Tumeurs endocrines du tube digestif Benoît Terris, hôpital Cochin, Paris [email protected] PATHOLOGIE DES CELLULES ENDOCRINES (CE) AU NIVEAU DU TUBE DIGESTIF Historique: • • • • • 1870 : description de cellules chromaffines par Heidenhain dans la muqueuse intestinale. 1887: Kulchisky donna son nom à ces cellules 1907 : terme de « Karzinoid » est employé 1914 : Gosset et Masson montrèrent que ces tumeurs réduisaient les sels d’argent (propriété d’argentaffinité) 1953 : description du syndrome carcinoïde (flush, diarrhée) Intérêt : • caractéristiques physiopathologiques, pronostiques et génétiques propres. DISTRIBUTION DES CE DANS LE TUBE DIGESTIF • CE présentes tout au long du tube digestif • Cellules piriformes reposant sur la membrane basale – Estomac : collet et fond des glandes – IG et colon : base des cryptes et dans les villosités intestinales • Rares CE dans le chorion (appendice) • Système de classification basé sur les caractéristiques des grains neurosécrétoires en ME (S: Small; L: Large; D : similitude avec les cellules D des îlots de Langerhans...) • Mais : corrélation imparfaite entre l’aspect en ME et le caractère fonctionnel (souvent plurisécrétoires) CE : PRODUIT DE SECRETION ET LOCALISATION cellu les A B E C /E C 1 Lo calisation pancréas pancréas estom ac, grêle, côlon, pancréas E C L +++ fundus D fundus, antre, duodénum , jéjunum , côlon et pancréas G +++ antre antre, duodénum I duodénum et jéjunum K duodénum , jéjunum L grêle et côlon iléon et côlon M duodénum et jéjunum N grêle et côlon PP duodénum , pancréas S duodénum et jéjunum P ep tides sécrétés glucagon insuline sérotonine, substance P , et leuenképhaline inconnu (histam ine?) S om atostatine A C TH -like gastrine CCK G IP entéroglucagon peptide YY M otiline neurotensine polypeptide pancréatique sécrétine NEUROPEPTIDES • Les CE ne sont pas les seules à synthétiser et à libérer des neuropeptides • Contrôle nerveux du tube digestif : – système nerveux extrinsèque (sympathique et parasympathique) – système nerveux intrinsèque (peptidergique) : • certains médiateurs sont identiques à ceux produits par les CE (VIP, substance P, somatostatine, enképhalines..) CONCEPTS DE SYSTEME NEUROENDOCRINE ET APUD • Système neuro-endocrine: – caractère sécrétoire commun aux neurones et CE – terme « neuro-endocrine » indique que ces 2 types cellulaires ont des caractéristiques biochimiques communes et non une origine embryologique identique • Système APUD (Amine Uptake and Decarboxylation): – capacité des CE à capter et à décarboyler les précurseurs amines (DOPA -> Dopamine; 5-HTP -> sérotonine) – Réunissait: les cellules de l’hypophyse, de la médullosurrénale, du corpuscule carotidien, des ganglions symp., les CE du pancréas, du TD et de l’app. resp. et les « mélanoblastes » – hypothèse d’une origine embryologique neuroectodermique commune non confirmée (les CE du TD, du pancréas, de l’app. resp. dérive de l’endoderme) TE : Terminologie • Préférable d’employer le terme de TE bien ou moyennement différenciée • Le terme de carcinome endocrine : – TE bien différenciée métastatique – TE peu différenciée • Fonctionnelle (insulinome, gastrinome...) ou non fonctionnelle • Le terme « carcinoïde » = tumeur susceptible de provoquer un syndrome carcinoïde (10%) : – – Flush, diarrhée, IVD, fibrose rétro-péritonéale libération de différents facteurs (sérotonine, histamine, substance P...) CLASSIFICATIONS DES TE • Classification topographique (tenant compte de l’embryogenèse): – Foregut : oesophage, estomac, pancréas, duodénum, jéjunum haut. – Midgut : jéjunum bas, iléon, appendice et coecum (60 à 80%). – Hindgut : colon et rectum • Classifications pronostiques des TE pour chacun des organes Facteurs pronostiques • Caractéristiques macroscopiques – Taille – Invasion locale • Caractéristiques microscopiques – différenciation – invasion vasculaire et nerveuse – index mitotique • Caractéristiques immunohistochimiques – profil hormonal – marqueurs de prolifération Pronostic Meta Inv. Musculeuse Différenc iation Taille Inv. Vasculaire Ki-67 Synd Hormonal Bénigne 0 0 Bien Dif <1cm* 0 <2% 0 Malignité incertaine 0 0 Bien Dif <2cm -/+ <2% 0 Carcinome bien dif. + +# Bien Dif >2cm + >2% + + + Peu dif qq + >30% 0 Carcinome peu dif. * gastrinome; # appendice CARACTERISTIQUES CLINIQUES ET MACROSCOPIQUES • cliniquement : silencieuse, occlusion, hémorragie, métastases hépatiques, NEM1, syndrome fonctionnel. • T bourgeonnante ou petit polype (souvent < à 3cm). • A la coupe = nodule blanchâtre, ferme, non nécrotique, sans capsule. • T infiltrantes +++ (perforation ou ischémie) et parfois multiples (30%). • Taille des métastases ganglionnaires et hépatiques (kystiques) > T primitive. Godwin, 1975 Modlinet Sandor, 1997 n=2837(1950-1971) n=8305(1973-1991) Oesophage 0% 0,04% Estomac 2% 3,2% Duodénum 2% 2% Iléon(+jéjunum) +++ 20% 26,2% Appendice+++ 41% 18,9% Côlonet rectum+ 6%et 15% 7%et 12,4% Foie/ Vésiculebiliaire 0,2% 0,4% Pancréas 0% 0,01% Trachée/bronches/poumons + 11,5% 25,1% Autres 2% <6% CARACTERISTIQUES MICROSCOPIQUES • Similarité avec les structures insulaires des ilôts de Langerhans • Cellules T régulières agencées en cordons, en massifs, en travées ou en structures acineuses. • cytologie : – parfois trompeuse (oncocytaire, microvacuolisée ou en pseudo-bague à chaton) – ne permet pas de prédire le pronostic (sauf pour les formes peu différenciées) • stroma fibro-hyalin avec vascularisation +++ Aspect typique AFFIRMER LA NATURE ENDOCRINE D’UNE TUMEUR • Techniques d’imprégnation argentique : – argyrophilie = capacité d’une TNE à fixer des ions argents préalablement réduits (Grimélius + dans 80% des T) > sensible à l’argentaffinité (Fontana et Masson) • Immunohistochimie : – Neurone Spécifique Enolase (NSE) : mauvaise spécificité – Chromogranine A : • constituant de la matrice des grains sécrétoires • Très spécifique • Corrélée au nombre de granules sécrétoires (TE colo-rectales négatives). – Synaptophysine : • GP membranaire des vésicules synaptiques des neurones et des vésicules claires des TE. Plus sensible que la chromogranine – Peptides hormonaux = insuline, gastrine, glucagon ... • ME Rindi 2006; Couvelard 2006 TE GASTRIQUES • 1% des T gastriques • 3 groupes : – TE sur gastrite atrophique fundique avec achlorhydrie et hypergastrinémie secondaire (GCA-A) = 80% – TE chez des sujets atteints de SZE (NEM1) = 10% – TE sporadiques sur muqueuse normale , non associées à une hypergastrinémie = 10% Gastrine et prolifération des cellules endocrines Stimulation: CP + ECL Trophicité: CP + ECL Gastrinome H+ CELLULES ENDOCRINES ET HYPERGASTRINEMIE • Les états d’hypergastrinémie chronique (GCA-A, SZE) => endocrinopathie diffuse fundique : – hyperplasie simple des cellules ECL – hyperplasie linéaire – hyperplasie micro-nodulaire – Hyperplasie adénomatoïde (fusion des nodules) < 0,5 mm – Micro-carcinoïde intra-muqueux – Carcinoïde invasif Solcia, 1988 Rindi 2006; Couvelard 2006 PARTICULARITES DES TE ASSOCIEES A LA NEM1 • Affection héréditaire autosomale dominante prédisposant au développement de lésions hyperplasiques et/ou tumorales de différentes glandes endocrines. • Mutations du gène NEM1 dans plus de 90% des cas (11q13) Adénomes parathyroïdiens TNE pancréatiques Gastrinomes duodénaux Adénomes hypophysaires autres 80-98% 40-85% 25% 30-65% 5-9% TE ILEALES • 1/3 des T iléales; souvent multiples • 50-60 ans; Tableau d’obstruction intestinale ou devant des métastases hépatiques. Syndrome carcinoïde (10%) • Parfois difficile de découvrir la T primitive. • Mésentérite fibreuse et rétractile • T très souvent métastasée aux ganglions (65% vivants à 5 ans) et au foie (36% vivants à 5 ans). TE APPENDICULAIRES • 40-50 ans, F>M. • T symptomatique dans moins de 10% des cas (75% localisées à la pointe) • à l’origine d’appendicite et de mucocèle appendiculaire. • TAILLE +++ : 95% des T sont inférieures à 2 cm • T > 2cm sont métastatiques dans 1/3 des cas (syndrome carcinoïde possible) • vivants à 5 ans: formes locales = 94% (même si invasion vasculaire ou de la musculeuse) , métastases régionales = 85%, métastases hépatiques = 34%. TE COLIQUES • < à 1% des T coliques; 2/3 localisée au niveau du colon droit • Développées à partir de cellules synthétisant de la sérotonine • Patient de 70 ans; 5% de syndrome carcinoïde. • Tumeurs volumineuses (5cm) et souvent métastatiques • survie à 5 ans : de 20 à 70% TE RECTALES • 2% des T rectales; dans la 6ème décade • T contiennent du glucagon et de la glicentine > sérotonine (chromogranine négative) • Plus de 70% de ces T sont asymptomatiques (découverte endoscopique) et mesurent moins de 1 cm (5% de métastases). • Résection endoscopique pour les T < 2cm • Facteurs pronostiques : T symptômatiques, ulcérées, nécrosées ou envahissant la musculeuse. • 18% vivants à 5 ans en cas de métastases à distance METASTASES HEPATIQUES DE TE SANS LESIONS PRIMITIVES INDIVIDUALISEES • Métastases volumineuse parfois kystiques contrastant avec un état général relativement conservé. • Biopsie et/ou dosage du 5-HIAA urinaire (sensibilité = 73%, spécificité = 100%) et de la chromogranine dans le sang. • Rechercher une tumeur iléale en premier lieu, puis une tumeur pancréatique ... FORMES PARTICULIERES DES TED • Carcinome endocrine à grandes cellules (gastrique, colique) – atypies nucléaires et nécrose... Diagnostic différentiel (lymphome et adénocarcinome) – Parfois minime résidu adénomateux en surface ou adénocarcinome associé • T mixte : – Composante endocrine entre 1/3 et ½ tissu tumoral • Distinguer des cellules endocrines éparses au sein de la tumeur • Des tumeurs amphicrines