Entrevue avec le Dr Lawrence Korngut de l`Université de Calgary

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Entrevue avec le Dr Lawrence Korngut de l’Université de Calgary Le professeur adjoint de neuroscience clinique parle de la création du Réseau canadien sur les maladies neuromusculaires et de la façon dont ce réseau améliorera l’accès des patients à l’expertise clinique, aux aides techniques et aux soins respiratoires. En mai 2014, le Dr Lawrence Korngut, MD, FRCPC, professeur adjoint au Département de neurosciences cliniques de l’Université de Calgary, rencontrait la rédaction du bulletin d’information de l’Institut de l’appareil locomoteur et de l’arthrite des Instituts de recherche en santé du Canada et répondait à quelques questions au sujet du Réseau canadien sur les maladies neuromusculaires (RCMN) et de l’utilité de ce réseau pour les personnes qui vivent avec une maladie neuromusculaire. Q : Qu’est-­‐ce qui vous a conduit à la neurologie, et plus précisément à la neurologie neuromusculaire? Qu’est-­‐ce qui vous a attiré dans cette branche de la médecine? Dr Korngut : J’avais 12 ans et j’étais en vacances au New Hampshire avec mes parents. Dans une librairie, j’ai trouvé un livre usagé, Bright Air, Brilliant Fire, dont l’auteur, Gerald Edelman, lauréat du prix Nobel, affirmait que nous étions à l’aube de la plus importante révolution de l’histoire de l’humanité, la révolution neuroscientifique, qui nous permettrait de comprendre comment fonctionne le cerveau. Cette idée a galvanisé mon imagination et m’a mené aux neurosciences alors que je terminais mes études de premier cycle à l’université et que je travaillais au laboratoire de psychopharmacologie du Dr Richard Beninger à l’Université Queen’s. Peu de temps après avoir entamé des études médicales à l’Université Western Ontario, j’ai eu comme mentor le neurologue Warren Blume et le neurochirurgien John Girvin. Tous deux m’ont aidé à comprendre ce qui m’attirait vraiment dans chacune de ces spécialités et c’est ce qui m’a mené à faire ma résidence en neurologie à l’Université Western Ontario. C’est au cours de cette résidence que j’ai pu bénéficier du mentorat des excellents cliniciens du programme neuromusculaire. C’est le Dr Michael Strong qui m’a fait découvrir les possibilités qu’offre la recherche fondamentale et les merveilleux chercheurs, cliniciens et patients du domaine de la neurologie neuromusculaire et de la sclérose latérale amyotrophique (SLA). C’est au cours de mes études à l’Université de Calgary avec le Dr Douglas Zochodne que j’ai appris à transposer les résultats de la recherche en laboratoire aux essais cliniques sur des humains. En collaboration avec le Dr Samuel Wiebe et l’unité de recherche clinique de la Hotchkiss Brain Institute de l’Université de Calgary, nous avons réalisé une première étude pilote sur l’homme qui transposait les recherches du Dr Zochodne sur le ralentissement de la polyneuropathie diabétique en administrant l’insuline par vaporisation nasale, une méthode mise au point par le Dr Cory Toth. L’étude a obtenu des résultats très prometteurs. Le bonheur d’être les premiers à essayer un nouveau traitement potentiel sur des sujets humains et la réalisation que je pouvais coordonner la collaboration entre des experts possédant des compétences très différentes m’ont clairement fait comprendre que la recherche clinique translationnelle serait mon centre d’intérêt. Q : Dans quelle mesure votre pratique clinique et vos interactions avec les patients et leur famille vous ont-­‐elles motivé à vous concentrer sur la recherche clinique translationnelle et les registres? Dr Korngut : Je continue à passer beaucoup de temps à la clinique et au laboratoire de neurophysiologie clinique et ce contact avec les patients et leurs maladies oriente mes recherches. Le sens du devoir d’améliorer les perspectives d’avenir de mes patients au-­‐
delà de ce qu’il est possible de faire en clinique s’est imposé vu l’impact minimal que nous pouvons avoir sur la survie à des maladies comme la SLA. La plupart de nos idées de recherche découlent directement des observations faites en clinique. Je trouve très stimulant de pouvoir fournir aux patients de l’ensemble du pays un accès à des possibilités de recherche de pointe, peu importe où ils vivent. Mes patients décrivent un lien plus fort envers le milieu de la recherche après s’être inscrits à notre registre. Les maladies neuromusculaires sont des maladies rares et le partenariat avec les patients est la seule avenue qui permette d’avancer dans l’élaboration et la mise à l’essai de traitements potentiels. Q : Quel est l’aspect des maladies neuromusculaires qui vous intéresse le plus? Dr Korngut : J’ai la ferme conviction que la pathologie des muscles et des nerfs nous est accessible en tant que chercheurs et que des traitements vraiment efficaces sont réellement à notre portée. Ce ne sera pas pour demain, mais la possibilité qu’une meilleure compréhension de la pathophysiologie puisse fournir des composés thérapeutiques à fort potentiel d’efficacité pour plusieurs maladies suscite beaucoup d’enthousiasme dans le milieu de la recherche. Comme chercheurs, notre rôle en recherche clinique translationnelle est de nous assurer que nos essais cliniques sont bien conçus de manière à assurer la sécurité et à minimiser le risque d’erreur dans l’estimation des effets réels du composé. Q : Selon vous, quel secteur pourrait bénéficier au plus grand nombre de personnes qui vivent avec une maladie neuromusculaire? Dr Korngut : Même si les patients qui ont une maladie neuromusculaire forment un groupe très diversifié aux besoins variés, il existe tout de même des thèmes communs qui pourraient bénéficier à un très grand nombre. Par ailleurs, le soutien dont disposent les patients varie grandement d’une province à l’autre, au gré des différents régimes de santé. Nous espérons que l’établissement de normes de soin sera source d’une plus grande équité pour les patients des différentes provinces. L’accès à l’expertise clinique, à des aides techniques et aux soins respiratoires varie et, grâce à l’action de Dystrophie musculaire Canada et à la mise sur pied du Réseau canadien sur les maladies neuromusculaires, nous nous attendons à changer cette situation et à améliorer les soins partout au Canada. Nous espérons aussi que le fait de réunir les chercheurs cliniques et les chercheurs en laboratoire permettra des collaborations plus efficaces et accélérera la vitesse à laquelle des idées brillantes aux résultats prometteurs lors d’essais sur les animaux pourront être transposées en études sur les humains. Q : Comment en êtes-­‐vous venu à reconnaître le besoin d’un tel registre? Dr Korngut : Lorsque j’ai tenté de recruter des sujets pour notre étude sur l’administration d’insuline par voie nasale pour traiter la neuropathie diabétique, il a fallu 6 mois pour recruter 12 sujets atteints de diabète de type 1 et de polyneuropathie. Le diabète est une maladie bien plus courante que les maladies neuromusculaires telles que la SLA et les dystrophies musculaires. Je craignais que nous soyons incapables de recruter un nombre suffisant de patients pour des essais cliniques. C’est à ce moment que la Fondation Marigold de Calgary, en Alberta, a communiqué avec nous. Cette fondation était vivement intéressée à créer un registre des maladies neuromusculaires et avait déjà fait beaucoup de progrès en ce sens. Il fut décidé que le Registre canadien des maladies neuromusculaires serait hébergé à l’Université de Calgary. Le registre permet de favoriser la collaboration entre les spécialistes neuromusculaires de l’ensemble du pays en assurant la saisie des données et la gestion entre les universités. Le lancement du Réseau canadien sur les maladies neuromusculaires s’appuiera sur cette capacité à relier entre eux les chercheurs, les cliniciens, les autres professionnels de la santé concernés, les médecins de premier recours et les patients. Nous croyons que cette collaboration plus étroite fera du Canada un chef de file mondial en matière de recherche neuromusculaire translationnelle. Q : De quelle manière un tel registre pourra-­‐t-­‐il améliorer la façon dont les patients sont diagnostiqués, traités et aidés tout au long de leur maladie? Dr Korngut : Le Registre canadien des maladies neuromusculaires est basé sur les cliniques. Un personnel dûment formé recueille des données auprès des patients en clinique et à partir des dossiers cliniques. L’un des avantages de cette approche est la capacité d’uniformiser les données. Par exemple, pour chaque patient atteint de dystrophie musculaire de Duchenne, nous demandons une valeur pour la capacité vitale forcée. Cela signifie que chaque patient doit subir une exploration fonctionnelle respiratoire dans le cadre de ses soins cliniques avant que ses données puissent être soumises au registre. Ainsi, le registre a une incidence directe sur l’uniformité des soins cliniques partout au pays. Déjà, il a permis de relever certaines incohérences dans l’information et les programmes de traitement des maladies neuromusculaires. En demandant que les résultats de tests génétiques pour la dystrophie musculaire de Duchenne soient fournis dans un format précis, nous avons pu découvrir des différences dans la façon dont ces résultats sont présentés par les différents laboratoires qui effectuent ces tests un peu partout au pays. Nous avons aussi constaté des différences dans la façon dont les soins cardiaques sont prodigués aux patients atteints de dystrophie musculaire de Duchenne. Enfin, en multipliant les possibilités de recherche clinique et en améliorant l’efficacité du recrutement à cette fin, le registre contribue directement au progrès de la recherche clinique transactionnelle. Nous espérons qu’un jour, cela aura une incidence directe sur les soins thérapeutiques auxquels ont accès les patients et sur leur pronostic à long terme. Q : Comment un tel registre pourra-­‐t-­‐il améliorer la collaboration entre les spécialistes neuromusculaires, les cliniciens, les chercheurs, les soignants, les patients et les organismes qui défendent leurs intérêts et quelles améliorations avez-­‐vous constaté au sein des réseaux établis jusqu’ici? Dr Korngut : Le Registre canadien des maladies neuromusculaires réunit plus de 40 chercheurs et 10 universitaires de 8 provinces canadiennes et contient présentement des données sur plus de 1 850 patients de 12 des 13 provinces et territoires. Nous n’avons jamais vu au Canada une telle collaboration ni une communauté aussi vaste de patients et de soignants qui unissent leurs efforts pour une même initiative dans le domaine des maladies neuromusculaires. Ce climat de collaboration suscité par le registre a contribué à nourrir la volonté d’aller plus loin et de mettre en œuvre le Réseau canadien sur les maladies neuromusculaires. La solide infrastructure de recherche et de soins cliniques du registre rendra les collaborations du réseau encore plus efficaces. Q : Le mot de la fin? Dr Korngut : J’aimerais souligner que le Registre canadien des maladies neuromusculaires est financé par de généreuses contributions de SLA Canada (Toronto, ON), de Families of Spinal Muscular Atrophy Canada (Chilliwack, CB), par Le Rêve de Jesse (London, ON) et par la Starratt Family Foundation (Calgary, AB) et que la Marigold Foundation (Calgary, AB) en a été le commanditaire fondateur. Le Réseau canadien sur les maladies neuromusculaires La subvention Catalyseur de réseau de l’IALA des IRSC attribuée au Dr Korngut et à son équipe aidera ceux-­‐ci à mettre sur pied le Réseau canadien sur les maladies neuromusculaires (RCMN) pour promouvoir les avancées en matière de soins cliniques, de recherche et de formation dans le domaine des maladies neuromusculaires. Le Réseau est cofondé par Dystrophie musculaire Canada. Jusqu’ici, aucun effort concerté n’avait encore été tenté au Canada pour réunir les spécialistes, les scientifiques, les professionnels paramédicaux et les médecins de premier recours au sein d’un partenariat avec les organismes de défense des intérêts des patients tels que Dystrophie musculaire Canada. Le Réseau vise à améliorer la prestation des soins cliniques pour tous les patients atteints de maladies neuromusculaires, à accroître, à l’échelle du pays, les capacités et la collaboration en matière de recherche clinique, de recherche fondamentale et de recherche translationnelle et à améliorer les possibilités d’information et de formation pour les chercheurs et les cliniciens dans toutes les disciplines touchant les maladies neuromusculaires. Profil du Dr Lawrence Korngut Le Dr Lawrence Korngut est professeur adjoint au Département de neurosciences cliniques de l’Université de Calgary, membre de la Hotchkiss Brain Institute et directeur de la Calgary ALS and Motor Neuron Disease Clinic. Ce neurologiste neuromusculaire s’intéresse plus particulièrement à la recherche clinique translationnelle, à l’établissement de registres et à l’épidémiologie. Ses recherches comprennent des essais cliniques de phase II et III de nouveaux traitements pour les maladies neuromusculaires. Chercheur national principal du Registre canadien des maladies neuromusculaires, il a dirigé, en 2012-­‐2013, une équipe d’experts en matière de registres et de maladies dans l’élaboration des directives de pratique optimale du Registre canadien de neurologie, dont l’aboutissement a été la formation du Registre canadien des maladies neuromusculaires (Canadian Neuromuscular Disease Registry, CNDR). Le Dr Korngut préside le Comité consultatif médical et scientifique de Dystrophie musculaire Canada et siège au conseil d’administration de cet organisme. Il a complété un stage de perfectionnement (fellowship) en neurologie neuromusculaire financé par l’Alberta Heritage Foundation for Medical Research. Ses recherches ainsi que ses activités dans le cadre du Registre et du Réseau sont financées par SLA Canada (Toronto, ON), les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), Families of Spinal Muscular Atrophy Canada (CHilliwack, CB), Le Rêve de Jesse (London, ON), Dystrophie musculaire Canada (Toronto, ON), la Starratt Family Foundation (Calgary, AB) et la famille Quirk (Calgary, AB). 
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