Impact de la remédiation cognitive dans la schizophrénie

publicité
MÉMOIRE ORIGINAL
Impact de la remédiation cognitive dans la schizophrénie
sur les stratégies de résolution de problèmes
et l’autonomie sociale : utilisation du logiciel REHACOM®
A. COCHET, M. SAOUD, S. GABRIELE, V. BROALLIER, C. EL ASMAR, J. DALÉRY, T. D’AMATO (1)
Impact of a new cognitive remediation strategy on interpersonal problem solving skills and social autonomy
in schizophrenia
Introduction. Despite recent developments, the impact of pharmacotherapy on social autonomy and interpersonal
problem solving skills in patients with schizophrenia remains limited, with consequences in terms of socio-professional
functioning. Indeed, independently of the positive, negative and/or disorganization symptoms, functional deficits in patients
with schizophrenia rely mainly on various cognitive impairments. Objectives. To determine the impact of a new Cognitive
Remediation Strategy on interpersonal problem solving skills, social autonomy and symptoms in patients with schizophrenia. Methods. Thirty patients with schizophrenia were enrolled in a program consisting of 14 training sessions of 4 cognitive
functions (attention/concentration, topological memory, logical reasoning, executive functions) using the REHACOM®
software. Measurements of attention (Continuous Performance Test, CPT), memory (Rivermead Behavioural Memory
Test, RBMT) and executive functions (Wisconsin Card Sorting Test, WCST) as well as interpersonal problem solving
skills (Assessment of Interpersonal Problem-Solving Skills, AIPSS) and social autonomy (Social Autonomy Scale, EAS)
and finally schizophrenia symptoms (Positive And Negative Syndrom Scale, PANSS) were undertaken at the beginning
and the end of the 14 remediation meetings. Results. Cognitive functions, interpersonal problems solving skills, social
autonomy and symptoms were significantly improved by the Cognitive Remediation Strategy. Conclusion. Our results
confirm the therapeutic impact of a Cognitive Remediation Strategy among 30 schizophrenic patients stabilised on clinical,
therapeutic and functional levels. The question of the long-term maintenance of such improvements still requires further
investigation.
Key words : Cognitive remediation strategy ; Interpersonal problem solving skills ; Schizophrenia ; Social autonomy.
Résumé. Malgré des avancées récentes, l’impact des stratégies thérapeutiques médicamenteuses sur l’amélioration
de l’autonomie sociale et des capacités de résolution de problèmes interpersonnels des patients schizophrènes reste
limité, avec des conséquences en termes de réinsertion
socioprofessionnelle. En effet, indépendamment des symptômes positifs, négatifs et/ou de désorganisation, le déficit
fonctionnel des patients schizophrènes dépend principalement de déficits cognitifs variés. Nos objectifs étaient de
déterminer l’impact d’une stratégie de remédiation des déficits cognitifs sur les capacités de résolution de problèmes
interpersonnels, l’autonomie sociale et les symptômes des
patients schizophrènes. Trente patients schizophrènes ont
participé à un programme constitué de 14 séances d’entraînement de 4 fonctions cognitives (attention/concentration,
mémoire topologique, raisonnement logique, fonctions exécutives) au moyen du logiciel REHACOM®. Les capacités
d’attention soutenue, mémoire et fonctions exécutives, ainsi
que les capacités de résolution de problèmes interpersonnels
et l’autonomie sociale et enfin les symptômes étaient évalués
au début et à la fin des 14 séances de remédiation. Les fonctions cognitives, les capacités de résolution de problèmes
interpersonnels, l’autonomie sociale et les symptômes ont
été significativement améliorés à l’issue des séances de
remédiation. Nos résultats confirment l’intérêt thérapeutique
d’une remédiation cognitive chez 30 patients schizophrènes
(1) EA 3092, UCBL Lyon1, IFR 19, Institut Fédératif des Neurosciences de Lyon (IFNL), CH « Le Vinatier », 95, boulevard Pinel, 69677 Bron
cedex, France.
Travail reçu le 20 décembre 2004 et accepté le 24 février 2005.
Tirés à part : T. d’Amato (à l’adresse ci-dessus).
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 189-95, cahier 1
189
A. Cochet et al.
stabilisés sur les plans clinique, thérapeutique et fonctionnel.
La question du maintien à long terme de ces améliorations
devra faire l’objet d’une évaluation ultérieure.
Mots clés : Autonomie sociale ; Capacité de résolution de problèmes interpersonnels ; Schizophrénie ; Stratégie de remédiation des
déficits cognitifs.
INTRODUCTION
Malgré les avancées de ces dix dernières années en
matière de médicaments antipsychotiques, l’impact des
stratégies thérapeutiques exclusivement médicamenteuses reste limité quant à l’amélioration de l’autonomie
sociale et des capacités de résolution de problèmes interpersonnels des patients schizophrènes, avec des conséquences en termes de réinsertion socioprofessionnelle
(2). C’est pourquoi des méthodes comportementales
d’entraînement à la résolution de problèmes interpersonnels ont été proposées, mais avec des succès inconstants
qui pourraient s’expliquer par un défaut de prise en compte
des perturbations cognitives (8, 9). En effet, indépendamment des symptômes positifs, négatifs et/ou de désorganisation, le déficit fonctionnel des patients schizophrènes
dépend principalement de déficits cognitifs variés, allant
des perturbations de fonctions élémentaires comme
l’attention et la mémoire, jusqu’à des perturbations de
fonctions plus élaborées comme les fonctions exécutives,
le monitoring, la résolution de problèmes et la théorie de
l’esprit (14, 19). Dans ce contexte, parallèlement à la
recherche de nouveaux médicaments pro-cognitifs, des
méthodes de réhabilitation cognitive ont été proposées
(5). Progressivement, deux modèles de réhabilitation
cognitive ont peu à peu émergé (11). Dans l’un d’entre eux,
qualifié de « thérapie d’adaptation cognitive, TAC », les
déficits cognitifs sont indirectement ciblés au travers
d’interventions compensatoires visant à modifier l’environnement du patient et lui permettre ainsi de contourner
ses déficits (21). Dans un second modèle, qualifié de
« thérapie de remédiation cognitive, TRC », les déficits
cognitifs sont directement la cible du traitement au travers
d’exercices cognitifs répétés (10). Les résultats disponibles à ce jour indiquent qu’une grande variété de stratégies de remédiation cognitive – différentes en termes de
cibles cognitives, d’outils, d’intensité et de durée – sont à
même d’améliorer des fonctions comme la mémoire de
travail, l’attention (12) et les fonctions exécutives (24), et
qu’il existe même une généralisation de cette amélioration
à d’autres fonctions non directement entraînées au cours
des séances de remédiation cognitive(20).
Parmi les stratégies mises en œuvre, les TRC par
entraînement hiérarchisé assisté par ordinateur (EHAO)
offrent plusieurs avantages. En effet, les EHAO permettent de proposer un entraînement cognitif standardisé et
hiérarchisé (c’est-à-dire ajustable au niveau du patient),
qui offre un feedback précis et immédiat. Par ailleurs, les
TRC-EHAO sont économiques en termes de « temps
soignant » et bien adaptées aux patients craignant d’être
confrontés au « jugement » d’un examinateur, le feedback
190
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 189-95, cahier 1
de l’ordinateur étant ici jugé plus neutre (4). Parmi les techniques de TRC-EHAO actuellement disponibles en langue
française, le logiciel REHACOM® paraît prometteur dans
la mesure où il cible plusieurs fonctions cognitives par
l’intermédiaire de modules correspondants (capacités
visuo-constructives, vigilance, capacités mnésiques,
attention-concentration, attention partagée, temps de
réaction…). Comme la plupart des outils de TRC décrits
dans la littérature, REHACOM® a initialement été développé pour la rééducation neuropsychologique de patients
cérébro-lésés (7). Ses avantages sont sa grande maniabilité et sa modularité permettant un ajustement des
tâches au niveau du patient, une hiérarchisation des
niveaux de progression, et un feedback facilitant l’interaction entre l’outil et le patient. L’efficacité de REHACOM®
dans le traitement des déficits cognitifs des patients schizophrènes à déjà fait l’objet d’une publication préliminaire
par Pfleger chez 14 patients de longue évolution (17). Ce
travail portait sur deux des modules d’entraînement (attention-concentration, et mémoire topologique). Les patients
ont suivi pendant 4 à 7 semaines un entraînement hiérarchisé à raison de 20 minutes par séance. Comparés à un
groupe contrôle de 14 patients schizophrènes similaires
pour tous les facteurs d’appariement mais n’ayant pas
bénéficié de REHACOM®, le groupe traité a présenté une
amélioration significative des fonctions ciblées. À notre
connaissance, cette utilisation de REHACOM® dans la
schizophrénie reste isolée à ce jour, ce qui justifie une
réplication sur un échantillon plus important de patients.
Par ailleurs, l’étude de Pfleger ciblait uniquement des
fonctions cognitives élémentaires, ce qui ne permet pas
d’extrapoler au sujet de fonctions cognitives plus élaborées, comme les fonctions exécutives.
En conséquence, les objectifs de notre recherche
étaient :
– d’évaluer l’efficacité de REHACOM® sur diverses
performances cognitives de patients schizophrènes
(attention, mémoire et fonctions exécutives), notre hypothèse étant que leurs capacités cognitives seraient supérieures après la remédiation ;
– d’évaluer si cette remédiation cognitive était à même
d’améliorer indirectement les stratégies de résolution des
problèmes interpersonnels, l’autonomie sociale et les scores PANSS.
MATÉRIELS ET MÉTHODES
Sujets
Dans cette étude exploratoire, 30 patients (25 hommes,
5 femmes) atteints de schizophrénie selon les critères du
DSM IV ont été recrutés au Centre Hospitalier « Le
Vinatier » (Lyon, France). Les patients étaient âgés de 18
à 50 ans et recevaient tous un traitement antipsychotique
de nouvelle génération (exprimé en mg d’équivalent chlorpromazine par jour) (23) sans modification depuis au
moins trois mois. Les critères d’exclusion étaient le trouble
schizoaffectif, une durée d’évolution de la maladie supérieure à 10 ans, une pathologie neurologique actuelle ou
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 189-95, cahier 1
Impact de la remédiation cognitive dans la schizophrénie sur les stratégies de résolution de problèmes
passée, et/ou une toxicomanie associée. La symptomatologie a été évaluée avec la PANSS (Positive And Negative Syndrom Scale). Les caractéristiques socio-démographiques, cliniques et thérapeutiques des sujets sont
présentées dans le tableau I.
altérées dans la schizophrénie et donc particulièrement
intéressantes comme cibles d’une remédiation cognitive.
Évaluations neuropsychologiques
Le test de performance continue à paires identiques
explore l’attention soutenue et la mémoire de travail. Des
stimuli (un nombre de 4 chiffres ou un symbole) sont successivement présentés à l’écran de manière tachistoscopique. La cible correspond à la succession de 2 stimuli
identiques (paires identiques de chiffres ou de symboles).
Trois tests explorant l’attention, la mémoire et les fonctions exécutives ont été pratiqués à deux reprises, avant
le début de la TRC REHACOM® et immédiatement à son
décours, ces fonctions cognitives étant connues pour être
Continuous Performance Task à paires identiques
(CPT-IP)
TABLEAU I. — Comparaison des moyennes, écarts types et test t (indice p) aux test-retest de : Modules REHACOM®, CPT-IP, RBMT,
WCST, AIPSS, EAS et PANSS.
Test
Retest
M ± ET
M ± ET
7,30 ± 1,65
5,23 ± 1,25
7,40 ± 2,57
5,80 ± 1,35
20,67 ± 2,70
11,20 ± 3,11
18,70 ± 2,77
17.57 ± 1,55
p < 10–26
p < 10–12
p < 10–26
p < 10–28
Évaluations neuropsychologiques
CPT-IP : d’4FN
d’4SN
d’SFN
d’SSN
β4FN
β4SN
βSFN
βSSN
RBMT
WCST : catégories complétées
% d’erreurs persévératives
nombre d’essais 1re catégorie
capacité d’apprentissage
0,86 ± 0,72
0,79 ± 0,82
0,42 ± 0,89
0,54 ± 0,97
1,85 ± 1,72
1,67 ± 1,68
1,46 ± 1,23
1,30 ± 0,99
8,80 ± 1,94
4,57 ± 2,21
17,03 ± 15,85
33,07 ± 41,72
– 0,70 ± 2,94
1,17 ± 0,73
1,29 ± 0,79
0,83 ± 1,52
1,20 ± 1,09
1,51 ± 1,50
1,75 ± 1,36
1,49 ± 1,21
1,31 ± 0,82
10,53 ± 1,77
5,00 ± 1,80
13,50 ± 10,64
15,20 ± 3,42
– 1,90 ± 3,61
p < 0,01
p < 0,01
p = 0,07
p < 10–4
p = 0,13
p = 0,41
p = 0,46
p = 0,48
p < 10–5
p < 0,04
p < 0,04
p < 0,01
p = 0,12
Évaluations psychosociales
AIPSS
EAS
59,12 ± 16,68
52,20 ± 16,20
74,65 ± 17,17
33,57 ± 15,64
p < 10–8
p < 10–10
Évaluations cliniques
PANSS : total
positif
négatif
psychopathologie générale
73,20 ± 14,49
14,83 ± 4,50
21,63 ± 4,38
36,73 ± 8,40
45,03 ± 13,45
11,63 ± 8,40
10,37 ± 4,71
23,03 ± 6,88
p < 10–14
p < 10–8
p < 10–15
p < 10–12
N = 30
Modules REHACOM®
REHA-AUFM
REHA-MEMO
REHA-LODE
REHA-EINK
Données sociodémographiques et cliniques
Sexe (H/F)
Âge
Niveau d’éducation
Durée de la maladie
Traitement (eq. CPZ mg/jour)
p
25/5
31,90 ± 7,70
11,60 ± 2,60
5,30 ± 4,05
520,37 ± 314,86
191
A. Cochet et al.
Les résultats sont exprimés en :
– indice de sensibilité d' qui témoigne des capacités
de discrimination signal/bruit pour 4 mesures : d’4FN
(indice de nombres à succession rapide), d’4SN (indice
de nombres à succession lente), d’SFN (indice de symboles à succession rapide), d’SSN (indice de symboles à
succession lente) ;
– critère de décision β qui représente le critère de décision que se fixe le sujet et qui témoigne de son état
motivationnel ; 4 mesures – correspondant aux mesures
indicielles définies ci-dessus – ont été recueillies : β-4FN,
β-4SN, β-SFN, et β-SSN (tableau I).
Rivermead Behavioural Memory Test (RBMT) (22)
Il s’agit d’un test de mémoire standardisé, à valeur écologique, explorant différentes composantes de la mémoire
au travers d’un score global de 0 à 12. L’existence de 4
versions interchangeables du RBMT est particulièrement
adaptée aux protocoles test-retest en permettant d’éviter
les effets d’apprentissage (tableau I).
Wisconsin Card Sorting Test (WCST),
ou Test de tri de cartes du Wisconsin
(version informatisée WCST-CV2)
Ce test explore les fonctions exécutives au moyen d’un
jeu de 128 cartes illustrées par la combinaison de trois
attributs : forme (croix, cercle, triangle, étoile), couleur
(jaune, rouge, bleu, vert) et nombre de figures (de 1 à 4).
Quatre cartes cibles sont disposées devant le sujet qui doit
trouver par essais et erreurs une règle de classement prédéterminée. Les résultats sont exprimés en nombre de
catégories réalisées, en pourcentage d’erreurs persévératives, en nombre d’essais nécessaires pour réaliser la
première catégorie et en capacité d’apprentissage (learning to learn) (tableau I).
Évaluations psychosociales
Comme les évaluations neuropsychologiques, les évaluations psychosociales ont été réalisées avant et après
la TRC REHACOM®.
Évaluation de la capacité de résolution de problèmes
interpersonnels (Assessment of interpersonal
Problem-Solving Skills, AIPSS) (6)
L’AIPSS se présente comme une série d’exercices de
réflexion et de jeux de rôles à partir de scènes vidéos standardisées, jouées par des acteurs amateurs, qui simulent
des situations de la vie quotidienne. Il est constitué de quatorze scènes, dont une scène de démonstration. Dix des
scènes utilisées pour l’évaluation présentent un problème
interpersonnel alors que les trois autres n’en comportent
aucun. Seul le résultat global, exprimé en pourcentage, a
été retenu pour les besoins de l’étude (tableau I).
192
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 189-95, cahier 1
Échelle d’autonomie sociale (EAS) (13)
Cet instrument élaboré par Leguay et al. est une échelle
d’hétéroévaluation constituée de 17 items explorant différents aspects de l’autonomie sociale. Les scores sont
compris entre 0 (autonomie maximale) et 102 (absence
d’autonomie) (tableau I).
Méthode
La TRC REHACOM® a été réalisée par un investigateur-moniteur en aveugle des évaluations cliniques, neuropsychologiques et psychosociales. Le matériel utilisé
consistait en un ordinateur, un écran LCD 17 pouces et
un pupitre spécialement conçu pour l’entraînement
(REHA-PAN®), disposant de touches ergonomiques et
d’une manette, ce qui limite les risques d’erreurs liés aux
difficultés de manipulation d’un clavier standard. Les
modules REHACOM® proposés sont indépendants les
uns des autres et possèdent chacun leurs propres consignes. Quatre d’entre eux ont été retenus, pour la remédiation cognitive, ces modules entraînant des fonctions
cognitives impliquées dans plusieurs étapes du processus
de traitement de l’information. Chaque module comprend
des objets animés et/ou inanimés, de niveau de difficulté
croissante. Un curseur discret apparaissant à l’écran indique le niveau de difficulté atteint et l’effort mis en jeu.
L’ensemble des données est visualisé sous forme graphique, permettant ainsi une analyse multidimensionnelle
quantitative et qualitative.
Les quatre modules sont :
1) REHA-AUFM, qui entraîne l’attention/concentration
à partir d’images apparaissant à l’écran, que le sujet doit
comparer avec une matrice d’images présentées séparément. La tâche consiste à trouver l’image correspondante.
Le nombre d’images de la matrice est variable. Vingt-quatre niveaux de difficulté croissante sont prévus. Les résultats sont exprimés en niveau atteint au terme des
20 minutes d’entraînement (tableau I).
2) REHA-MEMO, qui entraîne la mémoire topologique.
Dans ce module, le patient dispose d’un temps limité pour
mémoriser une série de cartes sur lesquelles figurent des
objets ou des symboles et qui apparaît à gauche de
l’écran. Puis les cartes sont retournées, ne laissant apparaître que leur verso, avant que l’une d’entre elle soit de
nouveau présentée à droite de l’écran. La tâche consiste
à retrouver la place de cette carte dans la série de gauche.
Le nombre de cartes de la matrice est variable. Vingt
niveaux de difficulté croissante sont prévus. Les résultats
sont exprimés en niveau atteint au terme des 20 minutes
d’entraînement (tableau I).
3) REHA-LODE, qui entraîne les fonctions exécutives
au travers d’un module de raisonnement logique. Vingttrois niveaux sont prévus avec un nombre variable d’objets
constituant une suite logique. Dans les niveaux les plus
faciles, la suite est constituée d’une séquence de symboles impliquant soit la couleur, soit la forme, soit la taille.
Les niveaux difficiles comportent des suites complexes
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 189-95, cahier 1
Impact de la remédiation cognitive dans la schizophrénie sur les stratégies de résolution de problèmes
combinant des symboles de diverses couleurs, formes et
tailles. Le sujet doit compléter la suite logique à l’aide d’une
matrice de formes proposée en dessous de la séquence.
Les résultats sont exprimés en niveau atteint au terme des
20 minutes d’entraînement (tableau I).
4) REHA-EINK, qui entraîne les fonctions exécutives au
travers d’un exercice écologique de shopping virtuel. Dans
ce module, le patient doit réaliser ses courses dans un
magasin virtuel. Le sujet dispose d’une liste d’articles à
acheter et d’une somme d’argent virtuelle. La tâche consiste à acquérir les articles de la liste en tenant compte à
la fois de leur emplacement dans les rayons et du budget
disponible. Dix-huit niveaux de difficulté croissante sont
prévus, faisant varier le nombre d’articles figurant sur la
liste (de 1 à 10), le budget intervenant uniquement à partir
du 11e niveau. Les résultats sont exprimés en niveau
atteint au terme des 25 minutes d’entraînement (tableau I).
Chacun des 30 patients a reçu individuellement un
entraînement sur les 4 programmes au cours de
7 séances successives, séparées chacune par un intervalle d’une semaine. La durée de chaque entraînement a
été de 20 minutes par séance (en présence, chaque fois,
de l’investigateur-moniteur), pour REHA-AUFM (attention-concentration), REHA-MEMO (mémoire topologique)
et REHA-LODE (raisonnement logique) et de 25 minutes
par séance pour REHA-EINK (shopping).
80
70
60
50
40
30
20
0
Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du
Logiciel SPSS® 10.0 pour Windows®. Concernant le premier objectif, nous avons comparé les performances
cognitives avant et après remédiation cognitive aux 4
modules REHACOM® et aux tests neuropsychologiques
avant et après TRC REHACOM. Concernant le second
objectif, nous avons procédé de même pour les évaluations psychosociales et l’évaluation clinique. Dans tous les
cas, nous avons effectué un test t unilatéral de Student
pour comparer la moyenne sur des échantillons appariés.
La significativité retenue était < 0,05.
RÉSULTATS
Pour chacune des mesures les résultats sont exprimés
en moyenne ± SD (avant/après TRC). La significativité (p)
est exprimée pour chaque comparaison de moyenne. Les
résultats sont représentés dans le tableau I et les figures
1 et 2.
DISCUSSION
Nos résultats semblent confirmer l’intérêt thérapeutique
d’une TRC REHACOM chez des patients schizophrènes
stabilisés sur les plans cliniques et thérapeutiques. À
l’issue de 14 séances de TRC individuelle, toutes les fonctions entraînées (attention, mémoire, fonctions exécuti-
test
retest
FIG. 1. — Scores moyens au test et retest EAS et AIPSS.
25
REHA-AUFM
REHA-MEMO
REHA-LODE
REHA-EINK
20
15
10
5
0
Analyse statistique
EAS
AIPSS
10
1
2
3
4
5
6
1re
FIG. 2. — Niveaux moyens atteints de la
à la
des 4 modules REHACOM.
7
7e
séance
ves) sont significativement améliorées, cette amélioration
ayant été mesurée à la fois à l’aide des modules REHACOM® et d’évaluations neuropsychologiques standard.
De même, les patients sont significativement améliorés au
niveau fonctionnel, cette amélioration ayant été mesurée
à l’aide d’évaluations psychosociales standard.
Enfin, les symptômes cliniques de la schizophrénie ont
également été réduits à l’issue du traitement REHACOM®
(tableau I, figures 1 et 2). Durant cette étude, nous avons
constaté très peu de désistements ou d’arrêts en cours ;
37 sujets ont été inclus au total, dont 7 n’ont pas été au
terme.
La motivation des patients était satisfaisante et est restée inchangée au cours de l’étude. On peut le déduire de
l’absence de différence significative à tous les indices bêta
du CPT, montrant cette motivation équivalente lors du test
et du retest (15). On pourrait également envisager que les
progressions constatées dans les différents modules tiendraient moins à une amélioration des capacités cognitives
des patients qu’à un apprentissage progressif de la
méthode. Ceci n’est vraisemblablement pas le cas, dans
la mesure où les sujets n’améliorent pas leurs capacités
d’apprentissage au WCST.
REHACOM® est un outil reconnu pour la rééducation
des cérébrolésés mais peu utilisé jusque là dans la schizophrénie. Pour cette raison, nous avons utilisé conjoin193
A. Cochet et al.
tement des tests neuropsychologiques standard, aux fins
de comparaison.
Cette étude étant préliminaire, nous ne bénéficions pas,
pour le moment, de groupe contrôle, mais d’autres études
récentes utilisant d’autres méthodes et disposant d’un
groupe contrôle montrent qu’une remédiation cognitive a des
effets bénéfiques spécifiques, tant sur les symptômes cliniques que les déficits fonctionnels de la schizophrénie (1, 3).
À l’encontre de résultats antérieurs concluant à la stabilité dans le temps de plusieurs déficits cognitifs ciblés
par l’étude, nos résultats suggèrent que des stratégies
thérapeutiques non médicamenteuses sont à même de
faire varier ces « marqueurs » de vulnérabilité qui
devraient alors être plutôt considérés comme des marqueurs intermédiaires selon la définition de Nuechterlein
et Dawson (16). Ceci étant, quand on détaille les mesures/
indices du CPT et du WCST, on observe que certaines
d’entre elles ne varient pas sous l’effet du traitement. Ainsi,
au d’SFN du CPT, les patients conservent des difficultés
inchangées devant une succession rapide de stimuli symboles, tout en s’améliorant au d’4FN (succession rapide
de stimuli nombres).
CONCLUSION
Nous pouvons supposer que la TRC a notablement permis d’améliorer les capacités attentionnelles des patients
en annulant les déficits résiduels et en réduisant partiellement les déficits préexistant à la maladie et qui subsistent discrètement lors de l’exposition à des stimuli abstraits comme les symboles, mais qui ne sont plus
observables lors de l’exposition à des stimuli plus familiers
comme les nombres.
On constate, tant au WCST qu’au module MEM de
REHACOM®, que les patients progressent moins vite et
de façon moins significative. Nous savons que le processus mnésique, jouant un rôle central dans le traitement
de l’information, est particulièrement altéré dans la schizophrénie. Pourtant, nos résultats suggèrent qu’une amélioration notable de la mémoire est possible par la TRCEHAO. Nous considérons que ceci est dû à l’entraînement
systématique des différentes étapes du traitement des
informations (attention-concentration, mémoire de travail,
fonctions exécutives). Nous avons observé chez l’ensemble des 30 patients non seulement des déficits cognitifs
mais aussi une dysharmonie du traitement cognitif des
informations. Nous supposons que le réentraînement systématique leur a permis à la fois de réduire ces déficits et
de retrouver une « harmonie » du traitement cognitif.
Les symptômes cliniques ont été significativement
réduits alors même que le traitement médicamenteux est
resté inchangé pour l’ensemble des 30 patients durant
notre étude. Cependant, ces bénéfices pourraient n’être
liés qu’au seul effet du traitement médicamenteux. Deux
études récentes (18, 1) suggèrent tout comme nous
qu’une TRC, outre son impact sur les troubles fonctionnels, aurait également un impact sur les symptômes cliniques de la schizophrénie.
194
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 189-95, cahier 1
Les résultats de cette étude préliminaire nous incitent
à poursuivre nos investigations, tout d’abord par le suivi
au long cours des 30 patients ayant participé à cette étude
afin d’évaluer la durée des effets bénéfiques de la TRC
REHACOM®.
Afin d’explorer cette dimension, les 30 patients participent dès à présent à des séances de rappel qui feront ultérieurement l’objet de nouvelles évaluations ; ensuite, en
comparant cette nouvelle technique à des méthodes classiques de réhabilitation et de soutien psychothérapique,
ce qui, méthodologiquement, ouvre à d’autres questions.
Si nos résultats s’avèrent concluants, il faudra alors se
poser la question d’une généralisation et d’une application
de la méthode en complément des autres démarches thérapeutiques.
Références
1. BARK N, REVHEIM N, HUQ F et al. The impact of cognitive remediation on psychiatric symptoms of schizophrenia. Schizophr Res
2003 ; 63 : 229-35.
2. BEll M, BRYSON G, GREIG T et al. Neurocognitive enhancement
therapy with work therapy : effects on neuropsychological test performance. Arch Gen Psychiatry 2001 ; 58 (8) : 763-8.
3. BELLUCCI DM, GLABERMAN K, HASLAM N. Computer-assisted
cognitive rehabilitation reduces negative symptoms in the severely
mentally ill. Schizophr Res 2003 ; 59 : 225-32.
4. BLOOM BL. Computer-assisted psychological intervention : a
review and commentary. Clin Psychol Rev 1992 ; 12 : 169-97.
5. BRENNER HD, HODEL B, RODER V et al. Treatment of cognitive
dysfunctions and behavioral deficits in schizophrenia. Schizophr Bull
1992 ; 18 (1) : 21-6.
6. DONAHOE CP, CARTER MJ, BLOEM WD et al. Assessment of
interpersonal problem-solving skills. Psychiatry 1990 ; 53 (4) :
329-39.
7. FRIEDL-FRANCESCONI H, BINDER H. Training in cognitive functions in neurologic rehabilitation of craniocerebral trauma. Z Exp Psychol 1996 ; 43 (1) : 1-21.
8. HEGARTY JD, BALDESSARINI RJ, TOHEN M et al. One hundred
years of schizophrenia : a meta-analysis of the outcome literature.
Am J Psychiatry 1994 ; 151 (10) : 1409-16.
9. HOGARTY GE, FLESHER S. Practice principles of cognitive enhancement therapy of schizophrenia. Schizophr Bull 1999 ; 25 (4) :
693-708.
10. JAEGER J. Studying the effectiveness of neurocognitive remediation in schizophrenia. Schizophr Bull 1999 ; 25 (2) : 193-6.
11. KURTZ MM. Neurocognitive rehabilitation for schizophrenia. Curr
Psychiatry Rep 2003 ; 5 (4) : 303-10.
12. KURTZ MM, MOBERG PJ, GUR RC et al. Approaches to cognitive
remediation of neuropsychological deficits in schizophrenia : a
review and meta-analysis. Neuropsychol Rev 2001 ; 11 (4) :
197-210.
13. LEGUAY D, COCHET A, MATIGNON G et al. L’échelle d’autonomie
sociale, premiers éléments de validation. Encephale 1998 ; XXIV
(II) : 108-19.
14. LYSAKER PH, DAVIS LW. Social function in schizophrenia and schizoaffective disorder : associations with personality, symptoms and
neurocognition. Health Qual Life Outcomes 2004 ; 2 (1) : 15.
15. NUECHTERLEIN KH. Converging evidence for vigilance deficit as
a vulnerability indicator for schizophrenic disorders. In : Alpert M, ed.
Controversies in Schizophrenia : Changes and Constancies. New
York, NY : Guilford Press, 1985 : 174-98.
16. NUECHTERLEIN KH, DAWSON ME. Information processing dysfunctions in the developmental course of schizophrenic disorders.
Schizophr Bull 1984 ; 10 : 160-203.
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 189-95, cahier 1
Impact de la remédiation cognitive dans la schizophrénie sur les stratégies de résolution de problèmes
17. PFLEGER U. Computerunterstütztes kognitives Trainingsprogramm mit schizophrenen Patienten, vol 204. Münster/New York :
Waxmann – Internationale Hochschulschriften, 1996.
18. REEDER C, NEWTON E, FRANGOU S et al. Which executive skills
should we target to affect social functioning and symptom change ?
A study of a cognitive remediation therapy program. Schizophr Bull
2004 ; 30 (1) : 87-100.
19. SILVERSTEIN SM, SCHENKEL CV, NUERNBERGER SW. Cognitive deficits and psychiatric rehabilitation outcomes in schizophrenia.
Psychiatr Q 1998 ; 69 : 169-91.
20. VAN DER GAAG M, KERN RS, VAN DEN BOSCH RJ et al. A controlled trial of cognitive remediation in schizophrenia. Schizophr Bull
2002 ; 28 (1) : 167-76.
21. VELLIGAN DI, BOW-THOMAS C, HUNTZINGER C et al. Randomized controlled trial of the use of compensatory strategies to
enhance adaptive functioning in outpatients with schizophrenia. Am
J Psychiatry 2000 ; 157 : 1317-28.
22. WILSON B, COCKBURN J, BADDELEY A et al. The development
and validation of a test battery for detecting and monitoring everyday
memory problems. J Clin Exper Neuropsychol 1989 ; 11 : 855-70.
23. WOODS SW. Chlorpromazine equivalent doses for the newer atypical antipsychotics. J Clin Psychiatry 2003 ; 64 (6) : 663-7.
24. WYKES T, REEDER C, CORNER J et al. The effects of neurocognitive remediation on executive processing in patients with schizophrenia. Schizophr Bull 1999 ; 25 (2) : 291-307.
195
Téléchargement