Cas clinique FoXL2 et pathologie ovarienne FOXL2 and ovarian pathology F. Penault-Llorca*, C. Aubé*, N. Robin* M adame M. D., née en 1952, consulte son gynécologue en septembre 1997, pour des ménométrorragies abondantes et invalidantes. La patiente est alors en périménopause. Le traitement médical est un échec. Observation * Centre Jean-Perrin, Clermont-Ferrand. L’échographie montre une muqueuse endométriale épaissie, irrégulière, et un gros kyste ovarien gauche avec des zones solides. Un curetage biopsique est alors pratiqué. L’examen histopathologique met en évidence une hyperplasie endométriale complexe avec atypies. Après discussion avec la patiente, et compte tenu de son âge, une hystérectomie avec annexectomie bilatérale par les voies naturelles est décidée. L’examen macroscopique de l’utérus montre une muqueuse très épaissie et irrégulière mais ne retrouve pas d’infiltration nette de la paroi. En revanche, la tumeur ovarienne gauche mesure 6 cm de grand axe ; elle est partiellement kystisée, avec des zones solides rosées et brunes, de consistance ferme. A B Figure 1. A. Tumeur pelvienne, peu différenciée, à cellules fusiformes, x 20. B. Immunodétection par inhibine, x 20. 42 L’examen microscopique confirme l’hyperplasie endométriale complexe avec atypies, mais ne montre pas d’adénocarcinome endométrial invasif. L’examen de la tumeur ovarienne gauche met en évidence une tumeur à cellules fusiformes, étiquetée comme un fibrome cellulaire. L’autre ovaire est normal. La patiente est alors rassurée par le chirurgien. Il ne s’agit ni d’un cancer épithélial de l’ovaire, qui était le diagnostic redouté, ni d’un cancer de l’endomètre, mais d’une tumeur bénigne à surveiller régulièrement. Une surveillance annuelle est instaurée. La patiente est perdue de vue en 1997 car elle déménage à la campagne. En décembre 2012, la patiente, alors âgée de 60 ans, est hospitalisée en urgence pour un syndrome abdominal aigu. À l’examen clinique, elle présente une masse abdominopelvienne importante. Cela est confirmé à l’échographie et au scanner, qui montrent également une ascite et une carcinose péritonéale. L’ACE et le Ca-19-9 sont légèrement augmentés. Une laparoscopie est décidée, à visée exploratoire. Un examen extemporané est réalisé. Il confirme la nature tumorale de la lésion et est en faveur d’un sarcome ou d’une tumeur stromale gastro-intestinale (GIST), car la prolifération est fusiforme, a priori non épithéliale. L’examen histopathologique définitif met en évidence une infiltration péritonéale par une tumeur manifestement maligne à cellules fusiformes (figure 1A), pour laquelle plusieurs hypothèses sont envisagées, dans ce contexte d’antécédent d’hystérectomie avec annexectomie pour, aux dires de la patiente, une tumeur bénigne “à surveiller”. Parmi les hypothèses : l’extension d’une GIST, d’un léiomyosarcome utérin, d’un fibrosarcome. Les immunodétections réalisées permettent d’éliminer une GIST (C-kit négatif), une récidive de léiomyosarcome (actine, desmine, H-caldesmone négatives). La tumeur exprime fortement les récepteurs hormonaux aux estrogènes et à la progestérone, et faiblement et localement l’inhibine (figure 1B). Deux diagnostics sont alors envisagés : la récidive abdominale soit d’un fibrosarcome ovarien, soit d’une tumeur de la granulosa adulte (TGA) à cellules fusiformes récidivant, 16 ans après le diagnostic initial (hypothèse la plus probable). La récidive locale d’une tumeur de Sertoli-Leydig qui présente le même phénotype est récusée en raison du contexte clinique (patiente trop âgée, et récidive trop tardive). Le pathologiste qui a porté le diagnostic initial est contacté. Les blocs de la patiente ont été détruits en Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013 FOXL2 et pathologie ovarienne 2005, comme la loi le permet. Une lame représentative est adressée pour confirmation du diagnostic au centre qui prend en charge la patiente, avec le compte-rendu initial. La tumeur initiale présente un aspect morphologique assez proche de celui observé lors de la rechute (figure 2). Il s’agit d’une tumeur peu différenciée à cellules fusiformes. Mais aucune technique complémentaire ne pourra être réalisée, en l’absence de bloc de tumeur. Le diagnostic d’une récidive péritonéale de TGA est confirmé par la présence d’une mutation du gène FOXL2 c.402C>G (p.134C>W), permettant ainsi la caractérisation précise de cette tumeur (figure 3). Discussion Les tumeurs de la granulosa représentent moins de 5 % des tumeurs de l’ovaire. Elles peuvent être divisées en 2 types sur la base de leurs caractéristiques histologiques, juvéniles ou adultes. Le type adulte est souvent de stade faible et de bon pronostic, mais avec un risque de récidive imprévisible pouvant survenir 10 à 30 ans après le diagnostic initial. Le taux de rechute est de 10 à 15 % pour les tumeurs de stade IA (cas de notre patiente) et de 20 à 30 % pour les stades supérieurs. Ces tumeurs ne sont donc pas des tumeurs bénignes. Elles doivent être colligées dans le registre des tumeurs malignes rares de l’ovaire (TMRO) [www.ovaire-rare.org]. Le gène FOXL2 code pour un facteur de transcription qui est sélectivement exprimé dans les follicules ovariens adultes. La mutation p.C134W de l’exon 1 du gène FOXL2 est retrouvée dans 95 % des tumeurs de la granulosa adultes, 15 % des thécomes et, plus rarement (moins de 10 %), dans les tumeurs de la granulosa juvéniles. Elle n’est pas retrouvée dans les autres types de cancer de l’ovaire ni des autres organes (1, 2). Sa recherche est très utile pour le diagnostic différentiel des tumeurs de la granulosa. Le test peut être réalisé à partir d’une tumeur incluse en paraffine. La zone tumorale est récupérée par macrodissection, puis l’ADN est extrait avec un kit QIAGEN. Une PCR est réalisée dans un premier temps. Le séquençage direct du fragment amplifié par méthode de Sanger sur un séquenceur Applied 3130XL détecte la mutation ponctuelle c.402 C>G ; p.134 C>W de l’exon 1 du gène FOXL2 (figure 4). Le diagnostic peut également être confirmé par technique de PCR SNaPshot recherchant spécifiquement la mutation c.402 (figure 4). L’identification de cette mutation a des implications diagnostiques mais aussi potentiellement thérapeutiques. La protéine FOXL2 peut être évaluée par immunohistochimie, et son expression n’est pas modifiée par la présence de mutations, c’est-à-dire qu’elle est positive Figure 2. Tumeur initiale, x 10. En position c.402, présence d’un double pic C et G : muté Figure 3. Recherche de mutation FOXL2 par séquençage Sanger : amplification d’un fragment de 269 bp. Non muté c.402 C Mutation c.402 C>G p.134 C>W Figure 4. Recherche de mutation FOXL2 par SNaPshot. dans les cellules de la granulosa normales et tumorales mais aussi dans d’autres tumeurs du stroma et des cordons sexuels (1, 3). L’identification de la protéine FOXL2 Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013 43 VOCABULAIRE Cas clinique Références 1. S h a h S P, K ö b e l M , Senz J et al. N Engl J Med 2009;360(26):2719-29. 2. Jamieson S, Fuller PJ. Endocr Rev 2012;33(1):109-44. 3. Al-Agha OM, Huwait HF, Chow C et al. Am J Surg Pathol 2011;35(4):484-94. 4. Kommoss S, Anglesio MS, Mackenzie R et al. Mod Pathol 2013, Jan 25 (Epub ahead of print). ne peut donc suffire à elle seule à affirmer le diagnostic de TGA. Cependant, FOXL2 est exprimée dans toutes les TGA avec mutations (3). Une approche diagnostique dans le futur pourrait être, dans un premier temps, la réalisation d’un test immunohistochimique, suivi, s’il est positif, d’un test moléculaire (séquençage direct ou technique de SNaPshot) [4]. La limitation actuelle à la diffusion de l’immunohistochimie réside dans son absence de standardisation, avec des anticorps de recherche non validés pour le diagnostic. L’inhibine est le marqueur tumoral sérique le plus largement utilisé car son taux est élevé chez presque toutes les patientes ayant une TGA primitive ou récidivante. Elle n’est pas spécifique de la TGA et son élévation se voit avec d’autres tumeurs ovariennes. Cependant, une fois que le diagnostic de TGA est porté, l’inhibine peut être utilisée dans le suivi du traitement et la surveillance des récidives. ■ Vocabu laire VO CABULAIR E >> A L’a n t i co r p s * pparu vers 1900, le mot fait partie de l’im­ virus et autres éléments étrangers à l’organisme et mense famille des composés en anti-, ce qui qui peuvent l’envahir. Le paradoxe de la vie fait que lui donne la valeur d’une action contraire. ces “anticorps” n’apparaissent, devenant capables de Contraire à ce que désigne la racine, corps, ce qui reconnaître l’agent toxique et de le combattre – cela nécessite un choix parmi quantité de significations fait partie de la définition de ces protéines –, que s’il différentes. Déjà en latin, corpus ne désigne pas seu­ est présent dans l’organisme concerné : le langage lement l’organisme humain, la personne physique, ne reflétant pas toujours la relation cause-effet, ces mais aussi un objet matériel ou la partie principale antigènes ne sont nommés qu’en 1904, après les d’un ensemble. anticorps. C’est du moins la chronologie des mots en français, et ces mots, pour indispensables que Ce sens a été appliqué dès le Moyen Âge aux astres, soient les notions qu’ils désignent, sont bien mal appelés “corps célestes”, puis au XVIe siècle aux sub­ formés : l’antigène dit qu’il forme, engendre (-gène) stances, le concept moderne de “substance chimique” non pas un anti, ce qui n’aurait aucun sens, mais un se dégageant au XVIIIe siècle (c’est un mot fréquent anticorps. Mot-valise, comme l’inepte handisport. dans l’œuvre de Lavoisier). Parmi toutes ces sub­ Quant à l’anticorps, à quel “corps” s’oppose-t-il, après stances, avant même qu’elles ne soient analysées, l’avoir identifié ? À l’antigène, précisément. Si le spé­ on a parlé de corps simples – les éléments – et cialiste se servant de ces mots s’y retrouve et peut composés, de corps inorganiques et organiques : faire avancer la connaissance, le profane, on peut la biologie et la médecine étudient l’action de ces l’avouer, n’est pas aidé par les mots. Consolons-nous substances, à côté de celle des micro-organismes en reportant la responsa­bilité de ces désignations révélés par Pasteur, et il a fallu nommer celles qui sur la langue allemande, l’anglais et le français ayant combattaient les effets pathogènes des bactéries, immédiatement suivi. * © Le Courrier de la Transplantation 2007;4:185. 44 Par Alain Rey, directeur de la rédaction du Robert, Paris