L Troubles des conduites alimentaires : les pistes de progrès existent

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Éditorial
Troubles des conduites alimentaires :
les pistes de progrès existent
Eating disorders: new advances
P. Courtet*
L
© La Lettre du Psychiatre
• Vol. VII - n° 4 juillet-août 2011.
* Département d’urgence
et de posturgence
psychiatrique,
hôpital Lapeyronie,
CHRU de Montpellier.
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es troubles des conduites alimentaires (TCA)
occupent une place bien particulière au sein
des troubles psychiatriques. Ces manifestations
cliniques polymorphes s’installent insidieusement après
un “régime banal de l’adolescente” et finissent par devenir des problèmes sérieux pour les nutritionnistes.
Quelle frontière avec le comportement alimentaire
normal des jeunes filles ? Quelle définition pour ces
entités, “anorexie” et “boulimie” ? Quelle validité à ces
nouvelles descriptions syndromiques, hyperphagie
boulimique, trouble alimentaire nocturne ? Quelles
hypothèses étiologiques ? Et, finalement, comment
soigner ? Autant de défis qui pourraient en dissuader
plus d’un ! Espérons que les éclaircissements apportés
par nos experts sur des aspects très actuels des TCA
offriront un peu d’espoir aux cliniciens et que ces derniers se sentiront plus armés pour aider au mieux ces
jeunes patientes.
Touchant surtout les jeunes filles, à une période cruciale
du développement, les TCA sont susceptibles de bouleverser considérablement leur vie future. Sur un plan
strictement médical, gardons à l’esprit leur pronostic
effroyable en termes de mortalité. L’anorexie mentale
est le trouble psychiatrique associé au risque de mort
par suicide le plus élevé !
Les familles sont bouleversées, culpabilisées et souvent
désemparées. Quelle que soit la représentation que
l’on se fait du trouble, s’occuper de la famille est une
démarche absolument capitale. Le pronostic des TCA
est largement influencé par la précocité du diagnostic
et de la prise en charge.
Pourtant, le diagnostic est porté trop tard, après de
nombreuses années de lutte dans la solitude, mais le
déni ou l’égosyntonie ne constituent pas la seule explication. Il nous faut améliorer le dépistage et la reconnaissance des troubles par les médecins, notamment les
généralistes. Or, le flou des contours des entités syndromiques couramment reconnues est un obstacle majeur.
Ainsi, la majorité des TCA ne répondent pas aux critères
d’anorexie ou de boulimie mais à ceux des troubles
“atypiques”, et les diagnostics ne sont pas stables dans
le temps puisque les patientes passent souvent de l’un
à l’autre, pour peu que notre durée d’observation soit
longue. La mise à disposition d’outils validés et simples
d’utilisation pourrait fournir une aide majeure aux professionnels de première ligne qui rencontrent ces jeunes
filles préoccupées par leur poids et par leur silhouette,
dont seule une petite minorité développera le trouble.
Une fois le diagnostic posé, l’organisation des soins
représente un autre défi de grande ampleur. Il faut
reconnaître que nous disposons de peu de stratégies
thérapeutiques ayant clairement démontré leur efficacité. Il est concevable que les difficultés inhérentes au
diagnostic n’y soient pas étrangères. La récente mise
à la disposition des cliniciens de recommandations
est un apport notable, qui doit leur éviter de sombrer
dans le désespoir et le nihilisme thérapeutique. Avonsnous le droit d’espérer que les progrès de la science se
traduisent un jour par des solutions pour les cliniciens ?
En principe, oui ! En outre, la réalité va dans ce sens. Les
travaux sur l’exploration des perturbations cognitives
et émotionnelles et sur le fonctionnement du cerveau
commencent à identifier des anomalies caractéristiques
des différents TCA : cela ouvre des pistes thérapeutiques
innovantes. Ainsi, remédiation cognitive et stimulation
cérébrale sont maintenant à l’étude.
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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XV - nos 9-10 - novembre-décembre 2011
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