L’ Le traitement de l’hépatite C ou le fruit défendu ? ÉDITORIAL

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ÉDITORIAL
Le traitement de l’hépatite C
ou le fruit défendu ?
L’
arbre de la connaissance nous offre ce fruit défendu qu’est le traitement
de l’hépatite C. Ce traitement permet de guérir plus de 9 patients sur 10.
Ces bons résultats sont confirmés dans les études de cohortes et les études
en “vie réelle” qui sont comparables aux résultats obtenus dans les essais cliniques, alors
que les patients traités en “vie réelle” sont plus complexes que ceux inclus dans les essais
thérapeutiques. Ce traitement permet d’améliorer la qualité de vie et le pronostic de ces
patients. Le fait d’être guéri de l’hépatite C diminue la mortalité et le risque de complications
hépatiques et extra-hépatiques, notamment cardiovasculaires (1). Vous en voulez encore ?
Une étude récente montre un lien statistique fort entre VHC et maladie de Parkinson (2)…
Tout cela avec des traitements simples, per os, et globalement bien tolérés…
Pr Philippe Sogni
Université Paris-Descartes ;
INSERM USM20 – Institut Pasteur ;
service d’hépatologie, hôpital
Cochin, AP-HP.
1. Dhumeaux D (dir) ; ANRS ;
AFEF. Prise en charge des
personnes infectées par les
virus de l’hépatite B ou de
l’hépatite C. Rapport 2014.
Disponible en ligne :
http://goo.gl/Lin767
2. Tsai HH, Liou HH, Muo CH
et al. Hepatitis C virus infection
as a risk factor for Parkinson
disease: a nationwide cohort
study. Neurology 2015 Dec 23
(Epub ahead of print).
3. Recommandations AFEF sur
la prise en charge des hépatites
virales C. Février 2016.
Disponible en ligne :
http://goo.gl/zAKrco
Voilà les données médicales. Mais l’arbre de la connaissance et le paradis,
pas plus que l’enfer d’ailleurs, ne sont du domaine du champ médical. Ce paradis
est devenu le domaine de l’économie de santé et des négociations entre les autorités de
santé et les laboratoires pharmaceutiques souvent assorties de clauses de confidentialité
qui, comme leur nom l’indique, sont inaccessibles au commun des mortels. Évidemment,
c’est le meilleur négociateur qui gagne dans ce cas ! Et là, force est de constater que le prix
affiché de tous ces nouveaux médicaments, que ce soit pour l’hépatite C mais aussi
pour le cancer, le VIH ou les nouveaux médicaments anti-cholestérol est “diablement”
élevé ! Même si l’on sait que le coût réel est moins élevé que le prix face-face,
ces traitements du VHC sont-ils chers ? La réponse est oui. Ces traitements sont-ils
coût-efficaces ? La réponse est encore oui. Le prix va-t-il diminuer dans l’avenir ?
La réponse est probablement oui… Nous sommes bien loin de l’exercice médical,
du colloque singulier et de l’evidence-based medicine !
Ce fruit, attirant pour le patient et son médecin, est limité pour l’instant aux patients
les plus graves sur le plan hépatique, co-infectés par le VIH, avec des manifestations
extra-hépatiques invalidantes ou en péritransplantation. Une minorité des patients
“accèdent” donc à ce traitement, sans prise en compte de la qualité de vie ni de la prévention
individuelle ou collective. Les fameuses réunions
de concertation pluridisciplinaires VHC, labellisées par
le ministère de la Santé et par qui toute demande
de traitement doit être validée, sont entre 2 feux : appliquer
les recommandations des sociétés savantes comme
l’association française pour l’étude du foie (3) qui,
avec les associations de patients, plaident pour un traitement
élargi, ou bien appliquer les recommandations administratives
restrictives. Si l’on garde un œil sur ce qui se passe en Europe
en ce début 2016, il y a d’un côté les pays comme l’Allemagne,
la Pologne, le Portugal et bientôt l’Espagne, où tous
les patients peuvent être traités, et de l’autre la France, l’Angleterre
ou l’Italie, où les indications sont restreintes. Et en France,
gare aux contrôles des médecins inspecteurs de la caisse
primaire d’assurance maladie, car ils auront vite fait de nous
rappeler que nous pouvons consommer librement de tout
La chute d’Adam et Êve par
Antonio Rizzo (1476), Palais
dans le jardin “…mais de l’arbre de la connaissance du bien
des Doges, Venise.
et du mal, tu n’en mangeras pas…” (Genèse 2:17).
4 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 30 - n° 1-2 - janvier-juin 2016
0004_LPH 4
28/04/2016 16:56:47
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