les difficultes de la chirurgie des dents de sagesse inferieures au

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LES DIFFICULTES DE LA CHIRURGIE DES
DENTS DE SAGESSE INFERIEURES
AU CABINET EN COTE D’IVOIRE
P. KOUAME , K. SOUAGA, D. AMANTCHI
INTRODUCTION
La chirurgie de la dent de sagesse inférieure retenue
présente de nombreuses difficultés qu’il convient d’évaluer avant l’acte opératoire.
L’examen clinique nous renseigne sur le psychisme, les
tares du patient et permet de poser un diagnostic.
L’examen radiographique précise le diagnostic et nous
renseigne sur la situation et la morphologie de la dent à
extraire.
En Afrique malheureusement, l’examen clinique et
radiographique manque souvent de précisions, ce qui
nous expose à des difficultés per-opératoires.
L’EXAMEN CLINIQUE
Particularités du patient africain
L’interrogatoire ne descelle pas toujours les pathologies
recherchées ; les réponses aux différentes questions à
la recherche d’une pathologie infectieuse, cardio-vasculaire ou de l’hémostase sont souvent négatives. Les
patients n’ont pas de médecin traitant et n’ont pas de
dossiers médicaux pour la plupart.
L’idéal est de faire un bilan préopératoire avant tout
acte de chirurgie, malheureusement le coût des examens biologiques n’encourage pas une telle démarche.
Les risques d’une hémorragie per-opératoire ou d’une
poussée hypertensive sont toujours à redouter.
Dans le doute, mesurer le temps de saignement, et
prendre la tension artérielle au cabinet avant l’acte
opératoire est souhaitable.
L’automédication est très fréquente en Afrique.
Les patients dès l’apparition des douleurs prennent
généralement des anti-inflammatoires ou des antalgiques ou des médicaments traditionnels ou chinois dont
on ne connaît même pas les principes actifs ou l’action.
Une enquête réalisée auprès de 300 patients au
C.C.T.O.S. d’Abidjan (centre de consultation odontostomatologique) montre que 89 % font de l’automédication et prennent en général des antalgiques (53 %) des
anti-inflammatoires (30 %), des antibiotiques (5 %)
autres (12 %).
* Service Chirurgie Faculté d’ondoto-stomatologie - Abidjan
Les anti-inflammatoires vont potentialiser les risques
d’hémorragies per-opératoires.
D’autre part la consultation étant tardive et l’utilisation
abusive d’anti-inflammatoire entraîne des complications cellulaires avec un trismus serré.
Une prescription préopératoire est toujours à envisag e r, mais les patients ne suivent pas toujours les
recommandations du praticien. Devant une prescription
trop chère, le patient choisit le médicament le moins
cher. C’est généralement l’antalgique ou l’anti-inflammatoire, laissant de côté l’antibiotique pourtant le plus
indiqué dans les pathologies infectieuses.
Souvent le praticien réadapte ses prescriptions en
fonction des moyens du patient, un macrolide trop cher
sera remplacé par un amoxicilline. Mieux vaut une
couverture antibiotique même limitée que pas du tout.
Une semaine de traitement préopératoire et il faut
intervenir même s’il persiste un léger trismus qui réduit
les mouvements intrabuccaux, car une nouvelle
prescription risque de décourager le patient et dans ce
cas c’est soit les traitements traditionnels ou les
cabinets dentaires clandestins ou les charlatans avec
des risques beaucoup plus grave pour le patient.
D’autre part, la tonicité musculaire du sujet négroafricain (joue langue) et l’hypersalivation gêne considérablement l’opérateur.
L’EXAMEN RADIOGRAPHIQUE
Les moyens radiographiques se limitant à une rétroalvéolaire ou mieux une panoramique ne mettent pas
toujours bien en évidence la situation intra-osseuse de
la dent. Celle-ci est pourtant un facteur déterminant
dans la survenue des difficultés per-opératoires.
L’analyse radiographique des situations des dents de
sagesse extraites au service de chirurgie du centre de
consultation et de traitement Odonto- stomatologique
du C.H.U. de Cocody (Côte d’Ivoire)montre sur un total
de 222 dents de sagesses inférieures retenues :
- 108 dents en position oblique mesiale soit 46%
- 66 dents en position horizontale
soit 22%
dont 14 en position horizontale basse.
- 44 dents en position verticale soit 18,5%
- dont 6 en position verticale basse et 14 en orien-
Odonto-Stomatologie Tropicale
Les difficultés de la chirurgie…
tation distale marquée.
- 4 dents en position vestibulo linguale soit 1,5%
- 52 dents entretiennent des rapports étroits soit 22%
avec le nerf dentaire inférieur.
le morcellement verticalement.
La mobilisation de la dent doit être suffisante avant la
prise au clavier.
Les positions verticales basses entretiennent des rapports avec le nerf dentaire inférieur ; une rupture du
paquet vasculo-nerveux dentaire est à redouter. Ainsi
qu’une fracture mandibulaire.
La morphologie corono radiculaire des dents s’oppose
souvent à leur extraction. Les couronnes sont volumineuses ; les racines longues souvent ankylosées ou
présentent une courbure ou un crochet apical.
L’état de la dent de 12 ans
Dans les cas cliniques sus mentionnés :
- 104 dents de 12 ans sont saines.
- 26dents de 12 ans présentent une carie occlusale ;
- 58dents de 12 ans présentent une carie distale ;
- 24 dents de 12 ans présentent une reconstitution
coronaire à l’amalgame;
- 10 dents de 12 ans présentent une reconstitution
corono-radiculaire;
- 4 dents de 12 ans sont à l’état de racine ;
- 10dents de 12 ans sont absentes ;
DIFFICULTÉS PARTICULIERES
SUIVANT LA POSITION DE LA DENT
La position oblique
La plus fréquente à orientation mésiale est facile à
extraire par morcellement coronaire. Il faut lever l’obstacle mésial pour élever la dent, la longueur des
fraises à turbine peut s’avérer insuffisante pour faire
une section complète (le diamètre mésio-distal des
dents est très important), la tentative de compléter la
section par un mouvement d’élévateur entraîne plutôt
une fracture partielle de la couronne laissant en place
l’obstacle avec une impossibilité de mobiliser la dent.
Il faut donc pour réaliser la section complète de la
couronne, de la dent ou une fraise beaucoup plus longue montée sur turbine ou pièce à main ou réaliser
une plus grande ostéotomie distale afin de faire reculer
la dent.
Des fois, la difficulté se situe au niveau des racines
lorsqu’elles sont profondément incluses ou avec des
apex courbes ou ankylosés. Il faut alors un dégagement osseux suffisant en distal pour découvrir les
racines et réaliser une séparation des racines.
24 % des deuxièmes molaires inférieures présentent
une carie distale en rapport avec la rétention de la dent
de sagesse inférieure. Et plus 50 % des deuxièmes
molaires ne sont pas saines (caries, reconstitutions
coronaires, diverses,...) avec des risques de fracture
coronaire lors des mouvements d’élévation de la troisième molaire.
La profondeur de l’anesthésie
Lorsque l’intervention est longue l’anesthésie doit être
renouvelée, mais la fatigue et la nervosité du patient
tendent à réduire son efficacité.
Fatigue musculaire
Dans les interventions longues, le patient fatigué a
tendance à fermer la bouche et réduit le champ de
vision de l’opérateur.
La position horizontale
Elle demande une certaine expérience ; il faut morceler
toute la dent par au moins deux sections coronaires et
corono-radiculaires pour faciliter l’extraction de la dent.
La difficulté concerne la position horizontale basse
(heureusement peu fréquente) car elle nécessite une
ostéotomie importante à la découverte de la dent.
L’élévation de la dent sera d’autant plus difficile que
l’ostéotomie sera insuffisante.
Il faut veiller à ne pas léser le nerf lingual.
Les limites du matériel chirurgical.
Un mauvais fonctionnement de l’aspirateur chirurgical
ou l’absence d’aspirateur chirurgical entraîne un mauvais jour du site opératoire avec une imprécision des
gestes opératoires (fraisage, élévation), les blessures
et déchirures muqueuses deviennent inévitables.
L’hémorragie per-opératoire et l’hypersalivation gênent
considérablement l’opérateur et prolonge inutilement
l’intervention.
L’aspiration par compresses n’est pas efficace dans les
cas d’hypersalivation et d’hémorragie per-opératoire
persistante.
Les écarteurs non adaptés (sans mords ou griffes) ne
chargent pas suffisamment le lambeau et réduisent la
visibilité de l’opératoire. Deux écarteurs dont l’écarteur
La position verticale
Elle est assez courante ; elle représente le type de la
dent piège. Certains confrères pensent à tort l’extraire
classiquement avec un davier à dent de sagesse
inférieur, après une petite incision distale et une ostéotomie à minima. La fracture coronaire est presque
inévitable et complique l’intervention.
Il faut réaliser une ostéotomie conséquente et réaliser
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Odonto-Stomatologie Tropicale
Les difficultés de la chirurgie…
de Gineste pour le lambeau vestibulaire et une lame
malléable en linguale sont nécessaires.
La dureté de l’os alvéolaire et le mauvais fonctionnement des turbines entraînent fréquemment la rupture
des fraises, celles-ci doivent être neuves et coupantes.
Longueurs et formes doivent être adaptées à chaque
cas clinique. Généralement les fraises à os rond ou
cylindrique réalisent une bonne ostéotomie.
En cas de doute réaliser au moins un bilan de l’hémostase et prendre la tension artérielle du patient.
La radiographie panoramique est le minimum nécessaire avant une telle intervention. Situer la dent dans
son environnement intra-osseux nous guide dans le
choix de la technique chirurgicale.
Le constat clinique et chirurgical montre que la radiographie panoramique au niveau postérieur accentue
plutôt les inclinaisons et la dimension coronaire des
dents, les complications per-opératoires sont prévisibles et moins importantes qu’on les avait imaginées.
C0NCLUSI0N
Avant d’aborder l’extraction d’une dent de sagesse
mandibulaire, chez le negro africain, il faut se demander si cet acte peut être conduit dans de bonnes conditions pour le patient.
- Les cabinets dentaires sans moyens matériels
adaptés ne sont pas conseillés.
- L’examen clinique du patient est essentiel à la
recherche d’une tare pathologique.
Des moyens hémostatiques doivent être à disposition
du praticien pour vaincre toute hémorragie persistante.
Lorsque l’intervention ne peut plus être conduit dans de
bonnes conditions (hémorragie persistante, douleur,
fatigue) il est préférable de surseoir à l’intervention et
d’adresser le patient à un spécialiste.
RESUME
Les cas de dents de sagesse inférieures incluses ou enclavées sont de plus en plus fréquents en Afrique et
plus particulièrement en Côte d’Ivoire.
Les patients sont des adultes ou des adultes jeunes qui consultent l’odontologiste lors d’accidents de
désinclusion de la dent de sagesse inférieure ou qui nous sont adressés par des confrères après une
tentative d’extraction avortée de la dent.
Les difficultés per-opératoires rencontrées en Côte d’Ivoire lors de la chirurgie des dents de sagesse inférieures sont en rapport avec :
- les particularités du sujet négro-africain,
- les limites du matériel chirurgical,
- l’hémorragie peropératoire,
- la situation intra-osseuse d e la dent et ses rapports avec le nerf dentaire inférieur,
- la morphologie corono-radiculaire de la dent.
Mots-clés : Dent de sagesse inférieure, Chirurgie, Difficultés.
SUMMARY
Difficult office dental surgery of inferior molars in Ivory Coast
Extraction of impacted inferior molars is becoming a frequent surgical intervention in Ivory Coast. Patients
are mainly young adults who come for consultation due to difficult eruption of the impacted molars. They are
often referred after attempted extraction by professional colleagues.
Perioperative difficulties during, extraction of inferior molars depict.
- particular dental character of Negroid African:
- limited surgical sundries,
- perioperative haemorrhage,
- intraosseous anatomical relation with inferior dental nerve,
- corono-radicular morphology of the tooth.
Kev-words : Inferior molar tooth, Surgery, Difficulties.
BIBLIOGRAPHIE
1 - KATTIE AL et coll
Les médicaments en prescription courante en pratique odontologique
du C.C.T.O.S. d’Abidjan. Revue COSA - CMF Vol.3 1996.
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Revue COSA - CMF Vol.3 1996.
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Revue d’O donto-stomatologie, Tome 22 N°5 1993.
4 - AARONC. COMMISSIONNAT. Y
Relation between mandibular canal and the wisdom teeth.
Consequences - Therapeutic implications.
Acta. stomatol. int 1987, 8 13-24.
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