CONGRÈS RÉUNION coordonné par le Pr C. Le Feuvre Assistance circulatoire mécanique T. Petroni* 22es Journées de la Pitié-Salpêtrière Paris, du 7 au 9 octobre 2009 Nous évoquions dans le numéro précédent les grandes actualités des 22es Journées de la transplantation cardiaque qui se sont tenues à la Pitié-Salpêtrière en octobre dernier. Parmi les thèmes abordés, l’assistance circulatoire mécanique et les avancées dans ce domaine ont fait l’objet de plusieurs communications. ECMO * Institut de cardiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. L’unité mobile d’assistance circulatoire (UMAC), mise en place par l’institut de cardiologie de la Pitié-Salpêtrière, permet la pose d’une ECMO (extracorporeal membrane oxygenation) artérioveineuse périphérique rapide en dehors du groupe hospitalier par une équipe de l’institut composée d’un interne, d’un chirurgien cardiaque sénior et d’un perfusionniste. Le Dr S. Beurtheret (Paris) a rapporté les cas de 69 patients implantés entre 2005 et 2009 en Île-de-France et dans les alentours, jusqu’à Orléans, pour 48 % d’infarctus du myocarde, 20 % de cardiopathies dilatées et 32 % de cardiopathies aiguës (myocardite, post-partum, toxique, tako-tsubo, choc anaphylactique, etc.). Dans 38 % des cas, le patient est en ACR et reçoit en moyenne 10 mg/h d’adrénaline. Le patient assisté est laissé dans la structure initiale dans 15 % des cas, transféré à la Pitié-Salpêtrière dans 70 % des cas et à Lariboisière dans 15 % des cas. Le sevrage est effectif en moyenne après 8 jours, ou bien le décès survient en moyenne dans le même délai. Les décès sous ECMO, au nombre de 39, sont secondaires à des défaillances multiple d’organes (33 patients) et à une mort encéphalique ou à un accident vasculaire cérébral (6 patients). Trente sujets sont sevrés de l’ECMO, 3 d’entre eux en pont vers la TC, 4 autres en pont vers une assistance de longue durée, et 23 ont récupéré. Au total, 41 patients sont décédés sous ECMO ou après 8 | La Lettre du Cardiologue • n° 430 - décembre 2009 sevrage. L’analyse multivariée identifie l’âge avancé et la nécessité d’un massage cardiaque externe comme facteurs prédictifs de mauvais pronostic. Inversement, l’existence d’une cardiopathie aiguë semble plus favorable. Ces résultats permettent de refuser d’emblée à certains patients l’assistance circulatoire d’urgence. Assistance de longue durée Le Dr F. Collart (Marseille) a rappelé le bilan nécessaire à effectuer avant la prise de décision en faveur d’une assistance de longue durée. L’assistance de courte durée a été posée en “sauvetage”, ou bien sur le pari d’une durée d’assistance “courte”. L’évaluation neurologique préalable est indispensable, avec si possible l’extubation du patient accompagnée d’une imagerie cérébrale et des troncs supra-aortiques. L’évaluation respiratoire est rendue complexe par la fonction de l’assistance, et doit tirer parti de la radiographie thoracique, de l’étude des sécrétions bronchiques et des pressions d’insufflation sur le respirateur. L’évaluation infectieuse est nécessaire, tant sur les scarpas que générale (il pourrait être utile de proposer une cartographie bactérienne du patient). Enfin, l’évaluation hépatique ne saurait être oubliée (cytolyse, cholestase, imagerie), ainsi que l’évaluation globale du patient (projet thérapeutique : greffe ou implantation ; aptitude à gérer un dispositif d’assistance) et de sa fonction ventriculaire droite (rendue délicate par la mise en décharge). On peut également rechercher une thrombopénie immunoallergique à l’héparine, ainsi qu’un syndrome d’activation macrophagique. Ce bilan permet de réfléchir à l’indication d’une éventuelle assistance de longue durée et à son type (mono- ou biventriculaire), avec une séquence temporelle idéale aux alentours d’une semaine d’ECMO en l’absence de sevrage ou de transplantation, ou dès la récupération des défaillances d’organes. CONGRÈS RÉUNION Assistance biventriculaire L’assistance biventriculaire a été détaillée par le Dr J.P. Mazzucotelli (Strasbourg). Dans les registres, la survie est plus importante dans le groupe des patients implantés d’une assistance monoventriculaire gauche que dans le groupe des biventriculaires avec le biais connu de la gravité de l’état des patients. Cette donnée semble être infirmée par l’étude des chiffres récoltés entre 2000 et 2008, qui montrent une survie similaire dans les deux cas (58 % à 1 an). Depuis 2005, la tendance est à l’implantation plus importante d’une assistance monoventriculaire gauche, y compris dans des cas particulièrement sévères. Dans cette optique, il convient de déterminer le risque de dysfonction postopératoire du ventricule droit, dont on sait qu’il se situe entre 10 et 35 %. L’évaluation doit d’abord rechercher la cause de la cardiopathie sous-jacente, puis les caractéristiques échocardiographiques du VD. Enfin, le score de Matthews permet de définir le score de risque de défaillance du VD sur la base de paramètres simples (administration de vasopresseur, créatininémie, bilirubinémie, ASAT). L’indication d’une assistance biventriculaire sera généralement retenue en cas de choc cardiogénique “grave”, de dysfonction du VD, et dans certaines situations spécifiques (cardiopathie congénitale, réinterventions chirurgicales multiples, etc.). Décharge ventriculaire gauche Le Dr M. Massetti (Caen) a rapporté son expérience originale de décharge ventriculaire gauche chez des patients implantés d’une ECMO en œdème pulmonaire massif. Il propose la réalisation d’atrioseptostomies percutanées, consistant à créer un shunt à l’étage auriculaire. Cette technique, présentée comme simple, rapide et peu invasive, a été réalisée chez 8 patients. Il existe, en revanche, un risque de thrombose intraventriculaire gauche, car la valve aortique reste fermée du fait de la postcharge élevée conférée par la canule de réinjection intra-aortique. Cette technique a permis l’augmentation moyenne de 1 l/mn du débit d’ECMO, pour une durée moyenne de 20 minutes de la procédure en cardiologie interventionnelle. Une tamponnade est survenue au cours des procédures. D’autres alternatives “mini-invasives” proposées sont le drainage percutané du ventricule gauche, l’emploi de l’Impella®, d’un ballonnet de contre-pulsion intra-aortique, ou la canulation de décharge percutanée de l’artère pulmonaire. Assistance biventriculaire implantable L’assistance biventriculaire implantable connaît un essor significatif, comme en témoigne l’expérience du Dr L. Camilleri (Clermont-Ferrand). Ce dispositif a été implanté chez 40 patients âgés de 45 ans en moyenne (extrêmes : 15-59), avec une FE à 17 % en moyenne : 37 % des patients étaient ventilés, 18 % étaient en ACR et 23 % bénéficiaient d’une ECMO. Sous assistance, la durée moyenne de survie était de 105 jours, avec la survenue de 20 décès. Dix-neuf patients ont été greffés et 1 a été sevré de l’assistance. Les causes de mortalité sont classiques, rattachées à la défaillance multiviscérale, l’infection et l’ischémie digestive. La morbidité n’est pas négligeable, avec 43 % de reprise chirurgicale pour complications hémorragiques, 20 % d’infections de matériel, et 8 % d’accidents neurologiques. L’avantage est le nombre de canules transcutanées, réduit à 2. La survie est de 75 % à 1 mois, de 45 % à 6 mois et de 41 % à 1 an. Celle des patients transplantés rejoint les chiffres connus, avec 78 % à 1 an. Le retour à domicile a été possible pour 9 patients, bénéficiant de permissions répétées de 48 à 72 heures avec rééducation intensive, autonomisation et sécurisation du domicile. D’autres matériels d’assistance circulatoire sont particulièrement intéressants et prometteurs. C’est le cas du système CorCap®, présenté par le Dr P. Dos Santos (Bordeaux). Dans le cadre du remaniement ventriculaire tant anatomique que fonctionnel, cette chirurgie du remodelage offre un soutien télédiastolique en diminuant la tension pariétale, et contribue à interrompre la progression de l’IC et de la dilatation cavitaire. L’étude des boucles pression-volume retrouve une augmentation de surface et un décalage vers la gauche de la boucle, soit une évolution vers un volume moindre pour un régime de pression moins élevé. Ce dispositif (figure 1, p. 10) favorise la récupération de la fonction contractile cardiomyocytaire et corrige l’allongement myocytaire. Il offre une solution intéressante lorsque le traitement médical est maximal, ainsi qu’aux limites des thérapies de resynchronisation. Il s’agit d’un filet nécessitant, pour sa mise en place, la sternotomie pour une chirurgie à cœur battant, suivie de l’extériorisation du massif ventriculaire que l’on entoure de la prothèse, tout en respectant le massif auriculaire. Un surjet à la face antérieure du VG permet sa fixation et le réglage de tension, ainsi qu’une ligne de suture suivant le sillon auriculo-ventriculaire. L’essai ACORN a inclus 300 patients porteurs d’une cardiopathie dilatée (ischémique et non ischémique) symptomatique La Lettre du Cardiologue • n° 430 - décembre 2009 | 9 CONGRÈS RÉUNION coordonné par le Pr C. Le Feuvre Figure 1. Prothèse CorCap®. en classe III de la NYHA sous traitement médical optimal. La FEVG était altérée (< 35 %) et le VG dilaté (DTD > 60 mm). Deux groupes ont été constitués, selon qu’il y avait ou non une indication de plastie mitrale chirurgicale. Dans chacun de ces deux groupes, une randomisation a réparti les patients en deux sous-groupes, bénéficiant ou non de ce dispositif. Le suivi a été conduit sur 12 mois, avec des résultats positifs pour le critère primaire (score clinique composite associant la classe de dyspnée NYHA, les décès et les procédures cardiaques majeures) et le critère secondaire (qualité de vie). Une amélioration de la FE ainsi qu’une diminution du diamètre VG ont été observées. Les patients éligibles seraient donc ceux restant symptomatiques aux limites des thérapeutiques actuelles validées, médicales et interventionnelles (stimulation multisite), éventuellement en chirurgie combinée en cas de dyspnée en classe II de la NYHA, avec une fonction du VD préservée, et dont la pathologie n’est pas trop évoluée (DTDVG entre 30 et 40 mm/m²). Il faut remarquer qu’en termes de mortalité, il n’a été noté qu’une tendance non significative à un bénéfice chez les patients avec un DTDVG entre 30 et 40 mm/­m². De même, aucune constriction péricardique secondaire au cours du suivi n’a été rapportée. Chirurgie mini-invasive Cette thérapeutique trouve son corollaire dans une version mini-invasive développée par le Pr L. Labrousse (Bordeaux), dénommée Gen2 CorCap®. Après une étude préalable du dispositif CorCap® chez 117 patients, aucune différence à 5 ans sur la mortalité, l’assistance, la TC et la chirurgie cardiaque majeure n’a été retrouvée. Le dispositif Gen2 CorCap® est, quant à lui, inséré après 10 | La Lettre du Cardiologue • n° 430 - décembre 2009 mini-thoracotomie. Cette intervention doit être précédée d’une scannographie cardiaque pour le choix des dimensions de la prothèse en fonction d’abaques simplifiés établis par le constructeur, et d’un repérage de l’apex par échocardiographie. L’incision mesure 5 cm, et permet l’injection du produit de contraste intrapéricardique pour le repérage du sillon auriculo-ventriculaire. Bien sûr, la sonde de resynchronisation latéroventriculaire gauche peut aider à la visualisation du sinus coronaire. Les baleines, faites de bandes de glissement en polytétrafluoroéthylène (PTFE), préviennent tout traumatisme épicardique. L’automaintien est assuré par un stent en silicone avec marqueurs radio-opaques permettant de matérialiser le sillon auriculo-ventriculaire sur lequel il est placé. Vingtcinq implantations ont été réalisées, 2 ont nécessité une conversion chirurgicale en raison d’adhérences. Le temps opératoire requis a été de 2 heures, avec une mise en place effective entre 5 et 35 minutes. Il n’a pas été observé de mortalité ni de morbidité spécifique. Au cours du suivi, 3 décès sont survenus, à 14, 28 et 29 mois. Dispositifs d’assistance circulatoire Au registre de ces dispositifs d’assistance circulatoire, le Dr B. Berthier (Paris) a présenté l’ECMO pulsée de CorHem. En effet, l’ECMO présente quelques limites, parmi lesquelles un débit parfois limité, non pulsatile, et une mauvaise décharge. Eu égard à la physiopathologie de l’état de choc, le débit pulsé pourrait constituer un avantage fort dans cette situation, du fait de l’occlusion des capillaires avec dysfonction endothéliale aggravant la situation globale et limitant la perfusion des organes. D’une durée de vie pouvant aller jusqu’à plusieurs semaines, ce générateur de débit pulsé (figure 2, p. 12) se décline sous la forme d’un actionneur spécifique et d’un composant régulant le débit. Mobile et nomade, sa mise en place est facile et son maniement aisé, avec une interchangeabilité rapide des éléments consommables. Il peut fonctionner tant en suppléance qu’en assistance et présente une fonction d’autorégulation. La fin du développement du prototype V0 est prévue pour les mois à venir, et l’étude de deux autres prototypes, V1 et V2, pour 2010 et 2011. Aux Pays-Bas, le Dr M. Mariani emploie le PulseCath® (figure 3, p. 12), facile à placer et à retirer, de coût modéré et de conception simple, capable de générer un flux pulsatile. Il mesure 21 Fr, et est CONGRÈS RÉUNION coordonné par le Pr C. Le Feuvre Figure 2. Prototype V0 de l’ECMO pulsée de CorHem. Pression aortique (mmHg) 100 80 60 40 20 0 PA Débit 8 6 4 2 0 -2 -4 -6 -8 -10 Débit (l/mn) Figure 4. Impella®. Figure 3. Pulse-Cath® : observation de l’hémodynamique liée au cœur natif et de la pression générée par le dispositif. relié à une pompe externe. Ce dispositif trouve sa place en cas d’altération importante de la fonction systolique du VG, chez des patients nécessitant une assistance circulatoire mécanique temporaire (infarctus du myocarde, choc cardiogénique, chirurgie à cœur battant, postopératoire de chirurgie cardiaque, etc.). En revanche, il est contreindiqué en cas d’anévrisme de l’aorte ascendante, de calcifications aortiques pariétales extensives, de pathologie ou de prothèse valvulaire aortique, de thrombus intraventriculaire gauche, de dysfonction du VD ou du VG terminale. Il peut délivrer un 12 | La Lettre du Cardiologue • n° 430 - décembre 2009 débit jusqu’à 3 l/mn, et fait l’objet d’une étude multicentrique pour une utilisation prolongée de 24 heures à 14 jours. L’Impella® (figure 4) constitue un autre moyen plus connu d’assistance ventriculaire gauche temporaire, comme l’a rappelé le Dr J. Eliet (Montpellier). Deux modèles peuvent être employés : le LP2.5, délivrant un débit de 2 l/mn, implantable par voie fémorale rétrograde et limité par le positionnement, et le LP5, délivrant un débit de 4,4 l/mn, qui se place par un abord sous-clavier droit et qui peut être limité par la fonction du VD. Une hémolyse modérée peut être observée, et l’apparition d’une défaillance du VD peut conduire à l’implantation d’une ECMO périphérique. Il a pu être observé un saignement lors de l’abord vasculaire ainsi qu’une perte de signal de positionnement et de débit après quelques jours, mais sans événement thromboembolique. Son maniement associé à l’ECMO peut rendre difficile le passage transvalvulaire aortique lorsque l’assistance tourne (ce passage est facilité par un massage cardiaque externe simultané), et peut nécessiter un repositionnement itératif échoguidé en raison de problèmes de succion. Ce traitement trouve sa place dans le choc cardiogénique par défaillance du VG, et peut être employé 1 à 2 semaines (modèle LP5) en attendant la récupération (favorisée par la diminution des contraintes pariétales), constituant ainsi potentiellement un pont vers d’autres thérapeutiques éventuellement nécessaires. C’est également l’occasion d’un test fonctionnel du cœur droit. Il est possible de le combiner avec une ECMO pour diminuer l’œdème pulmonaire, favoriser le sevrage des inotropes et limiter le risque thrombo-embolique en rétablissant un flux transaortique. CONGRÈS RÉUNION Sevrage de l’ECMO Figure 5. Jarvik 2000®. Le Jarvik 2000® (figure 5) a été présenté par le Dr É. Lemoine (Tours). Dispositif d’assistance monoventriculaire gauche couramment implanté, il s’agit d’une turbine axiale à l’apex du VG et fixée dans l’aorte thoracique descendante, reliée à un connecteur mastoïdien. Il représente une alternative à la TC pour les sujets âgés de 70 à 75 ans ayant une IC terminale avec une bonne fonction du VD. Enfin, deux autres thématiques ont fait l’objet de communications lors de ces Journées : les cardiomyopathies spécifiques et les effets indésirables des thérapeutiques. Cardiomyopathies spécifiques Certaines cardiomyopathies spécifiques peuvent amener à envisager une transplantation. C’est le cas de la cardiomyopathie hypertrophique (CMH), comme l’a souligné le Pr R. Isnard (Paris). De transmission autosomique dominante, la CMH est une hypertrophie septale souvent asymétrique dont l’histoire naturelle est variable, et dont la conséquence clinique est hétérogène. Les risques majeurs inhérents à cette pathologie sont la mort subite et l’insuffisance cardiaque (IC), pour laquelle il est rappelé la gravité de la fibrillation atriale (FA) lorsque celle-ci survient. Le tournant évolutif de la pathologie est l’apparition d’une dysfonction systolique. L’étude rétrospective de 825 greffés entre 1985 et 2008 a permis d’identifier 27 patients porteurs Les réflexions sur les indications de l’ECMO sont indissociables de celles se rapportant au sevrage. Voilà tout l’objet du travail du Dr N. Aissaoui (Paris), rapporté par le Pr A. Combes, concernant les marqueurs cliniques et échocardiographiques prédictifs du succès de sevrage de l’ECMO. Sur cette étude prospective ayant inclus 51 patients, des mesures échocardiographiques étaient réalisées lors de la diminution, par paliers de 15 minutes, du débit d’assistance, à 66 % puis 33 % puis 1 l/mn, avec clampage des lignes pendant 1 à 2 minutes. Cette épreuve était interrompue en cas de chute de la pression artérielle moyenne en dessous de 60 mmHg. Parmi ces patients, 20 ont été sevrés, dont 19 ont survécu ; 31 n’ont pas été sevrés, dont 6 ont été greffés et 6 implantés d’une assistance ventriculaire de longue durée. Sur l’ensemble de ces patients, 38 ont toléré le test de sevrage, dont les 20 qui ont été sevrés. Les paramètres identifiés comme étant les plus prédictifs du succès du sevrage de l’ECMO sont l’ITV aortique (> 12 cm) et l’onde S télédiastolique à l’anneau mitral (> 6 cm/s). Ces critères sont simples à acquérir et sont surtout applicables dans les cardiopathies au moins partiellement réversibles. de CMH, avec un âge moyen au diagnostic de 25 ans, pour un âge moyen à la transplantation de 39 ans. Quarante-six pour cent d’entre eux avaient des antécédents familiaux de cardiopathie, et 27 % de mort subite. Cinquante-huit pour cent présentaient une FA, et 73 % avaient une fraction d’éjection (FE) inférieure à 50 %. Il faut noter qu’aucun ne présentait un gradient moyen intraventriculaire gauche supérieur à 30 mmHg, du fait des traitements et du bas débit. Cinquante pour cent ont été greffés dans les 30 premiers jours, avec un délai d’attente moyen de 3 mois ; 2 patients ont été assistés de prime abord. Le suivi rapporte 5 décès un mois après la transplantation, sans facteur prédictif en analyse multivariée, et une retransplantation à 11 ans. Bien que la mortalité précoce de ces patients soit comparable aux chiffres des patients greffés pour CMD, la survie paraît toutefois meilleure à long terme. Il s’agit donc d’une cause rare de transplantation cardiaque (TC), concernant des sujets plus jeunes, dont la particularité est la nécessité de délais courts du fait des limites du traitement médical au stade de l’IC. La Lettre du Cardiologue • n° 430 - décembre 2009 | 13 CONGRÈS RÉUNION coordonné par le Pr C. Le Feuvre Myocardites fulminantes Les myocardites fulminantes sont, comme l’a rappelé le Pr A. Combes (Paris), une atteinte inflammatoire du myocarde dont l’étiologie est essentiellement virale (coxsackie), à l’origine de douleurs infarctoïdes souvent fébriles, de tachycardie, d’arythmies, de mort subite (10 % des cas) et de choc cardiogénique. Leur pronostic est meilleur que celui des myocardites aiguës, qui évoluent sur quelques semaines. Une étude a permis de comparer le mode d’assistance circulatoire entre 29 patients avec ECMO (ExtraCorporeal Membrane of Oxygen) périphérique et 6 patients avec assistance biventriculaire. La mortalité est comparable, mais il y a moins de transfusions avec l’ECMO. De même, la bilirubine et la créatinine sont moins élevées. Ainsi, l’ECMO apparaît moins onéreuse, plus simple et moins agressive. La troponine est plus élevée (> 12 mg/l) chez les patients dont l’évolution est péjorative, à l’instar du score SAPS2 (> 56). Ces deux paramètres sont prédictifs du décès en réanimation. La mortalité en réanimation est de 34 % et les complications liées à l’assistance sont de 57 %. La survie à la sortie de réanimation est de 66 %, pour 100 % de mortalité attendue en l’absence d’assistance circulatoire. Quarante-six pour cent des patients reprennent une activité professionnelle, et 26 % relèvent toujours d’un traitement médical. Dans 60 % des cas, la fonction ventriculaire gauche est revenue à la normale. La qualité de vie de ces patients a été évaluée : elle est meilleure que celle des sujets dyspnéiques au stade III de la NYHA ou dialysés. Elle ne semble inférieure à celle des sujets sains que sur les critères physiques. Cependant, 30 % des survivants développent des symptômes compatibles avec un syndrome de stress post-traumatique, et 10 % présentent une anxiété ou un syndrome dépressif. Outre l’assistance circulatoire, rappelons que les thérapeutiques immuno-suppressives spécifiques sont utiles dans certaines formes de myocardites, notamment d’hypersensibilité, auto-immunes, ou à cellules géantes. Myopathies associées à une atteinte cardiaque Le Dr K. Wahbi (Paris) est revenu sur le sujet des myopathies associées à une atteinte cardiaque. C’est le cas de la dystrophie de Becker, des laminopathies et des desminopathies. Le tableau est celui d’une cardiomyopathie dilatée et les critères d’éligibilité à la greffe doivent être retenus par des équipes spécialisées, de façon multidisciplinaire, au sein de centres de référence. Ils associent une indication réelle de transplantation, avec évaluation de l’atteinte muscu- 14 | La Lettre du Cardiologue • n° 430 - décembre 2009 laire périphérique et de son profil évolutif, de l’atteinte respiratoire, du profil psychiatrique et de l’influence potentielle de la greffe et des traitements sur la pathologie musculaire. Après TC, le devenir est similaire à celui des autres patients sur le plan cardiaque. Les risques potentiels soulignés associent l’effet délétère de la corticothérapie sur les muscles périphériques avec l’atrophie attendue des fibres de type 2, l’impact des statines, et la survenue fréquente d’une neuromyopathie de réanimation dans ce contexte d’association de corticoïdes et de curares. Les cas rapportés ne montrent pas, en pratique, d’aggravation plus rapide de la myopathie après TC en dépit de ces considérations théoriques. Il faut bien noter que la perte de la marche chez ces jeunes myopathes est parfois attribuable à une authentique IC et à un bas débit, sans lien avec la maladie musculaire périphérique. La TC et l’assistance circulatoire apparaissent ainsi envisageables, pour un suivi ultérieur sans spécificité. Ce constat a été est illustré par le Dr P. Ambrosi (Marseille) qui a rapporté le cas de 7 patients greffés cardiaques issus d’une même famille et porteurs d’une mutation du gène LMNA (lamines A et C) conférant une myopathie des ceintures. Cinq de ces patients étaient porteurs d’un stimulateur en raison d’un trouble conductif. Il existe un polymorphisme d’expression avec une transplantation effectuée à l’âge de 22 ans pour l’un des sujets, soit bien avant la transplantation de sa mère réalisée à l’âge de 62 ans. Le pronostic de la TC était favorable chez ces patients, sans aggravation nette de la myopathie sous anticalcineurine. Cardiomyopathies sévères du post-partum Des cas de cardiomyopathie sévère du post-partum ont été détaillés par le Dr H. Zimmerman (Tucson, Arizona, États-Unis) à partir d’une série regroupant 19 patientes répertoriées depuis 1988. Il s’agit d’une cardiomyopathie dilatée sévère et persistante révélée dans le dernier mois de la grossesse, ou dans les 5 mois suivant l’accouchement. L’étiologie reste incertaine, et les facteurs de risque comprennent l’âge, la multiparité, les grossesses gémellaires, l’hypertension et l’origine africaine. La persistance des signes au-delà de 6 mois constitue la preuve d’une atteinte irréversible. Dans le groupe des 8 patientes traitées de façon médicale, 4 sont inscrites sur liste d’attente pour greffe et une est décédée à 5 ans. Parmi les 7 patientes implantées d’une assistance circulatoire mécanique comme pont vers la greffe, 4 ont reçu un Thoratec® biventriculaire, 2, un cœur artificiel total CardioWest® et une, le Thoratec® CONGRÈS RÉUNION biventriculaire suivi du CardioWest®. Dans ce groupe, une femme a récupéré ad integrum, 3 ont été transplantées avec succès, une est en attente de greffe et 2 sont décédées. La TC a été réalisée d’emblée chez 4 patientes, sans décès observé jusqu’à présent. La survie à un an des patientes traitées par TC avec ou sans assistance circulatoire est de 82 %. Elle est en moyenne de 64 et 32 mois en cas d’assistance, de 109 mois pour la greffe et de 87 mois pour la combinaison des deux. L’assistance circulatoire mécanique et/ou la TC apparaissent comme des alternatives thérapeutiques envisageables en cas de cardiomyopathie dilatée sévère du post-partum réfractaire sous traitement médical. Cardiomyopathies congénitales Les particularités des cardiomyopathies congénitales ont été explicitées par le Pr C. Latrémouille (Paris). En effet, 80 % des nouveau-nés porteurs d’une cardiopathie congénitale vont atteindre l’âge adulte. Les spécificités de cette pathologie sont multiples : troubles du rythme complexes, admissions souvent en urgence, imageries atypiques (nécessitant un recours à l’IRM), problèmes sociaux (emploi, assurances), intrication des cardiopathies acquises liées à l’âge (coronaropathies, valvulopathies, hypertension artérielle, etc.) et le dilemme des grossesses. Parmi les patients adultes ayant une cardiopathie congénitale, 10 à 20 % devront subir une TC. Les difficultés de la prise en charge préopératoire associent l’aspect psychologique et la préparation du patient et de sa famille à la greffe, l’optimisation du traitement médical et des écueils tels que les difficultés d’assistance circulatoire ou d’accès fémoraux et de canulation (sténoses), les shunts persistants, les valves mécaniques en place, l’immunisation, et la recherche d’un éventuel syndrome d’Eisenmenger souvent difficile à affirmer. La technique chirurgicale doit être bien choisie, avec des particularités liées à la densité des adhérences, aux collatérales systémico-pulmonaires du médiastin postérieur, et à l’allongement du temps de dissection prégreffe pouvant atteindre 4 à 6 heures. Il convient de disposer d’un maximum de tissu du donneur (veine cave supérieure) pour la reconstruction. Les suites postopératoires, outre le risque hémorragique et infectieux (en cas d’entéropathie exsudative devenue autonome) majoré, comprennent un recours plus fréquent à l’assistance ventriculaire droite temporaire, avec une survie de 50 % à 11 ans. Effets indésirables des thérapeutiques et qualité de vie Ces Journées ont également été marquées par le souci de la moindre iatrogénie, et notamment la surveillance de l’incidence des cancers, particulièrement cutanés, sous traitement immunosuppresseur prolongé. Ainsi, le Dr L. Sebbag (Lyon) a rappelé son travail en cours, “Certicœur”, concernant la survenue de cancers cutanés après greffe sous évérolimus ou inhibiteur de calcineurine (ciclosporine ou tacrolimus) et nécessitant encore l’inclusion de patients. F. Pessionne, de l’ABM, a bien explicité les facteurs de risque multiples et complexes dans cette tumorogenèse, considérant une population à risque (tabagisme, alcoolisme), des traitements immunosuppresseurs et des cancers viro-induits. Les données des registres (base nationale des greffes “Cristal”) soulignent une incidence cumulée de cancer de 16 % à 10 ans pour une TC, et de 12 % pour une greffe pulmonaire. Le statut tabagique du donneur ne semble pas avoir d’impact sur la survenue de cancer chez le receveur. Enfin, le Pr A. Khayat (Caen) a insisté sur la nécessaire préoccupation de l’éducation et de la qualité de vie de ces patients, et a expliqué les procédés actuellement en place pour privilégier cet axe de prise en charge. Ainsi, le protocole SEDIC évalue l’impact du suivi clinique et de l’éducation thérapeutique par télémédecine dans l’IC chronique. L’objectif du suivi éducatif à domicile est d’éviter les hospitalisations par l’éducation thérapeutique du patient et par toute action en amont permettant d’éviter les décompensations, en conseillant, voire en déclenchant, des consultations avec le médecin traitant et/ou le cardiologue de ville. L’objectif principal est d’allonger la survie et le délai avant l’hospitalisation pour IC. Les objectifs secondaires sont l’amélioration de la qualité de vie, de la connaissance de la maladie et la réduction des coûts. Quant au protocole DAVIRAD, en place depuis avril 2008, il évalue les conséquences médicales et économiques des dispositifs d’assistance ventriculaire implantables, de type rotatif, en position exclusive gauche, avec pour finalité le retour à domicile. Les objectifs de cette gestion de la pathologie sont ainsi l’éducation thérapeutique, le coaching, l’appui à la coordination des soins et le monitoring à domicile. ■ Découvrez le compte-rendu du congrès High-Tech 2009 sur www.edimark.fr La Lettre du Cardiologue • n° 430 - décembre 2009 | 15