PRATIQUES Santé publique 2004, volume 16, no 2, pp. 373-382 La santé publique et les formations d’infirmières et cadres de santé Public health and training for nurses and senior level management G. Gérauld-Pointel (1) Résumé : L’enseignement de la santé publique s’est développé progressivement dans les formations infirmière et cadre, en lien avec l’évolution de ces professions et les besoins de la population, pour occuper aujourd’hui une place identifiable dans les programmes . Sa dynamique est liée aux projets pédagogiques des instituts. Mais si les formations s’efforcent de développer avec pertinence cette dimension comme partie intégrante des fonctions des soignants, la santé publique ,dans l’exercice professionnel, reste dépendante des objectifs institutionnels et des orientations économiques et politiques. Summary : The teaching of public health has progressively developed within the area of nursing and senior management training, in line with the development of these professions and the population's needs, in order to hold an identifiable place in today's programmes. Its dynamic is closely linked to the educational projects of various institutes. But if training is strengthened to develop this pertinent and significant dimension as an integral part of care providers' functions, then public health as a professional practice remains dependant upon institutional objectives and political and economic trends. Mots clés : concept santé - prise en charge holistique - évolution pédagogique - comportements professionnels - enjeux. Key words : health concept - holistic care - educational development Professional behaviour the stakes. (1) Directrice de l’Institut de Formation des Cadres de Santé (IFCS), CHU de Nancy – 54500 Vandœuvre-lès-Nancy. Tiré à part : G. Gérauld-Pointel Réception : 12/01/2004 - Acceptation : 29/04/2004 374 G. GÉRAULD-POINTEL D « écouverte de l’être humain dans son environnement […] influence de l’environnement sur l’individu […] restaurer la santé d’une personne ou d’un groupe social […] approche interdisciplinaire »… tels sont les termes retrouvés à plusieurs reprises dans les objectifs introductifs des programmes de formation infirmiers et cadres depuis les années 1970. Peu à peu, les concepts sous-jacents à ces objectifs ont été intégrés dans les formations laissant la place à une réelle formation en la matière. Quelle place, quel enrichissement pouvons-nous observer dans la pratique professionnelle ? Ce questionnement est à confronter à l’évolution de l’exercice professionnel, aux textes qui le régissent, et aux évolutions des besoins : des patients, de la population, des établissements de santé, des politiques de santé. Ces éléments et l’analyse des textes relatifs aux programmes de formation clarifient la reconnaissance progressive de la santé publique dans les formations. Comment les écoles ou instituts ont-ils décliné ces objectifs dans leurs projets pédagogiques respectifs ? Nous nous appuierons sur l’exemple d’un institut de formation en soins infirmiers (IFSI) et un IFCS dont nous avons successivement assuré la direction. Nous nous interrogerons sur l’impact de ces formations sur les étudiants, sur leurs pratiques professionnelles et les enjeux perceptibles dans le contexte sanitaire actuel. Nous analyserons respectivement la formation infirmière puis la formation cadre. L’exercice professionnel infirmier L’approche de la santé dans la formation est à considérer en regard de la conception des soins. Dans les années 1970-1980 les infirmières réalisent des soins techniques requis par le développement des techniques médicales évoluant peu à peu vers une conception globale de la personne soignée. Celle-ci demande, certes, à être soignée de sa maladie, mais tout en recouvrant par ailleurs un bien être total dans son mode de vie et son environnement. Les rencontres professionnelles, l’OMS, les recommandations internationales, les différentes théories relatives à la conception des soins (anglosaxonnes notamment) ont favorisé ce retour au sens du soin. Pour la profession infirmière, les accords européens signés à Strasbourg le 25 Octobre 1967 ont participé à cette évolution en précisant que l’infirmière : « observe les situations ou conditions physiques et affectives qui exercent un effet important sur la santé dispense des soins infirmiers […] compte tenu des besoins physiques, spirituels du malade en milieu hospitalier, au foyer ; à l’école, au lieu de travail ». En 1973 : le Comité International des Infirmiers à Mexico a déterminé 4 axes d’exercice infirmier : 1. promouvoir la santé, 2. prévenir la maladie, 3. restaurer la santé, 4. soulager les souffrances. En France, la loi du 31 mai 1978, remplace la loi de 1946 et définit la profession d’infirmière en stipulant : « l’infirmier ou l’infirmière participe à différentes actions, notamment en matière de prévention, d’éducation de la santé, de formation ou d’encadrement ». Le décret d’actes professionnels précise dans l’article 1 la participation de l’infirmière à des actions de prévention : « l’exercice de la profession d’infirmier comporte l’analyse, LA SANTÉ PUBLIQUE ET LES FORMATIONS D’INFIRMIÈRES ET CADRES DE SANTÉ l’organisation, la réalisation de soins infirmiers (…) la contribution au recueil de données cliniques et épidémiologiques et la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et d’éducation à la santé ». Actuellement cette vision holistique de la personne se trouve renforcée dans le décret du 4 Mars 2002 relatif aux droits des patients en permettant à ceux-ci d’être reconnus acteurs de leur santé. Cette approche qui ne considère plus uniquement la maladie a été déterminante pour intégrer le concept de santé dans la formation : être en santé ne signifiait plus ne plus avoir de maladie mais avoir les moyens de vivre en équilibre avec un handicap, une maladie chronique, en s’appuyant sur ses ressources personnelles et environnementales. « il convient de ne pas aborder la personne soignée uniquement comme un être de besoins car ses ressources sont là et leur mobilisation constitue un levier de changement puissant dans l’aide apportée au déploiement de la santé ». Il s’agit de répondre aux besoins de santé en prenant en compte les composantes de l’être humain (biologique, psycho social, spirituel) dans un environnement donné. (La prise en charge des patients atteints du sida a bien démontré la nécessité de cette approche que ce soit dans le domaine curatif ou dans le domaine préventif). Il a été indispensable alors de connaître le mode de vie, la culture, l’environnement des personnes pour apporter les réponses appropriées. Ainsi, l’infirmier réalise selon son secteur d’activité, des soins techniques, des soins relationnels, des démarches préventives et éducatives en tenant compte de la spécificité de chaque personne ou groupe. Pour ce faire, il est nécessaire de rester en veille par rapport aux orientations 375 nationales en matière de santé publique ainsi qu’aux plans régionaux de santé (PRS). Cette approche humaniste nécessite des changements individuels de comportements importants pour les professionnels d’autant plus que les conditions d’exercice ne sont pas optimales pour la réaliser. La santé publique dans la formation des infirmières Depuis septembre 1992 (Tableau I programme 4) [1], la santé publique dispose d’un module à part entière, il s’agit d’un module transverse, c’està-dire qu’il est réparti sur les 3 années de formation ; de plus des évaluations cliniques peuvent être organisées au cours des 3 ans portant sur la présentation de démarche de santé publique et des actions de santé ; Il faut préciser que cette évaluation n’est pas obligatoire en santé publique mais possible en fonction des objectifs de l’institut. Ce programme est toujours en vigueur à ce jour. Pour illustrer la mise en œuvre de l’enseignement de la santé publique en formation infirmière, nous considérerons un IFSI qui a évolué d’une capacité de 55 élèves en 1978, date de son ouverture à 65 étudiants pendant la période que nous décrirons. Rappelons que chaque IFSI établit un projet pédagogique qui détermine les orientations majeures de la formation dans lesquelles le programme va s’inscrire. Nous présenterons les expériences poursuivies en 2 phases : soit de 1978 à 1992 et après 1992. 1re phase Dès l’ouverture de l’école en 1978 (Tableau I - programme 2) [2] conformément aux options de l’école, en collaboration avec un professeur de santé publique, nous avons abordé année Décret du 05.09.72 Décret du 12.04.79 Décret du 23.03.92 Programme (2) (3) (4) 37 mois 33 mois 28 mois Durées Objectifs • Répondre aux besoins de santé d’un individu ou d’un groupe dans le domaine préventif, curatif, de réadaptation ou de réhabilitation Planifier les soins infirmiers…notamment en matière de prévention et d’éducation pour la santé individuelle et collective • Dans chaque module : épidémiologie, prévention, éducation….. Identifier les besoins de santé des personnes et des groupes Collaborer avec autres professionnels Contribuer au maintien ou à la restauration de la santé Etude de l’homme dans son contexte habituel de vie Infirmière : éducatrice de santé Tableau I : La formation infirmière de 1972 à ce jour. Module spécifique Concept santé Les milieux de vie Habitat Travail Alimentation Etat sanitaire de la France Notions groupes La santé, influence de l’environnement Santé et habitat, Epidémiologie.. ; les grandes endémies Contenus Non déterminé 80 h 100 h 18 h 20 h Nb heures 2 stages de 3 semaines Non précisé néant Stage Evaluation écrite + Evaluation clinique : démarche de santé pub. néant néant Évaluation 376 G. GÉRAULD-POINTEL LA SANTÉ PUBLIQUE ET LES FORMATIONS D’INFIRMIÈRES ET CADRES DE SANTÉ l’enseignement par un travail sur l’étude de l’homme dans son milieu en privilégiant l’axe santé communautaire. Les autres orientations de l’école sont : – le travail en collaboration continue avec l’école de Santé Publique de la faculté de Médecine de Nancy 1 ; – la mise en situations des étudiants par des stages et enquêtes ; – l’utilisation de tous les outils et méthodes dynamiques de restitution ; – le travail en groupes ; – la participation des partenaires des lieux d’accueil de stagiaires. Compte tenu du temps limité (Tableau I - programme 2) [2], nous avons retenu l’objectif suivant : déterminer les besoins de santé des personnes à différents âges de la vie et dans des catégories socio professionnelles différentes. Des enquêtes portent sur l’étude des besoins des personnes et les moyens mis en œuvre pour répondre : structures, professionnels… La restitution est orale avec des supports : panneaux, moyens audiovisuels… Le débat centré sur la question suivante : les structures répondent-elles aux besoins ? Ces travaux sont complétés par des notions d’épidémiologie, des visites dans des institutions sanitaires et sociales. À partir de 1980, l’allongement de la formation (Tableau I - programme 3) [3] nous permet de conforter nos objectifs. Méthodologie Les objectifs sont de découvrir l’influence de l’environnement sur le développement de l’être humain et 377 déterminer les moyens de promouvoir la santé. Après des enseignements sur les concepts de santé, sur la sociologie de la santé, sur les méthodes d’observation, un stage de 8 jours est organisé. Il s’intitule : « stage de santé communautaire ». Pendant cette période, les étudiants se rendent en petits groupes dans des quartiers de Nancy ou de la banlieue. Ils élaborent un diagnostic de santé communautaire : les étudiants rencontrent la population, les structures, les professionnels de santé. La restitution se fait par groupe à l’école, en utilisant toute forme originale permettant de dynamiser la présentation du travail. Les étudiants s’approprient en général la démarche et découvrent quelquefois des problèmes méconnus dans la commune. Il est clair que tous ces travaux sont menés en accord avec les mairies concernées. Pour l’institut, cette démarche de santé s’inscrit dans une orientation du projet pédagogique : l’objectif est de faire des liens entre cette démarche de santé individuelle et collective et la démarche de soins mise en œuvre auprès des patients hospitalisés. En effet dans leur rencontre avec les personnes, les étudiants comprennent l’importance d’être à l’écoute de la population avant de mettre en œuvre une action de santé. Ils s’approprient ainsi le sens de la démarche de soins individuelle qui est centrée sur le patient. Elle nécessite d’apprendre à l’écouter, ne pas penser à sa place, et à s’interroger : que veut-il ? Que dit-il de sa maladie ? De ses désirs ? Il s’agit alors pour l’infirmière de ne pas imposer des conseils mais de tenir compte du mode de vie du patient, de ses possibilités... ; ce « transfert », ce lien nous a paru indispensable et pertinent pour valoriser ces travaux et ces 378 G. GÉRAULD-POINTEL réflexions et pour intégrer la santé dans la pratique infirmière. normative par les formateurs en présence des référents de stage. Ces travaux menés en 1 re année (Tableau I - programme 3) [3] nous ont permis d’évoluer et d’enrichir la formation avec le programme de 1992 (Tableau I - programme 4) [1]. Ces dispositifs de formation requièrent investissement, créativité, disponibilité de la part des formateurs. 2e Ces travaux permettent aux étudiants de comprendre l’importance de la collaboration entre les différents acteurs sur le terrain. Le ressenti des étudiants varie en fonction de leur propre conception de leur future profession et de leur ouverture d’esprit. phase Un module réparti sur les 3 années permet de mener une formation progressive et complète. Et ceci est en cohérence avec l’un des axes du projet pédagogique. L’étudiant doit être capable : – d’établir des liens entre l’homme, la santé et le contexte psychosocial, culturel ; – de participer à des actions de promotion de la santé dans une approche communautaire et/ou de santé publique. Trois étapes pédagogiques sont déterminées : En 1re année : apports et réflexion, outils de bases et réalisation en groupe d’une action de promotion de la santé ; stage N°1 : 3 semaines (crèches, écoles, quartiers, personnes âgées). En 2e année : apports théoriques sur la protection sociale. En 3e année : apports et échanges : évaluation en santé publique ; stage n° 2 : 3 semaines : réalisation d’une action de santé à partir de la « commande » d’une structure extra hospitalière ou hospitalière. Le but est de montrer qu’il est possible aussi de mener ce type de démarche auprès d’un groupe de patients. Les projets sont variés : accès aux soins, prévention du sida en milieu scolaire, qualité du sommeil à l’hôpital… Les étudiants doivent rédiger un projet. Ils le proposent aux référents de stage déterminés au préalable par les formateurs. Ces travaux présentés sous forme de posters font l’objet d’une évaluation Le bénéfice de la formation D’après une évaluation réalisée en 1997 [8] les étudiants sont davantage impliqués du fait d’une maturité professionnelle grandissante : ils comprennent mieux l’intérêt de cet enseignement, développent des méthodes de travail, savent faire des recherches documentaires et travailler en groupes. Cette approche en santé est réinvestie par les étudiants qui choisissent de réaliser un stage optionnel dans les pays en voie de développement. En revanche, nous n’avons pas d’étude pouvant argumenter de l’impact de cet enseignement sur leur pratique professionnelle. En effet, lors de leur première prise de fonction, les nouveaux infirmiers souhaitent pour la plupart réaliser des soins techniques, les maîtriser en milieu hospitalier. Ils perdent peut-être là une partie du sens de ces apports sauf si des travaux en équipe initiés par les cadres leur permettent de réinvestir ces concepts. Après plusieurs années d’expériences certains infirmiers intègrent d’autres structures : le milieu scolaire, l’entreprise, le milieu pénitentiaire avec la volonté de mettre en œuvre des projets de santé publique, de participer à des groupes de travail. Le bénéfice de la formation en santé publique peut s’observer dans des 379 LA SANTÉ PUBLIQUE ET LES FORMATIONS D’INFIRMIÈRES ET CADRES DE SANTÉ secteurs, tels que la pédiatrie, la rééducation, la gérontologie, la dialyse, la diabétologie, où la connaissance du milieu de vie, de l’environnement est incontournable pour réaliser des soins adaptés et efficaces. Néanmoins, le contexte actuel de pénurie budgétaire, d’absentéisme fait que les infirmiers concentrent leurs efforts sur les actes prioritaires de leur point de vue, faute de temps et de disponibilité. site… […] l’ingéniosité et les ressources diverses des professionnels […] pour permettre à la personne en souffrance d’évoluer vers un bien-être qui lui est propre, témoin de son harmonie personnelle, particulière et à nulle autre pareille » [6]. La diminution du temps de transmission entre les équipes freine la mise en commun d’informations ; la nécessaire réflexion permet une vision globale de la situation de chaque patient, il faudra que les soignants retrouvent d’autres modes de travail car « la santé néces- Autrefois infirmière responsable, puis monitrice ou surveillante, puis cadre infirmier et depuis 2001 cadre de santé, que recouvre cette fonction aujourd’hui ? Aucun texte ne précise clairement les missions du cadre de santé. La formation des cadres de santé Tableau II : La formation des cadres en santé publique de 1966 à nos jours. Année Objectifs Contenu Nbre heures Stage Évaluation 1966 22.08.66 certificat d’aptitude/surveillante ou monitrice Santé publique dans Non Néant le monde et en France précisé Fonctionnement des services de santé Néant 1975 (certificat cadre infirmier) 09.10.75 Soins inf hospitalier et extra hospitalier Place de l’éducation individuelle et collective Politique de santé Néant 1995 (diplôme cadre de santé) Acquérir une démarche interprofessionnelle et professionnelle des problèmes de santé Etre capable de concevoir, élaborer, mettre en œuvre et évaluer des démarches et projets de santé publique ; Appréhender l’organisation /sanitaire et social Concepts, principes de santé publique Démarches de santé publique Indicateurs de santé publique Les grands problèmes actuels de santé publique La politique en santé et ses moyens 30 90 h Néant Néant Epreuve écrite ou orale : Validation du module si note => à 10/20 380 G. GÉRAULD-POINTEL La fonction d’encadrement a suivi l’évolution des besoins des établissements de santé. Depuis la « surveillante », experte en soins infirmiers et gestionnaire, le cadre de santé actuel manifeste des compétences spécifiques en management et ou en pédagogie selon le lieu d’exercice (unités de soins, institut de formation, coordination de services de soins infirmiers à domicile, au Conseil Général dans le cadre de la politique gérontologique. Le cadre exerce ses fonctions à partir des orientations du projet d’établissement, du projet de soins et en regard de ses propres conceptions. Responsable de la qualité des soins paramédicaux de son unité ou secteur, il travaille avec les équipes sur leurs pratiques, leurs valeurs personnelles, les valeurs professionnelles communes indispensables pour optimiser les prestations auprès des patients. Leader, manager, stratège, il a ainsi des fonctions de gestion, d’animation, de conduite de projets et d’évaluation tout ceci dans le cadre du soin, de la santé. Actuellement le cadre ne peut plus être un expert dans tous les domaines de soins. Il peut être pertinent dans l’appropriation des concepts qui vont constituer les fondations de son management. Le cadre ayant la responsabilité de l’organisation des soins paramédicaux dans son unité, en collaboration avec l’équipe médicale, peut initier avec l’équipe soignante une démarche permettant de prendre en compte la personne dans toutes ses dimensions par exemple : mettre en place un projet prévoyant le retour à domicile de la personne dés son admission [5]. Ceci nécessite de connaître le patient, son environnement… ses ressources, afin de se mettre en relation avec les différents partenaires pour mener une action concertée. Ce travail se réalise dans certains services de pédiatrie, en rééducation, pour les personnes âgées et suppose un réel travail en complémentarité. Ainsi la formation apporte les connaissances, les réflexions et les moyens en vue de rassembler les équipes autour de projets de soins dans les unités ou secteurs. L’enseignement de la santé publique a été développé dans la formation cadre jusqu’en 1995. Un certificat cadre de santé publique était délivré dans certaines écoles de cadres en France. Il n’existe plus à ce jour. Néanmoins, en fonction des projets pédagogiques, un certain nombre d’écoles développait un enseignement plus conséquent. Ces programmes sont à mettre en lien avec l’exercice de la fonction cadre au fil des années. La grande majorité des cadres en formation était destinée à des fonctions hospitalières en services de soins ou en écoles paramédicales : il était obligatoire de posséder une expérience hospitalière pour suivre la formation jusqu’en 1995. L’évolution de la formation en santé est significative actuellement. Cependant, il n’existe toujours pas de stage formalisé mais un module spécifique de santé publique. La formation cadre accueille maintenant dans une même promotion des professions d’origine différente : infirmiers, manipulateurs radio, diététiciennes, masseurs kinésithérapeute, ergothérapeutes… L’expérience que nous développerons en IFCS se situe dans ce contexte tenant compte des formations initiales et de l’expérience professionnelle. Travailler dans un même objectif avec des compétences complémentaires est une richesse et une possibilité de maintenir la personne en santé. Ces éléments sont déterminants pour LA SANTÉ PUBLIQUE ET LES FORMATIONS D’INFIRMIÈRES ET CADRES DE SANTÉ apprendre à aborder les concepts de santé publique sachant que tous les étudiants ont suivi une formation initiale différente. Nous présentons de façon plus détaillée la formation actuelle (tableau II). Dans les années antérieures, le nombre d’heures imparti permettait essentiellement un enseignement didactique. Nous avons conçu ce module en partenariat avec un autre IFCS de notre région et en collaboration avec l’Ecole de Santé Publique de la faculté de médecine de l’université de Nancy 1 : le partenariat entre les deux IFCS implique un enseignement commun et la mise en œuvre de travaux de recherche nécessite de constituer des groupes composés d’étudiants des deux instituts. Les objectifs sont de : – Concevoir, élaborer, mettre en œuvre et évaluer des démarches et projets de santé publique. – Intégrer le concept de santé. – Discerner les possibilités d’introduire la démarche de santé publique dans l’enseignement et dans les prestations de santé. L’enseignement, en lien avec les objectifs, comporte des cours, des travaux dirigés et un stage de 3 jours avec comme objectif prioritaire : « réaliser une démarche diagnostique de santé publique auprès d’une population ». Deux catégories de population sont retenues « précarité et santé », « santé des enfants et adolescents ». Les étudiants, répartis en sous groupes, réalisent l’étude de la population pendant les 3 jours sous forme d’observation et d’entretiens dans différentes structures accueillant cette population cible. Ils élaborent la démarche de santé publique. Ces travaux font l’objet de l’évaluation du module en présence d’un for- 381 mateur de chaque institut et de l’Ecole de Santé publique. Pour les élèves l’acquisition de la méthodologie, la compréhension du concept santé et de la démarche de santé, la prise de conscience de la nécessité d’interroger les usagers (notion de besoins, et moyens mis en œuvre) constituent les points forts de la formation. En revanche, le partage enrichissant d’un travail de recherche mené avec des étudiants d’un autre institut nécessite une adaptation de part et d’autre. Les élèves regrettent le faible temps imparti à l’étude qui n’a pour prétention que de servir de support pour l’appropriation de la démarche. Enjeux Les situations concrètes d’apprentissage retenues en IFSI ou en IFCS expérimentent le travail en pluridisciplinarité, le fait vivre et en démontre tout l’intérêt. Ceci devrait aider au décloisonnement entre les professionnels de santé : les premiers cadres issus du dernier programme, marquant une prise en compte effective de la santé publique, ont pris leur fonction en 1996. Nous pouvons estimer que les effets de ces formations seront perceptibles dans les différents secteurs d’activité à condition que l’environnement sanitaire et institutionnel leur permette cette évolution. Il est évident qu’une professionnelle ne peut à elle seule déployer une démarche de santé. Nous pouvons nous interroger sur les effets du rapport du Professeur Berland [7] … qui propose un transfert de compétences médicales vers les paramédicaux en créant notamment des infirmières cliniciennes spécialistes. Ce qui est nouveau dans ce rapport c’est de créer des infirmières spécialistes en santé primaire, en diabétologie pour la partie 382 G. GÉRAULD-POINTEL éducation. Mais n’allons-nous pas créer de nouveaux cloisonnements en spécialisant une partie de la profession ? Par ailleurs, les transformations du système de santé nous interrogent et invitent à une remise en question des pratiques hospitalières qui ne pourront plus se dispenser de l’écoute du patient, de sa famille, de la connaissance de son environnement : de sa participation active à sa propre santé. Ceci nous renvoie au décret relatif aux droits des patients, à la réorganisation des établissements « hôpital 2007 » et à la mise en place progressive des réseaux. Ces évolutions pourraient être une opportunité pour une reconnaissance réelle de la place de la santé publique dans les pratiques professionnelles et donc dans les formations. Ainsi le cadre de santé va devoir gérer ces complexités, travailler en transdisciplinarité et considérer le patient comme partenaire. Mais quelle stratégie mettre en place avec les équipes soignantes, médicales, sociales ? L’ouverture et le décloisonnement souhaités dans la formation cadre peuvent réellement participer à la collaboration avec les autres acteurs de santé à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de sa propre structure, car : « une pratique soignante de qualité est celle qui prend du sens dans la situation de vie de la personne soignée et qui a pour perspective le déploiement de la santé pour elle et pour son entourage. Elle relève d’une attention particulière aux personnes et est animée par le souci du respect de celles-ci. Elle procède de la mise en œuvre cohérente et complémentaire des ressources diverses dont dispose une équipe de professionnels et témoigne des talents de ceux-ci. Elle s’inscrit dans un contexte politique, économique et organisationnel aux orientations, moyens et limites pertinents et clairement identifiés ”. BIBLIOGRAPHIE 1. Arrêté du 23 mars 1992 modifié relatif au programme des études conduisant au diplôme d’État d’infirmier. 2. Décret n° 72-818 du 5 septembre 1972 relatif aux études préparatoires et aux épreuves du diplôme d’État. 3. Décret n° 79-300 du 12 avril 1979 relatif aux études préparatoires au diplôme d’État d’infirmier. 4. Décret n°2002- 194 du 15 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier. 5. Eid Said A. Charte du meilleur moment de sortie des établissements d’hospitalisation - élaboration d’un moyen d’aide à la décision après une hospitalisation en service de court séjour. (thèse de Doctorat en Médecine) Nancy : Université Henri-Poincaré, Faculté de Médecine, 1999 : 179 p. 6. Hesbeen W. La qualité du soin infirmier 1998 Ed Masson. 7. Rapport Pr. Berland. La coopération des professions de santé : le transfert de tâches et de compétences. Octobre 2003. 8. Roukayatou K. Evaluation de l’enseignement du module santé publique et communautaire à l’IFSI de Brabois (mémoire de DESS « Promotion de la santé et développement social », École de santé publique, Nancy 1) Nancy : Université Raymond-Poincaré, 1997.