Ischémie intestinale aiguë

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Urgence vasculaire
Sang Thrombose Vaisseaux 2004 ;
16, n° 10 : 553-8
Ischémie intestinale aiguë
Laurent Chiche, Amine Bahnini, Fabien Koskas, Edouard Kieffer
Service de chirurgie vasculaire, CHU Pitié-Salpêtrière, 47 bd de l’Hôpital, 75013 Paris
<[email protected]>
É
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tablir un diagnostic précoce de l’ischémie intestinale aiguë (IIA),
lorsque les lésions intestinales sont encore réversibles et accessibles
à un geste de revascularisation, est le seul moyen d’espérer en
améliorer le pronostic. Plusieurs facteurs participent à la constitution de cette redoutable urgence : le déficit d’apport sanguin ou la gêne au retour
veineux, du fait d’une embolie artérielle, d’une thrombose artérielle, d’un bas
débit cardiaque ou d’une thrombose veineuse ; certains facteurs pariétaux
intestinaux telles la distension pariétale, les thromboses vasculaires intramurales ou la vasoconstriction locale ; certains facteurs intraluminaux, incluant
l’activité tryptique et la flore bactérienne qui, dans des conditions d’ischémie,
peut rompre la barrière muqueuse et avoir des effets généraux médiés par de
puissantes endo- et exotoxines.
Ischémie intestinale d’origine artérielle
Dans plus de 40 % des cas, l’IIA est d’origine artérielle. L’occlusion peut être
due à une embolie sur artères saines, à point de départ cardiaque ou aortique, ou
à la thrombose d’une lésion athéromateuse préexistante.
Tableau clinique
Correspondance et tirés à part :
L. Chiche
Quelle que soit son étiologie, l’IIA débute par la survenue d’une douleur
abdominale aiguë, péri-ombilicale ou de l’hypochondre droit [1]. À type de
crampes, cette douleur entraîne une agitation intense et s’accompagne de
lipothymies ou d’un collapsus. Un hyperpéristaltisme entraîne l’émission précoce de selles. Les vomissements, rares à ce stade, doivent faire craindre la
constitution de l’infarctus intestinal.
L’examen clinique est pauvre au stade précoce. La température est inférieure à
38 °C. Il n’y a pas de défense abdominale. Une hyperleucocytose est habituelle
(> 20 000/mm3). La radiographie d’abdomen sans préparation montre parfois
une dilatation diffuse des anses intestinales.
De principe, le contraste entre un examen clinique pauvre et une douleur intense
doit faire évoquer une IIA, surtout chez les malades ayant des facteurs de risque
cardiovasculaire. En faveur du mécanisme embolique, plaide l’existence d’une
arythmie, d’un antécédent d’infarctus du myocarde, d’embolies simultanées
dans d’autres territoires (25 % à 40 % des malades ayant une embolie de l’artère
mésentérique supérieure (AMS)), ou d’une pathologie valvulaire cardiaque. En
faveur du mécanisme thrombotique, plaide la présence d’une artériopathie
oblitérante chronique des membres inférieurs, d’antécédents de chirurgie vasSTV, n° 10, vol. 16, décembre 2004
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Suspicion clinique d'IIA
Souffrance
péritonéale
Pas de souffrance
péritonéale
Laparotomie
exploratrice
Tomodensitométrie ou
angiographie
Thrombose ou embolie
artérielle
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Laparotomie exploratrice
Thrombose veineuse
mésentérique
IIA non occlusive
Thrombolyse si risque
élevé
Recherche d'une
hypercoagulabilité
Instillation papavérine
Amélioration clinique
Pas d'amélioration
clinique
Surveillance
Laparotomie
exploratrice
Asymptomatique
Surveillance
(anticoagulants ?)
Symptomatique
Héparine puis AVK
Souffrance péritonéale
Laparotomie exploratrice
Figure 1. Conduite à tenir devant une suspicion d’ischémie intestinale aiguë (IIA).
culaire, de douleurs abdominales post-prandiales, d’amaigrissement et de diarrhée évoquant une ischémie intestinale
chronique.
En l’absence de traitement apparaissent rapidement des
signes péritonéaux, une diarrhée sanglante, de la fièvre ou
une hypothermie. Un état de choc hypovolémique avec
hémocentration et acidose métabolique sévère, parfois accompagné d’une coagulation intravasculaire disséminée,
s’installe secondairement. Au stade de choc septique, la
nécrose digestive est évidente et le pronostic est désastreux.
décompensation d’une artériopathie chronique sont observées des calcifications artérielles ou une circulation collatérale. Aucun aspect intestinal tomodensitométrique n’est
pathognomonique de l’IIA [4, 5]. Un épaississement de la
paroi intestinale (26 % à 96 % des cas) reflète l’œdème
muqueux et l’hémorragie. Maximal en cas de surinfection
pariétale ou de thrombose veineuse mésentérique, il peut
être absent ou remplacé, en cas d’ischémie évoluée, par un
amincissement extrême. Une dilatation intestinale, tradui-
Diagnostic
L’intérêt des examens biologiques est faible au stade précédant l’infarctus, du fait de l’absence de spécificité des
anomalies observées (hyperamylasémie, augmentation des
phosphatases alcalines, hyperleucocytose...).
Les malades ayant des signes péritonéaux, un choc hypovolémique ou une acidose métabolique doivent sans délai
avoir une laparotomie exploratrice (figure 1). En dehors de
ces cas, se discute l’intérêt des examens d’imagerie, au
premier rang desquels se trouve la tomodensitométrie.
La sensibilité de la tomodensitométrie pour le diagnostic de
l’IIA (82 %) rejoint celle de l’angiographie. L’examen permet d’éliminer d’autres diagnostics (pancréatite aiguë, occlusion intestinale, péritonite aiguë, pathologie tumorale...)
et fournit une étude simultanée de la paroi intestinale et des
structures vasculaires [2, 3]. Les embolies, sténoses ou
thromboses artérielles, sont dépistées dans les territoires
splanchniques et extra-splanchniques (figure 2). En cas de
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Figure 2. Tomodensitométrie montrant une occlusion embolique de l’artère mésentérique supérieure (flèche fine) et une
ischémie intestinale avancée avec pneumatose et niveau
hydro-aérique (flèche large).
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sant l’interruption du péristaltisme, est observée dans 56 %
à 91 % des cas d’infarctus. Strictement gazeuse ou parfois
responsable de la formation de niveaux hydroaériques, elle
est rapportée dans 40 % des cas encore réversibles. Une
infiltration de la graisse mésentérique et une ascite réactionnelle sont respectivement observées dans 68 % et 49 %
à 88 % des cas, sans pouvoir préjuger du degré d’avancement de l’affection. Un hyposignal pariétal traduit l’œdème
muqueux. Inversement, une hémorragie intramurale provoque après injection de contraste un rehaussement localisé
du signal, distinct du rehaussement plus diffus témoignant
de l’hyperémie et de l’hyperperfusion réactionnelles dans
les segments ischémiques. La présence d’air au sein de la
paroi intestinale (pneumatose) ou du retour veineux porte
évoquent d’emblée une IIA non réversible. Un pneumopéritoine s’y associe au stade ultime de la perforation. Trois
pièges sont à éviter : un segment colique ischémique peut
être le siège d’un spasme extrême, simulant une colite
spasmodique en l’absence d’infiltration graisseuse mésentérique ou d’anomalie de signal pariétal ; l’appréciation de
l’épaisseur pariétale est délicate dans les segments coliques
très distendus ; enfin, une dilatation intestinale avec des
niveaux hydro-aériques peut être interprétée à tort comme
un syndrome occlusif, principalement en l’absence d’épaississement pariétal.
L’artériographie, restée jusqu’à l’avènement de la tomodensitométrie l’examen de choix en cas de suspicion d’IIA,
doit être effectuée chez des malades hémodynamiquement
stables et bien hydratés. Les emboles de l’AMS siègent
habituellement à 4-6 cm de son origine, immédiatement en
aval de l’artère colique supérieure droite. L’aspect est celui
d’un arrêt cupuliforme du produit de contraste, plus ou
moins complet. Des emboles associés peuvent être logés
dans les autres artères viscérales (tronc cœliaque, artères
rénales) ou dans celles des membres inférieurs. Les thromboses intéressent en général l’origine de l’AMS et du tronc
cœliaque. L’artériographie permet de dépister des lésions
occlusives athéroscléreuses des autres artères viscérales,
d’apprécier la circulation collatérale et la qualité de l’aorte.
Elle renseigne sur l’intensité du spasme, fréquemment associé aux IIA quelle que soit leur cause, et peut être complétée
de l’instillation directe de papavérine dans l’AMS. Néanmoins, sa valeur n’est pas absolue. D’authentiques lésions
occlusives chroniques des artères digestives peuvent être
asymptomatiques et n’impliquent pas l’existence d’une
souffrance intestinale. Enfin, une artériographie normale
n’exclue pas la survenue d’un infarctus digestif par bas
débit cardiaque et vasoconstriction splanchnique. Elle ne
doit en aucun cas différer la laparotomie en présence de
signes péritonéaux.
Traitement
Une courte préparation comportant la correction rapide de
l’hypovolémie et de l’acidose métabolique, l’administration d’une antibiothérapie à large spectre, d’héparine et de
vasodilatateurs, précède la revascularisation et la résection
intestinale [6, 7]. L’inspection intestinale complète est systématique. L’aspect peut être sensiblement normal en cas
d’intervention précoce, l’ischémie étant marquée par une
pâleur anormale des anses et par l’absence de battement
dans les arcades bordantes. En cas d’ischémie évoluée, les
zones infarcies ont un aspect violacé puis verdâtre. Des
pulsations artérielles mésentérique supérieure, hépatique et
mésentérique inférieure doivent être recherchées. La qualité de l’aorte et des artères iliaques doit être appréciée. Une
thrombose de l’origine de l’AMS entraîne une ischémie
étendue de l’angle duodéno-jéjunal à l’angle colique gauche. Une embolie bloquée en aval de l’artère colique supérieure droite entraîne une ischémie qui épargne les premières anses jéjunales, le côlon transverse, le côlon gauche et le
rectum. De petits emboles distaux entraînent des ischémies
segmentaires du grêle séparées par des zones saines. Le
constat d’une nécrose digestive massive signifie que l’intervention est trop tardive.
La tactique de revascularisation peut être déterminée avant
l’intervention, lorsque la cause de l’IIA a été authentifiée
par la tomodensitométrie ou par l’artériographie, ou durant
celle-ci, selon l’étiologie supposée de l’occlusion artérielle.
La topographie distale de l’ischémie et l’existence d’artères
saines à la palpation plaident en faveur de l’embolie. L’existence d’artères pathologiques et l’extension proximale de
l’ischémie viscérale orientent vers une thrombose. Dans
tous les cas, la revascularisation précède le traitement des
lésions digestives.
Les embolies de l’AMS, les plus habituelles du fait de son
angle de naissance, relèvent d’une embolectomie à la sonde
de Fogarty, en choisissant judicieusement le siège et le type
de l’artériotomie de manière à ne pas obérer en cas d’échec
les possibilités de revascularisation ultérieure par pontage
ou réimplantation. L’instillation locale de vasodilatateurs
(papavérine) contribue à lever le spasme associé. En cas de
thrombose d’une lésion athéromateuse, le pontage veineux
sur l’AMS est la technique de choix [8]. L’origine peut en
être l’aorte supra-cœliaque (pontage antérograde), l’aorte
sous-rénale ou une artère iliaque (pontage rétrograde).
L’utilisation d’un matériel prothétique est formellement
déconseillée dans le contexte septique. Lorsque l’aorte
sous-rénale est suffisamment souple, il est parfois possible
d’y réimplanter directement l’AMS. Plus rarement sont
pratiqués un pontage aorto-hépatique, une anastomose
latéro-latérale entre les artères iléo-cœco-colo-
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appendiculaire et iliaque droite ou la réimplantation de
l’artère splénique distale dans l’aorte. L’héparinothérapie
est poursuivie à l’issue de l’intervention.
La place du traitement endovasculaire reste à définir. Il peut
s’agir d’une thrombo-aspiration des embolies proximales,
isolée ou associée à une fibrinolyse. Visant à obtenir la
reperméation de lésions plus distales, cette dernière peut
être effectuée d’emblée isolément à condition que n’existe
aucun doute clinique ou tomodensitométrique concernant
la viabilité intestinale, en pratique chez des malades n’ayant
aucun signe d’irritation péritonéale et souffrant depuis
moins de 6 heures. La disparition des douleurs signe l’efficacité thérapeutique. Un traitement chirurgical doit être
rapidement entrepris en l’absence de reperméation artérielle ou devant l’apparition de signes d’irritation péritonéale dans les quatre heures suivant le début de la fibrinolyse.
En cas de thrombose aiguë de lésions occlusives chroniques, peut être discutée une recanalisation mécanique ou
par agents fibrinolytiques, complétée d’une angioplastie
percutanée de la lésion initiale avec ou sans interposition
d’une endoprothèse. Ce traitement, dont l’efficacité à long
terme reste à évaluer, ne dispense néanmoins pas d’une
exploration des lésions digestives.
L’intestin doit être soigneusement évalué dans les 30 minutes suivant la revascularisation pour déterminer la nécessité
et l’étendue de la résection. Sa couleur, sa contractilité, son
épaisseur et la réapparition de battements visibles ou palpables dans l’arcade bordante sont des critères cliniques
d’autant plus difficiles à apprécier qu’il existe une instabilité hémodynamique. L’utilisation d’une sonde Doppler ou
l’injection de fluorescéine sont pour certains d’une aide
déterminante [9]. La résection intestinale devrait uniquement concerner les zones nettement infarcies. Les zones
douteuses doivent être laissées en place, en planifiant une
réintervention de principe après 24 h à 48 h, y compris chez
des malades dont l’état clinique se serait amélioré. Aucune
anastomose digestive ne doit être effectuée, l’ischémie et le
sepsis majorant le risque de fuite anastomotique. L’aspect
des stomies permet de surveiller la viabilité intestinale dans
les suites de l’intervention. Les pertes digestives doivent
être mesurées et compensées par une hyperalimentation
parentérale, relayée par une alimentation entérale par nutripompe. Enfin, l’antibiothérapie doit être poursuivie jusqu’à
disparition complète du syndrome septique.
Ischémie intestinale non occlusive
L’IIA non occlusive survient en l’absence de lésion des
vaisseaux splanchniques. Elle est due à un bas débit cardiaque et à une diminution du débit mésentérique. Environ
556
80 % des malades ont des troubles cardiaques sévères
incluant une défaillance cardiaque aiguë ou chronique, des
antécédents d’infarctus du myocarde ou d’angor. Plus de la
moitié d’entre eux ont également une fibrillation auriculaire ou autres troubles du rythme pouvant à tort faire
suspecter une embolie. L’incidence de l’IIA non occlusive
n’est pas connue précisément en raison de son caractère
souvent réversible. Néanmoins, sa fréquence est en constante augmentation et elle représente plus de 50 % des cas
d’infarctus intestinal.
Tableau clinique
Une fois installé, il diffère peu de celui rencontré lors des
IIA d’origine occlusive. La douleur abdominale, rarement
très importante et le plus souvent d’évolution progressive,
peut être masquée par un état général critique. Une diarrhée
sanglante précoce, des vomissements ou une hématémèse
seraient plus fréquents dans l’IIA non occlusive que dans
les autres étiologies et constituent parfois les premiers
signes de l’infarctus intestinal. Une acidose métabolique
inexpliquée et un choc hypovolémique doivent attirer l’attention sur la possibilité d’une IIA débutante chez des
malades de réanimation, en état critique ou en défaillance
cardiaque grave. Les digitaliques, les vasopresseurs et les
alcaloïdes de l’ergot de seigle peuvent aggraver l’IIA en
réduisant un débit sanguin splanchnique déjà critique.
Diagnostic
La tomodensitométrie peut montrer des artères anatomiquement normales mais de calibre grêle du fait de la vasoconstriction locale et du spasme. L’aspect est superposable
à celui de l’artériographie. Cette dernière permet en outre
d’effectuer des injections sélectives complémentaires dans
l’AMS, afin d’éliminer l’existence d’une thrombose veineuse mésentérique et d’administrer localement un bolus
initial de 30 mg à 60 mg de papavérine.
Traitement
En l’absence de signe de souffrance péritonéale, l’instillation de vasodilatateurs locaux (30 à 60 mg/h) pendant 24 h
est le traitement le plus efficace. Le cathéter servant à la
perfusion de papavérine ne doit pas être utilisé pour la
perfusion simultanée d’héparine, du fait des risques de
précipitation dans la tubulure. Une hypotension artérielle
sévère peut survenir en cas de défaillance hépatique, responsable d’une diminution de la clairance de la papavérine
et imposant l’arrêt du traitement, ou plus simplement en
raison du déplacement du cathéter hors de l’AMS. Une
surveillance artériographique est systématique pour éliminer une occlusion segmentaire des vaisseaux mésentériques
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et contrôler la disparition du vasospasme. La laparotomie
devient impérative en cas d’apparition de signes d’irritation
péritonéale, d’une acidose métabolique inexpliquée ou en
cas de persistance d’un état de choc.
Le pronostic des infarctus intestinaux secondaires à une IIA
non occlusive est extrêmement mauvais du fait de la pathologie cardiaque causale. Le taux de mortalité d’environ
80 % justifie une attitude agressive associant angiographie
et vasodilatateurs intra-artériels avant l’apparition des signes péritonéaux.
Ischémie intestinale par thrombose veineuse
Les thromboses veineuses représentent moins de 10 % des
IIA. Elles peuvent être dues à un traumatisme direct, à une
lésion iatrogène lors d’exérèses pancréatiques ou coliques
ou être consécutives à des états d’hypercoagulabilité (déficit en antithrombine III, en protéine C, en protéine S, en
cofacteur II de l’héparine, résistance à la protéine C activée,
mutation du facteur V Leiden, maladie de Vaquez, cryofibrinogénémie, hyperplaquettose, contraceptifs oraux, grossesse, post-partum, hémopathies...). Elles peuvent également être secondaires à un sepsis intra-abdominal, un
cancer, une occlusion mécanique du grêle, une maladie
intestinale inflammatoire, une hypertension portale, une
pancréatite aiguë ou chronique. Dans 10 % des cas, aucune
étiologie n’est retrouvée [10].
Tableau clinique
Le diagnostic clinique d’IIA par thrombose veineuse mésentérique est difficile. Le tableau clinique évoque habituellement une évolution rapide vers l’infarctus en cas de
thrombose secondaire à une pathologie intra-abdominale.
En cas de thrombose secondaire à un état d’hypercoagulabilité, l’installation des symptômes est plus insidieuse, associant une vague douleur abdominale évoluant depuis
plusieurs semaines, une distension abdominale et une diarrhée avec nausées et décalage thermique. L’examen clinique, souvent pauvre, montre une douleur abdominale provoquée, une diminution des bruits hydroaériques, un état de
déshydratation modérée. Une hyperleucocytose y est associée. L’apparition de signes péritonéaux, d’un état de choc
et d’un méléna au toucher rectal signent la présence d’un
infarctus dont le pronostic est désastreux.
du produit de contraste dans l’aorte, un aspect de spasme de
l’AMS et de ses branches, une raréfaction des branches
artérielles distales, une prolongation du temps artériel audelà de 40 secondes, une absence d’opacification de la
veine mésentérique supérieure au-delà de 40 secondes, une
intense opacification des parois intestinales épaissies et une
visibilité de produit de contraste dans la lumière intestinale.
La tomodensitométrie est l’examen clé (figure 3). Elle affirme le diagnostic avec certitude dans 70 % à 90 % des cas.
L’aspect typique est celui d’un halo veineux hyperintense
entourant une zone centrale de faible signal, d’autant plus
intense que le thrombus s’est récemment constitué. Une
dilatation notable de la veine mésentérique supérieure et un
réseau veineux collatéral peuvent l’accompagner. Le retentissement intestinal de la thrombose est également caractéristique. L’épaississement pariétal, traduisant l’œdème interstitiel, l’hémorragie intramurale et l’infiltration
inflammatoire sont plus marqués qu’en cas d’IIA d’origine
artérielle, du fait de la gêne au retour veineux. Les autres
signes sont la persistance anormale du contraste au sein de
la paroi, une dilatation intestinale et l’existence de projections polypoïdes intraluminales. Un infarctus intestinal
avancé est suspecté devant la présence d’un pneumopéritoine, par perforation intestinale, ou par la présence d’air au
sein de la circulation veineuse mésentérique ou portale,
secondaire à la gangrène de la paroi colique.
Traitement
Les malades n’ayant aucun signe péritonéal peuvent être
initialement traités médicalement par remplissage vasculaire, antibiothérapie et aspiration gastrique, associés au
Diagnostic
Les radiographies sans préparation montrent habituellement un aspect d’occlusion diffuse du grêle avec des niveaux liquides et des anses dilatées. Les signes angiographiques de thrombose veineuse mésentérique sont un reflux
Figure 3. Tomodensitométrie montrant l’épaississement de la
paroi intestinale (flèches) observé au cours d’une thrombose
veineuse mésentérique supérieure.
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traitement plus spécifique de la thrombose. Tous, hormis
ceux ayant extériorisé une hémorragie digestive, reçoivent
un bolus de 5000 unités d’héparine suivi d’une perfusion
continue adaptée au TCA. Un relais précoce par antivitamines K est recommandé. L’administration d’une
thrombolyse suivie d’une anticoagulation efficace a exceptionnellement été proposée.
L’intervention s’impose d’emblée en présence de signes
péritonéaux ou évoquant un infarctus intestinal. La conservation d’une pulsatilité artérielle bordant des segments
intestinaux noirs violacés, œdématiés ou plus tardivement
le siège d’un exsudat séro-fibrineux ou de perforations,
affirme le diagnostic. La thrombectomie veineuse à l’aide
d’une sonde de Fogarty doit être considérée si l’on palpe un
thrombus proximal récent. Une fois la veine désobstruée, il
faut réséquer toutes les zones intestinales infarcies sans
rétablir la continuité, en réalisant autant de stomies que
nécessaire. Le nombre d’anses réséquées est souvent inférieur à celui observé en cas de pathologie artérielle, mais la
démarcation entre les anses viables et les anses nécrosées
est plus difficile à affirmer. Une réintervention est souvent
indispensable. La prévention d’une thrombose itérative impose une anticoagulation orale à long terme et le traitement
de la maladie causale. Le taux de mortalité de l’IIA d’origine veineuse, corrélé au degré d’extension du processus
thrombotique, à l’importance du développement d’un réseau collatéral, au délai diagnostique et à la présence de
comorbidités, avoisine 30 % malgré l’ensemble de ces mesures. ■
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