12. Les plantes et l`eau - Agence de l`Eau Seine Normandie

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12. Les plantes et l’eau
Les plantes sont constituées de 60 à 90 % d’eau. Leur vie en dépend, toujours pour leur
physiologie, souvent pour leur biologie. L’évolution leur a permis de sortir de l’eau, puis de
s’adapter à tous les milieux terrestres, des plus secs aux plus humides.
1. L’eau physiologique
L’eau entre et circule dans la plante, elle peut aussi en sortir. Ces étapes sont
interdépendantes, chacune a un rôle important. Dans les cellules où sont présents les
chloroplastes, la première réaction de la photosynthèse est la photolyse de l’eau. Dans
toutes les cellules vivantes, les mitochondries permettent la respiration dont la dernière
réaction produit de l’eau.
a. Le transfert de l’eau dans la plante
1. Ce qui entre
Chez les plantes à racines-tiges-feuilles (les Cormophytes), l’eau entre par les racines
suivant la loi de l’osmose en fonction de la surface de contact des poils absorbants ou
des mycorhizes avec l’eau du sol.
L’eau passe du milieu où elle est relativement plus abondante, c’est-à-dire le milieu
le moins concentré en substances dissoutes, vers le milieu où elle est relativement
moins abondante, c’est-à-dire le milieu le plus concentré en substances dissoutes.
La grande diversité des qualités physiques et chimiques des sols influence très
fortement ce passage. Prenons deux cas extrêmes : le sable étant perméable
ne permettra pas aux plantes d’absorber l’eau très longtemps ; les sols argileux
retiennent bien l’eau, ce qui est favorable aux plantes, mais ils peuvent se saturer
et devenir imperméables et anoxiques ou s’assécher complètement et se craqueler.
2. Ce qui circule
Pour que l’eau circule dans la plante, il faut que les stomates (photo 1) soient ouverts
au niveau des feuilles, qu’il y ait donc transpiration. C’est un système de pompe,
l’eau est aspirée des racines vers les feuilles.
Cette eau et les sels minéraux dissous circulent dans les vaisseaux du bois ou
xylème : c’est la sève brute (photo 2). Après la photosynthèse, la sève élaborée
amenant les produits carbonés aux tissus circule en sens inverse dans les vaisseaux
du liber ou phloème.
L’eau est présente également dans les méats cellulaires et dans les lacunes aquifères
(photo 3).
Stomate au fond d’une crypte pilifère
Vaisseau de bois
Lacune aquifère
Lacune aérifère
Vaisseau de liber
1. Face inférieure d’une feuille
de laurier rose
2. Coupe transversale
d’une racine d’iris
Aérenchyme
3. Coupe transversale
de pétiole de nénuphar
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3. Ce qui sort
Il existe des barrières efficaces qui protègent la
plante contre la dessiccation, la plus superficielle
étant la cuticule très hydrophobe (photo 4).
La transpiration se fait par les stomates. Il existe
une régulation dépendant de la concentration en
C02, en relation avec le type métabolique, C 3 ou C 4
ou CAM (cf. ci-après). L’humidité de l’air influence
également l’ouverture des stomates. La « couche
limite », c’est-à-dire l’accumulation de vapeur
d’eau au contact même de la feuille, offre une
résistance à la sortie de l’eau. Le vent tend à
supprimer cette couche-limite, donc à favoriser
la transpiration (sauf adaptation au xérophytisme
comme la pilosité, voir photo 5).
4. Coupe transversale de laurier rose
5. Medicago marina
b. L’eau métabolique
1. La photosynthèse
Les végétaux verts sont les producteurs primaires utilisant le dioxyde de carbone
atmosphérique pour réaliser les substances carbonées utilisées dans la chaîne
trophique. Le CO2 pénètre par les stomates des feuilles et arrive jusqu’aux
chloroplastes des cellules.
La réaction globale est connue sous la forme :
12H2*O + 6CO2
C6H12O6 + 6*O2 + 6H2O
Le marquage radioactif de l’oxygène de l’eau permet de constater que celle-ci est
dissociée et est à l’origine de l’oxygène libéré.
Cette dissociation est la photolyse de l’eau. La lumière agit sur la chlorophylle,
l’oxygène est libéré, l’hydrogène est pris en charge par des transporteurs chimiques
et sera intégré avec le dioxyde de carbone dans une chaîne métabolique qui aboutira
à la formation du glucose puis de l’amidon. Cette intégration du CO2 se fait chez
la majorité des plantes sur un sucre à cinq carbones et aboutit à la formation de
deux acides à trois carbones, c’est une photosynthèse en C 3. Toutes les réactions
chimiques sont catalysées par des enzymes.
2. La respiration
Alors que la photosynthèse est liée à la présence de chlorophylle dans les
chloroplastes des végétaux verts, la respiration est nécessaire à la vie de toute
cellule eucaryote.
La réaction globale se présente ainsi :
C6H12O6 + 6*O2 + 6H2O
6CO2 + 12H2*O
Le marquage radioactif de l’oxygène montre que celui-ci se retrouve intégralement
dans l’eau formée.
Cette réaction se fait en trois étapes dans chaque cellule. La première étape se
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fait dans le hyaloplasme : c’est la glycolyse ; le glucose perd des H qui se fi xent sur
des transporteurs chimiques, il se forme un produit intermédiaire. Les deuxième
et troisième étapes se font dans les mitochondries : ce produit perd du CO2 qui
est libéré et des H qui sont fixés sur des transporteurs. La respiration se termine
par l’intervention de l’O2 qui provoque la libération de l’H2 des transporteurs avec,
simultanément, et formation de H2O et production importante d’ATP, molécule
énergétique utilisée par la cellule dans différentes fonctions.
c. L’eau et la biologie
1. Dissémination par l’eau des produits liés à la reproduction
Chez les Thallophytes, les zygotes et les spores sont disséminés par l’eau,
qu’ils soient mobiles (planozygotes, planospores) ou immobiles (aplanozygotes,
aplanospores). Ceci est vrai pour toutes les spores, celles issues de la méiose à
l’origine des gamétophytes et celles issues de mitoses à l’origine de multiplication
végétative.
Chez les Embryophytes, tels que Mousses et Fougères, les gamètes mâles fl agellés
(planogamètes) rejoignent les gamètes femelles (oosphères) par voie aquatique.
Chez les Angiospermes revenus à la vie aquatique, plantes hydrophiles, les fruits
sont transportés et dispersés par l’eau, c’est l’hydrochorie.
2. Intervention mécanique de l’eau
Quand l’air ambiant devient suffisamment sec,
l’évaporation de l’eau des cellules des anneaux
mécaniques des sporanges des Fougères (photo
6) et des sacs polliniques des Phanérogames
crée une traction qui provoque l’ouverture de ces
organes, ce qui libère les spores des unes et le
pollen des autres.
Anneau mécanique d’un sporange
Sporange ouvert
Quelques spores non libérées
L’équilibre hydrique de la plante est fonction
de nombreux facteurs afférant aux différents 6. Sporange de fougère
types de sol, aux caractéristiques des nombreux
climats et de leur variation au cours de l’année, aux stratégies d’adaptation de la
plante quand elles sont mises en place par l’évolution. L’eau est un facteur limitant
pour toutes les plantes à des degrés différents, le stress hydrique est plus ou moins
rapidement atteint.
2. L’environnement hydrique des plantes
Au cours de l’évolution, l’eau a été le seul milieu de vie des êtres vivants pendant
3,4 milliards d’années. Puis les premiers Embryophytes ont trouvé les solutions
nécessaires pour en sortir il y a 400 millions d’années. Ces végétaux ont ensuite
colonisé les écosystèmes les plus variés.
a. Les contraintes de la vie terrestre
Il a fallu pour la plante en milieu aérien gérer l’eau, la récupérer, la faire circuler,
limiter ou tolérer les pertes. Les racines sont liées à l’existence d’un appareil
vasculaire constitué de vaisseaux de bois véhiculant la sève brute et de vaisseaux de
liber véhiculant la sève élaborée.
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Le maintien des végétaux hors de l’eau nécessite des tissus de soutien dont le bois et le
sclérenchyme, la lignine étant la matière constitutive la plus efficace dans le port des
Cormophytes.
L’autre problème à résoudre est celui de la fécondation. Chez les Thallophytes, dans
l’eau, l’hydrogamie est de règle. Qu’ils soient mobiles ou non, les gamètes mâles et
parfois les gamètes femelles sont libérés et la fécondation se fait donc dans l’eau qui
reste le milieu de vie de l’œuf qui s’y développera sans autre protection. À partir de
leur sortie de l’eau, les Embryophytes évoluent en passant de l’hydrogamie, gamètes
mâles mobiles se déplaçant (chimiotactisme positif) vers les gamètes femelles fi xes,
à la siphonogamie, gamètes mâles non mobiles apportés jusqu’aux gamètes femelles
par le tube pollinique.
Dès leur sortie de l’eau, les végétaux
devaient
protéger
leurs
embryons
contre la dessiccation. Ils ont inventé
pour cela l’archégone (photo 7), c’est-àdire le gamétange femelle, protecteur
de l’oosphère (cellule sexuelle femelle)
puis de l’œuf après la fécondation et du
jeune embryon. Ces végétaux sont les
Archégoniates.
Embryophytes, Cormophytes, Archégoniates
recouvrent les mêmes végétaux, ceux qui
sont sortis de l’eau, même s’ils s’y sont
réadaptés.
Cette évolution aboutit à l’ovule qui devient 7. Archégones de mousse
la graine à téguments plus ou moins
imperméables, puis à l’ovaire qui devient le
fruit adapté à une dispersion hydrophile, anémophile ou zoophile. Les fruits charnus
gorgés d’eau et de sucre sont particulièrement attractifs pour les animaux qui les
repèrent très vite grâce à leur couleur. Ce groupe végétal terme actuellement abouti
de l’évolution est celui des Angiospermes.
b. Le xérophytisme
Un végétal qui vit en milieu sec est un xérophyte. L’aridité du milieu peut être due soit
au climat, soit au sol. L’exemple du Sahara vient immédiatement à l’esprit, de même
que l’Atacama au Chili.
Dans nos régions plus tempérées, c’est surtout le sol qui est en cause : dunes (photo 8),
cordons littoraux (photo 9), rochers granitiques (photo 10), falaises (photo 11), vases
salées (photo 12) par exemple. Le sel apporté par les embruns est un facteur de
dessèchement supplémentaire.
8. Dune de l’Amélie (33)
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9. Le sillon de Talbert (22)
10. Crithmum maritimum sur les
rochers de Plougrescant (22)
Les caractères adaptatifs qui se sont inscrits
dans l’évolution sont parfois observables sur le
végétal. Prenons l’exemple du cactus (photo 13) :
la tige peut faire des réserves d’eau, les feuilles
transformées en épines évitent à la plante une
trop grande perte d’eau par transpiration.
Il existe d’autres caractères morphologiques mais
aussi anatomiques et physiologiques.
Voici les différentes stratégies de résistance à la
sécheresse :
11. Falaise du Cap de La Hève (76)
• Les plantes ont acquis la faculté de se développer à
grande vitesse, c’est le cas des éphémérophytes des
déserts. Trois semaines suffisent de la germination
à la fructification.
• Il existe deux formes opposées de racines en
fonction de la présence de l’eau disponible. Les unes
sont pivotantes et peuvent s’enfoncer jusqu’aux
nappes phréatiques, à 40 m pour les acacias du
Sahara. Les autres sont traçantes dans toutes les
directions et occupent un espace superficiel
important permettant une très rapide absorption
de l’eau avant qu’elle ne s’infiltre rapidement dans le
sable, c’est le cas de l’oyat sur nos dunes littorales.
12. Estuaire du Jaudy (22)
• De nombreuses familles de plantes dites « grasses »
constituent des réserves d’eau (et non de lipides !).
Les plus connues sont les Cactacées des déserts
américains ; chez nous ce sont les Crassulacées
(photo 14) qui sont les plus représentatives. Notons
aussi Crithmum chez les Apiacées (photo 10),
Salicornia chez les Chénopodiacées (photo 12).
13. Cactus
• Les adaptations consistant à réduire les pertes d’eau
sont :
- morphologiques : elles concernent surtout les
feuilles dont la surface est minime voire nulle,
réduisant ainsi la transpiration.
Si elles sont normalement développées, elles
peuvent s’enrouler par temps sec.
On remarque que chez les Cactacées la
forme sub-hémisphérique à ovoïde est assez
commune, c’est en effet la sphère qui possède le
plus faible rapport Surface sur Volume, limitant
ainsi de façon optimale la transpiration.
14. Sedum reflexum sur falaise
calcaire
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- anatomiques : les feuilles peuvent avoir en surface
une cuticule de nature lipidique donc hydrophobe,
des stomates enfoncés dans des cryptes (photo
1), une pilosité dense (photo 5), un sclérenchyme
très développé (photo 15), d’où la consistance dure
voire piquante.
15. Eryngium
- physiologiques : il existe trois métabolismes photosynthétiques, C3, C4, CAM.
Par rapport à la photosynthèse en C3, dans celles en C4 et CAM l’acide en C3
est remplacé par un acide en C4. Le métabolisme C3 est le plus courant dans
nos régions, c’est le plus dispendieux en eau (cf. l’eau métabolique). C4 et CAM
permettent à la plante d’être plus économe. Cette économie est réalisée lors
de la pénétration de CO2. En C4 les réactions chimiques afférentes au CO2 sont
simultanées mais séparées dans l’espace foliaire. En CAM (Crassulacean Acid
Metabolism), ces réactions sont séparées dans le temps entre le jour et la nuit.
C’est le métabolisme le plus économe : en effet, l’absorption de CO2 par les
stomates se fait la nuit et donc la transpiration par la même voie est minime.
Cette photosynthèse CAM a été découverte dans la famille des Crassulacées. Elle
existe dans d’autres familles adaptées au xérophytisme comme les Cactacées.
La comparaison des quotients transpiratoires (Qt), c’est-à-dire la quantité d’eau
transpirée en g pour 1g de C incorporé dans la photosynthèse, donne les valeurs
suivantes pour les meilleures performances : en C3 Qt = 450, en C4 Qt = 250, en
CAM Qt = 20 (fixation nocturne de CO2).
Resituons ces plantes dans leur écosystème aride. En tant que producteurs, elles
sont à l’origine de la chaîne alimentaire et donc consommées par les herbivores. Si
elles sont crassulescentes, elles présentent un avantage supplémentaire pour ces
consommateurs primaires. Elles sont également à l’origine de leur besoin en eau.
Pour nombre d’entre elles, l’évolution ayant transformé les feuilles en épines, elle leur
a permis d’éviter la transpiration mais également fourni un moyen de défense limitant
la pression des herbivores.
c. Les hydrophytes
Il suffit d’un coup d’œil sur une mare pour se rendre compte de l’existence des ceintures
de végétation dépendant de la profondeur de l’eau. Il existe donc une transition
progressive entre les végétaux qui supportent un milieu mouillé, les hélophytes, et
ceux qui mènent une vie aquatique complète, les hydrophytes. Intéressons-nous à
ceux-ci en particulier.
Quelles sont les conditions écologiques ?
L’oxygène diffuse lentement dans l’eau, c’est un facteur limitant de la respiration
des rhizomes et des racines dans la vase anaérobie. Le dioxyde de carbone en faible
concentration et la diminution de l’intensité lumineuse avec la profondeur sont des
facteurs limitants de la photosynthèse.
L’évolution a répondu à ces facteurs en favorisant les plantes dont les mutations ont
permis la mise au point de stratégies adaptatives.
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Les racines ont un rôle d’ancrage, mais celui de
l’absorption de l’eau et des sels minéraux, en
particulier de HCO3- source de CO2, est assuré par
les feuilles immergées dont l’épiderme dépourvu de
cuticule est perméable. Ces feuilles sont laciniées,
parfois réduites aux nervures (photos 16 et 17) : cela
favorise le rapport Surface sur Volume et donc les
échanges avec le milieu.
16. Hottonia palustris
17. Utricularia sp.
18. Anemone fluitans
L’absence de stomates est liée à celle de la
transpiration : il n’y a donc pas d’aspiration de
la sève brute, les vaisseaux du bois ou xylème
sont remplacés par des lacunes aquifères (photo 3
« pétiole de Nénuphar ») contenant un milieu
interne équivalent au milieu externe dans lequel
baigne la plante. Les vaisseaux du liber ou phloème
sont présents et conduisent la sève élaborée des
feuilles vers tous les tissus. Les tissus de soutien,
en particulier le sclérenchyme, n’existent pas. La
souplesse de l’appareil végétatif des plantes adaptées
au courant des rivières est caractéristique de cette
absence (photo 18). Ces tissus sont remplacés par un
parenchyme aérifère ou aérenchyme (photo 3) dont la
particularité est la présence de nombreuses lacunes
contenant non pas de l’air mais une atmosphère
propre à la plante. En effet, cette atmosphère
s’enrichit le jour en O2 grâce à la photosynthèse, et
la nuit en CO2 grâce à la respiration. Chacune de ces
fonctions favorise ainsi l’autre en palliant la faible
diffusion de ces gaz dans l’eau. La circulation de
ces gaz est fonction de leur différence de pression
dans les différents organes. Il faut noter que cette
atmosphère interne permet la flottaison, la plante
est ainsi assurée d’un port vertical qui la rapproche
de la lumière.
Certains de ces hydrophytes ont une vie adaptée au
milieu aquatique et au milieu aérien. Ils naissent
dans l’eau (germination), ils poussent dans l’eau avec
toutes les caractéristiques décrites ci-dessus et ils
terminent leur croissance en surface avec des feuilles
flottantes, parfois un peu plus haut avec des feuilles
aériennes. Elles présentent alors une hétérophyllie
(photo 19) et des caractères en relation avec les deux
milieux de vie.
19. Ranunculus aquatilis
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Du point de vue biologique, la fl oraison est le plus souvent aérienne (photo 16 et photo
17 ), donc également la pollinisation. L’hydrochorie est la règle, les fruits fl ottent
grâce à leur aérenchyme, suivent le courant puis tombent au fond. La multiplication
végétative est importante par dissociation des rhizomes, par bouturage naturel, par
l’existence d’organes particuliers comme les turions ou hibernacles des Utriculaires.
Il existe une série évolutive appelée hydrosère dans les milieux aquatiques. Les mares,
par exemple, s’envasent, la profondeur diminue, en conséquence les associations
végétales se succèdent, les ceintures évoluent dans le temps et dans l’espace. D’autre
part, certaines plantes sont plus compétitives (multiplication végétative plus rapide) et
deviennent dominantes et envahissantes.
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