L’Encéphale (2009) 6, 515-520 REVUE DE PRESSE Chefs de rubrique : D. Gourion Ph. Gorwood Avancées et recherches Ph. Gorwood (1) Le tabac pendant la grossesse constitue un facteur de risque de psychose lègues ont proposé une idée originale pour contourner ce problème. Maternal tobacco, cannabis and alcohol use during pregnancy and risk of adolescent psychotic symptoms in offspring. Br J Psychiatry. 2009 Oct ; 195 (4) : 294300. Zammit S, Thomas K, Thompson A, Horwood J, Menezes P, Gunnell D, Hollis C, Wolke D, Lewis G, Harrison G. La schizophrénie touchant autour de 1 % de la population générale, pourquoi ne pas s’intéresser à un trouble en amont, certes moins spécifique, mais bien plus répandu, la présence de symptômes psychotiques à l’adolescence ? L’autre avantage de cette approche (quand on se fixe, comme ici, sur des enfants de 12 ans), c’est que l’information sur le tabagisme des mères est plus proche, donc a priori moins biaisé. 6 300 jeunes adolescents d’une cohorte existante (donc les informations sur la grossesse étaient bien collectées en temps réel) ont été étudiés pour les symptômes psychotiques à l’aide de l’échelle PLIKSi, entretien semi-structuré réalisé en face-à-face. Les consommations d’alcool et de cannabis ont aussi été notées. MÉTHODE RÉSULTATS CONTEXTE On a de moins en moins de doute que le cannabis puisse avoir un rôle inducteur d’épisodes psychotiques, voire de déclenchement de schizophrénie, au moins chez les sujets vulnérables. Les liens entre schizophrénie et tabac sont plus complexes, les études épidémiologiques étant peu concordantes. En règle générale, on considère que l’exposition, précoce et importante, au tabac pourrait être un marqueur de vulnérabilité à la schizophrénie. Quelques hypothèses sont données sur un rôle direct du tabac sur le développement de trouble psychotique. Si ces conclusions sont pour le moins prudentes, c’est que détecter un rôle direct de facteurs de risque requière des études considérables, en temps (de suivi) et en taille (recrutement). Zammit et ses col(1) Hôpital Louis Mourier, Colombes. Les Britanniques sont d’excellents épidémiologistes, les auteurs ont donc tout de suite commencé par évaluer en quoi le tabagisme maternel témoignait d’autres facteurs de risque potentiels tels la pauvreté, l’isolement, le niveau socio-économique ou le fait de vivre en ville. C’est bien sûr le cas systématiquement pour le tabac mais en bonne partie aussi pour le cannabis et l’alcool. L’étude montre que la consommation de tabac pendant la grossesse est associée à un risque accru de symptômes psychotiques à 12 ans, avec un effet dose, c’est-à-dire que plus cette consommation est importante, plus le risque est élevé (de 15 % d’augmentation du risque pour un demi paquet par jour à 230 % pour plus d’un paquet par jour). Ce lien n’était pas retrouvé (de manière presque étonnante…) pour le cannabis, mais les effets de l’alcool semblent aussi avoir la même tendance, quoique uniquement pour les doses éle- vées (plus de 3 verres par jour pendant la grossesse…). Pour prendre en compte le fait que ces consommations (alcool, tabac et cannabis) ont tendance à s’accumuler (addiction), l’impact des comorbidités a été contrôlé, ce qui ne change pas l’effet réel du tabac. CONCLUSIONS Le tabac pendant la grossesse augmente le risque de symptômes psychotiques à l’adolescence, ce d’autant que cette consommation est importante, et surtout pendant le troisième trimestre. Ce résultat ne semble pas vrai pour le cannabis, et n’est retrouvé pour l’alcool qu’à des doses très fortes. COMMENTAIRE Que le tabac pendant la grossesse constitue un facteur de risque pour la présence de symptômes psychotiques chez l’adolescent est une surprise… Que cela ne soit par contre pas le cas pour le cannabis en est une autre. L’imputabilité de la substance tabac est bien sûr atténuée par le fait que fumer pendant la grossesse est avant tout un marqueur de plusieurs autres facteurs de risque. En effet, le poids du tabagisme maternel sur le risque de symptômes psychotiques à l’adolescence est diminué de 40 % si toutes les variables confondantes sont contrôlées. Le tabagisme paternel a aussi été analysé (par ses effets passifs in utero), avec des effets moins frappants mais allant dans la même direction, ce qui renforce le résultat global. Il manque clairement d’études chez l’animal donnant un rationnel biologique à ce résultat. Les données actuelles à propos de l’impact du tabac sur la neurogenèse, la potentialisation à long terme (LTP) et l’hypersensibilisation des récepteurs cholinergiques sont essentiellement basées sur des analyses directes. 516 Ph. Gorwood Descriptive summary of contounders in relation to maternal substance use during pregnancy a n (%) Tobacco use Non-smokers Smokers Cannabis use Never used Ever used Alcohol use < 1 glass/week ≥ 1 glass/week Low Low Single Mother’s Medication Rural maternal paternal status birth age > 30 pregnancy education education (mother) Maternal Paternal depression tobacco (EPDS ≥ 15) use Low social class Income support Council housing 3 462 (39,9) 1 722 (60,2) 561 (6,3) 585 (18,9) 7 787 (81,6) 1 815 (51,2) 749 (7,7) 734 (19,8) 623 (6,3) 139 (3,7) 1 408 (15,3) 1 101 (13,9) 1 328 (17,9) 808 (33,9) 3 371 (33,7) 803 (20,9) 5 882 (62,2) 2 557 (73,1) 453 (4,8) 413 (11,6) 1 890 (23,6) 1 829 (68,6) 4 849 (44,3) 162 (53,8) 1 000 (8,8) 102 (30,3) 9 153 (75,3) 152 (39,7) 1 296 (10,4) 105 (26,8) 723 (5,8) 8 (2,0) 2 255 (19,3) 84 (24,0) 1 967 (21,1) 76 (29,7) 3 913 (30,8) 87 (21,4) 7 894 (64,7) 272 (71,0) 740 (6,1) 64 (16,9) 3 348 (33,9) 214 (73,8) 4 052 (47,2) 1 000 (36,7) 864 (9,6) 254 (9,1) 7 098 (73,2) 2 279 (76,3) 1 058 (10,6) 376 (12,3) 535 (5,3) 212 (6,9) 1 931 (20,9) 490 (16,8) 1 713 (23,1) 381 (16,9) 2 756 (27,0) 1 308 (42,3) 6 164 (63,6) 2 093 (69,4) 627 (6,4) 199 (6,6) 2 809 (34,6) 852 (35,1) EPDS, Edinburgh Posnatal Depression Scale. a. For tobacco use, all P < 0.001 ; for cannabis use, all P < 0.05 ; for alcohol use, all P > 0.01 except income support (P = 0,43), paternal smoking (P = 0,63) and maternal depression (P = 0,70). Note that confounding variables dichotomised only for the purpose of this table and not for analystes ; data in table in on whole cohort and not just those with PLIKS data. Crude and adjusteda odds ratios (OR) and 95 % CI for psychosis like symptoms (PLIKS) by maternal substance use during pregnancy n Suspected or definite PLIKS Crude OR (95 % CI) Suspected or definite PLIKS Crude OR (95 % CI) Definite PLIKS Crude OR (95 % CI) Definite PLIKS Adjusted OR (95 % CI) Tobacco None 1-9 cigarettes/day 10-19 cigarettes/day ≥ 20 cigarettes/day Linear trend 3 579 295 266 113 4 253 1 1,15 (0,79-1,66) 1,88 (1,35-2,61) 2,30 (1,45-3,65) 1,33 (1,18-1,49), P < 0,001 1 0,92 (0,63-1,36) 1,47 (1,02-2,12) 1,84 (1,12-3,03) 1,20 (1,05-1,37), P = 0,007 1 1,53 (0,92-2,53) 2,33 (1,48-3,66) 2,03 (1,01-4,10) 1,39 (1,18-1,63) P < 0,001 1 1,25 (0,73-2,14) 1,65 (0,99-2,75) 1,54 (0,73-3,25) 1,21 (1,01-1,47), P = 0,047 Cannabis None < 1/week ≥ 1/week Linear trend 4 175 37 41 4 253 1 0,95 (0,34-2,70) 1,62 (0,71-3,66) 1,22 (0,83-1,79), P = 0,317 1 0,58 (0,20-1,70) 1,04 (0,45-2,43) 0,94 (0,62-1,41), P = 0,755 1 0,57 (0,08-4,20) 1,63 (0,50-5,32) 1,16 (0,65-2,09, P = 0,616 1 0,34 (0,04-2,56) 1,12 (0,33-3,84) 0,91 (0,49-1,71), P = 0,776 2 522 1 293 410 28 4 253 4 253 4 253 1 0,92 (0,74-1,14) 1,05 (0,77-1,48) 2,58 (1,09-6,11) 0,80 (0,51-1,25) 1,21 (1,00-1,47) χ2 = 9,8, d.f. = 2, P = 0,008 1 0,92 (0,74-1,15) 1,00 (0,71-1,39) 2,40 (0,99-5,83) 0,75 (0,47-1,19) 1,22 (1,00-1,49) χ2 = 8,3, d.f. = 2, P = 0,016 1 0,67 (0,48-0,94) 0,58 (0,33-1,04) 2,14 (0,64-7,17) 0,77 (0,48-1,25) 1,04 (0,97-1,12) χ2 = 1,3, d.f. = 2, P = 0,522 1 0,68 (0,48-0,96) 0,56 (0,31-1,02) 1,86 (0,54-6,42) 0,73 (0,45-1,18) 1,04 (0,97-1,12) χ2 = 1,8, d.f. = 2, P = 0,415 Alcohol None ≤ 7 units/week 8-21 units/week ≥ 22 units/week Linear (per 10 units)b Quadratic (linear2)b Likelihood ratio (for overall alcohol)b a. Adjusted for other substances used, and all variables in Table 1 ; data-set with no missing data for confounders 4 253. b. Results for linear and quadratic terms for alcohol use are with both included in same model. Revue de presse 517 L’anxiété chez les bipolaires constitue un facteur de mauvais pronostic Anxiety and outcome in bipolar disorder. Am J Psychiatry. 2009 Nov ; 166 (11) : 1238-43. Coryell W, Solomon DA, Fiedorowicz JG, Endicott J, Schettler PJ, Judd LL. L’anxiété constitue un facteur de risque de mauvaise réponse thérapeutique chez les sujets souffrant d’un épisode dépressif majeur. Il s’agit même de l’un des critères ayant la plus forte prédictivité pour la réponse thérapeutique comme cela a été montré récemment dans l’étude STAR*D. Les sujets avec un haut niveau d’anxiété ou souffrant d’une comorbidité anxieuse ont de même plus de risque de virage, de tentative de suicide, et un délai plus long avant d’atteindre la rémission. Ces études sont néanmoins assez courtes, et portent surtout sur des unipolaires. L’équipe de San Diego a donc analysé une nouvelle fois leur bien belle cohorte de 430 bipolaires consultants, avec un suivi allant jusqu’à 20 ans pour certains. MÉTHODE Ici, seule la sévérité de l’anxiété à l’inclusion des patients a été analysée. Ce niveau d’anxiété a ensuite été regroupé en 6 types de cotation. Le temps passé en dépression et en phase maniaque sur les années suivantes a par la suite été comparé dans ces 6 groupes. Le niveau d’anxiété étant plus élevé dans la dépression que dans l’accès maniaque (ce n’est pas une surprise), ce niveau d’anxiété indiquait tout d’abord l’existence d’une dépression, facteur de risque en soi de plus d’épisodes ultérieurs. Quelques analyses contrôlant ce biais ont donc aussi été proposées. Percent Time in Episodes Follow-up period Measure levelb Global anxiety Episode polarityc 1-5 years (N = 356) 6-10 years (N = 311) F p F p F p F p 5,3 22,0 0,021 < 0,001 1,1 9,2 0,285 0,003 4,7 3,6 0,031 0,059 3,4 2,1 0,065 0,151 16-20 years (N = 230) RÉSULTATS CONCLUSIONS Plus le niveau d’anxiété initial est élevé, plus le patient passera de temps en dépression, alors que c’est l’inverse pour les épisodes maniaques. En dehors de la polarité, le temps passé dans les épisodes thymiques est corrélé à la sévérité initiale de l’anxiété. Une anxiété quasiment nulle dans le premier épisode est associée au fait de ne passer que 15 % des années suivantes en dépression ou en manie, pour 40 % si cette anxiété est majeure. Cet effet prédictif est décroissant dans le temps, mais reste significatif jusqu’à 20 ans après, ce qui témoigne d’un rôle réel et solide, quels que soient les facteurs en jeu. Les effets de la polarité initiale (commencer par une dépression est de plus mauvais pronostic…) semblent quant à eux moins solides dans le temps, venant renforcer l’idée que les symptômes anxieux constituent un facteur de risque relativement autonome. Enfin, les analyses plus précises des manifestations anxieuses impliquées sont plutôt en faveur d’un rôle prédictif de l’anxiété au niveau dimensionnel, puisque la comorbidité anxieuse, pour le trouble panique comme pour tout trouble anxieux syndromique, n’avait pas de lien avec le temps passé en phase thymique dans les années suivantes. Un niveau d’anxiété plus élevé au cours de l’épisode index (le premier traité) est un facteur de mauvais pronostic. Plus les sujets sont anxieux initialement, plus ils passeront de temps dans des épisodes thymiques les années à venir. Cette anxiété signe la présence d’un épisode dépressif plutôt que maniaque dans l’épisode index, mais cette contamination ne suffit pas à expliquer le rôle de marqueur négatif du niveau d’anxiété initial. Major depression or schizoaffective depression Mania, hypomania, or schizoaffective mania All episodes 20 10 1 2 3 4 5 Baseline global Anxiety Rating COMMENTAIRE Une hypothèse séduisante (mais bien peu étayée par leur travail) serait que les sujets qui ont souffert de maltraitance infantile ont une dépression initiale marquée par plus d’anxiété, et ont donc en général un temps passé en dépression plus long que les autres bipolaires. On voit poindre alors le problème de la comorbidité avec la pathologie borderline (fortement comorbide avec le trouble bipolaire). Mais les auteurs ne s’y avancent pas puisque leur cohorte ne comprenait pas d’évaluation des troubles de la personnalité. La conclusion pragmatique peut être la plus importante, mais là aussi bien indirecte, est la nécessité de repérer précocement cette anxiété initiale, et peut être de privilégier des thymorégulateurs ayant une composante anxiolytique… C’est l’augmentation récente de la consommation du cannabis qui est associée à l’émergence de prodromes et d’épisodes schizophréniques 30 0 11-15 years (N = 271) a. General linear model analyses for participants who completed each 5-year period. b. Sum of the somatic and psychic anxiety scores on the schedule for affective disorders and schisophrenia. c. Pure mania versus pure depression or cycling. CONTEXTE 40 Relationship of percent time in depressive episodes to baseline global anxiety level and index episode polarity in 427 patients with bipolar disorder, by follow-up period a 6 Association of pre-onset cannabis, alcohol, and tobacco use with age at onset of prodrome and age at onset of psychosis in firstepisode patients. Am J Psychiatry. 2009 Nov ; 166 (11) : 1251-7. Compton MT, Kelley ME, Ramsay CE, Pringle M, Goulding SM, Esterberg ML, Stewart T, Walker EF. 518 D. Gourion RÉSULTATS Predicted survival curves of cannabis use and age at onset of psychosis CONTEXTE Les patients qui souffrent de schizophrénie ont une forte comorbidité addictive, pour le tabac, l’alcool et le cannabis, leurs fréquences étant deux fois plus importantes que celle de la population générale. Les données sur le cannabis comme facteur de risque de la schizophrénie sont nombreuses, néanmoins l’impact du cannabis sur les prodromes est moins bien étudié. Cette approche en amont peut être particulièrement intéressante pour mieux percevoir à quel niveau le cannabis peut faciliter les décompensations psychotiques. MÉTHODE L’étude proposée ici ne brille certainement pas par la force de l’approche épidémiologique. Avec 100 sujets en tout et pour tout, une analyse rétrospective ; on est tout d’abord surpris qu’un tel travail puisse être publié dans une revue si prestigieuse. En réalité, la force de cet article, réside dans la richesse clinique de ses analyses, avec une concentration sur de jeunes patients évalués au cours du premier épisode psychotique (moins de 3 mois d’ancienneté), et recrutés dans 3 centres socialement précaires, favorisant ainsi le risque d’exposition au cannabis. Les évaluations sont donc très approfondies sur les symptômes schizophréniques et tous les prodromes, avec à chaque fois le moment de leur apparition, ainsi que les modalités de consommations en fréquence comme en dose. La consommation de cannabis journalière est retrouvée deux fois plus fréquemment dans les quelques semaines qui précèdent le premier épisode psychotique que dans les autres périodes analysées. Cette fréquence quotidienne est la seule retrouvée comme facteur de risque. Elle est différente pour la consommation d’alcool – pas d’augmentation du facteur – en revanche, elle se rapproche de celle du tabac. Étant donné que le niveau de consommation est assez instable dans cette population jeune, l’étude a ensuite porté sur les modifications dans le temps de ces différentes consommations. Les résultats sont alors beaucoup plus tangibles. Hazard ratios for onset of symptoms, using frequency of use as a time-dependent covariate to test the effects of pregression of usea Frequency Cannabis Alcohol of use None Ever Weekly Daily 1,000 1,749b 2,415b 2,065b 1,000 1,690 2,043b 1,763 Tobacco 1,000 1,570 1,632 1,825b a. Symptoms represented prodromal symptoms in 69,7 % of patients. b. Significant difference compared to the “none” reference category. Si l’on ne s’intéresse qu’aux consommations qui augmentent dans le temps, les passages d’une consommation nulle à occasionnelle, d’occasionnelle à hebdomadaire et d’hebdomadaire à quotidienne, sont toutes des facteurs de risque pour l’épisode psychotique. Plus exactement, elles sont retrouvées bien plus que ne le voudrait le hasard, dans les semaines qui précédent l’émergence psychotique. Cet effet dose de l’augmentation de fréquence n’est peu ou pas observé ni pour l’alcool ni pour le tabac. Enfin, last but not least, si l’on incorpore dans les analyses l’émergence de signes prodromiques, la prédictivité augmente. C’est dire que la consommation de cannabis possède des effets sans doute assez directs sur l’ensemble du trouble. De ces toutes premières manifestations (prodromiques), à son expression la plus bruyante (l’épisode psychotique). CONCLUSIONS Nouvel épisode dans les liens entre le cannabis et la schizophrénie, pointant du doigt cette fois la fréquence récemment accrue de sa consommation comme facteur de risque réel, pour le trouble constitué comme pour ses manifestations prodromiques. COMMENTAIRE Il paraît plus important de s’intéresser aux changements récents de la consommation de cannabis chez les sujets souffrant d’un premier épisode psychotique, plutôt qu’à la quantité moyenne préalable, ni même à l’existence d’un abus ou d’une dépendance. La question de l’imputabilité reste irrésolue, en grande partie du fait qu’il s’agit d’une étude rétrospective, à savoir pourquoi cette consommation augmente de manière si proche des troubles psychotiques (cause ou effet). Néanmoins, cette étude apporte une nouvelle pierre à l’édifice du cannabis comme substance pro-schizophrénique… Clinique et thérapeutique D. Gourion (1) Un marqueur biologique pour l’aide au choix de l’antidépresseur ? (1) CH Sainte-Anne, Paris. Effectiveness of a quantitative electroencephalographic biomarker for predicting differential response or remission with escitalopram and bupropion in major depressive disorder. Andrew F. Leuchte et al., Psychiatry Research Volume 169, Issue 2, 30 ; 2009, Pages 132138 Et Comparative effectiveness of biomarkers and clinical indicators for predicting outcomes of SSRI treatment in Major Depressive Disorder : Results of the BRITE-MD study. Andrew F. Leuchter Revue de presse et al., Psychiatry Research Volume 169, Issue 2, 30 September 2009, Pages 124-131. 519 par 10 mg d’escitalopram à l’issue de laquelle un nouvel examen QEEG était réalisé permettant le calcul de l’index ATR. Les sujets étaient ensuite randomisés en trois groupes, escitalopram, bupropion et escitalopram + bupropion. Une Hamilton était réalisée après 49 jours de traitement. Les taux de réponse et de rémission étaient comparables entre les trois groupes. RÉSULTATS BACKGROUND Environ deux tiers des patients déprimés traités par antidépresseurs n’atteignent pas le seuil de la rémission complète après trois mois de traitement. Pour ces patients, un traitement antidépresseur d’une autre classe pharmacologique doit alors être instauré, impliquant un nouveau délai d’attente de plusieurs semaines. Un marqueur biologique permettant d’orienter le choix de la molécule pour chaque patient représenterait une avancée thérapeutique majeure. L’étude BRITEMD (Leuchter et al., 2009) avait montré qu’il est possible de déterminer un index électrophysiologique « ATR » (antidépressant treatment response, ou index de réponse au traitement antidépresseur) grâce à une mesure frontale en EEG quantitative (QEEG). Cet indice ATR avait montré une bonne prédiction de la réponse à 7 semaines un sérotoninergique, l’escitalopram. Dans l’étude actuelle, les mêmes auteurs ont tenté de montrer dans quelle mesure cet index permettrait de discriminer correctement le groupe des patients répondant mieux à l’escitalopram et le groupe des patients répondant mieux à un antidépresseur agoniste dopaminergique et noradrénergique, le bupropion. MÉTHODE 375 sujets ont été explorés en QEEG à la baseline, puis traités durant une semaine Les sujets ayant un ATR élevé répondaient 2,4 fois mieux à l’escitalopram que les sujets ayant un ATR bas (68 % versus 28 %). À l’inverse, les sujets ayant un ATR bas répondaient 1,9 fois mieux au bupropion que ceux sous escitalopram. Dans la seconde étude, les auteurs ont comparé l’ATR à un autre type de marqueur génétique. Ils ont caractérisé différents polymorphismes dans la région du promoteur du gène codant le transporteur de la sérotonine (5HTTLPR) ainsi que dans le gène codant le récepteur post-synaptique 5HT2a. Parmi les 73 sujets traités par escitalopram durant 49 jours, les taux de réponse et de rémission furent respectivement de 52,1 et 38,4 %. L’index ATR prédisait la réponse et la rémission avec 74 % d’adéquation. Par contre, ni le polymorphisme 5HTTLPR, ni celui du 5HT2a ne permettaient de prédire la réponse ou la rémission. COMMENTAIRE La longue quête d’un marqueur biologique de dépression n’a pas encore permis d’aboutir à une découverte décisive. Par contre, des techniques sophistiquées électrophysiologiques ou d’imagerie cérébrale fonctionnelle semblent ouvrir la voie vers l’identification de marqueurs permettant d’orienter la stratégie thérapeutique. C’est incontestablement une voie de recherche très prometteuse, même si ces marqueurs demeurent encore difficilement réalisables en pratique clinique du fait de la complexité des technologies sur lesquelles ils reposent et de l’imprécision relative de la prédiction. Leur optimisation, et leur couplage éventuel avec des méthodes de pharmacogénétique automatisées en plein essor pourrait déboucher, dans un avenir proche, vers l’avènement de thérapeutiques ciblées en psychiatrie biologique. Schizophrénie : la présence d’antécédents génétiques rend-elle plus vulnérable face aux effets d’une exposition prénatale infectieuse ? Evidence for an Interaction Between Familial Liability and Prenatal Exposure to Infection in the Causation of Schizophrenia. Mary C. Clarke et al., Am J Psychiatry 2009 ; 166 : 1025-1030. CONTEXTE La recherche de facteurs de risque de schizophrénie a permis de mettre en évidence pour la première fois par Mednick l’effet d’une exposition virale prénatale durant la pandémie grippale de 1957 à Helsinki. Les premières études pointaient le second trimestre de la grossesse comme 520 fenêtre de vulnérabilité, tandis que les études plus récentes désignaient plutôt le premier trimestre et un large panel d’infections différentes ont été impliquées (grippe, herpes, polio, rubéole, toxoplasmose). Certains auteurs ont proposé l’hypothèse selon laquelle des mécanismes pathogéniques communs (fièvre, augmentation des cytokines) survenant durant le développement embryonnaire seraient à l’origine de l’augmentation du risque de schizophrénie. Le facteur de multiplication du risque liée à ce type d’infection prénatale précoce se situe globalement entre 1,5 et 2. Des études récentes ont permis de montrer en dosant dans le sérum maternel prénatal les anticorps anti-rubéole que leur présence multipliait le risque de schizophrénie chez l’enfant par un facteur 10 à 20. Mais la présence de résultats contradictoires suggère la possibilité de l’existence de facteurs confondants, parmi lesquels la présence ou l’absence d’un support génétique familial à la schizophrénie pourrait s’avérer moduler la vulnérabilité acquise durant la période prénatale. D. Gourion COMMENTAIRE Ces résultats suggèrent l’existence d’une forte interaction gène-environnement dans la schizophrénie, et le modèle mathématique le plus approprié pour rendre compte de cette interaction est un modèle synergique de type additif. Une donnée importante manquait néanmoins aux auteurs : par quel traitement ces femmes atteintes de pyélonéphrite avaient-elles été traitées ? Rien ne permet d’exclure à priori l’effet médicamenteux direct, ou même l’effet d’une interaction gène-médicament sur le risque de schizophrénie de l’enfant. Quant au mécanisme physiopathologique lié directement ou indirectement à l’infection prénatale, on peut spéculer dans la continuité d’études antérieures sur l’effet potentiel des cytokines de type interleukines-8 sur le cerveau en développement, ainsi que sur celui de l’effet d’une fièvre importante susceptible d’entrainer des malformations du tube neural. Troisième hypothèse envisageable : la réponse immunitaire maternelle à l’infection comme facteur d’agression du cerveau de l’enfant. MÉTHODE Dans cette étude, les auteurs ont exploré l’effet d’une exposition prénatale à la pyélonéphrite dans une vaste cohorte finlandaise de femmes enceintes (N = 9,596) ayant accouché entre 1947 et 1990. Ils ont choisi cette infection car elle est particulièrement fréquente chez la femme enceinte (1 %-2 %) et qu’elle implique dans la plupart des cas une hospitalisation et donc l’inscription dans un registre auxquels les auteurs avaient accès. L’hypothèse des auteurs était qu’une pyelonephrite prénatale augmenterait le risque de schizophrénie chez l’enfant, surtout durant le premier trimestre de grossesse. Leur seconde hypothèse était qu’il existerait une relation synergique entre la présence d’antécédents familiaux de schizophrénie et le risque lié à l’infection. Bipolarité, rythmes circadiens et gènes-horloge : que savons-nous ? Evidence for Genetic Association of RORB with Bipolar Disorder. Casey L McGrath et al., BMC Psychiatry 2009, 9 : 70 MÉTHODE Les auteurs, sur la base de cette hypothèse génétique circadienne, ont exploré plusieurs centaines de polymorphismes génétiques de type SNPs sur les gènes ROR A et ROR B sur un échantillon de 153 trios d’enfants bipolaires (trio : enfant +2 parents) ainsi que sur un échantillon indépendant de 152 enfants bipolaires appariés à 140 sujets sains contrôles. RÉSULTATS 4 marqueurs introniques présents sur ROR B montraient une association positive dans le second échantillon cas-contrôle. Mais cette association n’était pas répliquée dans l’échantillon de trios. COMMENTAIRE RÉSULTATS L’exposition prénatale à la pyélonéphrite n’augmentait pas significativement le risque de schizophrénie chez l’enfant. Par contre, l’effet de cette infection prénatale multipliait par 5 le risque de schizophrénie chez les sujets ayant des antécédents familiaux de schizophrénie par comparaison à ceux qui n’en avaient pas. Les auteurs estimaient que parmi les sujets ayant à la fois des antécédents familiaux et dont la mère avait souffert d’une pyelonéphrite prénatale, environ 40 % développeraient une schizophrénie en raison de l’effet synergique des deux facteurs de risque combinés. les enfants bipolaires. Pour ces raisons, les dysfonctionnements des mécanismes biologiques impliqués dans les rythmes circadiens ont été impliqués dans la physiopathologie des troubles bipolaires. Parmi ces facteurs biologiques des rythmes circadiens, des variants génétiques présents dans différents gènes-horloge (PER2, ARNTL/BMAL1 et NPAS2) ont été explorés dans les troubles affectifs saisonniers. Un autre gène horloge, le gène porteur de protéine D-box (DBP), avait été décrit par les auteurs comme candidat potentiel dans les troubles bipolaires aux côtés d’autres gènes-horloge candidats (ARNTL/BMAL1, protéines ROR A et ROR B, etc.). Par ailleurs, il a été montré que les mutations de ROR A et ROR B chez des souris transgéniques entraînent des altérations des rythmes circadiens. CONTEXTE Les troubles bipolaires sont souvent caractérisés par des anomalies des rythmes circadiens et les modifications de ces derniers (manque de sommeil, jet-lag) entraînent souvent des bascules de l’humeur chez les patients qui en souffrent. La rapidité des cycles, la sensibilité aux décalages circadiens et l’hyper-réactivité au stress est particulièrement notable chez Dans leur conclusion, les auteurs suggèrent l’implication de gènes-horloge tels ROR B dans le trouble bipolaire. Pourtant, l’absence de réplication du résultat dans le groupe de trios implique un doute important. En effet, l’étude de la transmission intrafamiliale de marqueurs génétiques permet d’échapper au biais de stratification de populations qui représente l’un des biais principaux des études cas-contrôle en génétique moléculaire. Enfin, l’effet probablement faible de ces gènes dans le cadre de maladies psychiatriques (et de leurs interactions avec l’environnement : cf. l’étude précédente) rend vraisemblablement compte de la difficulté à répliquer des résultats encore peu homogènes dans le champ de la génétique psychiatrique.