La santé publique et les formations d`infirmières et cadres de santé

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PRATIQUES
Santé publique 2004, volume 16, no 2, pp. 373-382
La santé publique
et les formations d’infirmières
et cadres de santé
Public health and training for nurses
and senior level management
G. Gérauld-Pointel
(1)
Résumé : L’enseignement de la santé publique s’est développé progressivement dans
les formations infirmière et cadre, en lien avec l’évolution de ces professions et les
besoins de la population, pour occuper aujourd’hui une place identifiable dans les
programmes .
Sa dynamique est liée aux projets pédagogiques des instituts. Mais si les formations
s’efforcent de développer avec pertinence cette dimension comme partie intégrante
des fonctions des soignants, la santé publique ,dans l’exercice professionnel, reste
dépendante des objectifs institutionnels et des orientations économiques et
politiques.
Summary : The teaching of public health has progressively developed within the area
of nursing and senior management training, in line with the development of these
professions and the population's needs, in order to hold an identifiable place in today's
programmes. Its dynamic is closely linked to the educational projects of various
institutes. But if training is strengthened to develop this pertinent and significant
dimension as an integral part of care providers' functions, then public health as a
professional practice remains dependant upon institutional objectives and political and
economic trends.
Mots clés : concept santé - prise en charge holistique - évolution pédagogique - comportements professionnels - enjeux.
Key words : health concept - holistic care - educational development Professional behaviour the stakes.
(1) Directrice de l’Institut de Formation des Cadres de Santé (IFCS), CHU de Nancy – 54500
Vandœuvre-lès-Nancy.
Tiré à part : G. Gérauld-Pointel
Réception : 12/01/2004 - Acceptation : 29/04/2004
374
G. GÉRAULD-POINTEL
D
«
écouverte de l’être humain dans
son environnement […] influence de
l’environnement sur l’individu […] restaurer la santé d’une personne ou d’un
groupe social […] approche interdisciplinaire »… tels sont les termes retrouvés à plusieurs reprises dans les
objectifs introductifs des programmes
de formation infirmiers et cadres
depuis les années 1970. Peu à peu,
les concepts sous-jacents à ces
objectifs ont été intégrés dans les formations laissant la place à une réelle
formation en la matière.
Quelle place, quel enrichissement
pouvons-nous observer dans la pratique professionnelle ? Ce questionnement est à confronter à l’évolution de
l’exercice professionnel, aux textes
qui le régissent, et aux évolutions des
besoins : des patients, de la population, des établissements de santé, des
politiques de santé. Ces éléments et
l’analyse des textes relatifs aux programmes de formation clarifient la
reconnaissance progressive de la
santé publique dans les formations.
Comment les écoles ou instituts
ont-ils décliné ces objectifs dans leurs
projets pédagogiques respectifs ?
Nous nous appuierons sur l’exemple
d’un institut de formation en soins
infirmiers (IFSI) et un IFCS dont nous
avons successivement assuré la
direction. Nous nous interrogerons sur
l’impact de ces formations sur les étudiants, sur leurs pratiques professionnelles et les enjeux perceptibles dans
le contexte sanitaire actuel. Nous analyserons respectivement la formation
infirmière puis la formation cadre.
L’exercice professionnel
infirmier
L’approche de la santé dans la formation est à considérer en regard de
la conception des soins. Dans les
années 1970-1980 les infirmières réalisent des soins techniques requis par
le développement des techniques
médicales évoluant peu à peu vers
une conception globale de la personne soignée. Celle-ci demande,
certes, à être soignée de sa maladie,
mais tout en recouvrant par ailleurs un
bien être total dans son mode de vie et
son environnement.
Les rencontres professionnelles,
l’OMS, les recommandations internationales, les différentes théories relatives à la conception des soins (anglosaxonnes notamment) ont favorisé ce
retour au sens du soin. Pour la profession infirmière, les accords européens
signés à Strasbourg le 25 Octobre
1967 ont participé à cette évolution en
précisant que l’infirmière : « observe
les situations ou conditions physiques
et affectives qui exercent un effet
important sur la santé dispense des
soins infirmiers […] compte tenu des
besoins physiques, spirituels du
malade en milieu hospitalier, au foyer ;
à l’école, au lieu de travail ».
En 1973 : le Comité International
des Infirmiers à Mexico a déterminé
4 axes d’exercice infirmier :
1. promouvoir la santé,
2. prévenir la maladie,
3. restaurer la santé,
4. soulager les souffrances.
En France, la loi du 31 mai 1978,
remplace la loi de 1946 et définit la
profession d’infirmière en stipulant :
« l’infirmier ou l’infirmière participe à
différentes actions, notamment en
matière de prévention, d’éducation de
la santé, de formation ou d’encadrement ». Le décret d’actes professionnels précise dans l’article 1 la participation de l’infirmière à des actions de
prévention : « l’exercice de la profession d’infirmier comporte l’analyse,
LA SANTÉ PUBLIQUE ET LES FORMATIONS D’INFIRMIÈRES
ET CADRES DE SANTÉ
l’organisation, la réalisation de soins
infirmiers (…) la contribution au recueil
de données cliniques et épidémiologiques et la participation à des actions
de prévention, de dépistage, de formation et d’éducation à la santé ».
Actuellement cette vision holistique de
la personne se trouve renforcée dans
le décret du 4 Mars 2002 relatif aux
droits des patients en permettant à
ceux-ci d’être reconnus acteurs de
leur santé.
Cette approche qui ne considère
plus uniquement la maladie a été
déterminante pour intégrer le concept
de santé dans la formation : être en
santé ne signifiait plus ne plus avoir de
maladie mais avoir les moyens de
vivre en équilibre avec un handicap,
une maladie chronique, en s’appuyant
sur ses ressources personnelles et
environnementales. « il convient de ne
pas aborder la personne soignée uniquement comme un être de besoins
car ses ressources sont là et leur
mobilisation constitue un levier de
changement puissant dans l’aide
apportée au déploiement de la santé ».
Il s’agit de répondre aux besoins de
santé en prenant en compte les composantes de l’être humain (biologique,
psycho social, spirituel) dans un environnement donné. (La prise en charge
des patients atteints du sida a bien
démontré la nécessité de cette
approche que ce soit dans le domaine
curatif ou dans le domaine préventif). Il
a été indispensable alors de connaître
le mode de vie, la culture, l’environnement des personnes pour apporter les
réponses appropriées.
Ainsi, l’infirmier réalise selon son
secteur d’activité, des soins techniques, des soins relationnels, des
démarches préventives et éducatives
en tenant compte de la spécificité de
chaque personne ou groupe. Pour ce
faire, il est nécessaire de rester en
veille par rapport aux orientations
375
nationales en matière de santé
publique ainsi qu’aux plans régionaux
de santé (PRS). Cette approche
humaniste nécessite des changements individuels de comportements
importants pour les professionnels
d’autant plus que les conditions
d’exercice ne sont pas optimales pour
la réaliser.
La santé publique dans
la formation des infirmières
Depuis septembre 1992 (Tableau I programme 4) [1], la santé publique
dispose d’un module à part entière, il
s’agit d’un module transverse, c’està-dire qu’il est réparti sur les 3 années
de formation ; de plus des évaluations
cliniques peuvent être organisées au
cours des 3 ans portant sur la présentation de démarche de santé publique
et des actions de santé ; Il faut préciser que cette évaluation n’est pas obligatoire en santé publique mais possible en fonction des objectifs de
l’institut. Ce programme est toujours
en vigueur à ce jour.
Pour illustrer la mise en œuvre de
l’enseignement de la santé publique
en formation infirmière, nous considérerons un IFSI qui a évolué d’une
capacité de 55 élèves en 1978, date
de son ouverture à 65 étudiants pendant la période que nous décrirons.
Rappelons que chaque IFSI établit un
projet pédagogique qui détermine les
orientations majeures de la formation
dans lesquelles le programme va
s’inscrire. Nous présenterons les
expériences poursuivies en 2 phases :
soit de 1978 à 1992 et après 1992.
1re phase
Dès l’ouverture de l’école en 1978
(Tableau I - programme 2) [2] conformément aux options de l’école, en
collaboration avec un professeur de
santé publique, nous avons abordé
année
Décret du
05.09.72
Décret du
12.04.79
Décret du
23.03.92
Programme
(2)
(3)
(4)
37 mois
33 mois
28 mois
Durées
Objectifs
• Répondre aux besoins de santé d’un
individu ou d’un groupe dans le domaine
préventif, curatif, de réadaptation
ou de réhabilitation
Planifier les soins infirmiers…notamment
en matière de prévention et d’éducation
pour la santé individuelle et collective
• Dans chaque module : épidémiologie,
prévention, éducation…..
Identifier les besoins de santé des personnes
et des groupes
Collaborer avec autres professionnels
Contribuer au maintien ou à la restauration
de la santé
Etude de l’homme dans son contexte
habituel de vie
Infirmière : éducatrice de santé
Tableau I : La formation infirmière de 1972 à ce jour.
Module spécifique
Concept santé
Les milieux de vie
Habitat
Travail
Alimentation
Etat sanitaire
de la France
Notions groupes
La santé, influence
de l’environnement
Santé et habitat,
Epidémiologie.. ;
les grandes
endémies
Contenus
Non
déterminé
80 h
100 h
18 h
20 h
Nb heures
2 stages
de
3 semaines
Non
précisé
néant
Stage
Evaluation écrite +
Evaluation clinique :
démarche de santé
pub.
néant
néant
Évaluation
376
G. GÉRAULD-POINTEL
LA SANTÉ PUBLIQUE ET LES FORMATIONS D’INFIRMIÈRES
ET CADRES DE SANTÉ
l’enseignement par un travail sur
l’étude de l’homme dans son milieu en
privilégiant l’axe santé communautaire.
Les autres orientations de l’école
sont :
– le travail en collaboration continue
avec l’école de Santé Publique de la
faculté de Médecine de Nancy 1 ;
– la mise en situations des étudiants par des stages et enquêtes ;
– l’utilisation de tous les outils et
méthodes dynamiques de restitution ;
– le travail en groupes ;
– la participation des partenaires
des lieux d’accueil de stagiaires.
Compte tenu du temps limité
(Tableau I - programme 2) [2], nous
avons retenu l’objectif suivant : déterminer les besoins de santé des personnes à différents âges de la vie et
dans des catégories socio professionnelles différentes.
Des enquêtes portent sur l’étude
des besoins des personnes et les
moyens mis en œuvre pour répondre :
structures, professionnels…
La restitution est orale avec des
supports : panneaux, moyens audiovisuels… Le débat centré sur la question suivante : les structures répondent-elles aux besoins ?
Ces travaux sont complétés par des
notions d’épidémiologie, des visites
dans des institutions sanitaires et
sociales.
À partir de 1980, l’allongement de la
formation (Tableau I - programme 3)
[3] nous permet de conforter nos
objectifs.
Méthodologie
Les objectifs sont de découvrir l’influence de l’environnement sur le
développement de l’être humain et
377
déterminer les moyens de promouvoir
la santé.
Après des enseignements sur les
concepts de santé, sur la sociologie
de la santé, sur les méthodes d’observation, un stage de 8 jours est organisé. Il s’intitule : « stage de santé communautaire ».
Pendant cette période, les étudiants
se rendent en petits groupes dans des
quartiers de Nancy ou de la banlieue.
Ils élaborent un diagnostic de santé
communautaire : les étudiants rencontrent la population, les structures, les
professionnels de santé. La restitution
se fait par groupe à l’école, en utilisant
toute forme originale permettant de
dynamiser la présentation du travail.
Les étudiants s’approprient en
général la démarche et découvrent
quelquefois des problèmes méconnus
dans la commune. Il est clair que tous
ces travaux sont menés en accord
avec les mairies concernées.
Pour l’institut, cette démarche de
santé s’inscrit dans une orientation du
projet pédagogique : l’objectif est de
faire des liens entre cette démarche
de santé individuelle et collective et la
démarche de soins mise en œuvre
auprès des patients hospitalisés. En
effet dans leur rencontre avec les personnes, les étudiants comprennent
l’importance d’être à l’écoute de la
population avant de mettre en œuvre
une action de santé. Ils s’approprient
ainsi le sens de la démarche de soins
individuelle qui est centrée sur le
patient. Elle nécessite d’apprendre à
l’écouter, ne pas penser à sa place, et
à s’interroger : que veut-il ? Que dit-il
de sa maladie ? De ses désirs ? Il
s’agit alors pour l’infirmière de ne pas
imposer des conseils mais de tenir
compte du mode de vie du patient, de
ses possibilités... ; ce « transfert », ce
lien nous a paru indispensable et pertinent pour valoriser ces travaux et ces
378
G. GÉRAULD-POINTEL
réflexions et pour intégrer la santé
dans la pratique infirmière.
normative par les formateurs en présence des référents de stage.
Ces travaux menés en 1 re année
(Tableau I - programme 3) [3] nous ont
permis d’évoluer et d’enrichir la formation avec le programme de 1992
(Tableau I - programme 4) [1].
Ces dispositifs de formation requièrent investissement, créativité, disponibilité de la part des formateurs.
2e
Ces travaux permettent aux étudiants de comprendre l’importance de
la collaboration entre les différents
acteurs sur le terrain. Le ressenti des
étudiants varie en fonction de leur
propre conception de leur future profession et de leur ouverture d’esprit.
phase
Un module réparti sur les 3 années
permet de mener une formation progressive et complète. Et ceci est en
cohérence avec l’un des axes du projet pédagogique. L’étudiant doit être
capable :
– d’établir des liens entre l’homme,
la santé et le contexte psychosocial,
culturel ;
– de participer à des actions de
promotion de la santé dans une
approche communautaire et/ou de
santé publique.
Trois étapes pédagogiques sont
déterminées :
En 1re année : apports et réflexion,
outils de bases et réalisation en groupe
d’une action de promotion de la santé ;
stage N°1 : 3 semaines (crèches,
écoles, quartiers, personnes âgées).
En 2e année : apports théoriques sur
la protection sociale.
En 3e année : apports et échanges :
évaluation en santé publique ; stage
n° 2 : 3 semaines : réalisation d’une
action de santé à partir de la « commande » d’une structure extra hospitalière ou hospitalière. Le but est de
montrer qu’il est possible aussi de
mener ce type de démarche auprès
d’un groupe de patients. Les projets
sont variés : accès aux soins, prévention du sida en milieu scolaire, qualité
du sommeil à l’hôpital… Les étudiants
doivent rédiger un projet. Ils le proposent aux référents de stage déterminés au préalable par les formateurs.
Ces travaux présentés sous forme de
posters font l’objet d’une évaluation
Le bénéfice de la formation
D’après une évaluation réalisée en
1997 [8] les étudiants sont davantage
impliqués du fait d’une maturité professionnelle grandissante : ils comprennent mieux l’intérêt de cet enseignement, développent des méthodes de
travail, savent faire des recherches
documentaires et travailler en groupes.
Cette approche en santé est réinvestie par les étudiants qui choisissent
de réaliser un stage optionnel dans les
pays en voie de développement. En
revanche, nous n’avons pas d’étude
pouvant argumenter de l’impact de
cet enseignement sur leur pratique
professionnelle. En effet, lors de leur
première prise de fonction, les nouveaux infirmiers souhaitent pour la
plupart réaliser des soins techniques,
les maîtriser en milieu hospitalier. Ils
perdent peut-être là une partie du
sens de ces apports sauf si des travaux en équipe initiés par les cadres
leur permettent de réinvestir ces
concepts. Après plusieurs années
d’expériences certains infirmiers intègrent d’autres structures : le milieu
scolaire, l’entreprise, le milieu pénitentiaire avec la volonté de mettre en
œuvre des projets de santé publique,
de participer à des groupes de travail.
Le bénéfice de la formation en santé
publique peut s’observer dans des
379
LA SANTÉ PUBLIQUE ET LES FORMATIONS D’INFIRMIÈRES
ET CADRES DE SANTÉ
secteurs, tels que la pédiatrie, la
rééducation, la gérontologie, la dialyse, la diabétologie, où la connaissance du milieu de vie, de l’environnement est incontournable pour réaliser
des soins adaptés et efficaces. Néanmoins, le contexte actuel de pénurie
budgétaire, d’absentéisme fait que les
infirmiers concentrent leurs efforts sur
les actes prioritaires de leur point de
vue, faute de temps et de disponibilité.
site… […] l’ingéniosité et les ressources diverses des professionnels
[…] pour permettre à la personne en
souffrance d’évoluer vers un bien-être
qui lui est propre, témoin de son harmonie personnelle, particulière et à
nulle autre pareille » [6].
La diminution du temps de transmission entre les équipes freine la mise en
commun d’informations ; la nécessaire
réflexion permet une vision globale de
la situation de chaque patient, il faudra
que les soignants retrouvent d’autres
modes de travail car « la santé néces-
Autrefois infirmière responsable,
puis monitrice ou surveillante, puis
cadre infirmier et depuis 2001 cadre
de santé, que recouvre cette fonction
aujourd’hui ? Aucun texte ne précise
clairement les missions du cadre de
santé.
La formation des cadres
de santé
Tableau II : La formation des cadres en santé publique de 1966 à nos jours.
Année
Objectifs
Contenu
Nbre
heures
Stage Évaluation
1966
22.08.66
certificat
d’aptitude/surveillante
ou monitrice
Santé publique dans
Non
Néant
le monde et en France précisé
Fonctionnement
des services de santé
Néant
1975
(certificat
cadre infirmier)
09.10.75
Soins inf hospitalier
et extra hospitalier
Place de l’éducation
individuelle
et collective
Politique de santé
Néant
1995
(diplôme
cadre de santé)
Acquérir
une démarche
interprofessionnelle
et professionnelle des
problèmes de santé
Etre capable de
concevoir, élaborer,
mettre en œuvre
et évaluer
des démarches
et projets
de santé publique ;
Appréhender
l’organisation
/sanitaire et social
Concepts, principes
de santé publique
Démarches de
santé publique
Indicateurs de santé
publique
Les grands problèmes
actuels de santé
publique
La politique en santé
et ses moyens
30
90 h
Néant
Néant Epreuve
écrite ou
orale :
Validation
du
module
si note =>
à 10/20
380
G. GÉRAULD-POINTEL
La fonction d’encadrement a suivi
l’évolution des besoins des établissements de santé. Depuis la « surveillante », experte en soins infirmiers
et gestionnaire, le cadre de santé
actuel manifeste des compétences
spécifiques en management et ou en
pédagogie selon le lieu d’exercice
(unités de soins, institut de formation,
coordination de services de soins infirmiers à domicile, au Conseil Général
dans le cadre de la politique gérontologique. Le cadre exerce ses fonctions
à partir des orientations du projet
d’établissement, du projet de soins et
en regard de ses propres conceptions. Responsable de la qualité des
soins paramédicaux de son unité ou
secteur, il travaille avec les équipes
sur leurs pratiques, leurs valeurs personnelles, les valeurs professionnelles
communes indispensables pour optimiser les prestations auprès des
patients. Leader, manager, stratège, il
a ainsi des fonctions de gestion, d’animation, de conduite de projets et
d’évaluation tout ceci dans le cadre du
soin, de la santé. Actuellement le
cadre ne peut plus être un expert dans
tous les domaines de soins. Il peut
être pertinent dans l’appropriation des
concepts qui vont constituer les fondations de son management.
Le cadre ayant la responsabilité de
l’organisation des soins paramédicaux
dans son unité, en collaboration avec
l’équipe médicale, peut initier avec
l’équipe soignante une démarche permettant de prendre en compte la personne dans toutes ses dimensions par
exemple : mettre en place un projet
prévoyant le retour à domicile de la
personne dés son admission [5]. Ceci
nécessite de connaître le patient, son
environnement… ses ressources, afin
de se mettre en relation avec les différents partenaires pour mener une
action concertée. Ce travail se réalise
dans certains services de pédiatrie, en
rééducation, pour les personnes
âgées et suppose un réel travail en
complémentarité.
Ainsi la formation apporte les
connaissances, les réflexions et les
moyens en vue de rassembler les
équipes autour de projets de soins
dans les unités ou secteurs.
L’enseignement de la santé publique a été développé dans la formation cadre jusqu’en 1995. Un certificat
cadre de santé publique était délivré
dans certaines écoles de cadres en
France. Il n’existe plus à ce jour.
Néanmoins, en fonction des projets
pédagogiques, un certain nombre
d’écoles développait un enseignement plus conséquent.
Ces programmes sont à mettre en
lien avec l’exercice de la fonction
cadre au fil des années. La grande
majorité des cadres en formation était
destinée à des fonctions hospitalières
en services de soins ou en écoles
paramédicales : il était obligatoire de
posséder une expérience hospitalière
pour suivre la formation jusqu’en
1995.
L’évolution de la formation en santé
est significative actuellement. Cependant, il n’existe toujours pas de stage
formalisé mais un module spécifique
de santé publique.
La formation cadre accueille maintenant dans une même promotion des
professions d’origine différente : infirmiers, manipulateurs radio, diététiciennes, masseurs kinésithérapeute,
ergothérapeutes… L’expérience que
nous développerons en IFCS se situe
dans ce contexte tenant compte des
formations initiales et de l’expérience
professionnelle.
Travailler dans un même objectif
avec des compétences complémentaires est une richesse et une possibilité de maintenir la personne en santé.
Ces éléments sont déterminants pour
LA SANTÉ PUBLIQUE ET LES FORMATIONS D’INFIRMIÈRES
ET CADRES DE SANTÉ
apprendre à aborder les concepts de
santé publique sachant que tous les
étudiants ont suivi une formation initiale différente.
Nous présentons de façon plus détaillée la formation actuelle (tableau II).
Dans les années antérieures, le
nombre d’heures imparti permettait
essentiellement un enseignement
didactique. Nous avons conçu ce
module en partenariat avec un autre
IFCS de notre région et en collaboration avec l’Ecole de Santé Publique de
la faculté de médecine de l’université
de Nancy 1 : le partenariat entre les
deux IFCS implique un enseignement
commun et la mise en œuvre de travaux de recherche nécessite de
constituer des groupes composés
d’étudiants des deux instituts.
Les objectifs sont de :
– Concevoir, élaborer, mettre en
œuvre et évaluer des démarches et
projets de santé publique.
– Intégrer le concept de santé.
– Discerner les possibilités d’introduire la démarche de santé publique
dans l’enseignement et dans les prestations de santé.
L’enseignement, en lien avec les
objectifs, comporte des cours, des
travaux dirigés et un stage de 3 jours
avec comme objectif prioritaire : « réaliser une démarche diagnostique de
santé publique auprès d’une population ». Deux catégories de population
sont retenues « précarité et santé »,
« santé des enfants et adolescents ».
Les étudiants, répartis en sous
groupes, réalisent l’étude de la population pendant les 3 jours sous forme
d’observation et d’entretiens dans différentes structures accueillant cette
population cible. Ils élaborent la
démarche de santé publique.
Ces travaux font l’objet de l’évaluation du module en présence d’un for-
381
mateur de chaque institut et de l’Ecole
de Santé publique.
Pour les élèves l’acquisition de la
méthodologie, la compréhension du
concept santé et de la démarche de
santé, la prise de conscience de la
nécessité d’interroger les usagers
(notion de besoins, et moyens mis en
œuvre) constituent les points forts de
la formation. En revanche, le partage
enrichissant d’un travail de recherche
mené avec des étudiants d’un autre
institut nécessite une adaptation de
part et d’autre. Les élèves regrettent le
faible temps imparti à l’étude qui n’a
pour prétention que de servir de
support pour l’appropriation de la
démarche.
Enjeux
Les situations concrètes d’apprentissage retenues en IFSI ou en IFCS
expérimentent le travail en pluridisciplinarité, le fait vivre et en démontre
tout l’intérêt. Ceci devrait aider au
décloisonnement entre les professionnels de santé : les premiers cadres
issus du dernier programme, marquant une prise en compte effective
de la santé publique, ont pris leur
fonction en 1996. Nous pouvons estimer que les effets de ces formations
seront perceptibles dans les différents
secteurs d’activité à condition que
l’environnement sanitaire et institutionnel leur permette cette évolution. Il
est évident qu’une professionnelle ne
peut à elle seule déployer une
démarche de santé. Nous pouvons
nous interroger sur les effets du rapport du Professeur Berland [7] … qui
propose un transfert de compétences
médicales vers les paramédicaux en
créant notamment des infirmières cliniciennes spécialistes. Ce qui est nouveau dans ce rapport c’est de créer
des infirmières spécialistes en santé primaire, en diabétologie pour la partie
382
G. GÉRAULD-POINTEL
éducation. Mais n’allons-nous pas créer
de nouveaux cloisonnements en spécialisant une partie de la profession ?
Par ailleurs, les transformations du
système de santé nous interrogent et
invitent à une remise en question des
pratiques hospitalières qui ne pourront
plus se dispenser de l’écoute du patient,
de sa famille, de la connaissance de son
environnement : de sa participation
active à sa propre santé. Ceci nous renvoie au décret relatif aux droits des
patients, à la réorganisation des établissements « hôpital 2007 » et à la mise en
place progressive des réseaux.
Ces évolutions pourraient être une
opportunité pour une reconnaissance
réelle de la place de la santé publique
dans les pratiques professionnelles et
donc dans les formations.
Ainsi le cadre de santé va devoir
gérer ces complexités, travailler en
transdisciplinarité et considérer le
patient comme partenaire. Mais quelle
stratégie mettre en place avec les
équipes soignantes, médicales,
sociales ? L’ouverture et le décloisonnement souhaités dans la formation
cadre peuvent réellement participer à
la collaboration avec les autres
acteurs de santé à l’intérieur mais
aussi à l’extérieur de sa propre structure, car : « une pratique soignante de
qualité est celle qui prend du sens
dans la situation de vie de la personne
soignée et qui a pour perspective le
déploiement de la santé pour elle et
pour son entourage. Elle relève d’une
attention particulière aux personnes et
est animée par le souci du respect de
celles-ci. Elle procède de la mise en
œuvre cohérente et complémentaire
des ressources diverses dont dispose
une équipe de professionnels et
témoigne des talents de ceux-ci. Elle
s’inscrit dans un contexte politique,
économique et organisationnel aux
orientations, moyens et limites pertinents et clairement identifiés ”.
BIBLIOGRAPHIE
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d’un moyen d’aide à la décision après une hospitalisation en service de court séjour. (thèse de Doctorat en Médecine) Nancy : Université Henri-Poincaré, Faculté de Médecine, 1999 : 179 p.
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publique, Nancy 1) Nancy : Université Raymond-Poincaré, 1997.
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