer à domicile r u o t e r nce au a t s i s s a e l’ La lettre d N° 12 - Septembre 2006 Sommaire 3 Éditorial......................................................................................................p1 3 Les pratiques de la ventilation nasale non invasive chez l’enfant et l'adolescent..........................................................p2 et 3 3 Atteinte des muscles respiratoires dans la myopathie de Duchenne ..........................................................p4 3 Quand faut-il commencer la VNI dans les maladies neuromusculaires et pour quels bénéfices ? ............................p4 et 5 3 Y a-t-il une place pour la VNI chez le patient adulte atteint de mucoviscidose?......................................................................p6 3 Y a-t-il une place pour la ventilation non invasive chez l’enfant atteint de mucoviscidose ? ....................................................................p7 3 Bénéfices de la ventilation non invasive dans la mucoviscidose : données du registre national ................................................................p8 3 Obésité et ventilation de longue durée chez l'enfant ..........p9 et 10 3 Complications respiratoires de l’obésité ..............................p11 et 12 3 La VNI chez l’enfant atteint de maladies neuromusculaires et importance des interfaces ..............................................................p13 3 État des lieux des masques disponibles en pédiatrie pour le domicile ....................................................................................p14 3 Retentissement maxillo-faciale des masques : quelle évaluation et quelles précautions ? ......................................p15 éditorial La ventilation non invasive (VNI) de longue durée chez l’enfant. Pr Brigitte Fauroux (Paris) pour le Groupe Pédiatrie de l’ANTADIR La ventilation non-invasive (VNI) représente une technique d’assistance ventilatoire particulièrement intéressante en pédiatrie. En effet, un nombre important de pathologies qui peuvent être responsables d’une insuffisance respiratoire chronique dans l’enfance, comme les pathologies neuromusculaires, les anomalies des voies aériennes, de la cage thoracique et/ou du poumon, ou les anomalies du contrôle ventilatoire, sont avant tout des pathologies qui se traduisent par une hypoventilation alvéolaire qui peut être améliorée par une assistance ventilatoire. Cette assistance ventilatoire est probablement sous-utilisée chez l’enfant, du fait des difficultés diagnostiques de l’hypoventilation alvéolaire, et des difficultés matérielles et techniques pour réaliser cette VNI chez l’enfant et surtout le nourrisson. Les indications et les critères les plus pertinents pour proposer la VNI, en fonction des différentes pathologies, ne sont pas connus pour l’enfant. En effet, les critères justifiant la mise en route de la VNI sont essentiellement basés sur des conférences de consensus qui concernent les pathologies neuromusculaires. Il n’existe pas de recommandations validées spécifiquement pour la pédiatrie. Il est également probable que les critères les plus pertinents pour initier une VNI diffèrent en fonction de l’âge des patients et de leur pathologie. Les modes ventilatoires et les réglages les plus appropriés pour chaque pathologie n’ont pas été clairement définis. En pratique clinique, les réglages sont basés sur des paramètres cliniques d’efficacité et de tolérance mais il est possible qu’un réglage plus précis, basé sur des paramètres évaluant le travail respiratoire par exemple, soit plus pertinents. Enfin, peu de ventilateurs et d’interfaces ont été spécifiquement développés pour la pédiatrie. Une évaluation précise des différents ventilateurs utilisés à domicile pour les patients pédiatriques parait donc indispensable. Le Groupe Pédiatrie de l’ANTADIR a comme objectifs d’essayer de répondre, par des enquêtes et des études prospectives, à ces différentes interrogations. La deuxième Journée VNI de l’enfant a permis de faire le point sur la place de la VNI dans certaines pathologies de l’enfant, comme les pathologies neuromusculaires et la mucoviscidose. Elle a abordé également le rôle de la VNI dans une pathologie plus rare de l’enfant, l’obésité morbide, dont la fréquence, même chez l’enfant, augmente. Enfin, les aspects techniques ont été centrés sur les problèmes de l’interface, qui peut constituer une limitation majeure à l’utilisation de la VNI chez l’enfant. Le succès de cette journée, qui s’est adressée à tous les partenaires de santé investis dans la VNI de l’enfant, a démontré l’intérêt de la communauté pédiatrique dans la VNI de l’enfant. Les initiatives doivent se poursuivre pour améliorer la prise en charge des enfants qui bénéficient d’une VNI au long cours. Les pratiques de la ventilation nasale non invasive chez l’enfant et l’adolescent Pr Brigitte Fauroux et le Groupe de travail Pédiatrique de la CMTS ANTADIR Les données recueillies pour chaque enfant étaient les suivantes : âge, sexe, pathologie(s) initiale(s), ancienneté de la prescription de VNI, signes fonctionnels et examens retenus pour poser l’indication de VNI, type d’appareillage prescrit, modalités du suivi et les critères d’arrêt de la VNI. Pr Brigitte Fauroux Résultats Le Groupe Pédiatrie de l’ANTADIR a réalisé en juillet 2000 une étude sur les pratiques de la VNI en France ; il s’agissait de dresser un état des lieux sur les indications de prescription de la VNI, les caractéristiques des enfants, les signes cliniques et les examens retenus ayant justifié la prescription de la VNI, les informations sur les modalités de traitement et de suivi, les critères retenus pour envisager l’arrêt de la VNI. Dans un premier temps, toutes les unités de soins prenant en charge des enfants sous VNI ont été recensées. Au total, 42 unités sur les 64 identifiées ont répondu à l’enquête, soit un taux de réponse de 66 %. Au 1er juillet 2000, 102 enfants ou adolescents traités par VNI dans 15 unités ont été identifiés. Quatre unités prenaient en charge 86 enfants (84 %) : deux unités de neuropédiatrique suivaient 45 enfants, une unité de pneumo-pédiatrie en suivait 22 et l’unité d’explorations fonctionnelles (E.F.) en suivait 19. Les onze autres unités de pédiatrie générale avaient le plus souvent un seul enfant sous VNI : 9 unités suivaient chacune un enfant, une unité suivait deux enfants et une autre suivait cinq enfants. 49 % étaient des garçons et 51 % des filles. Les pathologies restrictives étaient les plus nombreuses, regroupant essentiellement des maladies neuromusculaires Trente deux enfants présentaient deux pathologies : - 23 enfants avaient un SAOS ou une malformation cranio-faciale : 16 enfants avaient à la fois un SAOS et une malformation cranio-faciale, deux enfants porteurs d’un SAOS étaient également obèses, deux enfants porteurs d’un SAOS avaient un Parmi les 196 unités interrogées, 64 unités de pédiatrie ont été concernées, comprenant 46 unités de pédiatrie générale, 9 spécialisées en réanimation, 5 en pneumologie, 3 en neurologie et une unité d’explorations fonctionnelles. Une description de la population sous VNI au long cours a ensuite été réalisée. Tous les enfants et adolescents de moins de 18 ans sous VNI par masque nasal ou facial, suivis au 1er juillet 2000 dans l’un de ces centres, ont été inclus dans l’enquête. Inspirer N° 12 - Septembre 2006 2 lymphangiome kystique, deux autres avaient un SAOS et une encéphalopathie, un enfant avait un SAOS et une polyradiculonévrite. - 6 enfants étaient atteints d’une maladie neuromusculaire : 3 enfants avaient également une scoliose, un enfant était obèse, un enfant présentait une malformation craniofaciale et un autre un syndrome de Lobstein. - 2 enfants avaient une scoliose et tous les deux une malformation cranio-faciale. Âge de l’enfant lors de la mise en route de la VNI Chez près des trois quarts des enfants (71 %), le traitement par VNI a été débuté après l’âge de 6 ans, sans différence significative entre filles et garçons. Selon la pathologie principale, l’âge de l’enfant lors de la mise en route de la VNI différait. La VNI était débutée plus tôt chez les enfants porteurs d’un SAOS ou de malformations cranio-faciales. À l’opposé, les enfants atteints de mucoviscidose ont été mis sous VNI dans les deux tiers des cas à partir de 12 ans. Les signes cliniques Les signes cliniques ayant justifié la mise en route de la VNI sont résumés dans le (Tableau 1). Si, dans l’ensemble, les troubles de la vigilance venaient en tête des signes cliniques retenus, ils concernaient nettement plus souvent les enfants présentant un SAOS ou des malformations cranio- faciales que les autres. Le retard staturo-pondéral était un signe clinique important chez les enfants les plus jeunes. Il était retenu pour un enfant sur deux de moins de 3 ans, puis pour 21 % des enfants entre 3 et 12 ans, et seulement pour 8 % des enfants âgés de 12 ans ou plus. des cas, cette oxygénothérapie était uniquement nocturne. Pour six enfants atteints de mucoviscidose, elle était à fois diurne et nocturne et de même pour un enfant atteint d’une maladie neuromusculaire, un enfant ayant une scoliose et un dernier présentant une bronchiolite oblitérante. Les examens complémentaires Les examens justifiant la prescription de la VNI selon les pathologies des enfants sont indiqués dans le (Tableau 2). Il existait des différences, certes liées aux pathologies, mais également selon les protocoles mis en place dans chaque unité de soins. L’enregistrement de l’oxymétrie de pouls (SaO2) nocturne n’était pas systématiquement pratiqué. Le seuil retenu pour poser l’indication de la VNI était très variable selon les équipes et les pathologies. Les gaz du sang (GDS) étaient effectués dans 88 % des cas, avec des seuils de mise en route de la VNI très variables. De même, les critères d’apnées amenant la mise en route de la VNI étaient extrêmement variables selon les équipes. Trois examens étaient principalement réalisés avant la mise en route de la VNI (Tableau 3) : l’enregistrement de la SaO2 nocturne associé aux gaz du sang et à une polysomnographie avec ou sans EEG. Tableau 2 Tableau 1 Tableau 3 Mise en route de la VNI et mode de ventilation au jour de l’enquête La mise en route de la VNI était faite au cours d’une hospitalisation pour 85 % des enfants. Le mode de ventilation utilisé était, dans un cas sur deux, un mode à pression contrôlée (mode barométrique et deux niveaux de pression). Un tiers des enfants était ventilé en mode volumétrique, la pression positive continue étant une prescription plus marginale (14 %). Le mode volumétrique était majoritairement prescrit dans les pathologies restrictives (56 %) et l’hypoventilation alvéolaire centrale (56 %). La ventilation barométrique était préférée dans la mucoviscidose (75 %) et dans le SAOS et/ou les malformations cranio-faciales (52 %). La pression positive continue (PPC) était uniquement utilisée dans le SAOS et/ou les malformations cranio-faciales. Une oxygénothérapie était associée à la VNI chez 23 enfants. Dans 59 % Inspirer N° 12 - Septembre 2006 3 Atteinte des muscles respiratoires dans la myopathie de Duchenne Pr Brigitte Fauroux - Pneumologie pédiatrique et INSERM U 719 - Hôpital Armand Trousseau, Paris de la stimulation magnétique des nerfs phréniques était de 9 ± 5 cm H2O. La Pgas toux moyenne était de 40 ± 25 cm H2O avec des valeurs < 20 cm H2O après l’âge de 15 ans. Il y avait une corrélation significative entre la force des muscles inspiratoires et expiratoires. Comme on pouvait s’y attendre, toutes ces mesures de la force des muscles respiratoires diminuaient de manière significative avec l’âge, mais chez ces jeunes patients, l’ensemble de ces tests musculaires étaient plus faciles à réaliser que la mesure de la CV. En conclusion, des tests évaluant la force des muscles respiratoires sont réalisables chez de jeunes patients atteints de MD. Nous avons observé une diminution rapide de la force des muscles inspiratoires et expiratoires avec l’âge. Contrairement à nos attentes, ces tests musculaires, bien qu’invasifs, étaient très bien tolérés par les patients et plus faciles à réaliser que la mesure de la CV. En pratique, ces tests devraient permettre d’évaluer de manière plus précise, sur une cohorte de patients plus réduite, les bénéfices éventuels de nouvelles thérapeutiques, comme les anti-inflammatoires. Bien que le pronostic des patients atteints de la myopathie de Duchenne (MD) soit essentiellement lié à l’atteinte de leurs muscles respiratoires, peu de données sont disponibles sur les performances des muscles respiratoires de ces patients. Le but de notre travail était de déterminer la distribution et l’importance de la faiblesse des muscles respiratoires dans une population d’enfants atteints de MD. La force des muscles inspiratoires était évaluée par la mesure des pressions œsophagiennes (Pes) et transdiaphragmatiques (Pdi) générées lors de manœuvres volitionelles, comme le test de reniflement (ou sniff test), et non volitionelles, comme la stimulation magnétique des deux nerfs phréniques au cou. La force des muscles expiratoires était évaluée par la mesure de la pression gastrique lors de la toux (Pgas toux). Le volume pulmonaire était évalué par la mesure de la capacité vitale (CV). Vingt patients ont été inclus dans l’étude, ayant un âge moyen de 13.3 ± 3.8 ans, et une CV à 41 ± 24 % des valeurs attendues. La Pdi moyenne lors du sniff test était de 37 ± 17 cm H2O et la Pdi moyenne mesurée lors Quand faut-il commencer la VNI dans les maladies neuromusculaires et pour quels bénéfices ? A. K. Simonds, Royal Brompton Hospital, London Introduction : La ventilation non-invasive (VNI) diminue la morbidité et la mortalité chez les patients porteurs de maladies neuromusculaires et de déformations thoraciques quand il existe une insuffisance respiratoire avec hypercapnie, mais une ventilation précoce en prévention n’a pas réussi chez des patients avec la maladie de Duchenne sans hypercapnie. Dans une étude récente nous Inspirer N° 12 - Septembre 2006 avons randomisé des patients avec hypercapnie nocturne mais avec normocapnie diurne dans un groupe contrôle et un groupe VNI pour examiner la question si la VNI nocturne porte bénéfice. Méthode : 48 patients avec une maladie neuromusculaire d’origine congénitale ou avec déformation thoracique âgés 4 de 7 à 51 ans avec CV < 50 % prédite ont eu une évaluation polygraphique de respiration la nuit. 26 patients avec normocapnie diurne et hypercapnie nocturne étaient randomisés à la VNI nocturne ou au groupe contrôle sans VNI. Les contrôles passent en VNI s’ils rentraient dans des critères sécuritaires pré-déterminés. Résultats : le pic de dioxyde de carbone transcutanée (TcCO2) était identique dans les deux groupes, mais le pourcentage moyen (écart-type) de temps de nuit dans laquelle le TcCo2 était > 6.5kPa a diminué dans le groupe VNI mais pas dans les contrôles p = 0.049, 95 % IC 291.5 à 20.35). La moyenne (ET) de la saturation en oxygène (SpO2) augmente dans le groupe VNI (+2.97 (2.57)% mais pas dans le groupe contrôle (21.12 (2.02) % ; p = 0.024, 95 % CI 0.69 to 7.5). 9 sur 10 du groupe control sont entrés par la nécessité dans le groupe VNI dans une moyenne de 8.7 + 7.3 mois. Conclusion : les patients atteints de maladies neuromusculaires avec hepoventilation risquent de se dégrader et développer une hypercapnie diurne et des symptômes sur un suivi de 2 ans et par la suite pourraient bénéficier d’un traitement par VNI nocturne avant la survenue de l’hypercapnie diurne. En plus, il est possible que l’utilisation de la VNI pourrait avoir un effet sur la cage thoracique et faciliter la croissance pulmonaire. Introduction : La ventilation noninvasive (VNI) diminue la morbidité et la mortalité chez les patients porteurs de maladies neuromusculaires et de déformations thoraciques lorsqu’il existe une insuffisance respiratoire avec hypercapnie. Par contre, une ventilation précoce en prévention a échouée chez des patients atteints de la maladie de Duchenne et sans hypercapnie. Dans une étude récente, nous avons randomisé des patients avec hypercapnie nocturne et normocapnie diurne dans 2 groupes : un groupe contrôle et un groupe sous VNI afin d’examiner si la VNI nocturne est bénéfique. Méthode : 48 patients, âgés de 7 à 51 ans avec CV < 50 % prédite, atteints de maladie neuromusculaire d’origine congénitale et ou déformation thoracique ont effectué une évaluation polygraphique respiratoire nocturne. 26 patients avec normocapnie diurne et hypercapnie nocturne étaient randomisés soit au groupe sous VNI nocturne soit au groupe contrôle sans VNI. Les patients dans le groupe contrôle passaient dans le groupe sous VNI s’ils rentraient dans des critères sécuritaires pré-déterminés. Résultats : le pic de dioxyde de carbone transcutanée (TcCO2) était identique dans les deux groupes, mais le pourcentage moyen (écart- Inspirer N° 12 - Septembre 2006 5 type) de la durée de la nuit ou le TcCo2 était > 6.5kPa a diminué dans le groupe VNI mais pas dans le groupe contrôle (p = 0.049, 95 % IC 291.5 à 20.35). La moyenne (ET) de la saturation en oxygène (SpO2) augmente dans le groupe VNI (2.97 (2.57) %) mais pas dans le groupe contrôle (21.12 (2.02) % ; p = 0.024, 95 % CI 0.69 to 7.5). 9 sur 10 patients du groupe contrôle sont entrés par nécessité dans le groupe VNI dans une moyenne de lapse de temps de 8.7 + 7.3 mois. Conclusion : les patients atteints de maladies neuromusculaires avec hypoventilation risquent de se dégrader et de développer les symptômes d’une hypercapnie diurne. Par contre avec un suivi de 2 ans les patients pourraient par la suite bénéficier d’un traitement par VNI nocturne avant la survenue de l’hypercapnie diurne. De plus, il serait probable que l’utilisation de la VNI pourrait avoir un effet sur la cage thoracique et faciliter la croissance pulmonaire. Y a-t-il une place pour la VNI chez le patient adulte atteint de mucoviscidose? Dr Pierre-Régis Burgel, Service de Pneumologie et UPRES EA2511, Hôpital Cochin, AP-HP, Paris L’atteinte pulmonaire de la mucoviscidose conduit, le plus souvent, à l’installation d’une insuffisance respiratoire hypoxémique et hypercapnique. Chez les patients atteints de mucoviscidose, les effets d’une séance unique de ventilation non-invasive instaurée ont été bien étudiés : La ventilation non-invasive permet une diminution du travail respiratoire, une augmentation de la ventilation minute ainsi qu’une amélioration de la qualité du sommeil et des conditions de réalisation de la kinésithérapie respiratoire. Par contre, l’utilisation de la VNI de longue durée chez les patients adultes atteints de mucoviscidose est courante, mais les bénéfices de cette pratique n’ont pas été rigoureusement évalués. Les rares études publiées portent sur des patients ayant une insuffisance respiratoire très évoluée, en général juste avant une transplantation pulmonaire. Nous avons effectué une étude rétrospective des patients traités par VNI de longue durée (>1 mois) entre 1998 et 2002 dans le Centre de Ressources et de Compétences pour la Mucoviscidose (CRCM) de l’Hôpital Cochin. Les résultats de cette étude portant sur 35 patients suggèrent que la VNI de longue durée permet une stabilisation des échanges gazeux et de la fonction respiratoire à 1 an, chez des patients ayant une insuffisance respiratoire hypercapnique. Cependant, dans cette étude rétrospective, l’effet confondant des autres traitements est important : en même temps que la mise sous ventilation non-invasive, il y a eu une augmentation de la pression thérapeutique globale qui pourrait avoir contribué à la stabilisation observée. Nous avons récemment débuté une étude prospective multicentrique afin d’évaluer l’effet de la VNI de longue durée, initiée à un stade plus précoce, sur les échanges gazeux, la fonction respiratoire et la qualité de vie des adultes atteints de mucoviscidose. Cette étude prospective randomisée, multicentrique, ouverte, prévoit l’inclusion de 80 patients adultes atteints de mucoviscidose avec Inspirer N° 12 - Septembre 2006 6 hypercapnie en état stable (45mmHg ≤PaCO2 ≤ 55mmHg) répartis en deux groupes ; traitement conventionnel (40 patients) ou traitement conventionnel associé à une ventilation non-invasive (40 patients). Le critère principal de jugement est la stabilité de la PaCO2 en air ambiant à 1 an chez les patients sous VNI (dégradation prévisible de la PaCO2 en l’absence de VNI). Parmi les critères secondaires, la qualité de vie est régulièrement évaluée à l’aide d’un questionnaire spécifique à la mucoviscidose et d’un questionnaire générique. Les symptômes, les exacerbations respiratoires, les événements respiratoires majeurs (transplantation, décès, pneumothorax, besoin d’une ventilation invasive) et le nombre de jours d’antibiothérapie intraveineuse sont aussi comptabilisés et comparés entre les groupes. Un échec du traitement conventionnel (dégradation de l’état ventilatoire) permet d’utiliser la VNI de façon transitoire ou permanente chez les patients pour qui cette thérapeutique deviendrait nécessaire. Les résultats de cette étude permettront de préciser l’intérêt de débuter précocement une VNI de longue durée chez les patients adultes atteints de mucoviscidose au stade de l’insuffisance respiratoire chronique. Y a-t-il une place pour la ventilation non invasive chez l’enfant atteint de mucoviscidose ? Pr Brigitte Fauroux - Pneumologie pédiatrique et INSERM U 719 - Hôpital Armand Trousseau, Paris La mucoviscidose est la maladie génétique la plus fréquente dans la population caucasienne. La morbidité et la mortalité sont surtout dues essentiellement à l’atteinte pulmonaire qui se caractérise par une obstruction bronchique chronique liée à la présence d’un mucus déshydraté et anormalement abondant, associé à une inflammation et une infection des voies aériennes aboutissant de manière progressive à une destruction du parenchyme pulmonaire. La progression de la maladie respiratoire, évaluée sur la diminution du volume expiratoire maximal en une seconde (VEMS), s’accompagne d’une augmentation progressive du travail ventilatoire(1). Afin de diminuer son travail ventilatoire, le patient va développer progressivement une ventilation superficielle caractérisée par un faible volume courant et une fréquence rapide. Bien que ce mode ventilatoire permette de maintenir une ventilation minute suffisante, les échanges gazeux s’altèrent avec l’apparition progressive d’une hypercapnie et d’une hypoxémie. La ventilation non invasive (VNI), en agissant comme un muscle respiratoire « externe » qui va décharger les muscles respiratoires du sujet, diminue le travail ventilatoire et améliore l’hypoventilation alvéolaire et les échanges gazeux. Ceci explique pourquoi la VNI est aussi efficace que l’oxygénothérapie pour améliorer l’oxygénation artérielle mais la seule à pouvoir diminuer l’hypercapnie. Chez l’enfant, le bénéfice de la VNI a été démontré dans des études à court terme, évaluant surtout les bénéfices physiologiques. Ainsi, la VNI permet • d’améliorer la tolérance à l’effort(2) • de diminuer la fatigue des muscles respiratoires et les désaturations pendant la kinésithérapie respiratoire(3) • d’augmenter la déposition pulmonaire de médicaments administrés par voie pulmonaire(4) • de diminuer le travail respiratoire, et par conséquent d’améliorer la ventilation alvéolaire et les échanges gazeux (5-7) . Cette diminution du travail respiratoire s’accompagne d’une diminution de la sensation de dyspnée(5). Inspirer N° 12 - Septembre 2006 7 En conclusion, la VNI pourrait être proposée à un stade moins avancé de l’insuffisance respiratoire, en tant qu’aide à la kinésithérapie respiratoire, ou transitoirement, lors des décompensations respiratoires. Des études évaluant les bénéfices de la VNI à moyen et plus terme devraient permettre de savoir si la VNI est capable de ralentir le déclin de la fonction respiratoire. Enfin, ses bénéfices éventuels, en termes d’amélioration de la qualité du sommeil, et surtout, la qualité de vie méritent d’être étudiés. Références 1 - Hart N, Polkey MI, Clément A, Boulé M, Moxham J, Lofaso F, Fauroux B. Changes in pulmonary mechanics with increasing disease severity in children and young adults with cystic fibrosis. Am J Respir Crit Care Med 2002; 166:61-6 2 - Henke KG, Regnis JA, Bye PTP. Benefits of continuous positive airway pressure during exercise in cystic fibrosis and relationship to disease severity. Am Rev Resp Dis 1993; 148:1272-6 3 - Fauroux B, Boulé M, Lofaso F, Zérah F, Clément A, Harf A, Isabey D. Chest physiotherapy in cystic fibrosis: improved tolerance with nasal pressure support ventilation. Pediatrics 1999; 103:e32-e40 4 - Fauroux B, Itti E, Pigeot J, Isabey D, Willemot JM, Zérah F, Meignan M, Clément A, Harf A. Optimization of lung aerosol deposition by pressure support: an experimental and clinical study in children with cystic fibrosis. Am J Respir Crit Care Med 2000; 162:1-7 5 - Fauroux B, Pigeot J, Isabey D, Harf A, Clément A, Lofaso F. In vivo physiological comparison of two ventilators used for domiciliary ventilation in children with cystic fibrosis. Crit Care Med 2001; 29:2097-105 6 - Fauroux B, Louis B, Hart N, Essouri S, Leroux K, Clement A, Polkey MI, Lofaso F. The effect of back-up rate during non-invasive ventilation in young patients with cystic fibrosis. Intensive Care Med. 2004; 30 7 - Fauroux B, Nicot F, Essouri S, Hart N, Polkey MI, Clément A, Lofaso F. Setting of pressure support in young patients with cystic fibrosis. Eur Resp J 2004; 24:624-30 Bénéfices de la ventilation non invasive dans la mucoviscidose : données du registre national Évelyne Leroux - Vaincre la Mucoviscidose et Institut National des Etudes Démographiques, Paris Pr Brigitte Fauroux - Pneumologie pédiatrique et INSERM U 719, Hôpital Armand Trousseau, Paris La mucoviscidose est la maladie génétique la plus fréquente dans la population caucasienne. L’atteinte pulmonaire conditionne le pronostic de la maladie. Plusieurs études ont démontré les bénéfices cliniques et physiologiques d’une assistance ventilatoire non invasive (VNI) à court terme, mais un éventuel bénéfice à plus long terme de la VNI n’a pas été démontré. Le but du travail était de mettre en évidence un éventuel bénéfice clinique ou fonctionnel chez des patients atteints de mucoviscidose après un an de VNI. Pour cela, nous avons sélectionné parmi les patients enregistrés dans l’Observatoire National de la Mucoviscidose, 53 patients mis sous VNI pour lesquels nous avions un suivi de 1 an avant et 1 an après la mise en route de la VNI. Ces patients ont été appariés avec 53 sujets témoins, sur les critères suivants : même sexe, même génotype F 508, âge ± 1 an, poids ± 2 kg, volume expiratoire maximal en une seconde (VEMS) ± 10 % et suivi dans le même centre (CRCM). Pour les deux groupes de patients, groupe VNI et groupe témoin, les paramètres suivants ont été évalués un an avant le début de la VNI (année -1), l’année où la VNI a été débutée (année 0) et un an après la mise en route de la VNI (année +1) : poids, taille, et index de masse corporelle, capacité vitale (CV), VEMS, PaO2, PaCO2, nombre de cures antibiotiques par voie intraveineuse et nombre de jours de cure intraveineuse, nécessité d’une assistance nutritionnelle et d’une oxygénothérapie. À l’année 0, les deux groupes de patients étaient comparables en ce qui concerne l’âge (moyenne 24 ± 8 ans), le statut nutritionnel (poids et IMC), le génotype (62 et 51 % de patients homozygotes F 508 dans le groupe VNI et le groupe témoin, respectivement), la CV (44 % et 49 %), le VEMS (28 % et 29 %), la PaO2 (62 et 68 mmHg), la PaCO2 (46 et 42 mmHg), le nombre de cures et le nombre de jours de cure intraveineuse. À l’année 0, le déclin de la fonction respiratoire était significativement plus important dans le groupe VNI, avec une diminution plus importante de la CV et du VEMS, associée à un nombre de cures antibiotiques et de jours d’antibiotiques plus importants. Après la mise en route de la VNI, à l’année +1, on constate une stabilisation du déclin de la fonction respiratoire dans le groupe VNI, car les diminutions de la CV, du VEMS, de la SaO2 et de la PaO2, sont comparables entre les deux groupes. En conclusion, ce travail montre pour la première fois que la VNI est capable de ralentir le déclin de la fonction respiratoire chez des patients atteints de mucoviscidose ayant une insuffisance respiratoire chronique grave. Inspirer N° 12 - Septembre 2006 8 Obésité et ventilation de longue durée chez l’enfant Dr Cyril Schweitzer et le Groupe de Travail Pédiatrique de la CMTS ANTADIR La prévalence de l’obésité augmente régulièrement dans la population pédiatrique. En France, 24 % des enfants sont actuellement jugés en surpoids (> 85ème percentile) et 9,5 % réellement obèses (> 95ème percentile), ce qui correspond aux estimations réalisées aux États-Unis au début des années 80. Comme chez l’adulte, l’obésité pédiatrique peut être à l’origine de troubles du sommeil et/ou d’un syndrome d’hypoventilation alvéolaire. Peu d’auteurs se sont cependant intéressés au dépistage des troubles du sommeil chez l’enfant obèse, probablement car d’une façon générale les troubles du sommeil sont rares chez l’enfant. C’est à cause de ce caractère exceptionnel qu’il est admis qu’un index d’apnées-hypopnées supérieur à 1,5 événement par heure est pathologique chez l’enfant alors que la limite est fixée à 5 chez l’adulte. Une étude américaine réalisée en 1996 chez 23 enfants obèses (184 ± 36 % du poids idéal) a cependant mis en évidence près de 40 % de polysomnographies anormales !! La plupart de ces anomalies étaient mineures et corrigées après adénoamygdalectomie. Seul 2 enfants justifiaient réellement d’une ventilation non-invasive. D’autres anomalies de la fonction respiratoire, comme l’augmentation du volume résiduel ont également été mis en évidence chez l’enfant et l’adolescent obèse. Il apparaît donc que les troubles du sommeil chez l’enfant obèse sont sous-estimés. Devant l’accroissement de la prévalence de l’obésité pédiatrique en France, le groupe Pédiatrie de l’ANTADIR a donc voulu réaliser une enquête concernant le diagnostic et la prise en charge des troubles du sommeil liés à l’obésité chez l’enfant. Plus précisément, il s’agissait de recenser les centres prenant en charge des enfants obèses par une assistance ventilatoire de longue durée, d’identifier les pratiques de prescription, de connaître les modalités d’exploration de la ventilation chez ces enfants, les symptômes cliniques et les paramètres nutritionnels justifiant les explorations. Méthode Un questionnaire a été adressé par voie postale en décembre 2004 à 134 services de Pédiatrie et de Pneumologie susceptibles de prendre en charge des Inspirer N° 12 - Septembre 2006 9 patients obèses de moins de 18 ans. Une relance auprès de ces services ainsi que de 23 centres de traitement de l’obésité a été faite en janvier 2005. Résultats Le questionnaire a été renseigné par 52 % des services contactés. Les services répondeurs étaient pour la majorité des services de pédiatrie (37 sur 81) mais aussi 18 services de pneumologie adulte, 11 centres spécialisés dans l’obésité, 10 services de réanimation et 5 laboratoires d’exploration fonctionnelle. Seul un service de pneumologie adulte était situé en dehors d’un centre universitaire ou d’un centre spécialisé dans l’obésité. Vingt et un services déclaraient prendre en charge par ventilation longue durée au moins un patient de moins de 18 ans pour des troubles liés à l’obésité. Vingt-cinq services déclaraient ne pas assumer la prise en charge de ces patients mais demander régulièrement des explorations de la fonction respiratoire chez les enfants atteints de surcharge pondérale. Un total de 94 enfants pris en charge par ventilation de longue durée a été recensé. Ils étaient pris en charge individuellement dans dix centres. Deux centres n’avaient pas de patients en charge au moment de l’enquête. Parmi les 11 autres services répondeurs de 2 à 30 enfants étaient sous assistance respiratoire à la réception du questionnaire. La pression positive continue était plus souvent utilisée que la ventilation non-invasive. Seuls 4 centres sur les 21 déclaraient avoir recours à l’une ou l’autre méthode selon le patient. Il convient de remarquer qu’un patient bénéficiait d’une oxygénothérapie isolée sans support ventilatoire. La classe d’âge la plus représentée était celle des 10 à 15 ans. Elle représentait 45 % des enfants recensés (figure 1). Les patients étaient pris en charge dans le service concerné et au domicile. Seul un centre de traitement de l’obésité ne laissait pas les patients regagner leur domicile sous ventilation longue durée. Les stratégies d’exploration des troubles du sommeil des enfants présentant une surcharge pondérale différaient sensiblement entre les services pratiquant la ventilation longue durée et les services ne la pratiquant pas. Dans le Obésité et ventilation de longue durée chez l’enfant (suite…) premier groupe, 20 centres sur les 21 réalisaient au moins un enregistrement de la saturation nocturne. 19 centres associaient à cet enregistrement une polysomnographie et une exploration des volumes et débits pulmonaires. 10 centres pratiquaient en plus une détermination des gaz du sang. Parmi les centres ne pratiquant pas la ventilation longue durée, la détermination des volumes et débits pulmonaires est l’examen le plus souvent demandé (20 centres). 19 centres sur les 25 demandent la réalisation d’un enregistrement de saturation nocturne, 18 une polysomnographie. Contrairement aux centres pratiquant la ventilation longue durée la pratique quasiconsensuelle de 3 explorations (saturation nocturne, polysomographie et exploration des volumes et débits pulmonaires) n’est pas retrouvée dans ce groupe. 10 centres y pratiquent cependant à la fois un enregistrement de la saturation nocturne, une polysomnographie, une exploration des volumes et débits pulmonaires et une détermination des gaz du sang. Les praticiens déclaraient avoir recours à des explorations de la fonction respiratoire puis à la ventilation sur des critères majoritairement révélateurs d’apnées du sommeil à savoir la somnolence diurne (100 %), les ronflements (95 %) et les sueurs nocturnes (79 %). Soixante-dix pour cent des services répondeurs citaient l’augmentation de l’indice de masse corporelle comme un critère déclenchant la réalisation d’exploration complémentaire, avec des limites variables de l’indice de masse corporelle selon les centres. Synthèse adolescents mais aussi d’enfants de moins de 10 ans. La prise en charge de ces enfants concerne un nombre limité de services qui sont majoritairement situés dans un centre hospitalier universitaire ou dans un centre spécialisé de l’obésité. Dans les deux tiers des cas, les services concernés sont des services de pédiatrie, le plus souvent spécialisés en endocrinologie ou en pneumologie et qui pour la plupart ne prennent en charge que des cas sporadiques. Néanmoins, le taux important de retour des questionnaires témoigne d’un intérêt réel des praticiens pour les pathologies induites par l’obésité grandissante chez l’enfant dans notre pays. Malgré une"avance" des États-Unis de plus de 20 ans en terme de prévalence de l’obésité pédiatrique, les indications d’explorations de la fonction respiratoire chez l’enfant porteur d’une surcharge pondérale sont encore mal codifiées. De même les méthodes d’assistance respiratoire ne sont pas consensuelles et relèvent plus des habitudes locales des praticiens que de recommandations. Le faible nombre de patients pris en charge dans chacun des centres contribue probablement à la grande hétérogénéité des explorations et de la prise en charge. Nous retiendrons que l’exploration la plus souvent demandée est la mesure de la saturation nocturne en oxygène qui est un examen assez spécifique mais peu sensible pour le dépistage des troubles du sommeil. La validation d’un algorithme d’exploration mis en œuvre sur des critères cliniques et nutritionnels dans le cadre de protocoles multicentriques pourrait être une étape importante pour améliorer la prise en charge des conséquences respiratoires de l’obésité morbide chez l’enfant. Il existe à l’heure actuelle en France un nombre significatif d’enfants sous ventilation de longue durée pour obésité morbide. Il s’agit en majorité d’adolescents ou de pré- % dans la classe d’âge Figure 1 Répartition par classe d'âge des patients de moins de 18 ans pris en charge par ventilation de longue durée dans le cadre d'une obésité morbide. Inspirer N° 12 - Septembre 2006 10 Complications respiratoires de l’obésité Pr J.P. LAABAN - Service de Pneumologie - HOTEL-DIEU, PARIS La définition de l’obésité repose sur l’indice de masse corporelle (IMC), qui est le rapport du poids par le carré de la taille. L’obésité est définie par un IMC supérieur à 30 kg/m2. L’obésité est un problème majeur de santé publique en France. L’enquête ObEpi 2003, qui a porté sur 25 770 personnes âgées de 15 ans et plus, a montré que la prévalence de l’obésité était de 11,3 % en 2003. Conséquences de l’obésité sur la mécanique ventilatoire La conséquence essentielle de l’obésité est une diminution importante de la compliance de la paroi thoracique, liée aux difficultés d’expansion des côtes et du diaphragme. La diminution de la compliance pulmonaire est plus modérée et résulte de l’augmentation du volume sanguin pulmonaire, et de la fermeture des voies aériennes et du collapsus alvéolaire dans les zones à bas rapport ventilation-perfusion des bases pulmonaires. Le travail ventilatoire est augmenté chez les sujets obèses. Chez des patients ayant une obésité massive, la VO2 respiratoire mesurée au repos atteint 16 % de la VO2 totale alors qu’elle n’excède pas 3 % de la VO2 totale chez les sujets sains de poids normal. Conséquences directes de l’obésité sur la fonction respiratoire au repos L’anomalie fonctionnelle respiratoire la plus fréquente et la plus caractéristique de l’obésité est la diminution du volume de réserve expiratoire (VRE). La diminution du VRE est corrélée à l’importance de l’obésité. Dans les obésités massives, le VRE peut être complètement effondré. La diminution du VRE est plus importante en décubitus dorsal qu’en position assise ou debout. Il s’y associe souvent une diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle. Le volume résiduel est en général normal. Un véritable trouble ventilatoire restrictif, défini par une diminution de la capacité pulmonaire totale (CPT), est beaucoup plus rare, et n’est le plus souvent observé qu’en cas d’obésité sévère ou massive. Le gain de poids corporel est associé à une dégradation accélérée de la fonction ventilatoire, et inversement la perte Inspirer N° 12 - Septembre 2006 11 de poids entraîne une augmentation du VRE et de la CPT, associée à une diminution de la dyspnée d’effort. Le volume expiratoire maximal seconde (VEMS) et la capacité vitale (CV) peuvent être modérément diminués chez les patients ayant une obésité sévère, mais le rapport VEMS/CV est normal, quelle que soit l’importance de l’obésité, en l’absence de BPCO. Le type d’obésité joue un rôle important dans les conséquences ventilatoires de l’obésité. L’obésité androïde entraîne, à IMC comparable, une altération plus importante de la fonction ventilatoire que l’obésité gynoïde, avec en particulier une diminution plus importante du VRE. Le transfert de l’oxyde de carbone est normal, ou modérément augmenté en raison de l’augmentation du volume sanguin pulmonaire. Conséquences de l’obésité sur la fonction respiratoire à l’exercice Chez les patients obèses indemnes de pathologie cardiaque ou respiratoire associée, l’épreuve d’effort montre, par rapport à des sujets de poids normal réalisant un effort d’intensité comparable, une VO2 plus importante, une ventilation-minute plus élevée, une fréquence respiratoire plus élevée et un volume courant plus faible. Le seuil anaérobique est diminué chez les patients obèses. La diminution de la VO2 max est corrélée au poids et à la masse maigre. Chez les patients obèses ayant une hypoxémie de repos, la PaO2 peut augmenter à l’effort en raison d’une amélioration des inégalités des rapports ventilation-perfusion des bases pulmonaires. Conséquences de l’obésité sur l’hématose Hypoxémie L’hypoxémie de l’obèse résulte d’une diminution des rapports ventilation – perfusion au niveau des bases pulmonaires. Elle est majorée par le décubitus, avec une différence de PaO2 pouvant atteindre 10, voire 15 mmHg, et est corrélée à la diminution du VRE. L’hypoxémie est plus fréquente en cas d’obésité massive, d’obésité androïde, ou d’association à un syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAS). Complications respiratoires de l’obésité (suite…) Hypercapnie Le syndrome obésité-hypoventilation (SOH) est défini par l’existence d’une hypoventilation alvéolaire chronique (PaO2 < 70 mmHg et PaCO2 > 45 mmHg), chez des patients obèses, en état stable, et indemnes d’affection respiratoire associée. La prévalence du SOH est probablement de l’ordre de 10 à 20 % dans l’obésité massive. Le mécanisme principal de l’hypoventilation alvéolaire chronique dans l’obésité est classiquement l’augmentation du travail respiratoire, mais d’autres mécanismes peuvent être impliqués : diminution de la performance des muscles respiratoires, dysfonctionnement des centres respiratoires avec diminution des réponses ventilatoires à l’hypercapnie et à l’hypoxie, et surtout existence d’un SAS. Obésité et asthme De nombreuses études transversales et longitudinales réalisées récemment ont démontré une relation entre obésité et asthme, avec un risque relatif d’asthme chez l’obèse compris entre 1,5 et 3. Cette relation a été mise en évidence chez les adultes et chez les enfants. La réduction pondérale chez les patients obèses et asthmatiques a des effets favorables sur la fonction ventilatoire (augmentation du DEM 25-75 et du VEMS, diminution de la variabilité du débit expiratoire de pointe), et également sur la dyspnée, le nombre d’exacerbations et la qualité de vie. Les mécanismes impliqués dans la relation entre asthme et obésité ne sont pas connus. Obésité et hypertension artérielle pulmonaire L’obésité n’est pas une cause directe d’hypertension artérielle pulmonaire pré-capillaire (HTAP), mais est souvent associée à des co-morbidités qui peuvent être responsables d’une HTAP. Le SAS peut entraîner une HTAP, mais cette HTAP est en général modérée, la pression artérielle pulmonaire moyenne étant comprise entre 20 et 35 mmHg. Les deux grandes causes d’HTAP sévère chez l’obèse sont la maladie thrombo-embolique veineuse, dont l’obésité est un facteur de risque bien connu par le biais d’une diminution de l’activité fibrinolytique, et la prise de certains anorexigènes. Le diagnostic d’HTAP peut être très difficile, en particulier dans les obésités massives. Il faut savoir l’évoquer devant l’aggravation inexpliquée d’une dyspnée d’effort. L’examen de référence est l’échocardiographie. Obésité et syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAS) L’obésité est un facteur de risque majeur du SAS. Le SAS est une complication fréquente de l’obésité, mais la prévalence exacte du SAS dans l’obésité n’est pas connue avec certitude. La prévalence du SAS est élevée dans l’obésité sévère ou morbide, comprise entre 10 et 50 %. Le type d’obésité joue également un Inspirer N° 12 - Septembre 2006 12 rôle dans la relation entre SAS et obésité. L’index d’apnéeshypopnées est mieux corrélé en analyse multivariée avec le tour de taille et le périmètre cervical qu’avec l’indice de masse corporelle. La perte de poids s’accompagne d’une diminution très variable de l’index d’apnées-hypopnées, qui dépend essentiellement du poids initial et de l’importance de la perte de poids. Références 1 — Laaban JP ed. Répercussions respiratoires de l’obésité. Constats et prise en charge. Paris ; Margauxorange, 2005 : 1-160 2 — Kress JP, Pohlman AS, Alverdy, J Hall JB. The impact of morbid obesity on oxygen cost of breathing (VO2resp) at rest. Am J Respir Crit Care Med 1999;160:883-886 3 — Biring MS, Lewis MI, Liu JT, Mohsenifar Z. Pulmonary physiologic changes of morbid obesity. Am J Med Sci 1999 ; 318 : 293-7. 4 — Laaban JP, Chailleux E, for the Observatory Group of ANTADIR. Daytime hypercapnia in adult patients with obstructive sleep apnea syndrome in France, before initiating nocturnal nasal continuous positive airway pressure therapy. CHEST 2005 ; 127 : 710-7 5 — Kessler R, Chaouat A, Schinkewitch P et al. The obesity-hypoventilation syndrome revisited. A prospective study of 34 consecutive cases. Chest 2001 ; 120 : 369-76. 6 — Rönmark E, Andersson C, Nyström L, Forsberg B, Järvholm B, Lunbäck B. Obesity increases the risk of incident asthma among adults. Eur Respir J 2005 ; 25 : 282-288 La VNI chez l’enfant atteint de maladies neuromusculaires et importance des interfaces Dr I. Desguerre - Hôpital Necker - Paris Dr B. Duboc, Dr D. Ginesti - Hôpital Saint Vincent de Paul - Paris La Ventilation Non Invasive (VNI) dans les maladies neuromusculaires (NM) de l’enfant a débuté il y a 15 ans environ et prend de plus en plus de place dans l’arsenal thérapeutique de la prise en charge (PEC). Elle a différents objectifs : soit classique de support ventilatoire mécanique en cas d’hypoventilation alvéolaire nocturne soit de prévention des atélectasies récidivantes et d’aide à la croissance pulmonaire. Les pathologies rencontrées sont les myopathies de Duchenne où l’indication de la VNI est tardive souvent après 15 ans, les amyotrophies spinales type 2 et certaines myopathies congénitales où l’indication d’une VNI peut se poser dès l’âge de 12 mois nécessitant des adaptations des modes ventilatoires et de l’interface. À Saint Vincent de Paul nous avons eu l’occasion de mettre en route une VNI dans les 10 dernières années chez 56 patients avec la réalisation de masques moulés sur mesure réalisée en stomatologie. 40/56 patients avaient une maladie neuromusculaire : Duchenne (6), Amyotrophie Spinale Infantile (11), Myopathie Congénitale (12), Autres (11). L’observance de la VNI a été bonne dans 38/40 cas avec une excellente tolérance du masque et une adaptation rapide à la VNI. La nécessité d’une trachéotomie secondairement du fait de l’aggravation de la maladie respiratoire a eu lieu dans 5 cas. Le décès du fait de complications cardiaques est survenu dans 5 cas dont trois pour des patients non neuromusculaires (maladies neurologiques évolutives). Le suivi stomatologique de ces patients ayant une atteinte de la musculature faciale est particulièrement important en terme d’ouverture buccale, de rétrognatisme ou de recul du massif facial moyen du fait de la pression du masque sur le visage chez un patient paralytique. Nous n’avons pas noté d’inversion de l’articulé dentaire au long terme même chez les patients très jeunes au début de la VNI. Dans certains cas, grâce à la fixation d’un masque de Dehler sur le masque de ventilation, des corrections orthodontiques ont pu être réalisées. Le succès de la VNI chez l’enfant dépend avant tout de la qualité de l’interface et de la motivation de la famille. Le bénéfice en terme de survie mais aussi de qualité de vie est évident même si des données mesurées n’existent pas à l’heure actuelle (moins d’hospitalisations et d’infections respiratoires, amélioration de la croissance et de l’état général et orthopédique). Inspirer N° 12 - Septembre 2006 13 État des lieux des masques disponibles en pédiatrie pour le domicile Valérie Gaërel, Karl Leroux – ADEP Assistance, Puteaux Deux catégories de masques (avec ou sans fuite intentionnelle), deux conceptions (industrielle ou sur mesure), 4 types (nasal, facial, narinaire, buccal), 34 modèles (Profil Lite, UltraMirage), 119 tailles (petit, médium, peu profond, …) dont 20% des masques industriels sont nommés « de petite taille ». Un large choix ? Pas si sûr ! une ou plusieurs tailles, le parc est constitué de 119 tailles différentes, soit 45 références de masque sans fuite intentionnelle et 74 références avec valve de fuite. Sur ces 119 références, 10 tailles sont dénommées « petites » ou « pédiatriques » sans fuite et 14 tailles « petites » ou « pédiatriques » avec valve de fuite. Au total donc, 20 % des masques disponibles sont dits « petits » ou « pédiatriques ». Spécificité du masque chez l’enfant Expérience de l’ADEP Les critères de choix d’un masque et de son harnais sont principalement le confort et l’efficacité, le masque doit donc être parfaitement adapté à la morphologie spécifique de l’enfant. En effet le visage d’un enfant, et encore plus celui d’un bébé, ne peut être considéré comme un visage d’adulte en miniature. La racine du nez est plate, l’arête du nez peu prononcée, l’écart entre les deux yeux est faible, les oreilles sont placées légèrement plus haut que les yeux, le pourtour crânien est en croissance permanente et rapide. Le maintien du masque en place est également primordial afin d’assurer une parfaite étanchéité d’où la nécessité d’installer un harnais de fixation adapté au masque, au crâne et au visage de l’enfant. Une mauvaise installation du masque, d’autant plus chez un enfant peu ou pas autonome, peut avoir pour conséquences : une blessure (voire même une escarre en cas de serrage trop important) ou des fuites (risque de conjonctivite et perte d’efficacité de la ventilation). Un masque doit donc être de mise en place aisée et de maintien efficace. Il est également important de proposer un masque avec peu d’espace mort afin de réduire au maximum le phénomène de re-breathing ou ré-inhalation des gaz expirés. Sur 9 300 patients pris en charge par ADEP AssistanceAPAIR en Ile de France et en Picardie, 600 ont moins de seize ans, 9 % de ces enfants sont ventilés par masque de type quasi exclusivement « nasal », dont 60 % sans fuite intentionnelle. 49 % des enfants ont un masque réalisé sur mesure par l’équipe de l’hôpital Trousseau. 30 % ont un masque du type Profile Lite en taille S (11 %) ou P (19 %). La répartition des tailles de masque par rapport à l’âge des enfants est la suivante : les masques sur mesure sont utilisés du tout-petit à l’adolescent, la taille « Pédiatrique » du modèle Profile Lite (Respironics®) est mise en place de 2 à 14 ans, la taille « Small » du modèle Profile Lite (Respironics®) est utilisée à partir de 14 ans tout comme les autres modèles. Le parc de consommables Proposé par les fabricants de masques, il est en constante évolution. À ce jour, 34 modèles sont proposés. Certains sont proposés sans fuite intentionnelle pour la ventilation sous respirateur (du type Eole, VS Ultra, Legendair,…) avec différents modes de ventilation (ventilation contrôlée, aide inspiratoire, etc.), soit douze modèles. Vingt-deux modèles sont disponibles avec fuite intentionnelle pour la ventilation à deux niveaux de pression ou l’utilisation d’appareil de pression positive continue. Chaque modèle étant décliné en Inspirer N° 12 - Septembre 2006 14 En conclusion De nombreux modèles et tailles de masques sont disponibles surtout pour l’adulte et plus particulièrement avec valve de fuite, ce qui correspond à une demande très forte du « marché du sommeil » : appareillages exponentiels en pression positive continue. Le choix des masques de tailles adaptées à l’enfant est très faible. Plus particulièrement en ce qui concerne les masques sans fuite intentionnelle destinés à la ventilation sous respirateur. Les masques dits « petits » sont surtout adaptés à des visages d’adolescent. Étant donné le faible choix de masque disponible pour l’enfant, la pratique privilégie les masques réalisés sur mesure du type de ceux réalisés par l’hôpital Trousseau, comme en témoigne l’expérience d’ADEP Assistance. Une journée, comme celle-ci, de réflexion sur la ventilation chez l’enfant n’est-elle pas l’occasion de transmettre le message aux fabricants de masques ? En souhaitant qu’elle puisse avoir une influence ! Retentissement maxillo-faciale des masques : quelle évaluation et quelles précautions ? Dr Jean-François Lavis (Paris) - Tolérance cutanée et maxillo-faciale des masques d’assistance respiratoire chez l’enfant Département de Chirurgie Maxillo-Faciale et Unité de Recherche EA 3497, Hôpital Armand Trousseau, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, université Paris 6, Paris. La ventilation non invasive (VNI) constitue un progrès thérapeutique dans la prise en charge des insuffisances respiratoires chroniques de l’enfant. Le succès et l’acceptation par l’enfant de la VNI sont fortement dépendants du masque nasal qui sert d’interface entre l’enfant et le circuit du ventilateur. Le but de notre étude est d’évaluer la tolérance cutanée et maxillofaciale du masque nasal. Matériel et Méthodes Tous les patients suivis dans le service de pneumologie pédiatrique de l’hôpital Armand-Trousseau et traités par VNI (syndrome d’apnée du sommeil (n=16), pathologie neuromusculaire (n=14) et mucoviscidose (n=10)) ont été inclus de décembre 2002 à mai 2003. Ils ont été examinés cliniquement selon des critères pré-établis pour identifier et quantifier le retentissement cutané et maxillo-facial. Des radiographies ont été réalisées chaque fois que possible. Résultats Quarante patients ont été inclus dans cette étude. 19 (48%) patients ont présenté une souffrance cutanée dont 3 (8%) une nécrose cutanée. Ces lésions cutanées étaient associées avec l’utilisation d’un masque du commerce et étaient plus fréquentes chez les patients âgés de plus de 10 ans. Elles étaient moins fréquentes chez les patients atteints d’apnée du sommeil. Vingt-sept patients (66%) avaient un aplatissement facial. Aucune corrélation n’a été retrouvée avec l’âge, la durée de port de masque et le type de masque. Quinze patients (37%) avaient une rétromaxillie. Aucune corrélation n’a été mise en évidence avec l’âge, le type de masque, et la maladie sous jacente mais une corrélation a été observée entre la rétromaxillie et une durée de port journalière du masque supérieure à 10 heures par jour. Discussion La prévalence des effets secondaires au niveau de la face est cliniquement significatif chez les enfants sous VNI. Le masque fabriqué sur mesure était mieux adapté à la morphologie du visage des enfants et moins responsable de souffrance cutanée. Le taux de rétromaxillie dans notre population était beaucoup plus élevé que celui rapporté dans la littérature. Une évaluation initiale avant la mise en route de la VNI et un suivi maxillo-facial systématique des patients sous VNI est nécessaire pour déterminer les facteurs de risque et prévenir les effets secondaires cutanés et maxillo-faciaux de cette technique d’assistance ventilatoire. Inspirer N° 12 - Septembre 2006 15 Inspirer est publié par la Fédération ANTADIR – 66 bld Saint Michel 75006 Paris - Tél. : 01 56 81 40 60 - Fax : 01 56 81 40 61 Site internet : www.antadir.com Directeur de la publication : Pr Jean-François MUIR Comité de rédaction : Dr P. R. BURGEL, Dr I. DESGUERRE, Dr B. DUBOC, É. LEROUX, K. LEROUX, Pr B. FAUROUX,V. GAËREL, Dr D. GINESTI, Pr J.P. LAABAN, Dr J. F. LAVIS, Dr C. SCHWEITZER, A. K. SIMONDS et le Groupe de travail Pédiatrique de la CMTS ANTADIR Réalisation : Stratélys Tirage : 4000 exemplaires "Ce document est la propriété intellectuelle de l'Antadir qui en est l'auteur ; toute reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement préalable de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite" (article L122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle). Inspirer N° 12 - Septembre 2006 16