DOSSIER THÉMATIQUE Formes héréditaires des cancers colorectaux Le syndrome HNPCC/Lynch HNPCC/Lynch syndrome T. Lecomte 1, 2, G. Goujon 1, 2 L 1 Université François-Rabelais, Tours. Service d’hépato-gastro­entérologie, hôpital Trousseau, CHRU de Tours. 2 e syndrome HNPCC (Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer), ou syndrome de Lynch, est une forme de prédisposition héréditaire aux cancers liée à la présence d’une mutation constitutionnelle sur l’un des gènes du système de réparation de l’ADN MMR (MisMatch Repair) [1]. Parmi le spectre des cancers associés à ce syndrome, les deux plus fréquents sont le cancer du côlon et le cancer de l’endomètre. Une mutation délétère constitutionnelle d’un des gènes MMR est identifiée chez environ 70 % des familles atteintes d’une forme typique. Le syndrome HNPCC est responsable d’environ 3 % des cancers colorectaux (1). Contrairement à celui de la polypose adénomateuse familiale, le phénotype clinique du syndrome HNPCC est beaucoup plus hétérogène et peut mimer des situations relative- Sujet 1 : (CA) x 24 Sujet 2 : (CA) x 26 Sujet 3 : (CA) x 21 Séquence microsatellite (répétition de CA) Amplification par PCR, puis analyse des produits d’amplification par électrophorèse qui permet de distinguer les variants du microsatellite étudié Sujet : 1 Figure 1. Un exemple de marqueur microsatellite. 116 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 2 - février 2010 2 3 ment fréquentes dans la population générale. Par conséquent, ce syndrome est plus difficile à identifier que la polypose adénomateuse familiale “classique”. L’identification des patients atteints de ce syndrome permet la mise en œuvre de stratégies de prévention et de dépistage des cancers du côlon et de l’endomètre afin d’améliorer la survie de ces patients. Caractéristiques génétiques des cancers colorectaux associés au syndrome HNPCC Les gènes MMR (MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2) codent pour des enzymes de réparation des mésappariements de l’ADN (2). Le processus de carcinogenèse observé dans le syndrome HNPCC est la conséquence de défauts de réparation des erreurs commises par l’ADN polymérase lors de la réplication de l’ADN au cours de la division cellulaire. Contrairement à l’inactivation d’un gène suppresseur de tumeur, l’inactivation d’un gène MMR n’intervient pas directement dans la transformation maligne, mais elle induit des mutations sur des gènes cibles impliqués dans le contrôle de l’apoptose et du cycle cellulaire. L’inactivation d’un gène MMR confère généralement à la cellule cancéreuse un phénotype moléculaire dit MSI+, c’est-à-dire avec instabilité des microsatellites (3). Les microsatellites sont des séquences d’ADN, généralement non codantes, constituées de la répétition en tandem d’un motif de 1 à 4 nucléotides (figure 1). Du fait de leur structure répétée, les microsatellites sont difficiles à répliquer. Au cours de la réplication de l’ADN, ils sont des cibles privilégiées d’erreurs de l’ADN polymérase responsables de mésappariements de l’ADN normalement identifiés et réparés par les enzymes du système MMR. En cas de défaillance de ce système, on observe au niveau des microsatellites une accumulation d’erreurs qui se traduit par Points forts »» Le syndrome HNPCC est lié à des mutations délétères constitutionnelles des gènes MMR de réparation de l’ADN, principalement hMSH2 et hMLH1, qui confèrent généralement à la tumeur un phénotype MSI. »» La définition clinique du syndrome HNPCC selon les critères d’Amsterdam est peu sensible et trop restrictive, d’où un élargissement de ces critères cliniques associé à une démarche diagnostique à deux étapes dont la première étape est la recherche d’un phénotype tumoral MSI+ et/ou la recherche en immuno­ histochimie de la perte d’expression d’une protéine codée par les gènes MMR. »» En cas de diagnostic de syndrome HNPCC, des mesures de prévention et de dépistage du cancer du côlon et de l’endomètre sont à mettre en œuvre chez tous les apparentés d’une personne atteinte quand on ne dispose pas d’un diagnostic génétique, et seulement aux porteurs d’une mutation délétère constitutionnelle quand on dispose du diagnostic génétique. l’apparition de nouveaux allèles qui n’existent pas à l’état constitutionnel (figure 2). Ce phénomène, appelé MSI+, est généralement observé dans les cellules tumorales des cancers survenant au cours du syndrome HNPCC. Cependant, ce phénotype moléculaire n’est pas spécifique du syndrome HNPCC, car il est observé dans 10 à 15 % des cancers colorectaux sporadiques, le plus souvent lié à une hyperméthylation du promoteur du gène MLH1 conduisant à l’inactivation de ce gène (4). À noter que l’oncogène BRAF est muté dans environ 30 % des cancers colorectaux MSI+ sporadiques, alors qu’il n’est pas muté dans les cancers associés au syndrome HNPCC. De plus, les tumeurs survenant chez les patients porteurs d’une mutation du gène MSH6 ne présentent pas de phénotype MSI+ dans un pourcentage de cas significatif. Classiquement, le génotypage de cinq marqueurs microsatellites (BAT25, BAT26, D2S123, D5S346 et D17S250) permet la caractérisation du phénotype d’instabilité microsatellitaire (3). Les trois marqueurs D2S123, D5S346 et D17S250, du fait de leur caractère polymorphe, nécessitent le génotypage de l’ADN normal et de l’ADN tumoral, contrairement aux marqueurs microsatellites quasi monomorphes BAT25 et BAT26, qui nécessitent uniquement de l’ADN tumoral pour la recherche d’une instabilité microsatellitaire. La recherche d’un phénotype tumoral MSI+ permet la reconnaissance de cancers se développant dans le cadre du syndrome HNPCC et, par conséquent, l’identification de patients suspects d’être atteints d’un syndrome HNPCC. Cette recherche nécessite de l’ADN d’origine tumorale extrait à partir de matériel tumoral (cancer colorectal ou adénome avancé) analysable en biologie moléculaire, c’est-à-dire non fixé dans le liquide de bouin. Définition et présentation clinique Le syndrome HNPCC est une maladie à transmission autosomique dominante avec une pénétrance comprise entre 70 et 80 %. La définition clinique du syndrome HNPCC correspond aux critères d’Amsterdam établis en 1991 (Amsterdam I) puis révisés en 1999 (Amsterdam II) [tableau I] (5). Initialement, ces critères n’incluaient que le cancer colorectal, puis d’autres cancers appartenant au spectre “étroit” du syndrome HNPCC ont été intégrés dans la version révisée (adénocarcinome de l’endomètre et de l’intestin grêle, carcinome urothélial). Le spectre “large” du syndrome inclut par ailleurs les cancers de l’estomac, des voies biliaires et de l’ovaire, et le glioblastome. Les risques cumulés des principaux cancers appartenant au spectre du syndrome HNPCC sont Mots-clés Syndrome HNPCC Gènes MMR Cancer du côlon Chromoendoscopie Keywords HNPCC syndrome MMR genes Colorectal cancer Chromoendoscopy En cas de microsatellite polymorphe, il est nécessaire de comparer l’ADN normal à l’ADN tumoral. L’analyse des produits d’amplification par électrophorèse permet de séparer les deux allèles du microsatellite en fonction de leurs tailles (N : ADN normal, T : ADN tumoral). Instabilité du microsatellite Microsatellite non altéré N T N T Exemple de profil d’instabilité du microsatellite monomorphe BAT26 dans le cas d’une tumeur MSI+ Figure 2. Typage d’un marqueur microsatellite. Tableau I. Critères d’Amsterdam établis par l’International Collaborative Group – HNPCC. Critères d’Amsterdam I (critères classiques) Famille comportant au moins trois parents atteints de cancer colorectal histologiquement prouvé et présentant tous les critères suivants : • l’un des sujets atteints est apparenté au premier degré aux deux autres ; • au moins deux générations successives sont atteintes ; • au moins un des diagnostics de cancer colorectal est posé avant l’âge de 50 ans ; • une polypose adénomateuse familiale doit être exclue. Critères d’Amsterdam II (critères révisés) Famille comportant au moins trois parents atteints d’un cancer histologiquement prouvé appartenant au spectre du syndrome HNPCC (cancer colorectal, cancer de l’endomètre, cancer de l’intestin grêle, cancer de l’uretère ou des cavités rénales excrétrices) et présentant tous les critères suivants : • l’un des sujets atteints est apparenté au premier degré aux deux autres ; • au moins deux générations successives sont atteintes ; • au moins un des diagnostics de cancer est posé avant l’âge de 50 ans ; • une polypose adénomateuse familiale doit être exclue. La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 2 - février 2010 | 117 DOSSIER THÉMATIQUE Formes héréditaires des cancers colorectaux Le syndrome HNPCC/Lynch rapportés dans le tableau II (6-8). Chez les patients atteints d’un syndrome HNPCC, le risque cumulé de cancer, toute localisation confondue, à l’âge de 50 ans, est d’environ 60 % (7). Le risque cumulé de cancer colorectal à 70 ans est d’environ 50 % avec un âge moyen de survenue de 44 ans. Dans 70 % des cas, les cancers sont localisés entre le cæcum et l’angle colique gauche. Sur le plan anatomopathologique, ils présentent souvent une faible différenciation, une composante mucineuse et un infiltrat lymphoïde important. Contrairement à ce que son nom suggère, le syndrome HNPCC est associé à un processus de carcinogenèse colorectale via la séquence adénomecancer. Le risque très élevé de cancer colorectal est dû à une carcinogenèse colorectale accélérée à partir du stade de l’adénome. La répartition des adénomes sur le cadre colique est différente de celle observée dans la population générale, avec une prédominance entre le cæcum et l'angle colique gauche. Comme dans la population générale, les adénomes plans sont fréquents et, en raison de leur caractère plus agressif, ils ont probablement un rôle important dans le processus de carcinogenèse colorectale lié au syndrome HNPCC. Il est à noter que le phénotype MSI+ est observé dès le stade d’adénome avancé au cours du syndrome HNPCC. Le risque cumulé de développer un cancer colorectal métachrone, 20 ans après un premier cancer colorectal, est d’environ 50 % (7). Le risque cumulé d’adénocarcinome de l’endomètre est estimé à 50 % à l’âge de 70 ans. Ce risque est plus élevé en cas de mutation du gène MSH6. Dans un quart des cas, le cancer de l’endomètre est la première manifestation tumorale chez les femmes atteintes (7). Tableau II. Critères de Bethesda révisés. • Cancer colorectal diagnostiqué avant l’âge de 50 ans. • Deux cancers synchrones ou métachrones du spectre large du syndrome HNPCC, quel que soit l’âge de diagnostic des cancers, chez un même patient. • Cancer colorectal ayant les caractéristiques anatomopathologiques des cancers MSI+ (infiltrat lymphocytaire important, réaction lymphocytaire Crohn’s-like, cellule en bagues à chatons, composante mucineuse importante) à un âge inférieur à 60 ans. • Cancer colorectal avec au moins un apparenté du premier degré atteint d’un cancer du spectre du syndrome HNPCC et, dans un cas, un âge au diagnostic de cancer inférieur à 50 ans. • Cancer colorectal avec au moins deux apparentés du premier ou du deuxième degré atteints d’un cancer du spectre du syndrome HNPCC, quel que soit l’âge au diagnostic de cancer. Diagnostic génétique En cas de suspicion de syndrome HNPCC chez un patient atteint d’un cancer du spectre du syndrome HNPCC (cas index), il convient de l’adresser en consultation d’oncogénétique. Les objectifs de cette consultation seront d’établir un arbre généalogique précis, de valider les diagnostics de cancer, 118 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 2 - février 2010 de demander la recherche d’un phénotype tumoral MSI+ en biologie moléculaire si celle-ci n’a pas été réalisée au préalable, et de poser ou non l’indication d’une analyse génétique constitutionnelle des gènes MMR. Si le diagnostic de syndrome HNPCC est retenu, il sera proposé, en collaboration avec les différents médecins concernés (gastroentérologue, gynécologue…), une surveillance médicale du patient et de ses apparentés en attendant l’éventuelle identification d’une mutation délétère d’un gène MMR chez le cas index permettant de restreindre la surveillance aux apparentés porteurs de la mutation délétère. La recherche d’une mutation constitutionnelle d’un gène MMR chez un cas index suspect d’être atteint d’un syndrome HNPCC est parfois longue et complexe : le délai moyen d’obtention d’un résultat est compris entre 6 mois et 1 an. Un test diagnostique génétique prédictif chez les apparentés d’un cas index porteur d’une mutation délétère ne pourra être proposé qu’à l’âge de début de la mise en œuvre des mesures de dépistage ou de prévention. Les critères d’Amsterdam II sont peu sensibles et trop restrictifs et, appliqués à la lettre, ils ne permettent pas de reconnaître de nombreuses familles atteintes d’un syndrome HNPCC. En pratique, une approche clinico-biologique moins restrictive est utilisée pour l’identification du syndrome HNPCC, permettant de sélectionner les patients à adresser en consultation d’oncogénétique (9). Elle repose sur une stratégie en deux étapes pour les patients ne remplissant pas les critères d’Amsterdam. La première étape est basée sur la recherche d’un phénotype tumoral MSI+ dont le but est de repérer, parmi les patients atteints d’un cancer colorectal, le sous-groupe de ceux pouvant bénéficier d’un diagnostic génétique à la recherche d’une mutation délétère constitutionnelle d’un gène MMR. Toutefois, la recherche systématique chez tous les patients atteints d’un cancer colorectal avec un phénotype tumoral MSI+ n’est pas réalisable en pratique, car plus des trois quarts de ces cancers colorectaux sont de type sporadique. Mais le recours à quelques critères cliniques simples pour poser l’indication de ce test permet d’améliorer nettement son efficacité. Afin d’augmenter la sensibilité de détection des patients porteurs d’une mutation constitutionnelle délétère d’un gène MMR parmi la population atteinte de cancer colorectal, d’autres paramètres, non limités aux critères d’Amsterdam, et prédictifs de la présence d’un phénotype tumoral MSI+, ont été proposés. Il s’agit tout d’abord des critères dits de Bethesda, établis en 1997 puis révisés en 2004 (tableau II) [10]. La présence d’au moins un de ces critères est une indication de recherche DOSSIER THÉMATIQUE d’un phénotype tumoral instable MSI+. Plus récemment, l’expertise collective française pour la prise en charge du syndrome HNPCC a également proposé un élargissement des critères d’Amsterdam pour la recherche d’une mutation constitutionnelle délétère d’un gène MMR (9). En l’absence des critères d’Amsterdam élargis, une stratégie en deux étapes, utilisant la recherche d’un phénotype tumoral MSI+, est recommandée (figure 3). Afin de privilégier la sensibilité de la détection des mutations des gènes MMR, l’indication d’une consultation d’oncogénétique en vue d’une analyse génétique constitutionnelle des gènes MMR sera proposée aux patients atteints d’un cancer du spectre large du syndrome HNPCC dans les situations suivantes : présence des critères d’Amsterdam II “élargis” (deux apparentés au premier degré au minimum et non trois), cancer diagnostiqué avant l’âge de 40 ans et/ou antécédent personnel de cancer du spectre large du syndrome HNPCC. Quant à la recherche d’un phénotype tumoral MSI+, elle est à demander pour les patients opérés d’un cancer du côlon avec au moins un des deux critères suivants : âge au diagnostic entre 40 et 60 ans, antécédent au premier degré de cancer du spectre large du syndrome HNPCC. En présence d’un phénotype tumoral MSI+, la recherche de la mutation V600E du gène BRAF au niveau de la tumeur est utile, car sa présence signe le caractère sporadique du phénotype tumoral MSI+ associé à l’hyperméthylation du promoteur du gène MLH1 (11). En cas de phénotype tumoral MSI+ sans mutation V600E du gène BRAF, l’indication d’une consultation d’oncogénétique sera retenue pour une analyse génétique constitutionnelle des gènes MMR. En cas d’impossibilité d’obtenir une recherche du phénotype tumoral MSI+ dans les cas ne remplissant pas les critères d’Amsterdam, l’indication d’une consultation d’oncogénétique en vue d’une analyse génétique constitutionnelle des gènes MMR sera proposée si deux apparentés au premier degré sont atteints d’un cancer du spectre large du syndrome HNPCC avant 60 ans. L’immunohistochimie à la recherche d’une extinction des protéines hMLH1, hMSH2, hPMS2 ou hMSH6 au sein du tissu tumoral est complémentaire de la recherche d’un phénotype tumoral MSI+ en biologie moléculaire (12). Le taux de faux positifs de l’immuno­h istochimie, c’est-à-dire l’absence ­d’extinction d’une de ces quatre protéines alors que le phénotype tumoral est MSI+, est de 5 à 10 %. Par conséquent, le diagnostic de syndrome HNPCC ne peut être formellement rejeté face à l’absence ­d’extinction d’une protéine codée par les gènes MMR en immunohistochimie. Après la détection d’un Cancer (côlon-rectum, utérus, grêle, urothélium, voies biliaires, estomac, ovaire) < 40 ans ou antécédent* personnel 40-60 ans ou antécédent* 1er degré MSI? MSI– STOP MSI+ Consultation d’oncogénétique Extinction MLH1 BRAF (V600E) Non muté muté IHC recommandée Extinction MSH2/MSH6 Analyse constitutionnelle des gènes MMR IHC IHC : immunohistochimie. * antécédent de cancer du spectre du syndrome HNPCC. Figure 3. Indications de consultation d’oncogénétique et d’analyse génétique constitutionnelle des gènes MMR. phénotype tumoral MSI+ dans le cadre de la stratégie en deux temps, l’immunohistochimie est utile pour orienter la recherche d’une mutation constitutionnelle sur un gène MMR dont la protéine ne sera pas exprimée au niveau de la tumeur. Si, d’emblée, une analyse génétique constitutionnelle des gènes MMR est proposée, l’étude immunohistochimique de l’expression des protéines MMR au niveau de la tumeur est utile pour orienter la recherche d’une mutation constitutionnelle d’un gène MMR. Prévention et dépistage des cancers associés au syndrome HNPCC Tableau III. Risques cumulés au cours de la vie des cancers du spectre du syndrome HNPCC chez les patients porteurs d’une mutation délétère d’un gène MMR. Site Risque (%) Côlon-rectum 80 Endomètre 50 Ovaire 10 Estomac 10 Tractus biliaire 5 Urothélium Grêle 5 1-5 Le risque élevé de cancers associé au syndrome HNPCC justifie une stratégie de dépistage et de prévention (tableau III), qui a largement fait la preuve de son efficacité en termes de réduction de l’incidence du cancer colorectal et du taux de mortalité par cancer colorectal grâce à la pratique de coloscopies de dépistage chez les sujets appartenant à des familles présentant les critères d’Amsterdam (13). Cette stratégie concerne les sujets asymptomatiques dont le risque génétique a été identifié au niveau individuel par un diagnostic génétique moléculaire ou dont la probabilité d’avoir un syndrome HNPCC est élevée. Chez tous les apparentés d’une personne atteinte, quand on ne dispose pas d’un diagnostic génétique, La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 2 - février 2010 | 119 DOSSIER THÉMATIQUE Formes héréditaires des cancers colorectaux Le syndrome HNPCC/Lynch et chez les seuls porteurs d’une mutation délétère constitutionnelle, quand on dispose du diagnostic génétique, la prévention et le dépistage du cancer colorectal par coloscopie totale doivent débuter entre 20 et 25 ans ; l’examen doit être répété tous les 2 ans, si la coloscopie est normale (9). Il convient d’insister sur la nécessité d’une coloscopie de bonne qualité, avec une préparation colique parfaite et le recours systématique à la chromoendoscopie en utilisant le colorant de surface indigo carmin. La chromoendoscopie permet de détecter un plus grand nombre d’adénomes chez les patients atteints d’un syndrome HNPCC (14). La technique de chromoendoscopie sera utilisée après un examen conventionnel de l’ensemble de la muqueuse colorectale. La surveillance devient annuelle après une colectomie segmentaire pour cancer ou après exérèse d’un adénome. La réalisation d’une colectomie prophylactique n’est pas recommandée. Étant donné le risque de cancer colorectal métachrone, certaines équipes anglo-saxonnes préconisent la réalisation systématique d’une colectomie totale dans le cadre du traitement d’un premier cancer colorectal chez les patients atteints du syndrome HNPCC, avec anastomose iléorectale ou iléo-anale en cas de cancer du rectum. Cette attitude n’est pas recommandée en France en raison de la morbidité du geste opératoire et des performances élevées de la coloscopie de dépistage. Il faut signaler que l’intérêt de la chimioprophylaxie pour la prévention des lésions colorectales n’est pas démontré. En ce qui concerne la surveillance de l’endomètre, un examen gynécologique et une échographie pelvienne endovaginale annuelle à partir de l’âge de 30 ans (8, 9) sont recommandés. L’intérêt de l’hystéroscopie souple avec biopsies systématiques est en cours d’évaluation. Contrairement au cancer du côlon, l’efficacité d’un dépistage du cancer de l’endomètre n’a pas été démontrée. En revanche, l’intérêt d’une hystérectomie prophylactique a été suggéré récemment dans une étude rétrospective (15). Une chirurgie prophylactique du cancer de l’endomètre peut se discuter à partir de l’âge de 40 ans étant donné l’âge relativement tardif de survenue de ce cancer, a fortiori en cas d’indication d’une autre chirurgie pelvienne. Elle peut être réalisée, par exemple, à l’occasion du traitement chirurgical d’un cancer du côlon. Compte tenu du risque relatif augmenté de cancer gastrique associé au syndrome HNPCC, une surveillance endoscopique œsogastroduodénale systématique est recommandée en cas d’antécédent familial de cancer gastrique, et il est raisonnable de la proposer à l’occasion des coloscopies de dépistage sous anesthésie générale, au minimum dans le but de rechercher Helicobacter pylori afin de l’éradiquer. En cas d’antécédent familial de cancer des voies urinaires, certains auteurs recommandent la recherche annuelle d’une hématurie microscopique à partir de l’âge de 40 ans ou 5 ans avant l’âge le plus jeune de survenue de ce type de cancer au sein de la famille. Pour les autres localisations tumorales, il n’existe pas de recommandations de surveillance. L’intérêt de la surveillance du grêle par vidéocapsule a été récemment rapporté et mérite d’être confirmé. Conclusion Le syndrome HNPCC est l’exemple caractéristique des progrès réalisés dans le domaine de la génétique du cancer colorectal. D’une part, la compréhension des altérations génétiques tumorales associées au syndrome HNPCC a permis d’identifier un mécanisme moléculaire de carcinogenèse colorectale caractérisé par un phénotype tumoral MSI+ dont la recherche, au moyen de l’analyse en biologie moléculaire de marqueurs microsatellites, permet la reconnaissance des cancers se développant dans le cadre du syndrome HNPCC. D’autre part, l’identification des gènes responsables de ce syndrome a permis de disposer d’outils diagnostiques permettant de dépister des sujets ayant une prédisposition génétique au cancer colorectal avec, comme corollaire, la mise en place de stratégies de dépistage et de prévention dont l’efficacité est démontrée. ■ Références bibliographiques 1. Hendriks YM, de Jong AE, Morreau H et al. Diagnostic 6. Hampel H, Stephens JA, Pukkala E et al. 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