Coordination des soins en urgence. Le point de vue des médecins généralistes. Introduction En France, la loi organisant la permanence de soins ambulatoires (PDSA) (16 avril 2013) et le parcours de santé du patient « loi du médecin traitant » (13 aout 2004) ou plus récemment (21juillet 2009) la loi Hôpital Patient Santé Territoire (HSPT) ont défini la médecine générale (MG) comme acteur de soins primaires. Le référentiel métier de 2009 a explicité les compétences d’un MG et son rôle de coordination1. En 2013, voulait « a ministre des affaires sociales et de la santé, Madame Marisol Touraine, voulait « …replacer l’individu au cœur du système de soins. Cela commence par la fin de l’opposition et du cloisonnement entre les soins ambulatoires et l’hôpital ». Quand un patient présente une urgence vraie ou ressentie, il peut soit consulter son MG en urgence, soit faire appel à la permanence de soins (dont les formes sont variées), soit se rendre directement dans un service d’urgence2. Le MG peut adresser le patient aux urgences et dans ce cas doit coordonner les soins. Le médecin urgentiste (MU) qui reçoit un patient peut faire appel au MG pour plus de renseignements, et à la sortie du patient, il doit rédiger un courrier (articles R 4127-59 et R 4127-64 du code de santé publique). Selon le code de déontologie médicale, une prise en charge urgente, globale, centrée sur le patient, nécessite une coordination dépendante d’une communication de qualité interprofessionnelle. La démographie médicale actuelle, confère aux MG, une charge de travail de plus en plus importante3. Le nombre de consultations aux urgences augmente chaque année4. La surcharge de travail dans ces deux corps de métier contribue à une augmentation du nombre de syndrome d’épuisement professionnel rendant parfois les relations difficiles5. L’objectif principal de cette étude était de recueillir les différentes visions des MG quant à leur rôle dans la coordination des soins en urgence. L’objectif secondaire était décrire les relations entre MG et MU et d’identifier les facteurs d’amélioration, gage d’une meilleure coordination au service du patient. Méthode Une étude qualitative, a été réalisée à l’aide d’entretiens semi-dirigés auprès de MG. Le choix de la méthode qualitative a été fait pour rester au plus près dans la description du vécu des MG, et ouvrir au maximum le champs des problématiques et des solutions abordées, qui n'aurait pu être obtenu par un questionnaire fermé réalisé à priori. Dans un premier temps, une revue bibliographique a été menée à l'aide de plusieurs moteurs de recherches (Cismef, Sudoc, Google Scholar, PUBMED) avec les mots « relation interprofessionnelle», « peer relation», « médecins généralistes », « general practice », « physician emergengy departement », « service d’urgence », « permanence de soins », « out of hours primary care ». Un guide d’entretien a été réalisé à partir de la revue bibliographique, et a été modifié au cours des entretiens, en fonction des thèmes abordés par les MG (annexe1). Ce guide a abordé le rôle du MG, la permanence de soins et le parcours de soins coordonné, les relations interprofessionnelles entre MG et médecins urgentistes, les outils de communication, et les améliorations possibles de la coordination. Les entretiens semi-dirigés ont été réalisés par l'auteur auprès de MG installés dans le bassin Stéphanois (Saint-Étienne, vallées de l’Ondaine et du Gier), à leur cabinet. Les MG ont été choisis par relation de proximité et effet boule de neige. Un échantillonnage raisonné a été effectué en recherche de variation maximale, selon les critères suivants : âge, lieu et ancienneté d’installation, exercice en maison médicale, avec associés ou seul, participation aux gardes ou astreintes dans le cadre de la permanence d’accès aux soins, diplômes complémentaires (capacité de médecine d’urgence ou le diplôme inter-universitaire d’urgences ou autres) et travail régulier en établissement hospitalier. Les entretiens ont été enregistrés, après consentement avec un dictaphone numérique, puis dactylographié intégralement, grâce au logiciel de traitement de texte WORD ® et anonymisés. Les entretiens n'étaient pas limités dans le temps et la durée, mais fonction du MG interviewé. Le nombre d'entretiens a été déterminé par l'obtention de la saturation des données. La saturation des données était considérée comme obtenue lorsqu’au cours d’un entretien, aucune nouvelle donnée n’apparaissait. Dans un premier temps, une analyse thématique de chaque entretien, a permis de dégager les thèmes abordés par les MG, puis une synthèse de ces thèmes a été réalisée pour la présentation des résultats. Pour limiter la subjectivité de l’encodage, et de l'analyse thématique une triangulation a été réalisée par l'auteur, et son directeur de thèse. Résultats 16 MG, 10 hommes et 6 femmes, exerçant majoritairement en ville et en groupe, depuis 18 ans en moyenne, ont été interviewés entre Novembre 2012 et Février 2013 (annexe2). Les entretiens (E) ont duré en moyenne près de 17 minutes, variant de 7 à 33 minutes. La saturation des données a été atteinte au quatorzième entretien, et confirmée par les deux derniers entretiens. Représentation du rôle des MG dans le parcours du patient en urgence Tous les MG interrogés ont défini leur profession comme une médecine de « soins primaires ». Cet accord fort s’est illustré par les termes de « pivot central » (E3), de « médecin de famille » (E3) ou encore de « premier recours » (E3, E7, E10), parfois en urgence : « J’appelle le 15, et j’essaie d’y aller rapidement » (E11). Des limites à la continuité des soins ont été soulignées : J’essaie d’être assez disponible […] dans la mesure où je suis là » (E6). Les MG se sont tous reconnus une compétence de coordination des soins « On est au centre de la coordination » (E9), et particulièrement en urgence, même si le mot n’était pas prononcé : « Déceler le caractère urgent et diriger le patient » (E8). La plupart des MG essayait d’éviter une hospitalisation : « J’essaie de garder au maximum les gens à la maison » (E1). Cet évitement a été encore plus marqué pour l’hospitalisation aux urgences décrites comme « surchargées », en privilégiant une hospitalisation directe dans un service spécifique : « Je me débrouille plutôt avec la spécialité concernée, et j'essaie de faire passer le moins possible mes patients au urgences » (E7), « j'essaie de leur trouver une place[…] plutôt que de les laisser attendre aux urgence » (E12). La majorité des MG ont dit orienter en dernier recours leurs patients dans les services d’accueil des urgences : « Globalement, on utilise très peu les urgences » (E15). Certains MG ont parlé d’ « éducation ». « Avant de se présenter spontanément aux urgences, le patient devrait avoir le réflexe d'appeler le médecin de famille pour savoir ce qu'il doit faire" (E3). Cette éducation a semblé nécessaire aux yeux des MG puisque « la loi du médecin traitant n’a absolument rien changé », avec des patients « manquants d’informations » (E1, E4, E10, E12). Pendant la PDSA, la régulation du centre 15, l’ouverture des « maisons médicales de gardes (MMG) » (E3, E4, E6, E11, E15), ou encore le système de « SOS médecin » (E4) en ville, ont été jugés imparfaits : « Il y a toujours des patients qui consultent directement les urgences sans passer par toi » (E6). Pour désengorger les services d’urgences, la moitié des MG interrogés a imaginé un tri des patients à l’entrée des urgences, avec « le droit pour les médecins urgentistes de réorienter directement " (E3), et parallèlement « un accueil permanent de médecine générale " (E7), autrement dit : " Un accueil des urgences bipolaire avec une régulation » (E14’). Certains ont repris l’idée « d’une unité d’urgence spécifique aux personnes âgées, proposée par le Pr Gonthier » (E7). Les deux systèmes, gériatrique et médecine générale, pourraient mieux prendre en charge « tout le côté psycho-social » (E15). Plusieurs MG ont identifié des limites à la modification de l’organisation du service des urgences : « Les consultations rapides sont un apport financier important pour l’hôpital » (E7). Un MG (E14) évoque « les déserts médicaux » dans certaines régions. Le problème du coût de la consultation, surtout en garde a clairement été décrit : « Il reste un frein à la maison médicale, il faut payer » (E6), « aux urgences, ils ne paient pas » (E15). Vécu des relations MG-MU Les relations des MG avec les MU étaient très hétérogènes oscillant entre l’excellence : "Très bonnes […] souvent amicales, le plus souvent cordiales " (E1) et « l’absence de relation » (E10, E13, E14, E15). La notion de relations « assez restreintes" (E6) est illustrée par un adjectif fort : « Anonymes, relations anonymes » (E4). La majorité des MG a décrit des relations parfois tendues : "Ça m'est arrivé de me faire jeter » (E6), « j’ai été parfois pas insultée, mais pas bien loin » (E7). La remise en question de l’indication de l’hospitalisation du patient par le MU a pu être source de conflits : « Vous pensez vraiment que c'est une urgence votre patient ? » (E13). « L’approche globale » biomédicale, mais aussi psycho-sociale, du patient est parfois mal comprise par le MU. L’admission en urgence des personnes âgées illustrent ce problème pour les MG : « Des fois, les mamies ce n'est pas des vraies urgences mais si on les envoie c'est qu'on ne peux plus les gérer à la maison » (E2), « les personnes âgées sont très mal reçues » (E7). Cette incompréhension donne parfois l’impression d’un jugement du MG par le MU : « Des fois c'est un peu dur, les médecins urgentistes ne comprennent pas du tout ce qu'on fait, ils n'ont peut être jamais vu de la médecine de campagne… un œil un peu critique comme si on était mauvais » (E2). La « courtoisie » (E6) a été retrouvée comme un gage de « qualité de prise en charge des patients » (E6). Pour la moitié des MG, les difficultés relationnelles avec les MU étaient « un problème de communication " (E3). Plusieurs MG ont souligné l’importance de l’humilité : « Rester modeste […] on a besoin de tout le monde, c'est compliqué l'urgence […] l'arbre peut cacher la forêt […] ne pas se prendre pour le grand YAKA qui sait tout " (E8). Pour mieux se comprendre et garantir cette modestie, des échanges sont proposés : "Il faut que chacun se mette à la place des autres " (E1), « certains urgentistes, qui ont la grosse tête, devraient passer une fois dans leur vie dans les cabinets de médecine générale … si ils avaient été à notre place, ils auraient fait exactement pareil " (E2) et inversement, un MG a « envie d’y aller de temps en temps, une après-midi, de bosser avec eux » (E11). Des « enseignements post-universitaires (EPU) » (E11), des « réunions » (E15) sont aussi envisagés. À l’inverse, un MG (ancien urgentiste) ne ressent pas le besoin d’améliorer la coordination des soins entre MG et MU, car il en est très « satisfait » (E10). La moitié des MG interrogés a décrit cette hétérogénéité relationnelle comme « personnelsdépendants et urgences-dépendantes » (E9). Les urgences des cliniques privées et des centres hospitaliers généraux (CHG), sont préférées aux urgences du centre hospitalouniversitaire (CHU) : « Relations plus simples avec les urgentistes de cliniques » (E14), « à St Chamond, les relations se passent très bien, […] au CHU c'est différent […] ils sont un peu en décalage avec notre pratique » (E9), « À Firminy, […] ils sont plutôt bien reçus et gentiment si c'est urgent, alors qu'à Nord, ils sont odieux" (E7). Pour certains MG, si on connaît personnellement le MU, les relations sont meilleures : « Je connais tous les vieux et tous les vieux me connaissent […] espèce de solidarité " (E14’), « moi, c'est biaisé, car je les connais tous à Firminy » (E1). Enfin, certains ont noté une « évolution positive » (E11), puisqu’avant il y avait un « vrai mur entre les urgences et le cabinet de médecine générale » (E3). Améliorer la coordination et la communication par des outils Lorsqu’ils adressent un patient aux urgences, la quasi-totalité des MG a déclaré rédiger des courriers, qu’ils donnent au patient ou aux ambulanciers : « Les patients partent tout le temps avec un courrier dans les poches » (E13). Le contenu des courriers a été décrit comme « suffisamment explicatif » (E3), « détaillé » (E4), reprenant les antécédents, les allergies, le traitement, la clinique mais aussi formulant des hypothèses diagnostiques. Un MG a fait part de sa peur « d‘induire en erreur » (E8) et s’abstient donc d’hypothèses diagnostiques. Certains ont déclaré utiliser leur « logiciel informatique qui reprend les antécédents » (E3). Le dossier médical partagé (DMP) ou l’uniformisation des logiciels médicaux sont retrouvés comme outils facilitateurs. Le domicile et le fait de ne pas être informatisé (pour un MG) a imposé la forme manuscrite : dans ces situations, les MG insistent sur la lisibilité : « J’essaie de ne pas faire des torchons » (E6). Peu de MG ont évoqué la rédaction d’un courriel et de ses inconvénients : « On pourrait faire un mail, mais il va retomber où ? » (E4). L’appel téléphonique a été retrouvé en fonction du degré d’urgence : « Quand il doit être pris en charge rapidement » (E15), ou du contexte psycho-social : « Contexte particulier » (E13). Les MG ont appelé plus facilement les cliniques ou les CHG du fait de l’accessibilité des MU et ont déploré l’absence de présentation de l’interlocuteur, « les gens qu’on a au téléphone ne se présentent jamais». Certains MG ont souligné que la différence entre les secteurs public et privé, les poussent à appeler la clinique : « À l’hôpital, on sait qu’ils vont se débrouiller pour le prendre en charge… service public […] à la clinique, on va se méfier…» (E4). Peu de MG (E3, E4, E9, E15) ont déclaré téléphoner systématiquement aux urgences le plus souvent par « manque de temps » (E4, E11). Certains MG se sont déclarés « disponibles » si les MU les rappellent pour des informations complémentaires (E3, E6). Un MG passait directement dans le service d’urgences concerné : « Souvent je vais aux urgences le soir voir mes patients, et pour expliquer » (E11). Un accord fort s’est dégagé pour regretter l’absence, ou le retard de compte-rendu d’hospitalisation, en particulier quand le patient s’est rendu seul aux urgences : « Ils n'aiment pas recevoir de patients sans courrier, mais nous, on n'aime pas que les patients retournent chez eux sans savoir ce qui s'est passé" (E13). Un MG a trouvé « certains courriers inutiles » (E10). Là encore les MG ont noté une différence entre les cliniques, les CHG et le CHU : « Jamais de retour avec le CHU » (E9). Pour plusieurs MG « ça s’est amélioré » (E14) ; au contraire un MG a trouvé que la situation « s’est dégradée avec les années […] c’est désolant » (E13). Le compte-rendu, quand il existe, était soit « remis aux patients » (E4) soit reçu au cabinet et les MG le décrivaient comme « succinct » (E14) sous la forme d’une petite « fiche de transmission » (E3), avec « les résultats des examens complémentaires » (E10). Les MG décrivaient aussi « un vrai courrier, si le patient est resté plus longtemps » (E2). Ce compte rendu a été souhaité « systématique » (E5) et « très rapide, voire automatisé » (E4), il pourrait prendre la forme d’un courrier, mais « le fax, le téléphone et le courriel » (E11) ont été évoqués : « L’important, c'est de savoir ce qu'ils pensent du patient » (E5). Discussion La coordination de l’urgence dépend du système de soins et de ses limites. Si les MG interrogés s’approprient leur rôle de médecins de premiers recours, parfois en urgence, ils en perçoivent aussi les limites, comme l’organisation du système de soins en France. L’augmentation croissante, (4% par an depuis 1996), du nombre d’entrées aux urgences, a frôlé les 18 millions en 2011 (Statistiques annuelles des établissements de santé). Seul 1/3 des ces patients avait contacté un médecin au préalable6. Le rôle perçu de pivot du système de santé, en adéquation avec les définitions internationales des soins primaires, trouve sa limite dans sa description administrative par les entités publiques. La loi de la PDSA (16 avril 2003), la loi du parcours de soins coordonnés (13 aout 2004), et la loi HSPT (21 juillet 2009) donnaient l’impression d’un glissement vers un modèle de SP hiérarchisé et encadré comme pour le Royaume Uni7. Dans ces pays, un recours non approprié aux urgences, est sanctionné financièrement8. Parallèlement l’accès aux SP, contrairement à la France, bénéficie d’une dispense d’avance de frais. La PDSA est décrite comme souffrante par les MG de cette obligation de débours pour le patient, qui parfois, préfère consulter le service d’urgences plutôt que la MMG située, pourtant, le plus souvent au sein même de l’hôpital9. Pour certains MG interrogés la démographie déclinante serait responsable de l’arrêt de la PDSA en nuit profonde dans certaines zones et donc une limite à l’organisation du système de soins. Malgré un probable rebond d’installation depuis peu, la PDSA en nuit profonde a peu de chance de perdurer puisqu’elle représente pour les jeunes MG un obstacle à l’installation. Parallèlement, les institutions la jugent peu efficiente puisque pour 1 à 2 appels par nuit elle conduit à maintenir une astreinte rémunérée de secteur10. Certains MG ont abordé les difficultés structurelles des centres hospitaliers et cliniques. Pour eux, un hôpital en crise, endetté, dont le financement en vigueur depuis 2006 est basé sur le volume d’activité, aura du mal à se priver d’une source de revenu important, proportionnelle au nombre de passages aux urgences12. L’auto-régulation à l’entrée des urgences proposées par les MG semble acceptable par une majorité de patient (2/3), à condition que les horaires des MMG soient adaptées ainsi que la réalisation de certains gestes techniques7. Le nombre de passages aux urgences pourrait diminuer de près de la moitié, ce qui serait un manque à gagner évident pour la structure. De la même façon, le recrutement de certaines cliniques s’inscrit dans une logique comptable, où le court séjour chirurgical est préféré à un séjour en médecine, dont la durée moyenne d’hospitalisation est potentiellement plus importante11. Face aux limites du système de soins, les MG développent des stratégies d’évitement des urgences. Conscient de ce nombre important de passages et des difficultés des MU, les MG semblent privilégier les soins à domicile, les hospitalisations directes et l’éducation des patients. Le maintien à domicile est particulièrement d’actualité pour les personnes âgées. En France, 9% de la population en 2011 avait plus de 75 ans (source l’INSEE, 10 % dans la Loire). Les complexités bio-médicale (poly-pathologies) mais aussi psycho-sociale (fragilité) rendent les services d’urgences inadaptés aux yeux des MG12. L’hospitalisation directe, programmée, apparaît comme un facteur de qualité pour la prise en charge des patients, mais elle s’avère difficile compte tenu du peu de places dans les services, de délais trop longs, d’interlocuteurs disponibles et de manque de temps des MG13. Si tous les MG endossent le rôle de pivot, seuls certains endossent celui de coordinateur, et explique le parcours de soins idéal à leur patient et à leur famille, avec un souci d’éducation, mais en respectant les souhaits et le réseau de soins choisis par le patient. Ces derniers décrochent leur téléphone et tentent d’organiser le parcours de soins, en privilégiant les personnes ressources, en qui ils ont confiance. La peur d’un jugement par le praticien hospitalier, encore considéré par certains MG comme un supérieur hiérarchique, s’ajoute au manque de disponibilité et à la multiplicité des interlocuteurs, et rebutent certains MG14. Les MU essaient eux aussi d’optimiser l’organisation des soins, en particulier en aval des urgences. La Société Française de médecine d’urgence (SFMU) rappelle que l’accueil des urgences est une mission de service publique, et essaie de préciser les places respectives de l’activité programmée et non programmée15. La création d’un centre de consultations ambulatoires d’évaluation et d’orientation gériatrique (Pôle Gériatrique de l’Autonomie) à l’initiative du Pr Gonthier, à Saint Etienne, visant à limiter les passages aux urgences, s’inscrit dans cette organisation en aval. Relations entre MG et MU Les relations entre MG et MU se sont avérées très hétérogènes, allant d’un monde parfait à des « relations anonymes », peut être pour éviter les conflits. La remise en question de l’indication d’hospitalisation, et l’impression de jugement de leur pratique qui l’accompagne, sont pour les MG des sources de désaccord. L’impression de proximité semble préventive de ces conflits : les cliniques et les hôpitaux périphériques sont moins concernés. Les relations personnelles entre médecins, et le fait d’avoir travaillé dans un service d’urgence facilitent la communication. Certains MG ont constitué un réseau informel, ce qui facilite leur travail de coordination16. L’appel téléphonique systématique aux urgences par le MG, illustre cette notion de réseau informel, puisque les MG appellent plus facilement quand ils connaissent les MU. Dans ce réseau sont souhaités un courrier initial et un courrier retour. L’harmonisation des logiciels médicaux et un vrai dossier médical partagé, pourraient permettre une systématisation d’un courrier initial de qualité (détaillé et lisible) souhaité par les MG interrogés et par la discipline. Le renforcement des retours d’informations des soins secondaires et tertiaires vers les soins primaires est proposé par la discipline et garant d’efficience17-18. Ces retours sont encadrés par le code de déontologie (article 59 et 64) et par le code de santé publique (article R4127). La forme importe peu aux MG, puisqu’ils proposent aussi bien un fax ou un courriel ou encore à un coup de téléphone. La formation médicale continue est souvent décrite comme support pour des rencontres, qui constituerait les bases de ces réseaux informels. Une posture d’humilité et de courtoisie est proposée. Cette « empathie coordinatrice » propose de créer du lien en découvrant le monde de l’autre. Le MG pourrait participer aux gardes dans l’enceinte du service d’urgences, et le MU, à quelques journées de travail en soins primaires. Ces échanges de pratique, sous cette forme ou sous la forme de réunions, ont clairement pour objectif une amélioration de la prise en charge du patient17. Conclusion L’objectif principal de cette étude était de recueillir les différentes visions des MG quant à leur rôle dans la coordination des soins en urgence. L’ensemble des MG interrogés se définit comme acteur de soins primaires parfois dans le cadre de l’urgence. Les limites de la coordination sont les limites d’un système de soins qui malgré trois lois consécutives n’est pas vraiment organisé. L’absence de sanction financière pour les patients consultant directement les urgences et l’obligation de débours pour la PDSA sont des obstacles à la hiérarchisation. Un financement basé sur le volume d’activité pour les hôpitaux publics et un recrutement avec objectif de rentabilité pour les cliniques privées sont aussi des écueils à un parcours de soins efficient. Face à ses limites structurelles les MG privilégient les soins à domiciles ou les hospitalisations directes. Les MU essaient d’organiser les soins en aval des urgences, et certaines initiatives pallient les complexités comme celle du grand âge. L’objectif secondaire était décrire les relations entre MG et MU et d’identifier les facteurs d’amélioration, gage d’une meilleure coordination au service du patient. Pour éviter des relations « anonymes » voire conflictuels, les MG créent des réseaux informels de coordination où ils prônent l’humilité et la courtoisie. Ces liens pourraient devenir formels à l’occasion de formation médicale continue, ou d’échange de pratique avec des MG prêt à retourner aux urgences. Des logiciels médicaux harmonisés ou un dossier médical partagé seraient à leurs yeux gage d’un courrier initial de qualité. Le courrier retour leur paraît indispensable et garant d’efficience. Références 1. Groupe de travail de certification du CNGE. Les compétences de médecin généraliste. Exercer. 2005 ; 74 : 75-114. 2. 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From emergency department to general practitionner : evaluating emergency department communication and services to general . Emergency Medicine Australasia. 2007 August ;19,4 :346-52. Annexe 1 : Guide d’entretien Rôle du MG dans la coordination des soins Comment percevez-vous votre rôle de médecin généraliste dans la coordination des soins ? Relations interprofessionnelles entre MG et MU Comment pourriez-vous qualifier les relations que vous entretenez avec les médecins urgentistes ? Modes de communication entre MG et MU Comment adressez-vous vos patients aux urgences ? Quel compte-rendu du passage aux urgences de vos patients avez-vous ? Permanence des soins et parcours de soins coordonnés Comment les lois sur la permanence des soins et sur le choix du médecin traitant ont-t-elles modifiées votre pratique quotidienne ? Méthodes possibles d’amélioration à long terme des relations entre MG et MU Comment pourrait-on améliorer la coordination entre médecins généralistes et urgentistes ? Description de l’activité du médecin interrogé Sexe, Ancienneté et lieu d’exercice, cabinet seul ou de groupe, participation aux gardes dans le cadre de la PDSA, diplômes complémentaires, exercice complémentaire en milieu hospitalier ou en maison de retraite. Annexe 2 : Caractéristiques des MG interrogés ANCIENNETÉ SEXE LIEU D'EXERCICE MODE D'EXERCICE DIPLÔMES COMPL. EXERCICE REG. DANS UNE STRUCT. HOSP. PART. AUX GARDES DURÉE DES ENTRETIENS ENTRETIEN 1 2011 homme rurale seul aucun EHPAD oui 10'00 ENTRETIEN 2 1982 homme rurale de groupe médecine du sport, médecine agricole, médecin capitaine des pompiers EHPAD (médecin coordinateur), ADAPEI oui 11'24 ENTRETIEN 3 1988 femme urbaine de groupe médecine légale, médecine du sport urgences clinique mutualiste oui 11'50 ENTRETIEN 4 1988 homme urbaine de groupe aucun EHPAD plus depuis 2005 27'00 ENTRETIEN 5 1990 homme urbaine seul (associé avec des kinésithérapeut es) non 15'10 ENTRETIEN 6 2011 homme urbaine de groupe aucun centre pour personnes handicapés non 14'29 ENTRETIEN 7 1990 femme urbaine de groupe CAMU, DU de gynécologie, médecine du sport non participe à la régulation du centre 15 13'10 ENTRETIEN 8 1988 homme urbaine de groupe aucun centre pour polyhandicapés ENTRETIEN 9 2008 homme semi-rurale de groupe aucun non oui 11'05 ENTRETIEN 10 1996 femme urbaine de groupe DIU urgences pédiatriques attaché de pédiatrie en onco pédiatrique (ICL) oui 7'56 ENTRETIEN 11 1982 homme semi-rurale seul oxiologie (médecine d'urgence) EPHAD oui 22'15 ENTRETIEN 12 1998 femme urbaine de groupe DU gynécologiobstétrique EPHAD, ex attachée de gynécologie au CHU oui 12'55 ENTRETIEN 13 1995 femme rurale de groupe aucun EPHAD, crèche locale oui 24'28 1996 femme rurale de groupe aucun EPHAD, crêche oui de groupe CAMU, médecine catastrophe, oxiologie, DIU urgences pédiatriques EPHAD, crêche oui de groupe médecine physique et de vertébrothérapie, ostéopathie médicale, médecine du sport EPHAD oui prise en charge des centre Rimbaud toxicomanes 21'35 ENTRETIEN 14 32,51 2003 ENTRETIEN 15 1988 homme homme rurale semi-rurale 17'23 RÉSUMÉ Contexte : En France, entre 2003 et 2009, les institutions à travers les lois sur la permanence des soins ambulatoires, ou la loi du médecin traitant ou encore la loi hôpital santé territoire ont tenté d’organiser les soins dans le cadre de l’urgence. Objectifs : L’objectif principal de cette étude était de recueillir les différentes visions des médecins généralistes (MG) quant à leur rôle dans la coordination des soins en urgence. L’objectif secondaire était décrire les relations interprofessionnels médecins généralistes et urgentistes. Méthode : Une étude qualitative, par entretiens individuels semi-dirigés a été menée auprès de MG volontaires, exerçant dans le secteur de Saint Etienne. Une analyse thématique avec encodage à priori et étiquetage des données a été effectuée par deux chercheurs. Résultats et conclusions: La plupart des 16 MG interrogés endosse le rôle de coordinateur des soins en urgence. Les limites structurelles (obligation de débours des usagers des soins primaires, un financement basé sur le volume d’activité pour les hôpitaux et cliniques) sont des écueils à un parcours de soins efficient. Face à l’engorgement des urgences, les MG privilégient les soins à domiciles ou les hospitalisations directes et l’éducation des patients. Pour éviter des relations « anonymes » voire conflictuels, les MG créent des réseaux informels de coordination où ils prônent l’humilité et la courtoisie. Ces liens pourraient devenir formels à l’occasion de formation médicale continue, ou d’échange de pratique. Conclusions : La coordination apparaît limité par un système de soins non hiérarchisé où seuls des réseaux sont informels sont au service du patient. Mots-clés : Médecins généralistes Services d’urgence Relation interprofessionnelle Permanence de soins