Récit des faits

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Procès de 3 membres de DMD à Avilés (Asturies – Espagne) – 24/25 mai 2016:
Récit des faits
María Luisa demande à DMD “la même aide que celle accordée à Ramón Sampedro*(1)”.
María Luisa avait 49 ans quand, en décembre 2011, elle envoya un courrier à l'association DMD de Madrid,
dans lequel elle demandait “la même aide que celle accordée à Ramón Sampedro”, c’est-à-dire une aide à
mourir. “Les tensions nerveuses que j'ai subies font que je marche très lentement et que je n'ai pas d'autre
idée en tête que celle de chercher à mourir”. Son état mental (trouble de la personnalité accompagné de
dépression, selon le parquet) et les douleurs dont elle souffrait l'avaient amenée à tenter de se suicider en
cinq occasions. Par ailleurs, elle avait quitté Madrid pour aller vivre dans un petit village de la province de
Valladolid avec sa mère de 81 ans, vu les mauvaises relations qu'elle entretenait avec son compagnon et son
fils de 17 ans. “Quand je dis à mes frères et soeurs que je veux mourir, ils disent qu'ils s'en foutent et qu'ils
ne veulent rien savoir”.
DMD lui répondit que l'association offre à ses membres des conseils sur les décisions posibles en fin de vie
quand ils remplissent trois conditions: aggravation irréversible de leur état de santé, souffrance intolérable
et capacité pour prendre des décisions. “Tu parles de Ramón Sampedro, mais ta situation est très différente
de celle d'une personne tétraplégique qui dépend totalement des autres, pour mourir aussi. Si tu étais dans
une situation irréversible et si ta volonté de mourir était sérieuse et claire, l'aide que tu sollicites dépendrait
du respect de ta decision par ta famille.”
María Luisa répondit le jour même en précisant quelle était sa situation: “quand je parle avec ma famille, ils
me disent que je me débrouille”; “je crois qu'ils respecteraient ma décision, mais je ne peux pas mêler mon
fils mineur à ça”; “Je ne peux pas supporter beaucoup plus longtemps cette souffrance, j’ai essayé de me
pendre et je me suis cassé le dos, j'ai des douleurs continuelles et je souffre de vertiges à cause de
problème de cervicales”; “je me suis injecté – sans savoir le faire – un anesthésique ou quelque chose
comme ça - dans les poignets”. “J'espère que vous pourrez m'aider!”
Après ce courrier, l’association n'as plus rien su de María Luisa jusqu'après la détention de José María C.
(29/6/2012).
María Luisa entre en contact avec José María et se suicide, sans que FM en aie connaissance.
Selon le parquet, en mars 2012, María Luisa entra en contact avec José María C., bénévole au bureau de
DMD de Catalogne. Après quelques mois, José María et María Luisa décidèrent de se rencontrer le 17 mai à
Valladolid. José María lui remettrait du Pentobarbital Sodique contre 6.000 euros. Ils sont ensuite allés tous
les deux à Avilés, où ils se sont séparés. Elle a pris une chambre d'hôtel, ingéré le pentobarbital mélangé à
un jus de fruit, et est décédée le jour même, en laissant une lettre de suicide. Huit billets de 500€ ont été
trouvés au domicile de José María par la police le 29/06/2012.
Selon ses déclarations, José María avait l’intention d’essayer de persuader María Luisa de ne pas se suicider.
Il avait convenu avec elle qu'il disposerait d'une journée pour la convaincre.
María Luisa était entrée en contact avec José María par hasard, car il travaillait comme bénévole au bureau
de DMD de Catalogne où il assurait la permanence téléphonique quelques après-midi par semaine. À partir
de ce moment-là, probablement parcequ'il savait que DMD ne pouvait pas donner suite à la demande de
María Luisa, leur relation s’est déroulée en dehors de l’association, à travers le téléphone personnel de José
María. Conformément aux preuves existentes, il n'y a eu aucun contact entre María Luisa et Fernando M., et
celui-ci n'a eu connaissance de la situation de María Luisa qu'après sa mort. Qui plus est, María Luisa était
dans un état de souffrance permanente et insupportable, ce qui devrait entraîner que l'article du Code
Pénal à appliquer dans ce cas soit le 143.4*et non le 143.2. *(2)
Les six milles euros, un cadeau inadmissible selon DMD
Lors de sa déclaration au commissariat (29/06/2012), José María affirme qu'avant leur rendez-vous, il avait
communiqué à María Luisa qu'elle devrait lui rembourser ses frais de déplacement. María Luisa est alors
entrée dans une succursale bancaire et a ensuite laissé dans la voiture une enveloppe avec une somme
d'argent, sans en préciser la quantité. À plusieurs reprises elle tenta de remettre l’enveloppe à José María
qui refusa de la prendre. Quand il reprit sa voiture pour rentrer chez lui, l’enveloppe y était et il pu constater
qu’elle contenait six milles euros. Dans sa déclaration, José María confirme qu’il a agi pour son compte, sans
l'approbation de DMD.
Le jour suivant (30/06) José María réitéra devant le juge qu'il avait essayé de dissuader María Luisa de se
suicider et qu'il lui avait seulement demandé de lui rembourser ses frais de déplacement. Il ajouta qu'il
n'agirait jamais pour de l'argent et qu'il n'avait aidé personne antérieurement.
Le thème des six milles euros est loin d'être clair. Pour quelle raison María Luisa écrivit-elle un courrier à un
ami et dit-elle aussi à une amie par téléphone qu'elle avait obtenu le pentobarbital à ce prix-là? Étant donné
que tout le monde avait refusé de l'aider, peut-être que María Luisa souhaitait remercier ainsi José María
de son aide. Nous ne le saurons jamais, parce que José María est décédé le 10/07. Mais une chose est
claire, et les courriers électroniques le démontrent, ainsi que les documents de l'association DMD (et
ENCASA *(3)) et sa comptabilité: tous les services de l'association sont gratuits et aucune somme d'argent
n'a jamais été réclamée au titre de ces services. En conclusion, et selon ses propres déclaration, José María
avait décidé d'agir pour son compte, sans compter ni avec l'association, ni avec aucun autre membre de
DMD.
Le sirop
Selon le procureur, “José María était en contact avec Fernando M., qui se chargeait de lui remettre les
médicaments nécessaires, sachant parfaitement à quoi ils étaitent destinés et connaissant leurs effets. Avec
Mercedes C., ils réalisaient toutes les démarches à travers internet, en vue d’obtenir le pentobarbital
sodique au Mexique, et ensuite l'un ou l'autre indistinctement procédaient à sa distribution”.
Effectivement, José María déclara que “le produit qu'il avait remis à María Luisa lui avait été envoyé depuis
DMD Madrid en réponse à sa commande. Dans d'autres occasions il était allé le chercher à Madrid, aux
bureaux de DMD. Le produit remis à María Luisa lui avait été envoyé par courrier dans l'enveloppe trouvée à
son domicile. Le produit lui est remis par un docteur appelé Fernando M.. Lorsqu'on lui demande si
Fernando M. connait les effets des substances qu'il lui remet, la réponse de José María est affirmative; il
ajoute que tous les bénévoles de DMD en Espagne le savent aussi. Il ne sait pas comment Fernando M.
obtient ce produit, mais de nombreuses pages d'internet en facilitent l'obtention”.
La déclaration de José María amène à penser que Fernando M. savait qu'il avait remis un flacon de
Pentobarbital à María Luisa, mais ceci n'est pas vrai. Et c'est encore moins vrai dans le cas de Mercedes, une
bénévole qui réalisait exclusivement des tâches administratives. De façon surprenante, les déclarations de
Mercedes et d'autres témoins concernant leur activité à DMD n'ont pas été prises en compte par le
procureur, et Fernando M. n'a été appelé à déclarer à aucun moment de l'instruction pour expliquer quelles
relations existaient entre DMD, lui-même, José María et María Luisa.
Des flacons de pentobarbital furent effectivement envoyés à José María depuis Madrid, exclusivement pour
son usage personnel. Il souffrait d'une maladie de Parkinson et souhaitait pouvoir en disposer lorsque sa
maladie s'aggraverait.
Comme nous allons l'expliquer, la mission de l'association DMD se limite à informer ses membres sur les
moyens existants permettant de disposer librement de leur vie, sans faciliter aucun type de médication ni
d'ordonnance.
DMD: un groupe de soutien mutuel
Depuis sa fondation en 1984, DMD a pour finalité de militer “en défense de la dépénalisation de
l'euthanasie et du suicide médicalement assisté pour les patients souffrant de maladies incurables avancées
qui désirent librement se libérer d'une souffrance qu'ils vivent comme intolérable” (statuts AFDMD, art.2c)
et “aider ses membres à la fin de leur vie avec les moyens dont dispose l'association, conformément au
cadre légal existant à ce moment-là” (art. 2d)
Depuis 1993, DMD met à la disposition de ses membres un guide d'autolibération dont le contenu est
régulièrement actualisé. Cette information provient de la Fédération Mondiale des Associations pour une
Mort Digne, de livres publiés sur ces thèmes et d'internet. Le pentobarbital sodique est le barbiturique
utilisé dans les pays qui ont légalisé le suicide assisté. Ce même médicament peut s'acheter sur internet
dans une présentation pour usage vétérinaire, et peut être pris par voie orale comme un sirop.
DMD, conformément à ses statuts et par responsabilité vis-à-vis de ses membres, décida de vérifier la
fiabilité de l'information publiée par l'association Exit International dans son livre “The Peacefull Pill”
(http://peacefullpillhandbook.com/) concernant l'achat de pentobarbital, pour deux raisons:
1. Par souci de sécurité: pour éviter que ses membres n'acquièrent un produit qui, au lieu de faciliter
une mort rapide et indolore, occasione davantage de souffrance ou provoque de terribles
conséquences, telles que des lésions cérébrales irréversibles. Pour DMD, transmettre une
information erronée qui pourrait occasioner un grave préjudice à ses membres serait une preuve
de grave irresponsabilité.
2. Afin de vérifier la fiabilité de l'information et éviter la fraude dont avaient été antérieurement
victimes plusieurs membres de l'association. L'utilisation du nom de DMD permettrait de dénoncer
toute fraude publiquement.
Une fois vérifié qu'il était possible d'obtenir le pentobarbital, l'association réfléchit sur la possibilité d'en
faciliter l'obtention à ses membres. Une condition était que ce serait non seulement sans but lucratif; et il
fut aussi envisagé que l'association prenne en charge les frais dans le cas de membres sans moyens
économiques suffisants.
Ce plan n'a jamais été mis à éxécution vu les sérieux doutes existants quant à sa légalité.
Le comportement de José María
Peu de temps après, un membre de DMD Catalogne comenta que José María avait un comportement très
bizarre, qu’il agissait pour son compte et ne communiquait aucune information sur les personnes qui
venaient consulter au bureau de l'association. De sérieux doutes surgirent sur l'utilisation des 4 flacons qui
lui avaient été remis. Pour cette raison, Madrid ne réalisa plus ni commande ni envoi de pentobarbital.
Ni Fernando M, ni aucun membre de DMD Catalogne n’ont collaboré avec José María pour donner du
pentobarbital à María Luisa ou à toute autre personne.
Une sédation n’est pas une euthanasie. Et une tentative de sedation n’est rien.
Selon le procureur: “le 2/07/2016, Fernando A– médecin – contacta Fernando M afin d’obtenir les
médicaments nécessaires pour mettre fin à la vie de son frère Álvaro, atteint de VIH, hépatite C chronique,
avec métastases dans divers organes vitaux, en phase terminale et ayant exprimé à de nombreuses reprises
son désir de mettre fin à ses souffrances”. Fernando M demanda à Mercedes de lui envoyer “les
médicaments et les instructions nécessaires à la réalisation d'une sédation palliative profonde qui durerait
entre 8 et 24 heures”.
Au cours de la conversation enregistrée par la police, de nombreuses expressions peuvent prêter à
confusion et malentendus, mais les indications de Fernando M sont claires: “Je procèderais à un traitement
conventionnel, une sédation palliative profonde. Le processus est long (8, 12, 24 heures…), mais après la
première heure il ne souffrira plus. C’est plus long, mais c’est le traitement habituel, respectueux du
protocole, par voie subcutanée. L’avantage est que l’on n’utilise pas de substance létale; il n’existe pas de
doses létales de ces médicaments car la variation individuelle est énorme”.
Qu’un malade en phase terminale manifeste sa volonté de mourir et un médecin son intention d’anticiper
sa mort ne convertissent pas la sédation en traitement illicite. Une fois obtenu le consentement du patient
(ou son désir explicite), ce qui compte n’est pas l’intention du médecin, mais le procédé appliqué (la loi
pénalise le fait de provoquer la mort de manière “nécessaire et directe”, c’est-à-dire l’injection létale). Tous
les jours les médecins prennent des décisions - retrait des traitements ou initiation d’une sédation palliative
- qui conduisent à la mort du patient. Le point fondamental n’est pas l’intention du médecin d’accélérer la
mort qui, souvent, peut être techniquement retardée, mais la volonté du patient, sa situation clinique,
l’irréversabilité de sa situation et son degré de souffrance.
Une sédation avec les médicaments envoyés par Fernando M (qui ne sont jamais arrivés), utilisés en
injection subcutanée selon les indications fournies, ne provoque par la mort de façon nécessaire et directe,
car ce n’est pas une combination létale. Selon le principe du “double effet”, l’accélération de la mort est
acceptée comme une conséquence inévitable du soulagement de la souffrance. Dans les conditions d’Álvaro
A, qui est mort à peine 24h après le moment où aurait dû commencer la sédation qui n’a jamais eu lieu,
essayer de séparer l’intention de soulager la souffrance de celle d’accélérer la mort est un exercice
philosophique absurde.
Que la police, motivée par son idée de départ d’enquêter sur une organisation criminelle et influencée par
les expressions du frère du malade moribond, évidemment conditionnées par le dramatisme de la situation,
ne fasse pas la différence entre sédation et euthanasie, et ne connaisse pas la loi andalouse en faveur d’une
mort digne d’Andalousie ou le protocole de sédation au moment de l’agonie de l'Ordre des Médecins est
excusable. Mais que le procureur et le juge, au lieu de s’informer auprès du médecin légiste sur ce
traitement parfaitement légal, criminalisent la sédation palliative (anciennement qualifiée d’euthanasie
indirecte), la confondant avec l’euthanasie (actes nécessaires et directs définis par l’article 143.4 du code
pénal), est difficilement compréhensible. Et pour comble les actes incriminés n’ont pas été réalisés et le
malade est mort le jour même.
Face à l’accusation surréaliste de coopération au suicide en degré de tentative, il faudrait sans doute mettre
en question le sens des responsabilités de ceux qui confisquent un médicament qui aurait contribué à
soulager les souffrances d’un malade durant son agonie.
Les médicaments confisqués aux bureaux de DMD à Madrid
Le 6 juillet, la police a confisqué un stock de médicaments au siège de DMD à Madrid. Le procureur affirme
qu’”il s’agit de médicaments soumis à des contrôles spécifiques quant à leur stockage, conservation et
dispensation à travers les canaux légaux: pharmacies, hôpitaux et centres de santé, selon prescription
facultative (ordonnance spéciale pour stupéfiants et contrôle exhaustif avec enregistrement de la
dispensation) et seulement dans les cas légalement autorisés. Ceci n’est pas respecté dans le cas présent, où
l’usage et la remise de ces médicaments de façon illicite ou clandestine de la part des accusés, Fernando M
et Mercedes C, peuvent provoquer la mort”. L’affirmation sur l’utilisation de ces médicaments est une pure
hypothèse formulée par la police.
Les médicaments confisqués aux bureau de DMD avaient été remis à l’association par les familles de
malades suivis par Fernando M, pour leur utilisation avec d’autres malades qui pourraient en avoir besoin,
ou leur destruction dans le cas où ils auraient dépassé la date limite d'utilisation. Selon le rapport de
l’Agence Espagnole du Médicament du 7/05/2013: “Ces médicaments ne présentent pas, dans leurs
indications de prescription, celle de faciliter la mort ou d’induction au suicide”. Cependant la police affirme:
“Nous pouvons conclure que l’usage de ces médicaments, dans des conditions et doses distinctes à celles où
ils se sont démontrés fiables et efficaces, expose les sujets qui les reçoivent à des risques injustifiables du
point de vue sanitaire”. Cet usage présumé est également hypothétique et une pure spéculation.
Fernando M est médecin, membre de l’Ordre des Médecins, et a une vaste expérience dans le domaine de
la médecine palliative et dans l’utilisation des médicaments confisqués. Son travail professionnel est
l’assistance à domicile de malades terminaux, et il obtient les médicaments nécessaires sur ordonnances
(ordonnances pour stupéfiants de l’Ordre des Médecins), et les conserve à son propre domicile
(médicaments qui furent confisqués par la police à sa femme) ou au siège de DMD à Madrid. Tous les
médecins qui pratiquent l’assistance à domicile disposent des médicaments et du matériel nécessaire à
cette assistance. Sinon nous nous trouverions dans la situation absurde dans laquelle le médecin, ou un
parent du malade, devraient aller fréquemment à la pharmacie chercher des médicaments qui ne sont pas
en stock, ce qui retarderait de 24 ou 48h leur usage dans une situation urgente comme l’agonie.
L’envoi de médicaments à Fernando A se situe dans le cadre de la collaboration entre deux médecins, l’un
d’eux avec une vaste expérience en médecine palliative. Une fois précisé que ces médications ne s’utilisent
pas dans le cas de suicide, l’accusation générique du procureur “sur l’usage et la remise de médicaments de
façon illicite ou clandestine” constitue une affirmation sans fondement, et absurde dans le cas d’un médecin
inscrit à l’Ordre. De même l’affirmation de ce que les emballages de ces médicaments comportent le codebarre ce qui signifierait qu’ils ont été acquis de manière illicite est absurde: en effet, le code-barre se retire
dans le cas de médicaments financés par la sécurité sociale (ou une assurance privée), mais pas dans le cas
d’une ordonnance privée, qui constitue une pratique habituelle et parfaitement légale.
Une instruction disproportionnée, un “totum revolutum”
L'enquête qui a été menée à la suite de la mort de María Luisa a été réalisée selon une étrange logique. Dès
le départ, la police a voulu criminaliser l'assocciation DMD, en affirmant par exemple que c'était une
délégation de l'association suisse Dignitas. Elle a inclu au dossier un article de 2009 intitulé: “Mort digne?
Le sombre négoce qui entoure le centre suisse oú se pratique l'euthanasie”, dans lequel l'association
Dignitas et son président Ludwig Minelli sont trainés dans la boue. Il suffit de cinq minutes de recherche sur
la toile ou d'un appel téléphonique pour vérifier la fausseté d'une telle affirmation et que Fernando M n'a
rien à voir avec Dignitas ou Ludwig Minelli.
Après avoir mis sur écoute les téléphones de José María et de Fernando M., la police a interprété que tout
ce que faisait DMD était délictueux. Dans cette perspective, ils ont arrêté une fonctionnaire du
Gouvernement de Catalogne sur son lieu de travail, l'accusant d'induction au suicide de sa mère, de 91 ans,
en possession de toutes ses capacités mentales et préoccupée par le futur respect de ses volontés
anticipées. Ils la placèrent en garde à vue, l'interrogèrent, ainsi que sa mère dans la maison de retraite où
elle résidait. Tout ceci en vain, car cette accusation, comme toutes celles qui apparaissent au cours de
l'instruction, est absurde.
Après ce premier échec, la police a continué à chercher des décès dont DMD serait coupable: elle a
interrogé la famille d'un patient mort en Suisse avec l'aide de Dignitas, dont le cas était apparu dans la
presse, demandant si DMD l'avait induit à mourir, une question dont la simple formulation est
complètement absurde.
À Madrid, la police a interrogé la mère d'un jeune homme mort d'une Sclérose Latérale Amiotrophique et
dont le certificat de décès avait été signé par Fernando M.. La police commenta à cette personne qu'elle
enquêtait sur un médecin qui allait tuer ses patients à leur domicile, selon les commentaires navrés de la
mère quelques semaines après.
La détention de Fernando M. à la porte de son domicile, son emprisonnement, son transfert à León, sa mise
en liberté 14 jours après avec payement d'une caution de 30.000 €, réunie grâce aux apports personnels des
nombreux amis/amies et membres de DMD qui se sont mobilisés face à ce qu'ils considéraient comme une
injustice; l'instauration de mesures telles que le retrait du passeport et l'obligation de se présenter au
tribunal toutes les semaines les premiers mois et tous les 15 jours ensuite): tout ceci constitue un ensemble
de mesures disproportionnées par rapport aux faits incriminés. Tous les faits ont été interprétés sans jamais
les situer dans le contexte de la médecine palliative, du mouvement citoyen en faveur d'une mort digne et
du code pénal, ce qui a créé un “totum revolutum” où se mêlent des concepts sans le moindre critère pour
différencier ce qui sont de simples présomptions de délit, de ce qui n'en est assurément pas un .
6 ans et 5 mois (1 an et 5 mois pour Fernando A)

Pour un délit de coopération au suicide selon l'article 143.2 du code pénal, 3 ans de prison à
Fernando M. et Mercedes C.
L'article qui devrait être appliqué ici est le 143.4 (“graves souffrances permanentes difficiles à supporter”.
Mais de toutes façon, les accusés ont difficilement pu collaborer avec une personne avec laquelle ils n'ont
eu aucun contact à part deux courriels dans lesquels ils exprimaient leur refus de l'aider. Mercedes C,
comme l'a affirmé un salarié du bureau de DMD à Madrid et comme elle l'a déclaré elle-même au cours de
l'instruction, était une retraitée bénévole qui réalisait des tâches purement administratives, sans aucune
relation avec l'assistance médicale personnalisée. Son incrimination dans ce procès n'est donc pas justifiée.
Que José María remette un flacon de pentobarbital qu'il avait obtenu pour son usage personnel à María
Luisa ne convertit pas les accusés en coopérateurs: comme il l'a lui-même déclaré, cet acte relève de sa
stricte et exclusive responsabilité car il l'a réalisé totalement en marge de l'association, sans que les accusés
en aient connaissance.

Pour un délit de coopération au suicide au degré de tentative selon les articles 143.4, 16 et 62 du
code pénal, 1 an et 5 mois de prison pour Fernando M., Mercedes C et Fernando A (art. 27 et 28 du
code pénal).
Il s'agit d'une accusation absurde qui n'aurait jamais dû arriver au tribunal, car elle n'est en rien étayée par
les faits et n'est fondée ni sur la bonne praxis médicale, ni sur la législation; elle s'appuie au contraire sur un
préjugé moral du parquet et du juge. La demande à mourir formulée par un malade à l'agonie et l'intention
de son frère, médecin, de l'aider, ne convertissent pas la sédation - lorsqu'elle est réalisée en conformité
avec la correcte praxis médicale - en homicide.

Pour un délit contre la santé publique, 2 ans de prison , amende de 3.600 € (12 €/jour x 10 mois)
et 2 ans d'inhabilitation professionnelle pour Fernando M. et Mercedes C.
En quoi va consister l'inhabilitation de Mercedes C. qui est une retraitée bénévole? Affirmer que la
responsabilité de cette bénévole est équivalente à celle du président de DMD Madrid démontre comment,
quelques trois ans après le début de l'instruction, l'acte d'accusation a été rédigé sans le travail de réfléxion
nécessaire pour contextualiser les données apportées par la police. Acheter un médicament sur internet ne
constitue pas un délit. Informer sur la disposition responsable de la propre vie n'en constitue pas un non
plus. Remettre de façon altruiste à une personne affligée d'une maladie en phase terminale ou de graves
souffrances permanentes et difficiles à supporter un produit qui lui permettra de mourir en paix, n'a rien à
voir avec un attentat contre la santé publique. Cette affirmation va contre le bon sens et,
vraissemblablement, contre les intentions des législateurs.
Lamentablement, dix ans après les infâmes attaques contre l'hôpital Severo Ochoa de Leganés (Madrid)
*(4), nous assistons à de nouvelles attaques contre la liberté, avec DMD au centre de la tourmente
NOTES:
.(1). Ramón Sampedro:
Ramón Sampedro est un tétraplégique qui avait 55 ans quand il mourut en 1998, après avoir passé 30 ans prostré. Il
mit fin à ses jours en ingérant du cyanure de potassium. La personne qui s'occupait de lui, Ramona, fut arrêtée et
accusée de coopération au suicide en vertu du code pénal; elle fut finalement mise en liberté pour manque de preuves
et reconnut, des années plus tard une fois le délit prescrit, avoir effectivement coopéré. Son cas eut une énorme
répercussion dans la presse, et l'opinion espagnole appuya majoritairement sa volonté de mettre fin à ses jours.
Ramón Sampedro laissa un écrit d'une quinzaine de pages adressé aux juges et aux autorités politiques espagnoles, un
véritable réquisitoire en faveur du droit à une mort digne. En 2004, Alejandro Amenábar réalisa un film à partir du cas
de Ramón Sampedro - “Mar adentro” - qui eut un grand impact sur la société espagnole et contribua à réabrir le débat
sur la mort volontaire.
.(2). Article 143 du code pénal espagnol:
1.
2.
3.
4.
celui qui induira une autre personne au suicide sera condamné à une peine de prison de 4 à 8 ans.
Un condamnation de 2 à 5 ans de prison sera imposée pour coopération au suicide d'une personne
par la réalisation d'actes necessaires à cette fin.
La peine sera de 6 à 10 ans si la coopération abouti à la mort de la personne.
Celui qui causera ou cooperera activement par la réalisation d'actes nécessaires et directs à la mort
d'une autre personne, à la demande expresse, ferme et sans équivoque de celle-ci, dans le cas où la
victime souffrirait d'une maladie grave au pronostic fatal ou qui occasionnerait des souffrances
permanentes et difficiles à supporter, sera condamné à une peine inférieure d'un ou deux degrés à
celles indiquées aux paragraphes 2 et 3 de cet article.
.(3). Association ENCASA.Soins palliatifs:
ENCASA: Cuidados Paliativos est un programme d'attention personnalisée dirigé aux membres de DMD souffrant d'une
maladie progressive et incurable et destiné à leur permettre de mourir à leur domicile, en paix et dans la dignité. Ce
programme ne cherche pas à substituer le service public de santé. Il offre une solution alternative aux membres de
l'association, dans le cas où le service public ne remplisse pas ses fonction et le patient se sente abandonné ou
maltraité. Il se finance uniquement par les dons des patients et de leurs familles.
.(4). Le cas Leganés:
Il s'agit d'une scandaleuse accusation d'homicides en masse contre des médecins du système public de santé espagnol
largement médiatisée à l'époque:
En 2005, le responsable de la santé du gouvernement de la communauté de Madrid accuse publiquement le service
des urgences de l'hôpital public de Leganés (banlieue de Madrid) d'avoir pratiqué illégalement des sédations avec
résultat de mort (homicides) sur 400 patients. En 2007, le juge d'instruction de l'affaire dicte une sentence
d'absolution, mais continue à parler de mauvaises pratiques médicales. En 2008, le tribunal provincial de Madrid
oblige à supprimer toute mention à de mauvaises pratiques. Cette affaire fit rétrocéder le débat sur l'euthanasie, le
réduisant à un débat, en principe dépassé en Espagne, sur la légitimité de la sédation terminale. À la suite de cette
affaire, la pratique de la sédation terminale s'est considérablement réduite dans les hôpitaux espagnols.
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