Biopsie des tumeurs rénales : technique et indications actuelles

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Rein :
traitement localisé
des petites tumeurs
dossier
thématique
Biopsie des tumeurs rénales :
technique et indications actuelles
Renal masses: technique and indications of kidney biopsy
highlights
P o i nt s f o rt s
M. André*
grâce aux progrès réalisés par l’imagerie en coupe,
la découverte fortuite de petites lésions tissulaires
rénales est de plus en plus fréquente (40 % en 1994,
70 à 80 % en 2000) [2, 3]. La caractérisation tissulaire
des tumeurs dont la taille est inférieure à 30 mm reste
difficile, en dehors des lésions de densité et de structure univoques. Compte tenu de l’augmentation des
découvertes fortuites des tumeurs de petite taille et
des résultats encourageants de la chirurgie conservatrice, la tendance actuelle est d’évaluer les nouvelles
indications des biopsies rénales (4, 5), ce qui nécessite
une excellente collaboration entre les urologues, les
pathologistes et les radiologues.
»»La biopsie du rein fait partie des éléments de diagnostic
préopératoire.
»»Elle nécessite une technique rigoureuse, du matériel performant
et une très bonne collaboration des pathologistes, urologues et
radiologues.
»»Le développement des traitements conservateurs souligne l’intérêt
majeur des prélèvements préopératoires.
»»La morbidité est réduite.
Mots-clés : Masses rénales – Biopsie.
Kidney biopsy bring preoperative diagnostic elements.
Procédure
It requires a thorough technical, performance materials and a very good
collaboration of pathologists, urologists and radiologists.
The development of conservative treatments emphasizes the major
importance of preoperative samples.
Its morbidity is reduced.
Keywords: Renal masses – Biopsy.
Place de la biopsie percutanée
* Service de radiologie,
hôpital de la Conception,
Marseille.
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Ces 10 dernières années ont été les plus productives
dans la nouvelle approche des tumeurs du rein, dans
la mesure où elles ont conduit à une meilleure compréhension du carcinome et de sa prise en charge. Les
vieux paradigmes et dogmes ne sont plus acceptés
comme “la meilleure façon de traiter” sans preuve, et
de nombreux anciens principes sont remis en question
avec prudence. Ces notions ont abouti à de nouvelles
connaissances, questions, arguments et options de
traitement (1). Le rein était encore très récemment l’un
des rares sites anatomiques où la ­ponction/­biopsie
à visée diagnostique restait discutée. Actuellement,
Après vérification de l’absence de traitement anticoagulant ou antiagrégant et de la normalité de la coagulation
par un bilan biologique récent, la biopsie pourra être
réalisée après information et consentement éclairé du
patient, grâce à un guidage par tomodensitométrie
(TDM) ou échographie. Le repérage sous TDM permet
toutefois une meilleure visibilité des organes de voisinage et du trajet de ponction (figure 1). Il est très utile
pour l’abord de toutes les lésions de petite taille ainsi
que pour les tumeurs d’accès difficile : sinus du rein,
hile ou lèvre antérieure. Lors de la ponction, l’utilisation d’une acquisition TDM en temps réel (fluoro-TDM)
apporte un confort et une sécurité supplémentaires par
la visualisation de l’avancée de l’aiguille en temps réel et
des mouvements respiratoires du rein. L’inclinaison de
l’anneau d’acquisition permet de réaliser des ponctions
selon des trajets obliques ou récurrents. L’échographie,
plus disponible, peut également être utilisée pour la
biopsie de masses, qui lui sont d’un accès facile.
En fonction du siège et de l’aspect de la tumeur, la
biopsie pourra être pratiquée en ambulatoire ou lors
d’une courte hospitalisation. Une voie veineuse est
mise en place avant le geste et, après les mesures de
désinfection cutanée habituelles, le patient est installé
en procubitus.
Correspondances en Onco-urologie - Vol. I - n° 2 - juillet-août-septembre 2010
Biopsie des tumeurs rénales : technique et indications actuelles
Le trajet de ponction devra être choisi en essayant
d’éviter les masses musculaires paravertébrales et en
se limitant à un abord rétropéritonéal strict. Compte
tenu de la mobilité importante du rein, une bonne
coopération respiratoire du patient est indispensable.
Une anesthésie de bonne qualité intéressant les plans
cutanés et profonds est nécessaire après les mesures
de désinfection cutanée habituelles.
Nous préférons utiliser un système coaxial de 18 G,
qui protège par sa gaine le trajet de ponction et qui
permet de réaliser par un même point d’entrée plusieurs
prélèvements, ce qui limite le risque théorique d’ensemencement et permet une meilleure précision et un
plus grand confort dans le geste. Cette gaine coaxiale
est introduite à l’intérieur de la masse tumorale après
avoir franchi la pseudo-capsule périphérique. Il existe
actuellement des techniques de prélèvement réalisant
une biopsie par un système de trépan plus performant
et plus précis que les systèmes à guillotine.
Au niveau de la lésion, on réalise habituellement 2
à 4 carottes de 17 × 1 mm, qui sont fixées séparément
dans du formol à 3 %. Si l’on suspecte une lésion lymphomateuse, une carotte fraîche sur lame doit être
adressée au laboratoire.
En cas de saignement lors du retrait de l’aiguille de
biopsie ou de la carotte, on réalise, grâce à la gaine
coaxiale, une embolisation du point de ponction et, éventuellement, du trajet par 1 à 2 cc de gel hémostatique
afin d’éviter un hématome rétropéritonéal (figure 2).
Lorsque l’on se confronte à l’interposition d’un organe
sur le trajet de ponction, on peut réaliser une hydro­
dissection par injection in situ de sérum physiologique
afin de décoller les organes de voisinage sur le trajet
de ponction. Certains auteurs préconisent l’utilisation
d’aiguilles mousse ou d’aiguilles recourbées.
Un contrôle TDM est réalisé de façon systématique après
biopsie pour évaluer une complication éventuelle. En
fin de geste, le patient est gardé pendant 1 heure pour
surveillance en décubitus dorsal strict.
tonéal nécessitant une transfusion sanguine est rare.
Une hématurie par effraction des cavités ou la création
d’une fistule artério-veineuse doivent être évitées par
une technique de ponction rigoureuse.
Figure 1. Masse médio-rénale droite. Biopsie percutanée.
Complications
Elles sont souvent bénignes, exceptionnellement graves.
L’hématome du point de ponction est fréquent mais,
dans notre expérience depuis l’utilisation systématique d’emboles hémostatiques dans la tumeur, ces
hématomes sont devenus très rares. Un hématome
péricapsulaire peut être retrouvé dans 30 % des ponctions, mais il reste souvent limité à une lame hématique
sans conséquence et sans évolutivité ni augmentation
de la difficulté opératoire (6). L’hématome rétropéri-
Figure 2. Embolisation postprocédure : absence d’hématome postponction.
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Rein :
traitement localisé
des petites tumeurs
thématique
La dissémination sur le trajet de la biopsie est exceptionnelle. Elle est surtout retrouvée pour les lésions
urothéliales, qui représentent une contre-indication
pour ce geste.
Des douleurs légères sont fréquentes ; une surinfection
secondaire est possible mais rare.
Résultats
Sur 2 séries récentes (7, 8), la sensibilité de la biopsie
est de 80 à 92 %, sa spécificité est de 83 à 98 % et la
corrélation entre le grade nucléaire de la biopsie et de
la pièce de néphrectomie est de 78 à 89 %. Dans 24 %
des cas, il existe un écart de 1 point entre les 2 analyses.
Dans notre expérience, 13 % des tumeurs biopsiées
étaient des tumeurs bénignes : adénome oncocytaire,
angiomyolipome sans contingent graisseux en TDM,
malakoplakie. Le rendement biopsique pour les lésions
kystiques est faible et la biopsie à visée diagnostique
n’est pas indiquée pour ce type de lésion. En cas d’échec
d’une première biopsie, une deuxième tentative peut
être proposée.
Indications
Les indications classiques sont représentées par les
lésions tissulaires multifocales hypodenses au parenchyme adjacent en TDM après injection : lymphome
ou métastase, ainsi que les lésions tissulaires atypiques
dans un contexte infectieux.
Dans notre expérience, nous réalisons des biopsies
percutanées systématiques chez tous les patients
présentant une lésion tissulaire rénale de petite taille
(< 3 cm), non caractérisable en imagerie si une chirurgie
conservatrice est envisagée, sur rein unique ou dans
un contexte néoplasique associé.
Limites et contre-indications
Elles dépendent de l’expérience du pathologiste et
du radiologue. L’utilisation de la fluoro-TDM améliore
d’une façon sensible la qualité du geste. Les lésions
inférieures à 1 cm, les lésions kystiques ou les lésions
à fort contingent nécrotique ne sont pas des indications de ponctions en raison du mauvais rendement
du geste.
Les lésions évocatrices d’une lésion urothéliale ne
doivent pas être biopsiées du fait d’un risque de dissémination.
La possibilité de réaliser une embolisation in situ dans
la tumeur par une gaine coaxiale correctement en place
sécurise le geste et minimise le risque d’hématome.
Conclusion
La biopsie percutanée du rein est une méthode fiable
qui peut être pratiquée en ambulatoire avec une morbidité réduite. Elle nécessite une solide coopération
entre le pathologiste, l’urologue et le radiologue (9).
Elle est peu rentable pour les lésions à faible contingent tissulaire et il paraît licite de la réserver aux
tumeurs solides de petite taille (1 à 4 cm). L’utilisation
de la fluoro-TDM, d’un pistolet coaxial, d’un système
de ponction par trépans et de pansements hémo­
statiques contribue à rendre le geste encore plus fiable
et plus sûr.
■
Références
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1995;13:245.
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3. Barriol D, Lechevallier E, André M et al. Les biopsies percuta-
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nées à l’aiguille fine des tumeurs solides du rein sous guidage
tomodensitométrique. Prog Urol 2000;10:1145-51.
psy in the evaluation of renal masses. Sem Urol Oncol 1995;
13:125-261.
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biopsy of renal masses with helical CT guidance. Radiology
2000;216(2):506-10.
8. Wood BJ, Khan MA, Mcgovern F et al. Imaging guided biopsy
of renal masses: indication, accuracy and impact on clinical
management. J Urol 1999;161:1470-4.
9. Uppot RN, Harisinghani MG, Gervais DA. Imaging-guided
percutaneous renal biopsy: rationale and approach. Am
J Roentgenol 2010;194(6):1443-9.
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