DOSSIER THÉMATIQUE Rétrospective 2009 Cancer du sein Breast cancer J.Y. Pierga1, V. Diéras1 Biologie Recherche fondamentale Pour la première fois, une équipe new-yorkaise a réussi à déterminer la structure cristalline de l’aromatase humaine, produit du gène CYP19A1 et seule enzyme capable de catalyser la transformation des androgènes en estrogènes. Cette découverte laisse espérer, par une meilleure connaissance de la cible, le développement de nouvelles générations d’inhibiteurs de l’aromatase (1). Les nouvelles techniques de séquençage à haut débit (next generation-sequencing) permettant la détermination complète de toute la séquence de l’ADN et aussi de l’ARN (transcriptome) ont été appliquées sur un échantillon de métastase pleurale d’un cancer lobulaire exprimant les récepteurs aux estrogènes. Sur les 32 mutations codantes identifiées, 19 n’étaient pas présentes dans la tumeur primitive, ce qui suggère qu’elles peuvent être présentes dans des gènes impliqués dans le processus métastatique (2). 1 Institut Curie, Paris. Développement mammaire normal Sous-types de cancer du sein Signatures Mesenchymal Cellule souche (MaSC) Claudin-low Progéniteur bipotent BRCA1 mutation Progéniteur myoépithélial Cellules myoépithéliales différenciées Progéniteur luminal Late luminal HER2 progenitor amplicon Differentiated luminal cells Basal-like Basal-like HER2-enriched Luminal B Luminal A Luminal Figure. Signature intrinsèque et de développement de la glande mammaire. 8 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 1 - janvier 2010 Une équipe australienne a montré que les tumeurs basales (triple négatives) qui se développent chez les patientes BRCA1 mutées proviennent de progéniteurs luminaux qui peuvent se différencier en des carcinomes canalaires de type luminal A ou B (Lim, Vaillant et al. 2009). Ce travail, résumé par C. Perou (3), permet de faire la synthèse entre les sous-types de cancers du sein (signature intrinsèque : luminal, HER2, basal, etc.) et le développement de la glande mammaire à partir d’une population de cellules souches (MaSC) [figure]. Facteurs prédictifs et pronostiques ◆ Signature génomique Une excellente revue par C. Sotiriou et L. Pusztai dans le New England Journal of Medicine a fait la synthèse à la fois des nouvelles classifications du cancer du sein fondées sur les puces d’expression génique (signature intrinsèque distinguant tumeurs luminales A et B, HER2, basal-like) et des différents scores pronostiques mis au point pour décider des modalités du traitement adjuvant (MammaPrint®, Oncotype DX®, etc.) [4]. Cette signature intrinsèque se voit elle-même confirmée comme étant un indice pronostique indépendant des autres facteurs cliniques et biologiques classiques, ainsi que comme bon élément prédictif de réponse à la chimiothérapie néoadjuvante (5). Grâce à cette signature intrinsèque, on peut distinguer deux soustypes de tumeurs exprimant les récepteurs hormonaux (RH) : luminal A et luminal B. En utilisant un immunomarquage du marqueur de prolifération Ki67, avec une valeur seuil de 13 %, il a été possible de distinguer entre luminal A et B sur une large série de plus de 4 000 tumeurs, et de déterminer le pronostic sans utiliser de puces d’expression mais uniquement l’immunohistochimie (HER2, RO, RP, Ki67) [6]. Résumé La signature d’expression génomique dite “intrinsèque” qui distingue plusieurs grandes catégories de cancers du sein a montré clairement son intérêt en clinique sur le plan pronostique et même thérapeutique. On distingue : les tumeurs HER2 positives, dont le pronostic a été nettement modifié par des thérapies ciblées ; deux grands types de tumeurs exprimant les récepteurs hormonaux (RH) : faiblement proliférantes et de bon pronostic luminal A, et proliférantes de moins bon pronostic luminal B ; enfin, les tumeurs basal-like, correspondant en grande partie aux tumeurs triple négatives (RE–, RP– et HER2–) et de pronostic péjoratif. Malgré de nombreuses études utilisant les puces d’expression, les techniques d’immunomarquage comportant la mesure de la prolifération par le Ki67, des récepteurs hormonaux et de HER2 semblent finalement capables de bien classer les sous-groupes de tumeurs. Il n’a pas été démontré de supériorité d’une hormonothérapie séquentielle sur un traitement par inhibiteur d’aromatase d’emblée : une méta-analyse ne montre pas clairement de bénéfice en survie globale de cette classe thérapeutique. L’impact sur la survie sans récidive des diphosphonates pose la question de leur action sur le processus métastatique ou d’un effet antitumoral direct. Enfin, la question de la valeur pronostique des micrométastases ganglionnaires reste posée, mais avec des éléments en faveur d’une valeur péjorative. Une nouvelle classe thérapeutique, les inhibiteurs de PARP, est apparue, particulièrement prometteuse dans les tumeurs triple négatives ou BRCA muté. De plus, on observe une confirmation du rôle des traitements antiangiogéniques associés à la chimiothérapie, mais sans bénéfice clair en termes de survie globale. Une signature portant surtout sur les gènes exprimés par le stroma péritumoral a permis de prédire la résistance à la chimiothérapie néoadjuvante de type FEC dans les tumeurs n’exprimant pas les récepteurs hormonaux incluses dans un essai de l’EORTC (7). Cette étude montre l’importance de tout le tissu péritumoral dans l’action des traitements. L’équipe de l’institut Gustave-Roussy a mis au point une signature exonique fondée sur le type d’exons exprimés par les tumeurs malignes du sein comparativement aux tumeurs bénignes sur des échantillons de cytoponctions (8). Le score de récidive Oncotype DX® basé sur 21 gènes mesurés par RT-PCR a été évalué chez 367 patientes ayant des tumeurs exprimant les RH avec une atteinte ganglionnaire et incluses dans l’essai SWOG-8814, qui comparait du tamoxifène à du tamoxifène + chimiothérapie de type CAF. Chez les patientes ayant le RS le plus faible, malgré l’atteinte ganglionnaire, il n’y avait pas de bénéfice de l’addition de chimiothérapie, alors que, pour les patientes avec le RS (score de récidive) le plus élevé, l’apport de la chimiothérapie par rapport au tamoxifène seul était significatif (9). Il semble que ce soit dans ces formes les plus proliférantes des tumeurs exprimant les récepteurs hormonaux que le bénéfice des taxanes en situation adjuvante, par rapport à une chimiothérapie comportant uniquement des anthracyclines, est le plus important. Ainsi, dans l’essai BCIRG01 comparant le TAC (docétaxel-adriamycine-cyclophosphamide) au FAC chez 1 350 patientes pN1, le bénéfice du TAC est significatif dans le groupe luminal B, c’est-à-dire RH+ et Ki67 élevé, ainsi que pour les triple négatifs, alors que la différence n’est pas significative pour les luminaux A (10). De même, dans l’essai français PACS01, comparant 6 FEC 100 à 3 FEC puis 3 docétaxel, la différence en faveur du bras taxanes est surtout importante dans le groupe ER+ et Ki67 élevé (11). Le taux de protéine tau (protéine associée aux microtubules) bas avait été décrit comme un marqueur prédictif de réponse aux taxanes en situation néoadjuvante. Une analyse en situation adjuvante dans l’essai NSABP B28 montre que tau est associé à une meilleure survie, mais non au bénéfice du paclitaxel (12). ◆ Autres Une analyse de la valeur pronostique des emboles vasculaires (LVI) a été réalisée sur un registre danois de près de 16 000 patientes (13). Cette étude montre que les emboles présents dans environ 15 % des cas sont un facteur pronostique péjoratif sur la survie sans récidive (SSR) et la survie globale (SG), mais qu’ils ne représentent pas un facteur indépendant par rapport aux autres indicateurs comme l’atteinte ganglionnaire ou la taille tumorale. La valeur prédictive de la topo-isomérase II dans la réponse aux anthracyclines reste toujours aussi controversée. Une altération de la topo-isomérase II dans l’essai MA5 canadien comparant un CEF au CMF est bien associée avec un bénéfice des anthracyclines, qui n’est pas présent dans l’autre sous-groupe (14). Cependant, cette altération de la topo-isomérase II n’est pas un facteur pronostique, alors que l’amplification de HER2 reste significative en termes pronostiques (15), et prédicitive du bénéfice de l’augmentation de la dose d’anthracyclines dans l’essai CALGB 8541, alors que l’amplification de la topo-isomérase II α n’a pas d’incidence (16). La valeur pronostique du taux de cellules tumorales circulantes a été confirmée dans le cancer du sein métastatique (17), mais, surtout, leur apport a été montré dans la prédiction de la réponse à la chimiothérapie, complémentaire de celle du PET scan (18). Épidémiologie et prévention L’étude française E3N a montré une augmentation du risque de cancer du sein avec la durée du traitement hormonal substitutif (THS) de la ménopause, mais aussi sa précocité dès l’apparition de la ménopause (19). L’étude WHI, qui avait montré cette augmentation liée au THS, montre aussi que l’incidence baisse rapidement (en 2 ans) après l’arrêt du traitement (20), ce qui peut expliquer la baisse observée depuis 2003 dans l’incidence des cancers du sein après la ménopause depuis la réduction de l’utilisation du THS dans de nombreux pays, sans rapport avec la fréquence des mammographies. Le risque de développer une tumeur controlatérale est plus élevé en cas de tumeur RH négative, et la proba- Mots-clés Cancer du sein Signature génomique Facteurs pronostiques Hormonothérapie Chimiothérapie Antiangiogénique Trastuzumab Inhibiteurs de PARP Highlights The genomic signatures allow the subclassifications of breast cancers and clearly demonstrate their ability in prognosis and prediction to therapy. Amongst the subclasses: there is a major impact of HER2-targeted treatment on the prognosis of HER2-overexpressing tumors; the luminal A and B are tumors expressing hormonal receptors, with low proliferation and a good prognosis for luminal A and high proliferation and a less good prognosis for luminal B. The last group is represented by the basallike tumors, mainly triple-negative tumors (ER–, PR– and HER2–). This last group demonstrates the worst prognosis due to the lack of targeted therapy. However, despite the numerous studies using microarray technology, immunochemistry with evaluation of proliferation with Ki67 and receptors ER, PR and HER2 allows the subclassification of breast tumors, needed for therapy. Considering the adjuvant endocrine treatment, there is no superiority of the sequential approach over an aromatase inhibitor upfront. A meta-analysis did not demonstrate any impact on global survival of aromatase inhibitors. The impact of diphosphonate on disease-free survival raises the issue of their activity either on the metastatic spread or direct antitumoral effect. The prognostic value of lymph node micrometastases is still debated but with more data in favour of a pejorative value. A new class of therapeutic agents, PARP inhibitors, may be promising, particularly in triple negative tumors or BRCA deficient tumors. In three large randomized trials, bevacizumab demonstrates a benefit in progression free survival without clear benefit on overall survival to date. Keywords Breast cancer Genomic signature Prognostic factors Endocrine therapy Chemotherapy Anti-angiogenic Trastuzumab PARP inhibitors La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 1 - janvier 2010 | 9 DOSSIER THÉMATIQUE Rétrospective 2009 Cancer du sein bilité que cette tumeur soit RH négative est 10 fois plus élevée que pour la population générale (21). La méta-analyse d’une dizaine d’études sur l’ovariosalpingectomie prophylactique chez les femmes porteuses de mutations BRCA1 ou BRCA2 confirme une réduction aussi significative (HR = 0,47) du risque de cancer du sein que du risque de cancer de l’ovaire ou de la trompe dans les deux groupes (22). La tibolone est un stéroïde de synthèse utilisé dans la prévention des symptômes de la ménopause et la prévention de l’ostéoporose. Un essai en double aveugle (LIBERATE) contre placebo chez 3 148 patientes opérées d’un cancer du sein et souffrant de bouffées de chaleur montre, après un suivi médian de 3 ans, une augmentation du risque de récidive de cancer du sein (15,2 contre 10,7 % ; p = 0,0001) [23]. Les recommandations de l’ASCO pour la chimioprévention du cancer du sein ont été réactualisées : chez les femmes à risque élevé, la prise de tamoxifène réduit le risque de cancer du sein invasif RH+ au-delà de 10 ans de suivi ; chez les femmes ménopausées, le raloxifène peut être utilisé à la place du tamoxifène avec moins de risque thromboembolique, de pathologies utérines bénignes et de cataractes. Aucun bénéfice en SG n’a été démontré, et l’utilisation d’inhibiteurs de l’aromatase, de fenrétinide ou d’autres agents n’est pas recommandée en dehors d’essais thérapeutiques (24). L’hyperinsulinémie évaluée par la mesure du taux d’insuline chez 93 000 femmes suivies dans le cadre de l’étude observationnelle WHI comparativement à des témoins était associée, comme l’obésité (IMC > 30), à un risque accru de cancer du sein chez celles ne prenant pas de THS (25). adjuvant présentait un avantage en termes de SSR par rapport au groupe GS+ sans traitement. Cette étude, non randomisée, fait date quant à la valeur péjorative des micrométastases ganglionnaires, qui reste controversée. Ainsi, l’étude prospective du John Wayne Cancer Institute chez 790 patientes comparant pN0, pNi+, pN1mi et pN1 (soit > 2 mm) ne retrouve une valeur péjorative que de l’atteinte ganglionnaire macrométastatique (pN1), et non des autres groupes (pNi+, pNmi) [27]. Une étude française multicentrique a montré, sur 195 patientes, la faisabilité (90 % d’identification) et la fiabilité (11 % de faux positifs) du ganglion sentinelle après chimiothérapie néoadjuvante (28). Une étude randomisée a évalué, chez 141 patientes ayant un lymphœdème après un cancer du sein, l’effet aggravant du bodybuilding sur le gros bras. Le volume du bras n’a pas été modifié entre les deux groupes, mais le nombre d’épisodes d’aggravation du gros bras ainsi que certains symptômes articulaires ont été diminués dans le groupe avec exercice (29). ◆ IRM préopératoire L’utilisation de l’imagerie par IRM en préopératoire dans le cancer du sein semble avoir augmenté – probablement par la mise en évidence d’autres images suspectes dans le sein – le taux de mastectomies aux États-Unis, comme le montre une étude de la Mayo Clinic. Alors que le taux de mastectomies était passé de 45 à 31 % entre 1997 et 2003, il est remonté à 41 % en 2006, cette augmentation étant corrélée avec l’utilisation de l’IRM, sans démonstration d’un bénéfice en termes de survie ou de contrôle local (30). Radiothérapie Traitement locorégional Chirurgie ◆ Ganglion sentinelle L’étude hollandaise MIRROR publiée dans le New England Journal of Medicine a comparé rétrospectivement 856 patientes avec un ganglion sentinelle négatif et 856 autres ayant un ganglion sentinelle positif pour des micrométastases (soit cellules tumorales isolées [pN0i+], soit pN1mi [entre 0,2 et 2 mm]) mais n’ayant pas reçu de traitement adjuvant, ainsi qu’un troisième groupe de 955 patientes avec GS positif ayant reçu un traitement adjuvant (26). Avec un suivi médian de 5 ans, la SSR était moindre en cas de micrométastases ganglionnaires (pN0i+, pN1mi). En revanche, le groupe GS+ ayant reçu un traitement 10 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 1 - janvier 2010 Une revue sur la radiothérapie dans le cancer du sein suivant une chirurgie conservatrice a été publiée par Buchholz dans le New England Journal of Medicine (31). D’après une étude rétrospective sur 6 428 patientes traitées en Colombie britannique, en l’absence de chimiothérapie après chirurgie, attendre jusqu’à 20 semaines avant de commencer l’irradiation ne semble pas préjudiciable à l’efficacité de la radiothérapie (32). Le traitement locorégional dans le cancer du sein d’emblée métastatique semble avoir un impact sur la SG, comme l’ont montré des séries chirurgicales. De même, l’irradiation exclusive semble être une alternative, comme l’a montré l’analyse rétrospective de 581 patientes du centre René-Huguenin, qui confirme l’impact bénéfique en analyse multivariée (33). DOSSIER THÉMATIQUE L’analyse de l’essai N9831 comparant une chimiothérapie seule à une chimiothérapie plus trastuzumab, soit de manière séquentielle soit de manière concomitante, a porté sur l’impact de la radiothérapie, lorsqu’elle est indiquée, sur le taux d’événements cardiaques (34). Elle n’a pas montré d’incidence de l’irradiation concomitante avec le trastuzumab sur la cardiotoxicité. Une nouvelle étude sur des survivants de cancers de l’enfance confirme l’augmentation du risque de cancer du sein en rapport avec l’irradiation mammaire chez les filles entre 10 et 20 ans, mais montre aussi un effet protecteur d’une irradiation des ovaires supérieure à 5 Gy sur ce risque, comme si l’absence d’hormone stimulatrice du développement mammaire diminuait le risque d’apparition d’un cancer du sein (35). Une autre étude montre aussi que la réduction du volume mammaire irradié, comme la réduction de la fonction ovarienne, réduit le risque d’apparition d’un cancer du sein après une maladie de Hodgkin (36). La récidive locale après traitement conservateur suivi d’irradiation est associée à une réduction de la survie globale, d’après l’analyse de plusieurs essais du NSABP (B-13, B-14, B-19, B-20 et B-23) ayant inclus 3 799 patientes (37). Traitement adjuvant Les nouvelles recommandations 2009 du Consensus de Saint-Gall intègrent les RH avec un seuil de positivité de 1 % et non > 10 % comme en France pour l’hormonothérapie, la mesure de la prolifération y compris par le score de récidive déterminé par Oncotype DX®, HER2 comme un facteur de décision de chimiothérapie associée à un traitement ciblé, y compris pour les petites tumeurs (38). L’ensemble des paramètres de la discussion concernant l’utilisation ou non d’une chimiothérapie adjuvante, des conséquences sur la fertilité ou des modalités de l’hormonothérapie chez une femme non ménopausée sont bien discutés dans un case report du New England Journal of Medicine (39). Hormonothérapie La méta-analyse des essais comparant les inhibiteurs de l’aromatase au tamoxifène a été publiée par M. Dowsett dans le Journal of Clinical Oncology, avec Richard Peto dans le cadre du groupe EBCTCG (40). Sur une première cohorte de 9 856 patientes (essais ATAC et BIG 98-1), elle compare un inhibi- teur de l’aromatase (IA) d’emblée pendant 5 ans au tamoxifène, et montre une réduction de 2,9 % du risque de récidive (p < 0,0001), mais la différence n’est pas significative en SG. Sur une deuxième cohorte de 9 105 patientes (essais ITA, ABCSG VIII, IES, GABCG) comparant un schéma séquentiel – tamoxifène 2 ou 3 ans suivi d’IA – à tamoxifène 5 ans, on retrouve un bénéfice significatif en SSR mais aussi en SG de 0,7 % (p = 0,02). C’est cet avantage significatif mais très modeste qui a fait discuter la supériorité d’un schéma séquentiel sur un schéma par IA d’emblée. Cette notion n’est pas confirmée par l’essai BIG 98, qui compare deux bras séquentiels (tamoxifène puis létrozole, et létrozole puis tamoxifène) au bras considéré comme la référence, le bras létrozole d’emblée pendant 5 ans. On observe l’équivalence de la séquence commençant par le létrozole avec le bras de référence et l’absence de bénéfice du bras séquentiel commençant par du tamoxifène. Certains en déduisent qu’il vaut mieux commencer d’emblée par le traitement le plus efficace, c’est-à-dire l’inhibiteur de l’aromatase (41). Cependant, aucune différence entre ces schémas de traitement n’est statistiquement significative. Le tamoxifène garde donc un rôle important et fait l’objet d’une revue dans le British Journal of Cancer par l’équipe de Cambridge (42). L’étude ZIPP comparait, selon un plan bifactoriel, l’adjonction ou non de tamoxifène pendant 2 ans et l’ajout ou non d’un agoniste de la LH-RH. Dans cet essai sur 2 700 patientes non ménopausées ayant reçu ou non de la chimiothérapie, les trois groupes recevant de l’hormonothérapie (tamoxifène seul, Zoladex® seul ou les associations) avaient une réduction du risque de récidive et de décès significative par rapport au groupe témoin sans hormonothérapie, avec 11 ans de recul médian. Le bénéfice de Zoladex® seul était aussi important que celui du tamoxifène seul, et il existait une tendance non statistiquement significative en faveur du bras association (43). Les réactions de tolérance de la patiente au traitement, et, surtout, certains polymorphismes génétiques, peuvent être associés au bénéfice de l’hormonothérapie adjuvante ou non. Ainsi, une nouvelle étude montre que l’efficacité du tamoxifène est peut-être liée au cytochrome CYP 2D6 (44). Une étude annexe de l’essai ATAC qui comparait l’anastrozole au tamoxifène montre qu’il existe une corrélation entre l’apparition de bouffées de chaleur et/ou d’arthralgies au cours des trois premiers mois de traitement et l’efficacité de l’hormonothérapie adjuvante, quel que soit le bras de traitement (45). La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 1 - janvier 2010 | 11 DOSSIER THÉMATIQUE Rétrospective 2009 Cancer du sein Chimiothérapie ◆ Le rôle des taxanes Le rôle des taxanes reste débattu dans la chimiothérapie adjuvante. Ainsi, le suivi à plus de 7 ans de l’essai US Oncology 9735 comparant 4 cycles d’AC à 4 cycles de TC (docétaxel-cyclophosphamide) confirme la supériorité du TC en SSR mais aussi en SG (46). L’essai européen (ECTOBC) sur 1 355 patients évaluant l’addition de paclitaxel à une chimiothérapie adjuvante ou néoadjuvante par doxorubicine suivie de CMF montre une amélioration de la SSR (47). Cependant, le grand essai anglais UK TACT comparant, chez 4 162 patientes, 4 cycles de FEC60 suivis de 4 cycles de docétaxel 100 à une chimiothérapie sans taxanes (8 FEC60 ou épirubine puis CMF) n’a pas montré de bénéfice en SSR de l’ajout de taxanes après plus de 5 ans de recul (48, 49). Malgré donc l’intérêt des taxanes, les anthracyclines restent recommandées dans la chimiothérapie adjuvante du cancer du sein, selon une revue complète de L. Gianni parue dans le Journal of Clinical Oncology (50). On notera un essai belge qui ne retrouve pas de supériorité des anthracyclines par rapport au CMF, à la différence d’autres études (51). ◆ Autres produits En oncogériatrie, un résultat important a été apporté par un essai qui comparait, en situation adjuvante chez des patientes de plus de 65 ans pN+ ou pN–, de la capécitabine seule à un traitement classique par CMF ou AC. L’essai a été interrompu avant la fin prévue des inclusions (dès la 600e patiente) en raison d’un taux de récidive significativement plus important dans le bras capécitabine seule. Cette étude montre que, malgré les discussions sur le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante chez les patientes les plus âgées, si une chimiothérapie est décidée, il faut éviter un sous-traitement (52). L’étude FinXX a comparé, chez 1 500 patientes soit pN+, soit pN0 à haut risque, 3 cycles de docétaxel suivis de 3 cycles de FEC à 3 cycles de docétaxelcapécitabine suivis de 3 cycles de CEX (cyclophosphamide, épirubicine, capécitabine). Avec un recul de 3 ans, le taux de SSR est de 93 % dans le bras avec capécitabine, contre 89 % sans (p = 0,02) [53]. En revanche, le taux de modifications du traitement était de près de 24 % dans le bras avec capécitabine, contre 3 % dans le bras de référence. Après plusieurs présentations en congrès, les résultats de l’essai INT0100 ont enfin été publiés par K. Albain (54). Chez 1 558 patientes pN+, RH+, cette étude comparait, selon un plan bifactoriel, d’une part, l’apport d’une chimiothérapie de type CAF associée à du tamoxifène par rapport au tamoxifène seul et, d’autre part, la différence entre un schéma concomitant chimiothérapie + tamoxifène (CAFT) et un schéma séquentiel CAF suivi de tamoxifène (CAF-T). Après 9 ans de suivi médian, l’association chimiothérapie-tamoxifène était supérieure au tamoxifène seul en SSR et, marginalement, en SG (p = 0,057). On observait une tendance mais non significative en faveur d’une infériorité du schéma concomitant chimio-hormonothérapie par rapport au séquentiel, étayant la recommandation classique de ne commencer l’hormonothérapie qu’après la fin de la chimiothérapie. L’odorat est perturbé pendant la chimiothérapie quelle qu’elle soit, mais surtout chez les patientes plus âgées. Le goût est surtout perturbé sous taxanes (55). Thérapies ciblées L’apport du trastuzumab pour les tumeurs HER2+ est maintenant bien établi (56). Cependant, l’indication d’un traitement adjuvant pour les petites tumeurs HER2+ (< 1 cm) sans atteinte ganglionnaire reste discutée. Même dans ces cas globalement favorables, le statut HER2 reste un élément péjoratif pouvant justifier une chimiothérapie associée au trastuzumab. Ainsi, chez 965 patientes du MD Anderson Cancer Center ayant une petite tumeur de moins de 1 cm (T1a et b), HER2 était surexprimé dans 10 % des cas et, en analyse multivariée, était un facteur défavorable indépendant, avec une SSR de 77,1 % contre 93,7 % pour les HER2– (p < 0,001) [57]. De même, une étude européenne de 150 cas de tumeurs HER2+ sur 2 130 T1a et b retrouve une valeur péjorative, en particulier pour les tumeurs RH+ (58). Le niveau d’amplification d’HER2+ ne semble pas représenter un facteur discriminant. Dans l’essai HERA comparant chimiothérapie seule et associée à du trastuzumab, une analyse centralisée par FISH chez 2 071 patientes n’a pas montré de relation entre le niveau d’amplification d’HER2 (nombre de copies, ratio/centromère ou polysomie) et le bénéfice du trastuzumab retrouvé dans tous les sous-groupes (59). La durée optimale du traitement par trastuzumab reste aussi à déterminer. L’essai finlandais FinHER, qui évaluait l’ajout de 3 mois de trastuzumab à la chimiothérapie, a été actualisé (60). Cette étude en plan bifactoriel comparait 3 cycles de docétaxel suivis de 3 cycles de FEC à 3 cycles de vinorelbine puis 3 cycles de FEC. La SSR était supérieure dans le bras avec docétaxel. Pour le groupe HER2+, A T j j 12 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 1 - janvier 2010 DOSSIER THÉMATIQUE Rétrospective 2009 Cancer du sein la différence entre trastuzumab ou non n’est plus significative, sauf dans le sous-groupe docétaxel + trastuzumab puis FEC à docétaxel-FEC. Les diphosphonates L’étude autrichienne ABCSG 12, randomisée à 4 bras, menée chez des patientes non ménopausées et ne recevant pas de chimiothérapie adjuvante, comparait tamoxifène versus agonistes – IA ± diphosphonates. L’analyse de la survie sans maladie présentée au congrès de l’ASCO en session plénière n’a pas permis de montrer de bénéfice des IA par rapport au tamoxifène. La deuxième analyse de cette étude a porté sur l’ajout du zolédronate, avec des résultats impressionnants : le zolédronate réduit le risque relatif de rechute de 36 %, de manière très significative (HR = 0,64 ; p = 0,011). Ce résultat s’observe pour tous les types de rechute : locorégionale, à distance, voire controlatérale, et dans tous les sous-groupes (taille, grade, âge, RO, RP, pN, type de traitement hormonal). Ces résultats se confirment en survie sans rechute, mais on ne peut pas encore observer de bénéfice en SG (61). Dans ce contexte, il faut noter la démonstration d’un effet supérieur du dénosumab (anticorps antiRANK ligand) par rapport aux diphosphonates dans le traitement de l’ostéoporose bénigne (62). Néoadjuvant Dans un essai randomisé en néoadjuvant, un groupe allemand a comparé une chimiothérapie par épirubicine-paclitaxel toutes les 3 semaines à un schéma avec les mêmes produits, mais toutes les 2 semaines, selon un schéma dose-dense (IDD), chez 668 patientes (63). Le schéma dose-dense était supérieur en taux de réponse histologique complète (pCR) et non en SG, mais aux dépens d’une plus grande hématotoxicité. Cette étude, plus que le schéma dose-dense, pose aussi la question de l’utilisation optimale du paclitaxel. Une étude sur 104 patientes a montré qu’une standardized uptake value (SUV) de la tumeur inférieure à 3 en PET scan avant traitement était associée à une faible probabilité de réponse, et qu’une baisse de la SUV supérieure à 45 % entre l’inclusion et le premier ou le second cycle était prédictive d’une réponse histologique complète (64). La prolifération est un élément prédictif important dans la chimiothérapie néoadjuvante, où un score GGI (Genomic Grade Index), qui permet de classer les grades II entre grade I ou III, lorsqu’il est élevé, est 14 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 1 - janvier 2010 associé à un taux de pCR plus élevé (65). De même, le taux de prolifération mesuré par le Ki67 sur la tumeur résiduelle des patientes mauvaises répondeuses est un élément pronostique important (66). De façon surprenante, l’équipe du MD Anderson Cancer Center a observé une augmentation du taux de pCR sous l’antidiabétique oral metformine chez les patientes non insulinodépendantes recevant une chimiothérapie néoadjuvante (67). Il faut noter que les effectifs étaient faibles. L’effet antitumoral des antidiabétiques est en cours d’exploration dans des essais prospectifs de plus grande taille. Une étude de phase II randomisée comparant l’association létrozole et évérolimus (inhibiteur de mTOR) au létrozole seul a montré une augmentation de la réponse clinique et de la prolifération mesurée par le Ki67 avec l’association (68). Cancer métastatique Le CECOG (Central European Oncology Group) a publié les résultats d’une troisième réunion de consensus sur la stratégie thérapeutique dans les cancers du sein métastatiques, reposant sur l’analyse des études publiées ou présentées lors des grands congrès internationaux (69). Les différentes options sont présentées en insistant sur la prise en charge individuelle des patientes en fonction des caractéristiques cliniques et biologiques. Hormonothérapie FIRST, étude de phase II randomisée, évaluait en première ligne métastatique le fulvestrant (avec une dose de charge de 500 mg à J1 et J14) à l’anastrozole (1 mg/j) [70]. Le bénéfice clinique (réponse objective et stabilisation > 6 mois) représentait l’objectif principal. Il est similaire dans les deux bras : 72,5 % pour le fulvestrant et 67 % pour l’anastrozole, de même que le taux de réponse objective. Il existe une tendance en faveur du fulvestrant pour le temps jusqu’à progression, mais elle est à interpréter dans les limites d’un essai de phase II randomisé. Chimiothérapie L’ESO (European School of Oncology) a publié les recommandations de la stratégie de chimiothérapie de première ligne, notamment sur le choix entre utilisation séquentielle et association (71). La monothérapie utilisée en séquentiel est recommandée en l’absence de progression viscérale rapide impliquant DOSSIER THÉMATIQUE le pronostic vital et la nécessité de contrôler rapidement les symptômes et/ou la maladie. Mais, comme avec le CECOG, le point est mis sur l’absence de consensus comme celui existant en situation adjuvante et sur la nécessité d’adapter les traitements de façon individuelle. Une étude de phase III a comparé l’association doxorubicine liposomale pégylée (30 mg/m²) + docétaxel (60 mg/m²) versus docétaxel en monothérapie (75 mg/m²) en première ligne métastatique chez des patientes ayant reçu des anthracyclines en situation adjuvante ou néoadjuvante mais avec un intervalle libre de plus de 1 an (72). L’association doxorubicine liposomale-docétaxel par rapport au docétaxel en monothérapie améliore de façon significative le temps jusqu’à progression (de 7 à 9,8 mois, p = 0,000001) et le taux de réponse objective (de 26 à 35 %, p = 0,0085). Il n’existe pas de différence en SG. En termes de tolérance, l’association entraîne plus de syndromes mains-pieds (24 % versus 0 %) et de mucites (12 % versus 1 %). La toxicité cardiaque a été observée chez 5 % des patientes dans le bras association, versus 1 % dans le bras docétaxel en monothérapie. Le temps jusqu’à échec du traitement est de 5,1 mois pour l’association, versus 4,7 mois pour la monothérapie. Le nab paclitaxel (Abraxane®) a été développé pour éviter les toxicités liées au crémophore contenu dans le paclitaxel. Une étude de phase II randomisée comportant 4 bras a évalué en première ligne métastatique le nab paclitaxel administré soit en schéma hebdomadaire (100 mg/m² ou 150 mg/m²) soit toutes les 3 semaines (300 mg/m²), et le docétaxel administré toutes les 3 semaines (100 mg/m²) [73]. Le nab paclitaxel 150 mg/m²/sem. est supérieur au docétaxel en termes de survie sans progression (SSP) : 12,9 versus 7,5 mois (p = 0,0065). Les effets indésirables de grade 3 ou 4 du type fatigue, neutropénie et neutropénie fébrile sont moins fréquents avec le nab paclitaxel. L’incidence des neuropathies apparaît similaire. Un essai de phase III a comparé l’association gemcitabine-docétaxel à l’association capécitabinedocétaxel (74). Il n’y a pas de différence entre ces deux associations en termes de réponse objective, de temps jusqu’à progression et de SG. Le temps jusqu’à échec du traitement est supérieur dans le bras gemcitabine, mais il faut souligner que, dans l’autre bras, la capécitabine était prescrite à la dose de 2 500 mg/m²/j. Les études précliniques et quelques petites études rétrospectives suggèrent que les cancers du sein présentant une altération fonctionnelle de BRCA1 ou BRCA2 ont une sensibilité accrue aux agents cytotoxiques causant des lésions double-brin. Une étude hollandaise a évalué la sensibilité à la première ligne de chimiothérapie dans une population de tumeurs BRCA1/BRCA2 comparée à une population de tumeurs sporadiques appariée en fonction de l’âge, de l’âge lors de la survenue du cancer du sein et de la détection des métastases (75). Les cancers du sein associés à BRCA2 se révèlent plus sensibles à la première ligne de chimiothérapie, et plus particulièrement aux anthracyclines, que les cas sporadiques. En ce qui concerne BRCA1, il n’y avait pas de différence significative observée. Thérapies ciblées ◆ Inhibiteurs de PARP Le ciblage des mécanismes de réparation de l’ADN représente une nouvelle opportunité thérapeutique. Un certain nombre de cancers du sein sont héréditaires et associés à une mutation germinale des gènes BRCA1 et BRCA2. De plus, ces deux gènes sont retrouvés inactivés dans des cas sporadiques par mutations ou, plus souvent, par modifications épigénétiques. BRCA1 et BRCA2 sont tous deux nécessaires pour la réparation de l’ADN par recombinaison homologue. Ce mécanisme de réparation est d’autant plus important dans les cellules si un autre circuit de réparation, notamment simple-brin, est bloqué. Dans les cellules normales, l’inhibition d’une enzyme cruciale pour cette recombinaison simple brin, la poly-ADP ribose polymérase (PARP1), n’entraîne pas d’effet majeur, les cassures simple-brin pouvant être réparées par recombinaison homologue. Par contre, les tumeurs déficientes en BRCA1 et BRCA2 apparaissent très sensibles aux inhibiteurs de PARP. Ce concept de “synthetic lethality” a donc été la base du développement des inhibiteurs de PARP, notamment dans les tumeurs BRCA1/BRCA2 et les tumeurs triple négatives. Une étude de phase I de l’olaparib administré par voie orale (AZD2281) a été conduite au Royal Marsden, avec enrichissement de la population BRCA1/2 (76). La dose maximale tolérée était de 400 mg deux fois par jour. La tolérance a été satisfaisante, et une activité antitumorale a été observée uniquement dans la population BRCA1/2 mutée. À l’ASCO 2009, les résultats d’une phase II randomisée évaluant l’association intraveineuse d’un inhibiteur de PARP, le BSI-201, à une chimiothérapie par carboplatine et gemcitabine par rapport à la chimiothérapie seule chez 123 patientes ayant un cancer du sein métastatique triple négatif ont La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 1 - janvier 2010 | 15 DOSSIER THÉMATIQUE Rétrospective 2009 Cancer du sein été présentés (77). Les résultats préliminaires ont porté sur les 86 premières patientes et montrent un triplement du taux de réponse, qui passe de 16 % dans le bras témoin à 48 % avec l’inhibiteur de PARP. La SSP passe de 3,3 à 6,9 mois (p < 0,0001) et la SG de 5,7 à 9,2 mois (p = 0,0005). Concernant la tolérance, le BSI-201 n’augmentait pas la toxicité de la chimiothérapie. Un autre essai de phase II de cohorte séquentielle évaluait 2 doses d’olaparib administré en monothérapie par voie orale, en 2 prises quotidiennes, l’une de 400 mg × 2/j et l’autre de 100 mg × 2/j (78). Les patientes étaient toutes porteuses d’une mutation confirmée de BRCA1 ou BRCA2, et avaient déjà reçu au moins une ligne de chimiothérapie pour la maladie métastatique. Le taux de réponse objective était de 41 % dans la cohorte 400 mg × 2/j et de 22 % dans la cohorte 100 mg × 2/j, traduisant un effet antitumoral dose-dépendant. La SSP était de 3,8 mois à la dose de 100 mg × 2/j et de 5,7 mois à la dose de 400 mg ×2/j. La tolérance était satisfaisante, avec asthénie (grade 3 : 15 %) et nausées (grade 3 : 19 %). Ces études valident le concept de traitement ciblant spécifiquement la réparation de l’ADN dans les tumeurs ayant une mutation de BRCA1 ou 2. Ces résultats préliminaires doivent être confirmés par des études de phase III au stade métastatique. ◆ Antiangiogéniques Le bévacizumab (Avastin®) est l’antiangiogénique le plus avancé en développement dans les cancers du sein, avec trois essais de phase III en première ligne métastatique. Après l’essai E2100 (79), les essais de phase III (AVADO et RIBBON1) se sont révélés positifs en termes d’augmentation du temps jusqu’à progression et du taux de réponse objective (80, 81). L’essai AVADO comparait docétaxel 100 mg/m² + placebo à docétaxel 100 mg/m² + bévacizumab 7,5 ou 15 mg/kg. Après l’ASCO 2008, les résultats ont été représentés à San Antonio cette année avec un suivi médian plus long de 25 mois. L’addition du bévacizumab 15 mg/kg au docétaxel fait passer le temps jusqu’à progression de 8,1 mois à 10 mois (p = 0,0002) et le taux de réponse objective de 44 % à 63 %. L’essai RIBBON1 a été présenté à l’ASCO. Il s’agit d’un essai de phase III avec bras contrôle placebo évaluant l’apport du bévacizumab dans deux cohortes de patientes traitées soit par capécitabine, soit par taxane ou anthracycline. Dans la cohorte capécitabine, l’addition du bévacizumab se traduit par un allongement du temps jusqu’à progression de 5,7 à 8,6 mois (p = 0,0002) et par une augmentation du taux de réponse, qui passe de 23,6 à 35,4 %. De 16 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 1 - janvier 2010 même, il existe une différence significative dans la cohorte traitée par taxane ou anthracycline en termes de temps jusqu’à progression (8 mois versus 9,2 mois, p < 0,0001) et de taux de réponse objective (37,9 % versus 51,3 %). À ce jour, aucun de ces essais randomisés n’a montré un avantage en SG. Plus récemment, l’essai RIBBON2, évaluant l’apport du bévacizumab à une chimiothérapie de deuxième ligne, s’est révélé positif en termes de temps jusqu’à progression (82). Une autre approche antiangiogénique est représentée par les inhibiteurs de tyrosine kinase ciblant différents récepteurs membranaires (VEGFR, PDGFR). Cette année, trois essais randomisés ont été présentés à San Antonio. Un essai de phase III comparant le sunitinib (Sutent®) à la capécitabine dans les cancers du sein métastatiques s’est révélé négatif, soulignant l’absence d’efficacité d’un antiangiogénique administré en monothérapie dans les cancers du sein métastatiques, à la différence d’autres pathologies, notamment les cancers du rein, où l’angiogenèse joue un rôle majeur. De même, le sorafénib (Nexavar®), administré en monothérapie, ne présente pas d’activité dans les cancers du sein métastatiques (83). Deux essais de phase II randomisés ont évalué le sorafénib en association avec une chimiothérapie, soit par capécitabine (84) soit par paclitaxel (85), dans les cancers du sein métastatiques. Ces deux essais montrent un allongement du temps jusqu’à progression avec le sorafénib, au prix d’une toxicité essentiellement représentée par un syndrome mains-pieds. Ces données doivent être confirmées par des essais de phase III. ◆ Anti-HER2 Avant l’ère du trastuzumab, la surexpression d’HER2 représentait un facteur de mauvais pronostic majeur dans les cancers du sein métastatiques. Une étude rétrospective du MD Anderson Cancer Center montre que les patientes présentant une tumeur du sein HER2+ traitées par trastuzumab présentent une survie meilleure que la population HER2– (86). Malgré cette amélioration du pronostic sous trastuzumab, la survenue d’une résistance apparaît inéluctable dans la grande majorité des cas, et la survenue de métastases cérébrales représente un problème fréquent. De nouvelles approches thérapeutiques sont donc nécessaires, avec soit de nouveaux inhibiteurs du récepteur HER2, soit l’association à des inhibiteurs des signaux de transduction (87). La surexpression d’HER2 est un facteur pronostique et prédictif pour le développement de métastases DOSSIER THÉMATIQUE cérébrales, qui surviennent chez 30 à 50 % des patientes. Le traitement par trastuzumab n’est pas associé à une incidence plus élevée de localisations secondaires à ce niveau, mais apparaît bénéfique pour le contrôle de la maladie à distance (88). Un large essai de phase II (242 patientes) a évalué l’activité du lapatinib chez des patientes présentant des métastases cérébrales progressant après trastuzumab et radiothérapie cérébrale (89). Si le taux de réponse objective selon les critères RECIST n’était que de 6 %, il était observé une réponse volumétrique à l’IRM dans 21 % des cas, corrélée à la survie sans progression cérébrale. De plus, les patientes, lors de la progression sous lapatinib, pouvaient recevoir l’association capécitabine-lapatinib : le taux de réponse volumétrique était de 40 %. Les tumeurs du sein HER2+ RH+ sont peu sensibles à l’hormonothérapie, du fait de l’existence d’interactions entre les circuits de signalisation de ces deux voies. L’association de thérapeutiques anti-HER2 à une hormonothérapie par inhibiteur de l’aromatase a été évaluée dans deux essais de phase III. Le premier essai (étude TANDEM) comparait anastrozole et anastrozole-trastuzumab (207 patientes). L’ajout du trastuzumab à l’anastrozole entraîne une augmentation de la SSP, qui passe de 2,4 mois à 4,8 mois (p = 0,0016) [90]. Dans le second essai (91), le létrozole est associé au lapatinib. L’ajout du lapatinib au létrozole entraîne une augmentation de la SSP, qui passe de 3 à 8,2 mois (p = 0,019). La valeur du dosage sérique de l’extra-cellular domain (ECD) est controversée. Une publication a analysé le dosage séquentiel de l’ECD chez 322 patientes traitées dans le cadre de quatre essais cliniques comprenant du trastuzumab (92). Il n’a pas été retrouvé de corrélation entre ECD et réponse ou temps jusqu’à progression. Il n’est donc pas recommandé de doser l’ECD en pratique courante pour monitorer la réponse au trastuzumab. Le lapatinib associé au paclitaxel est bénéfique uniquement dans la population dont la tumeur présente une amplification d’HER2 (93). La poursuite du blocage de la voie HER2 est importante même après la progression sous trastuzumab. De nombreuses données rétrospectives étaient en faveur de cette attitude thérapeutique. Deux essais prospectifs confirment cette approche. Le premier essai comparait, après progression sous trastuzumab, l’association capécitabine-trastuzumab à la capécitabine seule (94). La poursuite du trastuzumab se traduit par une augmentation de la SSP, qui passe de 5,6 mois à 8,2 mois, et par une augmentation du taux de réponse, qui passe de 27 % à 48 %. L’autre essai comparait, dans la même situation, le lapatinib monothérapie versus lapatinib-trastuzumab : la poursuite du trastuzumab non seulement s’accompagne d’une augmentation de la SSP, mais elle entraîne aussi une augmentation significative de la SG, traduisant l’intérêt potentiel d’un blocage complet du récepteur HER2 (95). ■ Références bibliographiques 1. Ghosh D, Griswold J, Erman M, Pangborn W. Structural basis for androgen specificity and oestrogen synthesis in human aromatase. Nature 2009;457(7226):219-23. 2. Shah SP, Morin RD, Khattra et al. Mutational evolution in a lobular breast tumour profiled at single nucleotide resolution. Nature 2009;461(7265):809-13. 3. Prat A, Perou CM. Mammary development meets cancer genomics. Nat Med 2009;15(8):842-4. 4. Sotiriou C, Pusztai L. Gene-expression signatures in breast cancer. N Engl J Med 2009;360(8):790-800. 5. Parker JS, Mullins M, Cheang MC et al. Supervised risk predictor of breast cancer based on intrinsic subtypes. 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