Échos des congrès Vie et stress de la cellule bêta-pancréatique Congrès de la Société francophone du diabète Nice, 20-23 mars 2012 Bertrand Duvillié* © dimension internet Le congrès de la Société francophone du diabète s’est tenu à Nice, sous la présidence du Pr Alexandre Fredenrich. Environ 4 500 participants s’y sont retrouvés afin de présenter et de discuter les dernières données sur la prise en charge et l’éducation thérapeutique des patients, ainsi que leur suivi quotidien. Ce congrès a également fait état des derniers progrès en matière de recherche fondamentale. En effet, des sujets concernant la biologie de la cellule β pancréatique, les mécanismes qui gouvernent la sécrétion d’insuline et de glucagon, et les possibilités de remplacement des cellules β ont été traités. Glucagon : un acteur souvent négligé dans le contrôle glycémique * U845 Inserm, faculté de médecine Neker-Enfants-malades, Paris. 130 Le Pr Pierre Lefebvre (Liège, Belgique) a présenté un symposium qui visait à définir la place du glucagon dans le contrôle glycémique et dans le diabète. Le glucagon, hormone hyperglycémiante, a été découvert par Piero Foa. Ses effets sur le foie sont les suivants : il augmente la glycogénolyse et la gluconéogenèse, et diminue la glycolyse et la glycogenèse. Le glucagon est responsable de 75 % de la production hépatique de glucose. Chez un sujet sain, le glucose entraîne une augmentation de la sécrétion d’insuline et une baisse de la sécrétion de glucagon. En revanche, chez les patients atteints de diabète de type 2 (DT2), il induit une augmentation modeste de la sécrétion d’insuline, associée à une nette augmentation de la sécrétion de glucagon. L’équilibre entre la sécrétion d’insuline et celle de glucagon n’est donc plus respecté chez le patient diabétique, et cela conduit à une hyperglycémie. Lorsque des îlots de Langerhans humains sont cultivés en présence de concentrations croissantes de glucose, on peut mesurer des sécrétions d’insuline qui oscillent. Les sécrétions de glucagon oscillent également, mais dans un sens opposé à celui de l’insuline : quand l’insuline augmente, le glucagon baisse, et vice versa. En résumé, les sécrétions d’insu- line et de glucagon sont pulsatiles et antiparallèles. Des expériences sur l’animal ont confirmé le rôle important du glucagon dans l’apparition de l’hyperglycémie. Lorsqu’on injecte de l’alloxane – un agent pharmacologique qui détruit les cellules β – à des porcs, les niveaux d’insuline s’effondrent, mais, de façon surprenante, ceux de glucagon restent trop élevés et participent à l’hyperglycémie. De façon intéressante, les patients DT2 ont des pulses d’insuline qui diminuent et des pulses de glucagon qui augmentent. En fait, l’association entre les pulses d’insuline et ceux de glucagon est perdue chez ces patients. Enfin, la preuve d’un rôle majeur du glucagon est apportée par les travaux de Unger et Cherrington. Ces auteurs ont généré des souris portant une mutation du récepteur au glucagon. La destruction totale des cellules β chez ces souris déficientes pour le récepteur au glucagon n’entraîne pas de diabète. Cela prouve que la déficience de signalisation par le glucagon protège ces souris d’une hyperglycémie. Le Pr Lefèbvre conclut donc que pendant des années, une théorie fondée sur l’“insulinocentrisme” a été développée. Pourtant, l’insuline ne serait que la partie émergée de l’iceberg, et nous avons désormais un grand nombre d’arguments en faveur d’un rôle majeur du glucagon dans le contrôle glycémique et dans l’apparition du diabète. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - nos 5-6 - mai-juin 2012 Vie et stress de la cellule bêta-pancréatique Effets du chlorure de zinc sur la survie des îlots de rat, face à des concentrations extrêmes de glucose (PO18) Une autre question majeure pour prévenir le diabète est la préservation des cellules β. Le laboratoire du Dr Jonas (Bruxelles, Belgique) s’intéresse aux effets de concentrations élevées de glucose sur les cellules des îlots de Langerhans. Son étudiante, J. Duprez, a présenté ses derniers travaux. La survie des îlots de rat en culture dépend de la concentration de glucose dans le milieu. Elle est optimale à 10 mmol/l de glucose, mais l’apoptose des cellules augmente lorsque la concentration de glucose est très basse (5 mmol/l) ou très élevée (30 mmol/l). L’addition de chlorure de zinc (ZnCl2) réduit l’apoptose de 50 % à 5 mmol/l de glucose, et de 75 % lorsque le milieu contient 30 mmol/l de glucose. On peut remarquer que le zinc réduit considérablement le stress oxydatif mitochondrial des cellules lorsque le milieu de culture contient des concentrations extrêmes de glucose. De plus, le ZnCl2 induit l’expression du gène de la métallothionéine 1 (MT1), un facteur de réponse au stress oxydant. En conclusion, ces données montrent que le ZnCl2 améliore la survie des cellules des îlots et réduit le stress oxydatif. Toutefois, les premières données de ces auteurs n’indiquent pas que la fonctionnalité des cellules β – sécrétion d’insuline – est améliorée en présence de ZnCl2. Ce point important devra donc être examiné plus en détail. Sécrétion de VEGF par les îlots de Langerhans : quel est l’effet du liraglutide (PO19) ? Le protocole d’Edmonton consiste à greffer des îlots chez des patients atteints de diabète de type 1 (DT1). Ces essais cliniques ont donné des résultats encourageants à court terme, mais pas à long terme. En effet, 1 an après la greffe, 90 % des patients étaient insulino-­indépendants et avaient une glycémie normale. Toutefois, 5 ans après la greffe, seuls 10 % des patients restaient normoglycémiques. L’un des éléments responsables de la diminution dans le temps de la survie et de la fonction du greffon pourrait être la vascularisation des îlots. Le Dr A. Langlois (Strasbourg, France) a évalué l’effet du liraglutide sur la physiologie des îlots de rat et sur la production de VEGF. A. Langlois a montré que le liraglutide stimule la sécrétion d’insuline et la production de VEGF par les îlots. Ces données suggèrent que le liraglutide pourrait être utilisé pour améliorer les greffes d’îlots chez l’homme. Néanmoins, des expériences menées in vivo sur l’animal sont nécessaires pour valider et préciser cette hypothèse avant de pouvoir envisager des applications cliniques. Architecture cellulaire des îlots pancréatiques humains : vers l’idée d’une organisation fonctionnelle Lors d’une présentation orale, le Dr D. Bosco a montré que l’architecture des îlots de Langerhans n’était pas seulement une affaire d’esthétique. Les îlots sont des organoïdes très vascularisés, qui contiennent des cellules endocrines reliées entre elles par des molécules d’adhésion et par une lame basale. L’architecture des îlots a d’abord été étudiée chez les rongeurs. On trouve chez le rat et chez la souris des cellules β en position centrale de l’îlot, et des cellules α en périphérie. Les îlots sont le siège d’un flux sanguin important, et les interactions entre les cellules α et β sont réalisées par une voie endocrine. Dans les îlots humains, les contacts intercellulaires hétérotypiques semblent prédominants. Ils favorisent la communication entre les cellules α et β. En effet, dans les îlots humains, les cellules α ne sont pas situées uniquement en périphérie des îlots. Les cellules β sont groupées à l’intérieur des îlots en sous-unités, elles-mêmes entourées de cellules α. Cette structure favorise le mélange et les interactions entre les cellules α et β. Il a été montré récemment que les cellules α produisent des protéines de la lame basale qui agissent sur la fonction des cellules β. Ces interactions cellulaires hétérotypiques sont nécessaires pour la sécrétion d’insuline. En effet, D. Bosco et al. ont montré que les cellules α produisent de la laminine 332, qui va participer à la formation de la lame basale. Les cellules β vont produire des intégrines α6β1 et α3β1, qui vont interagir avec la laminine 332. Lorsqu’on cultive des îlots dans une matrice cellulaire 804G, qui contient de la laminine 332, la sécrétion d’insuline est stimulée. En revanche, lorsque des anticorps anti-intégrine α6β1 ou antilaminine 332 sont ajoutés, la sécrétion d’insuline est réduite. D. Bosco et al. ont également souligné que l’architecture des îlots joue un rôle important sur le plan fonctionnel lorsque les îlots sont greffés. De façon générale, ce nouveau concept d’un rôle fonctionnel de l’architecture des îlots devra être mieux considéré à l’avenir dans un cadre thérapeutique, afin d’améliorer la greffe d’îlots chez les patients diabétiques. ■ Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - nos 5-6 - mai-juin 2012 131